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Le blog de Frédéric Delorca

Ecrire à l'instinct

28 Août 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

saint jeromeJe retourne dans ma tête les raisons pour lesquelles mon article sur le stoïcisme a été refusé par le Monde Diplomatique. Elles sont sans doute voisines de celles pour lesquelles je n'ai pas fait "carrière" au Centre de sociologie européenne il y a dix ans. Quand j'étais passé dans les locaux de ce journal, il y a un an, j'avais bien vu qu'ils attendaient surtout de moi que j'écrive sur la sociologie des institutions - toujours cette obsession de vous enfermer dans la case étroite d'une "spécialité" qui n'inquiète surtout personne, donne l'impression à celui qui vous lit d'acquérir un savoir "positif" sur un sujet donné surtout sans remettre en cause ses catégories de pensée.

 

Oui, je sais, pour acquérir une légitimité pour écrire "au dessus" de la case "spécialiste", il aurait fallu que je compose un livre de philosophie sur ce fameux néo-stoïcisme (je veux dire un livre plus philosophique de "Eloge de la liberté sexuelle stoïcienne") et non pas seulement l'écrire, mais mener des stratégies compliquées pour le placer chez un grand éditeur, ce qui supposait (sans garantie de succès d'ailleurs), d'écrire un livre plus "fun" dans un premier temps, comme la nana qui prostitua son écriture dans un livre polémique contre la procréation ("No kids") ou que sais-je encore, bref, comme me l'avait écrit un éditeur en 2012 "faire sanglant".

 

Mais non désolé, je ne suis pas fait de ce bois là. Deux, trois ans à accepter de jouer les spécialistes ou les putes, sans d'ailleurs la moindre garantie d'être mieux compris ou mieux accepté in fine, ce n'est pas mon truc. Rien à faire, je ne suis pas une Pénélope. Il convient de se faire à l'idée que, dans le monde actuel, si l'on veut que sa pensée continue d'avancer et ne se corrompe pas dans l'attente d'une vaine reconnaissance, il faut vraiment n'écrire pour personne. Comment Nietzsche disait-il cela déjà ? "Un livre pour tout le monde et pour personne" ? Etait-ce lui qui disait cela d'ailleurs. Anyway. L'idée est bien celle-là.

 

J'envoie en ce moment deux livres de témoignages à des éditeurs, je gratte, comme on m'a demandé de le faire (pardon, on ne gratte pas sur un clavier, mais cette image héritée de l'époque du stylo me plait) 45 000 signes pour un ligne collectif sur l'Ukraine chez l'Harmattan. Renoncement dans l'action, je n'en attends rien. Mais j'avance. Je reste moi-même. Là je commence à écrire aussi une critique pour Parutions.com d'un livre sur la féminité, et comptez sur moi pour le descendre en flamme.

 

Les gens comprendront-ils ma vision d'ensemble des choses, moi qui n'aurai finalement jamais eu le temps de l'expliciter dans un ouvrage complet ? Je ne sais pas. Et, après tout, peu importe. Je suis au seuil de la vieillesse, et n'ai plus rien à gagner à tenter de saisir les raisons pour lesquelles je suis compris ou ne le suis pas. Il faut fonctionner "à l'instinct" comme dirait l'autre. Et mon instinct continue de me dire que j'ai eu raison de ne pas passer de compromis avec le Diplo...

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Obama contre la France

26 Août 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Peuples d'Europe et UE, #Barack Obama

Cela m'avait échappé, un article réaliste du Figaro, du 21 juin, intitulé "Quand Obama menace Hollande" qui commence ainsi : "L'Américain n'a pas ménagé le Français lors de la visioconférence préparatoire au G8 qui s'est tenu le 14 juin et à laquelle participaient Angela Merkel, David Cameron et Enrico Letta. À propos de l'exigence française d'exclure les biens culturels des négociations pour un traité de libre-échange transatlantique, Obama a menacé le président français de «représailles massives» si «l'exception culturelle» était étendue aux nouvelles technologies. Selon un participant à la vidéoconférence, le président américain a affirmé qu'il «ne plaisantait pas» et précisé qu'une liste de contre-mesures pouvait être transmise à Paris pour que François Hollande «se rende bien compte de ce que cela veut dire». L'échange a eu lieu peu avant que les vingt-sept ministres du Commerce trouvent un accord ménageant, au moins provisoirement, la position française."....

 

grille.JPGEt l'affaire des satellites du projet européen Galileo concurrent du GPS placés sur une mauvaise orbite. Un "sabotage américain" ou un "projet réalisé à bas coût par une PME allemande, décidé par des fonctionnaires de Bruxelles ne regardant que le prix"  comme le disent certains commentateurs ?

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Election présidentielle en Abkhazie

25 Août 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Abkhazie

Raoul Khadjimba, l'ancien vice-président de feu-Sergueï Bagapch qui avait démissionné en 2009 pour protester contre les accords douaniers avec la Russie, est donné vainqueur de l'élection présidentielle d'hier, dès le premier tour avec 50,57% contre le chef du Service de sécurité par intérim Aslan Bjania et le ministre de la Défense Mirab Kichmari ont recueilli respectivement 35,91% et 6,4% des suffrages.

 

Khadjimba était présenté comme le candidat de l'opposition. Il succède donc à Alexandre Ankvab démissionnaire. Les Abkhazes semblent avoir pris l'habitude d'élire leur président dès le premier tour pour éviter les déchirements de seconds tours fratricides, armes au poing,comme on en a vus au cours des années 2000, comme on l'avait souligné dans notre livre sur ce pays. C'était, pour Khadjimba, sa quatrième élection présidentielle. Il était le seul politicien professionnel, et bénéficiait de la popularité du mouvement social déclenché en mai qui avait chassé Ankvab du pouvoir. Dans les sondages (qui avaient prévu la victoire de Khadjmba), 60 % de la population se plaignait du chômage, de l'absence de croissance économique, de la criminalité et de la corruption, de la mauvaise qualité des soins de santé. Khadjimba était donné favori.

 

A noter que pour cette élection beaucoup d'Abkhazes de Russie (1 000 sur 131 000) et de Turquie ont pu prendre part au vote - de même que des Géorgiens de Mingrélie, ce qui est mal perçu par les Abkhazes, selon les sondages, mais aussi par les Russes et les Arméniens d'Abkhazie (les Arméniens avaient été courtisés à Moscou par le nouveau président dans le semaine précédent le scrutin). Khadjimba est aujourd'hui l'avocat de l'ouverture des frontières économiques avec la Russie, qui entretient une présence militaire de 4 000 hommes sur le sol abkhaze, ouverture assez largement soutenue par la population.

 

 

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Tensions autour de la Transnistrie

21 Août 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Transnistrie

Transnistria_State_Flagsvg-copie-1.pngDes journalistes continuant de s'intéresser à mes compétences sur la Transnistrie (sur laquelle j'ai publié un livre il y a 5 ans) pour la réalisation d'un documentaire, je lis ce soir les journaux de Tiraspol.

 

Des nouvelles inattendues, comme celle-ci selon laquelle l'émissaire de Poutine en Crimée Oleg Belavenets a déclaré le 19 aout lors d'une visite au Forum de la jeunesse que la Transnistrie finira par faire partie de la Russie.

 

Un bilan aussi intéressant dans Novostipmr de l'impact de la crise ukrainienne sur la dévaluation du rouble et des monnaies de Biélorussie et de Moldavie. L'article explique que la dévaluation du rouble russe par rapport au dollar fera monter les prix en Transnistrie (l'inflation au premier semestre était pourtant stabilisée à 2 % contre 20 % en Biélorussie). Des mesures d'austérité sont attendues. Tout cela dans un contexte de réorientation du commerce de la Transnistrie vers la Russie (14 % seulement des exportations actuelles) comme l'avait précisé la ministre des affaires étrangères Nina Shtanski il y a 8 jours.

 

En lien aussi avec la crise ukrainienne le président Yevghéni Chevtchouk a rappelé tous les réservistes pour une formation d'un mois par décret signé hier.

 

La rumeur règne partout. DnestrTV a dû démentir que  le président Chevtchouk ait le cancer ou qu'il vive dans un appartement luxueux, ainsi que la thèse, diffusée selon elle par les services moldaves et par l'oligarque de Dniepropetrovsk Kolomoiskly, qui veut que la ministre des affaires étrangères ait passé ses vacances à Leizig ou à Prague aux frais de l'Etat. Plus grave : dans la région d'Odessa (Bessarabie) des voitures avec des hauts parleurs annoncent à la population que la Transnistrie va attaquer l'Ukraine. Il s'agit de dissuader les pro-russes de Bessarabie de s'insurger contre Kiev (on parle même de l'envoi de milices de Secteur droit dans la région). Kiev redoute la création d'un axe Gagaouzie-Transnistrie-Crimée.

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Les Contes de Canterbury

20 Août 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Cinéma

Je prépare un bref voyage à Canterbury, dans le Kent. Cette ville est célèbre au moins pour deux choses : Saint Thomas Beckett assassiné dans sa belle cathédrale (ce qui fit de celle-ci la destination d'un important pélerinage) et les Contes de Canterbury par Chaucer (qui se présentent comme des contes de pélerins sur le chemin de la cathédrale).

 

Sur Saint-Thomas-Beckett, il y aurait beaucoup à dire - beaucoup plus que la fiche Wikipédia qui ne permet pas du tout de comprendre pourquoi cette homme a été canonisé puisqu'elle se termine même en disant qu'il fait partie des Anglais les plus détestés dans son pays (sic). Il fait partie des hommes que des auteurs comme Chateaubriand et Custine ont sans doute adorés. Homme de pouvoir et de fastes en tant que chancelier du roi d'Angleterre, il épouse la cause de l'église et de l'ascèse dès qu'il devient archevêque de Canterbury et s'oppose au pouvoir séculier. Il fait partie lui aussi des perdants de l'histoire, mais son destin fait s'interroger sur ce qu'aurait été l'Europe si, au lieu de prendre le chemin qu'elle a pris (celui d'être un espace d'Etats laïcisés), était devenue un empire ecclésiastique. Peut-être aurait-elle présenté certains traits qui surprennent Custine dans l'Espagne des années 1820 : le côté "règne des clochards" par exemple. Nous aurions été sans doute un continent de "renonçants". Peut-être plus "tibétain" en un sens (malgré le phénomène des moines paillards, qui aurait peut-être été moindre).

 

pasoliniEn ce qui concerne les Contes de Chaucer, j'ai commencé à voir ce que Pasolini a voulu en faire. On est frappé par la prééminence que le cinéaste accorde dans ce film aux culs : il n'y a pas d'autres mots, je crois qu'on manquerait sa visée si l'on parlait de popotins, de postérieurs ou de fesses. Plus que dans tout autre film, c'est un langage des culs qu'il essaie de mettre en musique si l'on peut dire, dans sa dimension aussi bien génitale que scatologique. Par exemple quand le marchand Janvier est attiré par sa promise Mai, ce n'est pas par son visage qu'il est séduit, mais par son arrière-train qui se présente spontanément dénudé à lui. Le procédé est aussi repris quand les étudiants rencontrent la femme et la fille du meunier. Ninetto Davoli dans un supplément du DVD explique que Pasolini a voulu restituer la truculence de l'anglais médiéval, quelque chose qui pourrait faire penser au français de Rabelais. Mais c'est une mystification. Quand on lit Chaucer, évidemment il y a de la scatologie (dans le Conte de l'Huissier par exemple). Mais il n'y a pas la même omniprésence des fessiers. D'abord parce que les contes sont entrelardés de beaucoup de considérations philosophiques et de références aux auteurs classiques que Pasoloni a sabrées. Et puis parce que les processus de séduction y sont bien plus convenus que chez Pasolini (même si les prises de possession sexuelles sont tout aussi rapides) : dans le Conte du Marchand, Janvier tombe bien amoureux du visage de Mai, et non de son postérieur.

 

Quand on regarde les Mille et une nuit, on devine un projet politique chez Pasolini de définir l'amour sous un jour plus "primaire", et plus enfantin en un sens que tout ce que la tradition littéraire en a fait : l'amour n'est rien d'autre que le cri d'Ali Shar recherchant sa Zumurrud par monts et par vaux. De même on peut se demander s'il n'y a pas dans les Contes de Canterbury un projet politique chez lui de remplacer les visages par des fesses, et de faire en sorte que l'essence des rapports sociaux passe par là. Projet carnavalesque d'inversion des valeurs diraient certains. Sauf qu'il ne s'agit pas de remplacer la tête par le ventre (qui pour le coup serait la version la plus orthodoxe de l'inversion). Il faut poser les fesses en "tiers parti" ou "tierce instance" entre les deux, et les porter au pouvoir. Intéressante économie du corps qui s'accompagne d'une façon de le filmer très différente des conventions de la pornographie moderne, et au fond plus compatible avec la possibilité de sauver du récit, donc de sauver du projet politique, sans asservir celui-ci à la fascination médusée du gros plan sur le corps.

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