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Le blog de Frédéric Delorca

Cuba, desde el Sur

25 Juillet 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Nous déjeunions à midi, le Dissident internationaliste (appelons le ainsi) et moi, avec une petite dame peut-être septuagénaire qui enseigne la philosophie à l'université de La Havane - elle était en partance pour un congrès à Séoul, et passait la nuit à l'ambassade (c'est une intellectuelle de très haut niveau, elle a présidé la fédération internationale des sociétés de philosophie). Elle nous a parlé du projet auquel elle participe avec d'autres chercheurs latino-émaricains pour dégager une vision "du Sud" ("desde el Sur politico") de toute la philosophie et de toute la science politique. Certaines subtilités de la démonstration en langue espagnole m'ont échappé (surtout le coeur des références à Marx) mais on voyait bien dans quelle mouvance (celle de la contestation de l'occidentalocentrisme), ô combien intéressante, son travail se situait. Nous avons aussi parlé de la situation politique de son île.

Depuis plusieurs mois, je compare Cuba et le Vénézuéla. Mon passage à l'ambassade de Cuba l'an dernier m'avait déjà inspiré quelques réflexions là dessus qui figurent sur ce blog. Bien sûr une individualité ne peut résumer un peuple, mais je trouvais chez cette théoricienne un mélange de modestie, de sérieux et de bonne volonté dont je ne pouvais m'empêcher de songer qu'il a quelque chose à voir avec le profil actuel de son pays, quelque chose de très différent de ce que je ressens quand je passe à l'ambassade du Vénézuéla. Il y a une sorte de profondeur cubaine qui est réellement très attachante.
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Pasdaran

24 Juillet 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Mardi, France culture diffusait une émissions sur la guerre Iran-Irak, où on lisait des lettres de jeunes combattants au front, des missives enflammées, mystiques, qui parlaient beaucoup des astres, du soleil, de la lumière (peut-être une réminiscence du zoroastrisme ou de la religion d'Ahura-Mazda). Peut-être recopiaient-elles servilement des modèles culturels préétablis, mais sans doute pas toutes. Pour que, sans résistance, des milliers de jeunes fanatisés se jettent dans la fournaise de la guerre, il fallait bien que ce mysticisme du martyr fût sincère chez beaucoup d'entre eux. C'est d'ailleurs ce qui effraya tant l'Occident et l'URSS à cette époque là (du moins jusqu'à ce qu'ils fussent certains que le verrou "Saddam Hussein" ne sauterait pas, après quoi Washington put armer les deux camps jusqu'à épuisement complet des deux peuples).

Cette mobilisation des soldats iraniens restera comme une page importante de l'histoire des religions. Et il n'est pas étonnant qu'aujourd'hui les Pasdaran à la retraite soient le pilier du patriotisme iranien.

On peut se demander d'ailleurs si toute guerre n'est pas au fond une expérience sinon mystique (y compris éventuellement d'un mysticisme laïque) du moins existentielle, dans un sens très profond, parce que tous les paramètres vitaux sont remis en cause, et tout le raport à autrui bouleversé (à commencer par le "tu ne tueras point"). D'où le difficile retour à la vie civile après ça (voir le film "Le capitaine Conan" par exemple).  Le rôle des anciens combattants, sur cette base, devient ensuite, comme celui du clergé séculier, problématique, à la fois en dedans et en dehors, gardiens d'un souvenir dont les gens de "l'arrière" et encore plus les nouvelles générations n'ont pas eu l'expérience directe, et dont ils ne comprennent pas le sens. Sans qu'on sache vraiment qui, au fond, de l'ancien combattant ou du civil, détient la vérité sur le destin collectif de la société, qui est le mieux à même de dire quelque chose de pertinent sur son avenir. 

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Fragiles alternatives

23 Juillet 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca, #Débats chez les "résistants"

J'entendais tantôt dans un train de la banlieue ouest de Paris une petite cheftaine (pour situer son profil sociologique : une maghrébine quadragénaire) narrer par le menu à ses petites camarades (des grosses dames africaines) la manière dont elle sanctionnait les retards de ses subordonnés, et les divers menus manquement à la discipline, comment elle en rendait compte à "sa hiérarchie", quelle rectitude elle mettait dans le blâme, car il y allait de la "crédibilité" de son "management". Elle parlait d'une fille : "Elle est très productive. La plus productive de toutes. Mais elle a le manque de ponctualité dans le sang - elle est même arrivée en retard le jour de son bac. Elle lutte contre ce naturel. Mais elle n'y arrive pas. Alors je la sanctionne".

Un petit parfum du micro-fascisme qui fait le quotidien exitentiel dans le monde capitaliste d'aujourd'hui. La nana a un moment s'est exclamé : "En plus je dois former des Marocains pour qu'ils appliquent nos procédures. Pendant 5 jours. Après ils rentrent au Maroc. S'ils n'ont pas compris au bout de 5 jours, j'irai les former sur place. Peut-être que quand ils seront formés l'activité sera délocalisée et je serai virée par ceux que j'aurai instruits. Ce serait marrant. Bon remarque sur le coup je ne me marrerai sûrement pas". Etrange tous ces gens qui travaillent avec l'épée de Damoclès de la disparition pure et simple de leur activité de l'horizon français.

Bien sûr tout le monde sait que ce système ne fonctionne pas. Qu'il broie les ressources de la planète, les vies humaines, tout ça pour pouvoir gaspiller toujours plus, s'abrutir toujours plus, et terminer sous Prozac ou Lexomil.

Mais personne en Europe n'a la force de rechercher autre chose, et sans doute personne ne l'aura sans grande catastrophe (tant que l'Etat  providence amortira les effets les plus immédiatement douloureux du capitalisme).

Et ne croyons pas (comme on le pense parfois) que les pays "non occidentaux" ou victimes de l'Occident sont plus assoiffés d'alternatives que nous. Je lisais un forum serbe hier sur l'arrestation de Karadzic. Les gens qui y dédendaient  le point de vue "occidental" y étaient aussi nombreux et aussi virulents que les tenants des arguments "patriotiques" (or le sens de l'opposition patriotique est le premier jalon du combat pour l'alternative dans ce genre de pays). C'est une loi sociale bien connue qui veut que le point de vue du plus riche fasse toujours beaucoup d'adeptes. Il se pare de mille vertus du seul fait qu'il émane des puissants.

Sur un autre continent, je lisais hier un bon texte de Znet sur l'avenir de la révolution bolivarienne. Très bon article éloigné des apologies creuses (je pense à une militante d'un cercle bolivarien qui, l'an dernier, me disait détester les intellectuels à cause de leur propension à la réflexion critique !). Znet n'est pas accessible ce soir, mais je crois que l'article était sur www.zmag.org/znet/viewArticle/18238. Il soulevait quelques problèmes réels : sur le risque qu'Obama séduise une partie des Latinos (alors que Bush était un utile repoussoir), sur les problèmes que le Pérou et la Colombie posent au bolivarisme, sur l'autonomie croissante de Correa face à son allié vénézuélien.

Les alternatives sont fragiles.
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Népal

20 Juillet 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Je vous l'avais dit : cette révolution népalaise allait se heurter à des résistances. Nous y sommes. Mais la presse française n'explique rien : juste que les partis politiques se querellent. Il y avait une dépêche sur le site du Monde là dessus aujourd'hui. Je me suis dit qu'il fallait creuser. J'ai écumé les blogs et sites de presse népalais pour comprendre le rôle des puissances étrangères - l'Inde, l'Occident - dont tout le monde savait qu'elles n'ont pas intérêt à la victoire d'une révolution dans ce coin. Tout est devenu limpide à partir d'un commentaire sur le rôle de Sitaram Yachuri. Ca a donné l'article que je viens de publier sur http://atlasalternatif.over-blog.com/article-21380052.html. Merci Internet de nous aider à recomposer vite les puzzles !

215 abonnés ont reçu l'article. Voyons s'ils le lisent.

Au passage j'ai découvert toutes les haines que s'attire le Parti communiste indien depuis qu'il s'est retiré de la coalition gouvernementale de centre-gauche à cause de la coopération nucléaire avec les Etats-Unis. Il passe pour le parti de l'étranger en Inde, et même pour un parti "chinois" parce qu'en plus il s'oppose aux ingérences occidentales au Tibet. Sa résistance à la logique des peurs en Asie, si bien entretenue par M. Bush, est admirable.

Je passe la soirée à relire une partie des épreuves de mon livre pour Thélès... A force de relire des centaines de pages dans tous les sens, on finit par détester son ouvrage, et c'est juste à ce moment là qu'on vous demande d'être prêt à le défendre...
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Sahara occidental

20 Juillet 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Je discutais il y a quelques semaines avec le progressiste marocain M. Rachid dont j'ai déjà parlé (http://delorca.over-blog.com/article-18696883.html).

Comme je regardais une carte du Maroc dans sa boutique tandis que nous sirotions une bière, j'eus envie de lui faire parler du Sahara occidental, mais prudemment (car je me doutais que ces questions de frontières et d'identité nationales sont difficiles à appréhender, dans les pays issus de la colonisation, comme dans les Balkans), en commençant simplement par lui demander s'il s'y était déjà rendu. De fil en aiguille, il finit par me dire le fond de sa pensée à ce sujet. Selon lui, le Sahara occidental a vocation à faire partie du Maroc qui a dépensé beaucoup d'argent pour cette région : "Comme vous pour la Corse, on a beaucoup investi pour qu'ils nous aiment". Pour lui il n'y avait pas de raison que le Sahara occidental ne fasse pas partie du Maroc qui est un Etat multiethnique et tolérant
 
Il ajoutait d'ailleurs que de toute façon dans le Maghreb, il n'y avait que le Maroc et la Tunisie qui soient de vrais Etats, tout le reste - le Sahara occidental, l'Algérie - , n'étaient des créations de colonisateurs : des Turcs, des Français, des Espagnols. "J'en parlais il y a quelques jours à un Algérien. Je lui ai dit : l'Algérie ça n'existe pas dans l'histoire. Cite moi le dernier nom du roi d'Algérie". "Mais tout de même, lui dis-je, les Saharaouis n'ont pas envie d'être Marocains. Ils sont exilés en Algérie dans des camps".

"La majorité en ont envie, me dit-il, mais les Algériens les empêchent de retourner au Maroc."

J'ai fait part de ces réflexions à un mien ami français qui m'écrit ce matin :

"Je connais la région et je peux te dire que les Saharaouis détestent la monarchie marocaine et ne veulent pas vivre sous un roi. Cela étant en Algérie ils reçoivent des pensions de l'Etat algérien et la population locale trouve qu'ils sont entretenus à ne rien faire et sont plus riches qu'eux.

Le problème est que les Saharouis ne veulent pas vivre sous le roi, même s'ils dépensent beaucoup d'argent "pour eux". Et les émeutes qui ont eu lieu récemment à El Aiun et dans les foyers étudiants saharaouis de Casa, le prouvent puisqu'il ne s'agit là plus seulement des réfugiés en Algérie, mais de ceux qui n'ont pas fui l'armée marocaine.

Je sais que les Marocains de gauche, à l'exception d'un groupuscule ultra gauchiste, refusent comme le roi l'idée même d'un référendum au Sahara. Le nationalisme marocain est fortement ancré . C'est un fait indéniable. Le rapprochement maroco-algérien sera difficile tant la culture politique des deux peuples diffère depuis la colonisation française qui fut radicalement différente dans les deux pays et surtout sa fin, avec une révolution d'un côté et une déférence envers le Roi de l'autre. Au Maroc, le rêve de tous, y compris des marxistes, est de pouvoir "manger à la table du roi". En Algérie, y compris les gens du système, aiment montrer qu'ils sont des rebelles, même envers le président qu'ils cooptent. Et les Saharaouis, n'ayant pas connu le système du Makhzen, mais la colonisation espagnole, la répression franquiste, sont évidemment plus proches de la culture algérienne.

Tu auras peut-être remarqué qu'il y a quelques mois, quand, finalement, les émeutes de la faim on atteint le Maroc, comme par hasard, elles ont commencé et se prolongent jusqu'à aujourd'hui dans une petite ville de la côté sud, qui est reconnue par tous comme Marocaine, y compris donc par le Polisario et l'Algérie, Ifni. Mais Ifni fut jusque dans les années 1970, une enclave espagnole entourée par le Maroc et rétrocédée au Maroc par Franco bien avant le départ du Sahara occidental. "Comme par hasard", cette petite ville est plus rebelle que les autres (grandes) villes du Maroc. On voit bien là, ce qu'est la culture politique "au-dessus" de la culture ethno-linguistique. Et cela vient de l'histoire politico-administrative d'un territoire, même microscopique.

On peut dès lors comprendre la réalité du Polisario, même si on peut regretter que cette situation prenne la forme de la revendication d'un n-ème Etat arabe et africain."

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