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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #1950-75 : auteurs et personnalites tag

Georg Lukacs et l'existentialisme

11 Juin 2025 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #1950-75 : Auteurs et personnalités, #La gauche, #Philosophie et philosophes

Les édition Delga ont donné la parole il y a deux ans à Victor Sarkis pour braquer les projecteurs sur le penseur marxiste Georges Lukacs (1885-1971) qui commence à intéresser la jeune génération.

Je lisais ce soir un compte rendu par le prof de lycée socialiste d'Angers Pierre Bonnel (1916,1963) dans la revue Critique de 1948, du livre de Lukacs contre l'existentialisme de Sartre. Cet ouvrage, issu des rencontres de Genève de 1946 face à Jaspers. Lukacs dénonçait dans l'existentialisme comme troisième voie entre capitalisme et communisme une idéologie bourgeoise spiritualiste qui prive les masses de leur voie d'émancipation. Relativiste, infiniment irrationnaliste, transformant en réalité universelle de la condition humaine ce qui n'est que le fruit du capitalisme, créant des fétiches comme le Néant, l'existentialisme enferme le sujet dans le solipsisme et une éthique bourgeoise banale et sans rigueur (le mot est lié à la pensée de Lukcas de l'oeuvre comme miroir de la société, et son rejet du romantisme et de l'irrationnalisme).

A la différence des Allemands, les existentialistes français donne de l'importance à l'engagement politique et restent fascinés par le marxisme à l'égard duquel ils entretiennent une attraction-répulsion, hantés par la peur de se couper d'une victoire possible de la classe ouvrière. Mais ils restent prisonniers de l'éthique kantienne de la bonne intention. Malgré l'insistance sur la "situation", l'existentialiste fraçais à la Sartre ne peut s'empêcher de disqualifier le vécu ordinaire, et du coup créer un sujet supra-historique sans perspective. Ayant posé a priori le projet historique qu'il s'assigne, jamais cet individu ne rejoint son milieu. L'incompatibilité théorique entre existentialisme et marxisme, rappelle Lukacs, tient à ce que le premier part de l'individu pris dans l'authenticité de son être, en tant qu'existence délaissé jetée là sans raison, alors que le marxisme part d'une praxis. Ce sont des points de départ incompatibles.

Néanmoins ajoutera Bonnel en conclusion, au moins l'existentialisme a pris au sérieux la question du sujet, car on ne peut pas faire comme si Kierkegaard et Nietzsche n'avaient pas existé, alors que le Sens de l'Histoire auquel croit Lukacs est très problématique, comme Merleau-Ponty l'a posé.

Jean Kanapa dans les Cahiers du communisme d'octobre 1948 avait aussi rendu compte de ce livre. Il souligne que d'après Lukacs la bourgeosie impérialiste de l'époque de la Libération est obligée d'inventer une recherche de la troisième voie, parce qu'elle n'a plus d'intellectuels crédibles pour faire directement son éloge. Ainsi elle les oriente vers le nihilisme pour les détourner de la collaboration avec la classe ouvrière. Il voit aussi dans certaines formes d'existentialisme comme celle de Merleau-Ponty des aspects trotskystes de refus du socialisme réel soviétique. 

D'une façon assez significative Lukcas disait dans ce livre que les existentialistes avaient le choix entre devenir des Romain Rolland ou des André Malraux. Kanapa prédit un destin malrussien à l'existentialisme en faisant référence à l'éphémère parti RDR fondé par Sartre un an plus tôt, "commis voyageur du blumisme". Tout cela est assez juste quand on voit ce qu'est devenu Sartre dans les années 1970.

La sympathie de Lukacs, à qui il a été reproché son conservatisme esthétique (voir sa polémique avec Brecht), pour Romain Rolland qui avait les mêmes goûts classiques n'est pas étonnante. Je trouve d'autres aspects agréables chez Lukacs, par exemple son soutien à Staline quand celui-ci écrit que la lutte du roi d'Afghanistan est à certains égards plus progressiste que l'attachement de certains socialistes occidentaux à la démocratie formelle, parce que la première nuit à l'impérialisme et non la seconde. Avec ce genre de raisonnement, il préfèrerait sans doute la République islamique d'Iran aux discours de Marine Tondelier.

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La fille d'Ambroise Croizat

16 Mai 2025 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #1950-75 : Auteurs et personnalités, #Divers histoire, #La gauche

Le Youtubeur Bolchegeek sur la chaîne YouTube du journal L'Humanité disait il y a deux ans, qu'il faudrait faire un film populaire sur Ambroise Croizat, le ministre communiste qui avait impulsé la création de la Sécurité Sociale.

J'écoutais aujourd'hui cette interview ci-dessous (réalisée à l'époque de la présidence de Sarkozy) de la fille de ce ministre, un bel exemple d'engagement et de désintéressement, et surtout d'action collective dans un contexte proprement héroïque (cela m'a rappelé l'interview que j'avais faite en décembre 2009 de Denise Albert à Sevran - 1922-2018 - , interview dont j'avais tiré un livre pour Le Temps des Cerises, Denise Albert avait témoigné du volet "création d'EDF" sous la houlette de Marcel Paul). Aujourd'hui l'influence de Bernard Friot sur la jeunesse permet de comprendre à nouveau qui fut Croizat, et le rôle du PCF et de la CGT (notamment leurs volontaires qui tenaient les premières caisses primaires d'assurance maladie) dans la création de la sécurité sociale (Friot dit que les gens qui ont une carte vitale ont dans leur porte-feuille une carte du Parti communiste français).

Je vous laisse regarder par vous mêmes, découvrir cette histoire du député du XIVe arrondissement qui habitait au 79 de la rue Daguerre (une rue que j'ai bien connue à 22 ans), arrêté en 1939, emprisonné dans dix-sept prisons puis au bagne de Maison-Carrée en Algérie où il perdit une trentaine de kilos (il allait mourir à 50 ans à cause de cela en 1951), - il connut De Gaulle quand il siégea à l'Assemblée consultative provisoire, à Alger -, séparé de sa famille et de sa fille Liliane pendant toute la guerre. Le récit de sa prise de fonctions au ministère du travail alors qu'il ne recevait toujours qu'une paie d'ouvrier, le décalage culturel de sa femme avec la haute bourgeoisie, la solidarité avec le maître d'hôtel Eugène qui avait une chambre de bonne dans le ministère et aucun congé fixe, la question de la visite au pape, le soulagement de quitter le gouvernement.

A Sciences Po on nous disait que Laroque a fondé la Sécu. Les médias disent que c'était De Gaulle. Liliane Croizat (1936-2018) fait justice de ces légendes.

A la mort de Croizat, Le Peuple (21 février 1951) rappela qu'il avait commencé son engagement politique dans la lutte contre la guerre colonialiste du Rif. Dans son éloge funèbre, Bernard Frachon, secrétaire général de la CGT, insistera aussi sur son engagement de métallurgiste : "Il fut secrétaire de la Fédération des Métaux au temps où le Comité des Forges exerçait avec férocité sa toute-puissance. Ce dernier, dans son fief de la sidérurgie de l’Est, avait émis la prétention d'interdire à jamais l’existence de véritables syndicats. Croizat fut de ceux qui relevèrent le défi. Les syndicats ne furent jamais chassés des usines du Comité des Forges. Ils y vivaient, clandestins sans doute, les réunions devaient se tenir à quelques-uns, dans les bois. La police n’était pas la police de l’État, elle était, dans ces régions, la police des magnats de l’acier. Le Comité des Forgés méprisait ce travail patient et tenace. Croizat, lui, savait où il le conduirait. Et quelques années plus tard, dans un élan unanime, les travailleurs de cette région occupaient les usines et faisaient capituler le Comité des Forges".

Des souvenirs du mouvement social français qui montrent le chemin pour l'avenir.

La fille d'Ambroise Croizat
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Lucien Goldmann et Blaise Pascal

8 Mai 2025 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes, #1950-75 : Auteurs et personnalités, #Divers histoire, #Christianisme, #La gauche

Dans les années 1950, Blaise Pascal revient à la mode. Dans la revue communiste La Pensée de janvier 1957, Henri Weber rend compte de l'analyse qu'en fait le marxiste Lucien "Goldman" (son nom à l'époque dans La Pensée s'orthographiait avec un seul "n") dans "Le Dieu caché . Étude sur la vision tragique dans les «Pensées» de Pascal et dans le théâtre de Racine".

Les Pensées expriment selon Goldmann une position nouvelle, qui consiste à agir dans le monde tout en étant convaincu de la vanité de cette action, "avec une sorte d'humilité supérieure, qui reconnaît que l'homme ne saurait échapper à sa condition. C'est ce que Goldmann appelle le « refus intramondain du monde »". Il est la conséquence logique de la conception janséniste d'un Dieu caché. Le chrétien peut connaître l'existence de Dieu par la foi, mais Dieu ne se communique pas à lui pendant cette vie. L'homme ne peut échapper au monde, il ne peut qu'y vivre en le condamnant. L'entreprise des Pensées s'explique de la même façon : Pascal est convaincu que seule la grâce divine entraîne la conversion du libertin, il écrit cependant comme si son Apologie pouvait faciliter cette conversion.

Cette coexistence des contraires dans les mobiles de l'action humaine répond au paradoxe de notre condition dont les Pensées constituent l'analyse. Au centre de la réflexion de Pascal est l'idée qu'aucune affirmation n'est vraie, si on ne lui ajoute l'affirmation contraire. Il appliquer ce principe dialectique à tous les aspects de la condition humaine. Ainsi sont condamnées aussi bien l'attitude de celui qui se laisse prendre par une forme quelconque du divertissement (fût-ce celle d'analyser le divertissement) que l'attitude de celui qui prétend rester seul dans une chambre à penser à sa condition. La solution pascalienne consiste à vivre dans le divertissement, tout en en connaissant et en en dénonçant la vanité. D'une façon plus générale, le sentiment d'une opposition radicale entre la vie sociale, scientifique ou morale et l'aspiration à des valeurs suprêmes (vérité, justice, bonheur) constitue la vision tragique du monde. Cette prise de conscience du caractère dialectique de la vérité, comme du caractère tragique de notre existence, est un progrès de la pensée sur l'optimisme et le rationalisme cartésien. "Goldman reconnaît cependant qu'en se refusant à l'histoire, en s'attachant à une nature humaine éternelle, la dialectique pascalienne est sans issue, sinon religieuse ; tandis que le progrès décisif de Hegel est de mettre cette dialectique sur le plan du devenir auquel Marx donne son contenu concret et réel : l'histoire de la lutte des classes". Goldman, dira que Marx aussi raisonne en termes de pari pour l'avènement de la société sans classe après la lutte des classes.

Cependant le pari n'amène jamais un véritable dépassement car il ne conduit pas vraiment à la foi. Il y dispose seulement.

Goldmann a cependant bien vu, reconnaît Weber, "la liaison solide entre la vision tragique du jansénisme et la situation de la noblesse de robe au XVIIe siècle". "Il signale dans les années 1635-1638 une coïncidence remarquable entre le renforcement de l'administration centrale, le pouvoir donné aux intendants, qui réduit considérablement l'influence des officiers royaux, et la retraite éclatante du brillant avocat Antoine Lemaître autour de qui vont bientôt venir se grouper les premiers solitaires de Port-Royal. La condamnation du « monde » serait bien l'idéologie d'une classe qui voit l'avenir se fermer devant elle, et son influence condamnée à périr". A cette nuance près, note Weber, que la noblesse de robe serait une sous-classe de la bourgeoisie.

"Henri Lefebvre, objecte Weber, a tenté une explication beaucoup plus large de l'idéologie janséniste ; il y voit notamment la déception de l'individu bourgeois détaché des liens de la communauté médiévale et mesurant son impuissance ; elle serait en même temps une protestation contre l'absolutisme en face duquel les solitaires constitueraient une sorte de république idéale, de caractère aristocratique"

Goldmann était alors chercheur au CNRS. Henri Lefebvre, de douze ans son aîné, était aussi au CNRS, spécialiste de sociologie rurale et venait de soutenir sa thèse trois ans plus tôt.

L"analyse sociologique du jansénisme a été depuis lors efficacement critiquée par René Pommier ici. Bien sûr il manquait à l'approche de Goldmann une étude sérieuse des courants religieux de l'époque. Plutôt que d'un enfantement du jansénisme par la crise (très contestable) de la noblesse de robe, il faudrait parler de convergences de préoccupations.

Quant à la thèse selon laquelle Pascal a anticipé sur le dialectique, qui semblait fâcher Weber et Lefebvre, je pense qu'on ne pourrait la mettre au crédit de Pascal si tel était le cas, la démarche dialectique en philosophie étant par essence très panthéiste (le pessimisme de Pascal est en réalité plutôt l'opposé du panthéisme puisqu'il ne voit Dieu à l'oeuvre dans aucune praxis humaine, et ce faisant il constitue aussi un excès hérétique).

Pour ma part, je trouve tout de même intéressant le geste de Goldmann de valoriser Pascal contre le structuralisme qui dominait le marxisme dans les années 1950. Cela permettait de rendre à l'engagement politique sa dimension éthique, dans un esprit de désintéressement, sans anticipation de succès, qui n'est pas sans rapport avec ce que je soulignais dans mon livre sur le stoïcisme.

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Les démons de Tel Quel (une page d'histoire)

26 Mars 2025 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire, #Lectures, #1950-75 : Auteurs et personnalités, #Grundlegung zur Metaphysik, #Souvenirs d'enfance et de jeunesse

Rien de tel qu'un démon pour dénoncer d'autres démons. Avec le journal de Jacques Henric "Les Profanateurs" qui vient de sortir chez Plon, on plonge dans ceux de la revue Tel Quel dont les effluves empoisonnaient ma jeunesse du temps où j'écoutais France Culture.

Par exemple en 2002 il révèle l'homosexualité d'Aragon lors d'un colloque au centre Pompidou et ses fantasmes sur les SS ce qui exaspéra Régis Debray. A la page du 26 juin 1976, il raconte l'histoire de Louis Dalmas (un type que j'ai croisé le 8 février 2001 au comité de rédaction de Balkans Infos), qui a épousé une ex-cover girl serbe fondatrice du premier sex-shop de Paris en 70 (qui a maintenant 93 ans). "Le bonhomme semble naïf, un peu con, plus con que méchant, d'une vulgarité sans nom", commente-t-il (c'est en effet l'impression qu'il m'avait laissée, ainsi que sa revue bien qu'il y publiât certains de mes articles). Le 2 juillet 1977 il dénonce un mensonge de Kristeva qui dans le Nouvel Obs fait croire qu'elle est arrivée en France comme dissidente, alors qu'elle y est arrivée comme "étudiante communiste bulgare reçue par le Parti communiste français".

Ou encore on y lit à la date du 24 janvier 1999 que la femme de Kundera, Vera au restaurant sortit un pendule en présence de Sollers pour juger le repas. Sollers voulut en rire, Kundera fit les gros yeux. Quelques jours plus tard rebelote chez les Kundera : Vera sort le pendule sur la bouteille de Château d'Yquem. Sollers devra la jeter. Ambiance glaciale pour le reste de la soirée. Commentaire d'Henric "J'aimerais que notre ami Philippe Muray, spécialiste des mages et de la théosophie (...) nous explique  comment son très admiré Kundera en est arrivé là". Je regrette de n'avoir pas connu cette anecdote quand j'ai écrit mon livre sur Prague.

Des échos de la guerre de Serbie cette année là bien sûr. Henric soutient Sollers contre Debray mais dit du bien de la revue d'extrême droite Eléments. Puis il juge "insensée" la position (anti-OTAN) de son ex-camarade maoïste Badiou, juge Debray "influencé par la propagande serbe" et son article dans Marianne "assez nul" - normal : cet Henric aimait tant Saint Germain des Prés et hurler avec les loups. Il fait de même ensuite aux côtés de BHL sur la Tchétchénie. Il nuancera un peu son jugement sur Debray en 2000 quand celui-ci lui dédicacera son livre L'Emprise. Des pages de l'affaire Renaud Camus dont je me rappelle qu'elle avait été au menu de mon dîner chez Elisabeth Lévy.

Amusantes ses attaques contre Baudrillard pour défendre Catherine Millet en 2001, puis sur le même sujet contre Elisabeth Lévy "dévouée et très énamourée admiratrice" de Philippe Muray son coach. Etrange description d'un spectacle de l'ex- strip-teaseuse Rita Renoir le 4 décembre 1972. L'auteur lisait aussi les mystiques chrétiens, mais apparemment sans profit.

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Elsa Triolet, Trump

21 Janvier 2025 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les Stazinis, #Donald Trump, #1950-75 : Auteurs et personnalités, #Divers histoire, #Lectures

Je lis "Le Destin Personnel" d'Elsa Triolet. C'est la revue communiste "La Pensée" de 1970 (celle qui prononçait son éloge funèbre) qui m'en a donné l'idée. Elle disait qu'Elsa Triolet avait pâti de l'ombre que lui faisait Aragon - l'Eragon et la triolette comme disait Céline - qu'elle était une véritable écrivaine, qu'elle écrivait du réalisme socialiste, le sien, ce qu'elle entendait par là, elle qui n'avait jamais été membre du PCF. J'ai acheté ce qu'on trouve en poche d'elle. "Le Destin personnel". C'est vrai que c'est bien écrit. C'est particulier, ça vous captive d'une page à l'autre. Ca vous tient en haleine.

Je retrouve des mots du XXe siècle, des mots de la génération de mes parents comme "se pomponner". Et même des gestes de cette génération-là, des choses qu'on ne ferait pas aujourd'hui, comme de marcher tous les soirs jusqu'au portail pour attendre le retour quotidien de quelqu'un. Ce n'est rien, quelques pas. Je sais qu'aujourd'hui on ne le ferait pas : on resterait chez soi à regarder son téléphone portable en attendant qu'il rentre dans la maison. Simplement parce qu'on trouverait inutile ou trop servile de marcher. Notre monde est ainsi fait.

Peut-être que si je lis Elsa Triolet, c'est pour sortir du monde actuel, de l'investiture de Donald Trump, du soutien des socialistes à Bayrou, de tous les sentiments de tension que ces nouvelles futiles provoquent chez les gens. Voyez par exemple le déchaînement de satisfaction mêlée de haine violente parce Von Der Layen n'a pas été invitée à l'inauguration présidentielle. Dieu sait combien j'ai combattu l'européisme, le covidisme, la corruption, mais ces sentiments trumpistes contre une "élite" qu'on veut aujourd'hui troquer contre une autre me semblent assez malsains.

Donc ce soir je lis la Triolette...

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Jacques-Marie Bourget : un vestige de ce que fut le vrai journalisme

16 Janvier 2025 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire, #Colonialisme-impérialisme, #1950-75 : Auteurs et personnalités, #Le monde autour de nous, #Proche-Orient

Je m'en étais déjà bien rendu compte quand j'étais conseiller du maire de Brosseville : le dernier pays qui institutionnellement, viscéralement défend la mémoire de la résistance à l'impérialisme, au colonialisme, et la défense des opprimés, reste l'Algérie.

Je ne suis donc pas plus surpris que cela de voir que c'est un média algérien, la chaîne de Rafaa Jazayri (cf ci-dessous), qui interviewe (il y a 11 mois) ce monument du journalisme français qu'est Jacques-Marie Bourget, l'homme qui fut le premier Occidental sur place après les massacres de Sabra et Chatila en 1982, puis qui révéla l'affaire du Rainbow Warrior en 1985 (un mérite qui fut ensuite usurpé par Edwy Plenel, mais c'est bien Bourget qui a reçu le prix du scoop à ce titre, et, dans l'interview qu'il donne ci-dessous il révèle que ce navire de Greepeace avait été coulé parce qu'il s'y trouvait des espions britanniques et un Français qui cherchaient à identifier les missiles de nouvelle génération sur le site des tests nucléaires dans le Pacifique). Après la chute de l'URSS Bourget a appris que Maxwell, le magnat de la presse, père de la rabatteuse d'Epstein, qui était agent du Mossad avait servi d'intermédiaire pour des livraisons d'armes de destruction massive russe à l'Irak (au début des années 1990, rien à voir avec la fausse affaire des armes de destruction massive de 2003). Il avait obtenu l'info par un membre du Shin Bet qui le paya dix ans de prison. Bourget, lui, le paya d'une balle d'un sniper israélien dans le poumon. Il a fini par obtenir au bout de longues années de procédure la reconnaissance par le fonds français d'indemnisation des victimes du terrorisme de la responsabilité israélienne et de la qualification d'acte terroriste. Les Palestiniens l'avaient généreusement secouru avec des litres de sang de leur peuple.

L'épouse de Bourget, décédée récemment, était algérienne et Bourget a pris des positions courageuses dans l'affaire Daoud-Sansal.

Je ne suis bien sûr pas d'accord avec lui sur tout, par exemple quand il dit qu'il n'y a pas de peuples qui aient subi "pire saloperie" que les Palestiniens... Quid des Papous et des Timorais en Indonésie ? Quid des Karens en Birmanie ? Des Tutsis au Rawanda ? Des Hutus à l'Est du Congo ? Des Indiens d'Amérique du Nord ? Sans même remonter à la Haute Antiquité... Mais je salue un homme qui a incarné un journalisme courageux et de haut niveau, comme Seymour Hersh aux Etats-Unis, Günter Wallraff en Allemagne, John Pilger en Australie.

Richard Labévière, du temps où je collaborais à Esprit Corsaire, m'en disait du bien. Les deux ont en commun le fait de pouvoir exposer une photo d'eux aux côtés d'Arafat, avec tout l'itinéraire qui va avec. En l'écoutant j'ai songé aux raisons pour lesquelles les Palestiniens ne sont pas très aimés des pays arabes - ils sont des Cananéens.

Quand Piccinin a publié son livre sur l'Ukraine en août dernier, il pensait le transmettre à Afrique-Asie, une revue proche de l'Algérie. Il ne l'a finalement pas fait, mais il est clair que ce n'est que vers cet horizon là que la parole des dissidents oubliés peut être entendue.

Ci-dessous donc les 3 interviews de Bourget par Rafaa Jazayri

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Kissinger à l'anniversaire du général Gallois il y a 20 ans

4 Septembre 2024 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #1950-75 : Auteurs et personnalités, #Divers histoire, #Colonialisme-impérialisme, #Peuples d'Europe et UE

Voilà comment on en vient à rattacher tout le monde aux Illuminati de façon un peu abusive : Pierre Hillard racontant (dans une interview chez Jim Leveilleur) comment il a rencontré, en 2004 ou 2005, par l'intermédiaire du général Gallois à l'occasion d'une réunion d'une quarantaine de personnes pour l'anniversaire du père de la dissuasion française où se trouvaient Marie-France Garaud, François,Dorcival patron de Valeurs actuelles, dans un centre gaulliste.

C'est un peu comme lorsque je m'étais retrouvé à serrer la main de Védrine chez Régis Debray en 2000... On l'oublie peut-être mais Kissinger il y a 25 ans s'était opposé au bombardement de la République fédérale de Yougoslavie.

Pour info un Russe a piégé Boris Johnson pour le faire parler de Kissinger et de l'Ukraine en se faisant passer pour Jacques Attali.

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Un mot sur Alain Delon

23 Août 2024 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Grundlegung zur Metaphysik, #Cinéma, #1950-75 : Auteurs et personnalités

L'acteur Jean-Paul Belmondo est mort à 88 ans, L'athée (et partisan de l'euthanasie) mais sectateur de la Sainte Vierge (ou d'Isis ?) Alain Delon aussi, le 18 août. Oonao rappelle qu'il avait tourné en 1986 dans "Le Passage", (2 milions d'entrées) l'histoire d'un cinéaste qui passe un pacte avec la Mort pour sauver son fils du trépas. Belmondo a joué dans 88 films, Alain Delon aussi, du cancer. 88 est le double infini.

Le système médiatique avait mis en contraste Delon et Belmondo, comme les Beatles et les Rolling Stones ou Michael Jackson et Prince, notamment dans Borsalino (1970). L'un associé à la lune, l'autre au soleil. Delon lui-même jouait de cette opposition en disant qu'il était un acteur tandis que Belmondo était un comédien.

Delon était attiré par des sujets liés à l'occultisme - dans "Vivement la gauche" Rampal (1991)  rappelle qu'il avait dit croire aux extraterrestres. Cela semble être encore plus le cas du réalisateur du film "Le Passage" René Manzor qui a fait carrière à Hollywood et a aussi réalisé "Un amour de Sorcière". Dans le film Dédale, il exploite le thème des gens possédés par des "alters", après avoir discuté du sujet avec un médecin.

Difficile de savoir s'il y a une appartenance commune à des sociétés secrètes derrière tout cela.

Je n'ai pas essayé, à la nouvelle de sa mort, de revoir un de ses films. Simplement en écoutant une de ses interviews à la RTBF en 1979 ci dessous je redécouvre combien les acteurs à l'époque (et dans la génération précédente aussi) devaient prendre des airs inspirés quand ils parlaient de leur art. Rien à voir avec l'aspect "sympa" "proche des gens" et au fond médiocre et vulgaire qu'ils mettent un point d'honneur à arborer aujourd'hui. Nous avons changé de monde. Pas étonnant donc que les jeunes n'aient même plus idée de l'aspect vaporeux et élégant de la transcendance qui s'attache à la création. Beaucoup ne peuvent plus identifier la transcendance qu'aux démons qui s'attachent à ce qui n'est plus aujourd'hui que "production culturelle". Leur esprit n'est plus assez ciselé pour percevoir autre chose.

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Le Fond du problème de Graham Greene

21 Juin 2024 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Christianisme, #Lectures, #1950-75 : Auteurs et personnalités, #Divers histoire, #Colonialisme-impérialisme

J'ai beaucoup cité dans mon livre sur Cuba l'an dernier, célèbre écrivain anglais et célèbre ancien espion, de conviction catholique,  Graham Greene, supporter de Fidel Castro et de tous les mouvements de libération nationale dans le monde des années 1960. Les grands médias n'aiment pas les oeuvres qui interrogent à la fois la question de la responsabilité à l'égard d'une époque et celle du rapport à la transcendance dans un engagement chrétien résolu. Il est donc, disons, de mon devoir, sur ce petit blog que personne ne lit de vous signaler son roman "Le Fond du problème" (The Heart of The Matter) paru en 1948 dont l'action de passe au Sierra Leone pendant la seconde guerre mondiale. Le regard est vif, intelligent, les personnages intéressants et attachants. Dès les premières pages Greene cite Hilaire Belloc, catholique lui aussi, infatigable pourfendeur de l'impérialisme maçonnique britannique, notamment pendant la guerre des Boers (j'ai fait une allusion trop rapide à Belloc en 2017). On est aussi là dans la même famille que George Galloway (sous réserve du petit doute que j'ai émis récemment sur le discours de ce dernier à propos des FM). C'est une bonne veine d'inspiration, et un courant à suivre.

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Dossier noir sur Badinter

27 Avril 2024 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme, #La gauche, #1950-75 : Auteurs et personnalités, #Peuples d'Europe et UE, #Divers histoire

L'avocat ex-ministre de la justice de Mitterrand, Robert Badinter décédé le 9 février 2024 a fait l'objet à sa mort d'une avalanche d'éloges comparable à ceux adressés jadis à la légalisatrice de l'avortement Simone Weil. La couronne de lauriers a fait omettre les côtés sombres du personnage. Par exemple le faut que dans l'affaire du talc Morhange il y a 50 ans, la diffusion d'un produit toxique qui a tué 36 enfants, il était le défenseur des fabricants de ce produit - source Pauline Dreyfus "Robert Badinter : L'épreuve de la justice" (2009)

On apprend aussi dans le livre de Martine Orange "Rothschild une banque au pouvoir" (2012) qu'il est intervenu en 1982 pour aider les Rothschild à reconstituer une banque à leur nom en France après la nationalisation. Il avait également défendu Netanyahou devant la CPI en 2020, ce qui est cohérent avec le fait que les Rothschild ont fondé Israël. Pour mémoire ci-contre Lord Jacob Rothschild et la sorcière Abramovic posant devant le tableau "Satan invoquant ses légions". Badinter s'était lié d'amitié avec David de Rothschild avant l'alternance de 1981 (Orange p. 64). Fin 1982 ce dernier le sollicite personnellement, alors que Guy de Rothschild avait ligué les juifs new-yorkais contre Mitterrand. La médiation de Badinter fut décisive pour que Mitterrand accepte la résurrection de la banque Rothschild en France (les Rothschild qui allaient recruter M. Macron quelques décennies plus tard).

Voir aussi sa compromission dans l'éclatement de la Yougoslavie : Diana Johnstone, dans "Fools' Crusade" (2002) raconte  (p. 36) l'instauration d'une commission d'arbitrage en août 1991 chargée de fournir des conseils juridiques à la Conférence européenne de paix sur la Yougoslavie. Robert Badinter, Président du Conseil constitutionnel français, fut désigné président de la Commission de cinq membres composée des présidents des cours constitutionnelles de États membres de la CÉE. "Malgré son nom, explique Johnstone (p. 37), cette commission ne s'est jamais engagée dans un véritable 'arbitrage' entre les protagonistes yougoslaves, comme certains l'ont espéré. Au liey de cela, sans aucune base légale autres qu'un mandat exécutif des ministres des affaires étrangères de la communauté européenne (à une époque où la CE n'avait pas encore la moindre compétence en politique extérieure), la commission émit des "opinions" qui, bien que non contraignantes pour quiconque, au final fournirent des arguments légaux utilisés par la communauté internationale dans son traitement du problème yougoslave".  Johnstone accuse cette commission d'avoir contribué à créer une "nouvelle jurisprudence vague dans laquelle des critères moraux subjectifs peuvent ête invoqués pour justifier la destruction de vieux pays". Elle éluda notamment la question posée par la Serbie de savoir si une entité fédérée pouvait être sujet du droit à l'autodétermination. La commission Badinter partit du présupposé, en novembre 1991, que la Yougoslavie était dans un "processus de dissolution", et que donc, en dehors du critère traditionnel de contrôle du territoire, de nouveaux critères ad hoc comme le respect des droits de l'homme et des minorités pouvait servir de base à une reconnaissance diplomatique.  La commission Badinter avait donc fourni aux puissances impérialistes occidentales le vernis juridique pour faire éclater la Yougoslavie.

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