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Le blog de Frédéric Delorca

Une bonne raison de boycotter la redevance : "George et Fanchette"

29 Octobre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XIXe siècle - Auteurs et personnalités

Tenez, une bonne raison de refuser l'augmentation de deux euros de votre redevance que propose la pauvre Mme Filipetti, et même de ne pas payer de redevance en jetant votre TV aux orties : le téléfilm (financé par votre taxe) "George et Fanchette" que diffuse France 5 ce soir et qui prétend saisir un moment de la vie de George Sand en 1848.

 

Le cinéma contemporain ne sait rien restituer du XIXe siècle et surtout pas ses génies (vu que tous ceux qui tiennent le haut du pavé de la création aujourd'hui ne sont que de vils mollusques insipides). Alors on fait jouer le rôle d'Aurore Dupin-George Sand par l'archibanale Ariane Ascaride qui prend des airs de femme terne et posée. Ce que n'ont pas compris les idiots qui ont fait ce film, c'est qu'un grand écrivain est tout sauf un être ordinaire aux bonnes manières. George Sand, telle qu'elle se décrit elle-même dans ses mémoires est tout le contraire de cela. Oui c'est un être réfléchi, profond, et qui sait très bien assumer ses responsabilités et mener des projets à long terme. Mais c'est aussi, elle le dit elle même, une femme qui ne tire pas son bonheur de ce qui réjouit d'habitude les autres individus de son sexe, mais qui, à l'inverse, se laisse emporter d'enthousiasme par bien des détails de la vie qui laissent les autres indifférentes. Vous vous souvenez de son ivresse devant les paysages des Pyrénées, de sa migraine devant la croix en feu des funérailles de Louis XVIII. Tout le charme du personnage est là, dans ce côté imprévisible, sa capacité à s'engloutir dans des détails.

 

Elle a perdu son père lorqu'elle était encore en bas âge, sa mère était mi-comédienne mi-prostituée, elle avait gardé d'elle le côté fillette qui attire à elle tous les oiseaux de la forêt, un côté un peu fou, un peu chamane... Tenez j'ouvre encore au hasard son "Histoire de ma vie", p. 584 et tombe sur cette phrase : "J'étais trop mal vêtue, et j'avais l'air trop simple (mon air habituel , distrait et volontiers hébété) pour attirer ou fixer les regards." Un air volontier hébété. Oui. cela se voit très bien dans le portrait au crayon que Musset fit d'elle. C'est une rêveuse, un personnage décalé, c'est ce qui fait toute sa séduction, et qui justifie son ancrage dans l'écriture c'est à dire dans l'autre monde, dans l'au-delà de l'ici-bas, dans le dialogue avec la postérité.

 

Quel rapport avec les airs de brave fonctionnaire du ministère de la culture (voire de prof de français de troisième) qu'arbore Ariane Ascaride (ou qu'on fait arborer à Ariane Ascaride parce que personne sur le tournage n'a même idée que George Sand pût être autre chose que cela) et qui, à eux seuls, discréditent tout le film ? Je préfèrerais cent fois qu'il n'y eût sur nos écrans que des films américains imbéciles et violents plutôt que pareilles insultes à la grandeur de notre histoire littéraire et qu'on cessât de prélever dans nos poches de quoi financer pareils navets...

 

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Le bal des célibataires

28 Octobre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Souvenirs d'enfance et de jeunesse

On se souvient du livre de Bourdieu "Le bal des célibataires". Je connais pas mal de gens en Béarn, notamment dans ma famille, qui sont restés célibataires chez leurs parents toute leur vie. Telle aurait d'ailleurs été probablement ma condition si je n'avais eu l'idée folle de croire en la connaissance et d'aller tenter ma chance dans les grandes écoles à Paris.

 

Je me demande si les sociologues de l'université de Pau se sont penchés sur cette question récemment (je n'ai pas l'impression qu'ils fassent beaucoup connaître leurs travaux hors de leurs murs). Ce statut de "Tanguy" doit avoir une drôle d'influence sur la perception du monde et du temps. Une enfance indéfiniment prolongée dans des meubles et des décors qui vieillissent. Le refus d'aller affronter l'altérité, d'aller y prendre des responsabilités. C'est peut-être une glorieuse forme de résistance à la modernité, quoique les néo-libéraux s'en arracheraient les cheveux (arg ! quelle entrave à la mobilité du capital productif humain !).

 

Est-ce que la situation périphérique d'une région peut pousser tout le monde vers une attitude régressive, involutive (en Espagne on parle d' "involucionismo"). Les garçons incités à rester chez eux à ne rien faire, les filles de même, devenant de ce fait moins coquettes, moins séduisantes, moins intéressantes (une copine béarnaise me disait il y a trois ans "Oh là là j'étais à Paris pour un salon porte de Versailles. Comme les filles sont apprêtées ! Je comprends qu'elles trouvent que nous les Béarnaises nous sommes des paysannes !)."  Un cercle vertueux d'involucionismo se crée alors qui favorise le passéisme, la passivité et la sous-natalité. De quoi faire rêver les obsédés de l'empreinte carbonne non ?

 

En Espagne aussi les "Tangy" sont nombreux, qui ne veulent "ni travailler ni étudier". Le pays privé de son droit au crédit voit son chômage grimper à 25 % (près de 40 % en Andalousie). De quoi déchaîner de nouveau cercles "involucionistas" à n'en plus finir. L'involucionismo est l'avenir de l'Europe.

 

A propos de Bourdieu, Tobie Nathan s'énerve contre son livre ("les Héritiers") qui décrivait les acteurs de mai 68 comme des grands bourgeois, alors que lui venait de la cité de Gennevilliers (mais d'une famille qui n'était pas dépourvue de capital culturel, notons le). Se peut-il qu'il y ait eu un biais statistique qui ait fait manquer à Bourdieu les "rank and file" du mouvement étudiant  (car Nathan reconnaît qu'il faisait partie des sous-fifres) ? Ou bien son livre se désintéressait-il des seconds couteaux ? Il y a bien longtemps que je ne l'ai pas revu, donc je ne sais plus. Nathan est quand même très bon pour démystifier le milieu académique (à propos de Devereux notamment). Mais il faut reconnaître que psychologie est un terrain de bidonnage particulièrement fécond.

 

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George Sand aux funérailles de Louis XVIII

26 Octobre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XIXe siècle - Auteurs et personnalités

sandEn septembre 1824, George Sand est à l'enterrement de Louis XVIII. Malheureusement son témoignage dans "Histoire de ma vie" est coupé. On n'aura donc pas la totalité du tableau, mais il y a quand même des bribes intéressantes. Elle est venue avec une amie qui a réussi à avoir au culot les meilleures places dans la basilique Saint-Denis pour 16 personnes. Elles sont toutes vêtues de noir parce que toutes les femmes en France, même bonapartistes ou libérales, ont décidé  par effet de mode de partager le deuil. La petite Aurore-George n'a pas voulu jouer les "esprits forts" comme elle dit.

 

Communiste dans l'âme, elle n'éprouve évidemment aucune tristesse dans ce deuil. Elle observe que la Restauration n'est pas mise en péril par le décès du roi car les libéraux attendent beaucoup de Charles X. Comme souvent dans ses récits, elle se laisse happer par les détails. Cette grande croix en flammes et ces rangées de cierges sur fond de velour noir dans la basilique lui font mal aux yeux pendant deux heures et lui donnent la migraine. Une cantatrice italienne à côté d'elle, Mme Pasta, dit que c'est comme l'enfer ou une cérémonie de sorciers. A un moment elle voit Louis-Philippe qui a des airs de jeune homme guilleret.

 

Voilà. Sand m'amuse toujours avec ses fausses naïvetés, ses petites marottes qui sont toujours très féminines (alors pourtant qu'elle dit détester la compagnie des femmes qu'elle trouve trop "nerveuses" et inquiète pour des choses puériles). Ces funérailles sont pourtant un sacré événement : premières funérailles royales après la profanation de Saint Denis par les révolutionnaires, encore un effort surhumain, digne de la Corée du Nord aujour'hui, que fait la monarchie en ce temps là pour faire "comme si rien ne s'était passé", pour réparer l'irréparable... Tout ce théâtre d'ombres, quand essaie d'exister encore ce qui n'est déjà plus, et depuis très longtemps.

 

Je lis Sand parce que je n'arrive pas à avoir par Parutions.com les livres dont je voulais faire la critique. Alors je picore dans Sand comme je butinerais dans Custine. Juste pour le plaisir d'avoir la compagnie de gens que j'aime bien. C'est un peu loin du vote du budget du gouvernement Hollande par le Sénat, du taux de chômage en Espagne, de la trêve en Syrie, mais ce n'est pas moins intéressant. Ces gens des années 1820 ont un point commun avec nous : ils vivent dans un moment où l'histoire retient son souffle : entre l'épopée napoléonienne et le temps des nouvelles révolutions.

 

Comme nous mêmes nous trouvons sans doute dans une dernière respiration entre la première déferlante de la vague néo-libérale (dans les années 1990) et l'arrivée d'un monde sans doute très profondément différent de celui du XXe siècle (pour le meilleur et pour le pire). Ces périodes d'entre-deux sont toujours intriguantes. Les esprits rassemblent des morceaux de la culture du passé en essayant de l'ajuster à ce qui pourra advenir, sans avoir d'idée précise de la forme que les événements peuvent prendre ni de la direction dans laquelle le rouleau compresseur va se mettre en branle...

 

Au fait, je repense à Louis-Philippe. Je trouve vraiment qu'on ne peut pas avoir de sympathie pour la branche orléaniste. La trahison de Louis XVI par Philippe-Egalité, quand on y songe, est une affaire horrible, et bien avant même que ce dernier ne vote la mort du roi. Songeons aussi au cadavre de la princesse de Lamballe éventré traîné sous les fenêtres du Palais Royal sous les fenêtres de Philippe Egalité qui n'y trouve rien à redire. D'ailleurs un bien drôle d'endroit que ce Palais Royal propriété des Orléans. Pourquoi y ont-ils toujours laissé proliférer la prostitution ? Et pourquoi Napoléon voulut-il y installer son Conseil d'Etat ? Je me demande ce qu'il aurait mieux valu en faire... Peut-être le brûler ? Rien de ce qui touche à cet endroit ne me dit rien de bon. A ma connaissance il n'y a que Stefan Zweig pour en chanter la louange dans ses mémoires (ainsi que celle des écrivains illustres qui l'habitèrent), car il y demeura quelques mois.

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Mal-être bourgeois

26 Octobre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien

Ayant quitté Brosseville, je retrouve des milieux que je n’aime pas beaucoup, milieux de juristes, de magistrats, de fonctionnaires où le surmoi écrase tout le monde. En septembre j’entends une documentaliste qui dit à un magistrat « si vous voulez, je peux faire des recherches documentaires pour vous », le magistrat « ah non, c’est mon travail, je ne veux pas que vous perdiez de l’énergie avec ça, je le ferai ». Puis au réfectoire, la cantinière à 13 h 15 sert des gens à table parce qu’il n’y a pas beaucoup de monde. Quand elle s’approche de la table d’une magistrate, celle-ci lui lance « Pourquoi vous faites ça ? Pourquoi vous venez me servir à table ? Est-ce que ça fait partie de vos attributions ? Je peux venir chercher mon assiette à la cuisine vous savez, ça me fera faire de l’exercice » (la femme est maigre comme un clou et n’a pas spécialement besoin d’exercice of course).

 

Je croise cette attitude des juristes de tout poil à l’égard des subordonnés en permanence. L’éternel « ne vous embêtez pas, c’est à moi de le faire, c’est moi qui dois souffrir etc ». J’en avais déjà parlé sur ce blog il y a cinq ans. Peut-être est-ce leur façon d’intégrer une culpabilité qui pèse sur l’Etat en général, ou sur la moyenne bourgeoisie je ne sais pas.

 

Je trouve cela horripilant. Leur mal-être, leurs manières modestes, leur façon de se disculper en permanence des injustices du monde par ce refus apparent des hiérarchie, qui est aussi une façon pour eux de ne rien devoir à la classe inférieure, et de n’avoir en fait pas d’échange avec elle (puisque 80 % de l’échange possible passe par la prestation de service - précisons dans l'anecdote ci-dessus que la cantinière a répondu "mais çe me fait plaisir de vous servir à table", l'idée qu'on puisse se faire plaisir et se réaliser comme être social, utile au monde, dans ce genre de prestation est évidemment étrangère à la moyenne bourgeoisie). Ca va avec leur incapacité d’aller voir concrètement ce qu’il se passe hors de leur bocal habituel, leur refus de savoir ce qu’il se passe à Bani Walid etc. Peut-être tous ces gens rêvent-ils d'être entourés de robots, auxquels, comme à leurs ordinateurs, ils n'auront surtout pas à dire "merci".

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La victoire des nationalistes au Pays basque espagnol

22 Octobre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Espagne

Aux élections de dimanche dernier, le Parti national basque (PNV) de droite remporte 34,6 % des voix, et la gauche abertzale (25 %). Celle-ci bénéficie de la fin du terrorisme d'ETA, mais échoue a faire aussi bien en voix qu'aux élections générales de 2011, et perd notamment des suffrages dans son fief de Guipuzcoa qu'elle gouverne (certains croyaient à tort qu'elle dépasserait le PNV).

 

eusk.jpegBeaucoup de médias mainstream ou contestataires (comme Russia Today) se méfient de cette montée des nationalistes basques d'autant qu'elle pourrait se trouver en phase avec l'évolution actuelle de la Catalogne.

 

Je voudrais juste apporter ici quelques nuances à cette vision négative. Je suis très loin d'être un inconditionnel du catholicisme nationaliste basque. Je sais qu'il est mal né (arrimé au romantisme allemand au XIXe siècle et tourné contre la montée du socialisme porté par les ouvriers venus du Sud de l'Espagne).En outre en tant que Béarnais je connais les tendances de ce nationalisme à phagocyter à un vision "euskarocentrique" (et un tantinet victimaire) toute l'histoire de la Gascogne avant la conquête romaine et toute son économie actuelle.

 

Mais rappelons quand même qu'à partir des années 30, le PNV fut du bon côté de la barrière : allié des républicains en 1936 puis auréolé du prestige de la résistance anti-franquiste, même si on doit lui reprocher son atlantisme dans les années 80-90 (et rappelons en outre qu'en 1986, le Pays basque avait voté contre le maintien de l'Espagne dans l'OTAN, malgré le soutien du PNV au "oui" au référendum).

 

Le Pays basque, sous le PNV jusqu'en 2009 puis sous les socialistes a profité d'un taux de croissance supérieur au reste de l'Espagne (après une reconversion industrielle réussie) pour continuer à mener une politique keynésienne quand le reste du pays (et l'Europe) choisissait l'austérité pour renflouer les banques. On comprend que l'entité basque (alors que le Pays basque n'a jamais voté pour la constitution espagnole) se pose des questions sur son appartenance au reste de l'Ibérie quand celle-ci pour sa part continue de valider la politique d'austérité du gouvernement Rajoy (voyez le vote majoritaire de la Galice en faveur du Parti populaire).

 

spain.jpgJ'attire votre attention sur cet extrait d'un article de la Voz de Barcelona en avril dernier :

 

""La situation en Catalogne est beaucoup plus dramatique qu'au Pays Basque". Par ces mots de l'historien Fernando Garcia Cortazar analyse la situation politique actuelle et les nationalismes en Espagne. Le professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Deusto (Bilbao) les a prononcés, mardi, en commémoration du bicentenaire de la Constitution de Cadix de 1812 organisé par Impulso Ciudadano.

Auteur à succès, García de Cortázar - ses livres populaires de l'histoire sont toujours des best-sellers -, a rappelé qu'au Pays basque, ceux qui ne sont pas nationalistes, n'ont jamais été abandonnés par le gouvernement, les médias et les centres culturels contrairement à la Catalogne: "Au Pays basque ce sont les nationalistes basques qui sont dans la clandestinité et qui se cachent à l'université, par exemple."

 

Le propos montre que le Pays basque est devenu une sorte de petit frère, à l'école du "grand frère" catalan en matière de sécessionnisme.

 

Cela dit on aurait bien tort aussi d'exagérer l'importance de l'indépendantisme de la Catalogne. Il est clair qu'Artur Mas, actuel président de la Generalitat, joue avec une rhétorique sécessionniste, mais c'est aussi parce qu'il sait que son référendum (promis à la population) sera invalidé par le Tribunal constitutionnel à Madrid et sera désamorcé comme le plan basque Ibarretxe en 2008. En ce moment le même journal (Voz de Barcelona) parle d'une dévaluation de la notation de la Catalogne (alors que celle du Pays Basque reste stable) par Moody et du risque de problèmes de financement pour les grandes entreprises catalanes en cas de choix de l'indépendance. Tout cela sent la vaine agitation comme les "déclarations de souveraineté" basque et catalane du début des années 1990.

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