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Le blog de Frédéric Delorca

L'apport du sarkozysme à notre époque

30 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Beaucoup de sympathisants du Front de Gauche sur Facebook s'inquiètent de l'atonie de l'opinion publique devant la réforme des retraites. Non sans raison. Nous assistons à l'effondrement d'une résistance qui s'était fortement manifestée en France en 1995. Ce que les gouvernements de cohabitation de Baladur et Juppé, ni ceux de M. Chirac après 2002 n'ont pu faire, M. Sarkozy le fait.

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Il démontre ainsi qu'avec un style de présidence assez largement basé sur le "n'importe quoi" (notamment des déclarations à l'emporte pièce qui ne veulent rien dire, comme la dernière sortie du président sur le fait, selon lui, depuis la loi sur la réforme des universités, des profs "du monde entier" afflueraient pour enseigner en France !), on parvient à fatiguer suffisamment les Français, et embrumer leur esprit, pour remettre en cause à peu près toutes les conquêtes sociales. Notez que M. Raffarin avait fait une démonstration comparable en s'asseyant sur les manifs sur les retraites de 2003, mais ce beau succès (du point de vue de la doxa libérale) avait été quelque peu terni par l'échec de M. de Villepin sur le contrat de première embache trois ans plus tard.

 

Il est vrai que la méthode de M. Sarkozy n'est pas la seule cause de la capitulation du mouvement social. Elle fut brillamment secondée par une ambiance générale dans la société de "haine de soi", sur fond de catastrophisme écologiste, d'hypernormativisme hygiéniste (y compris sur l'hygiène mentale) et de culpabilisation de tous, de relativisme généralisé bizarrement renforcé par des grands élans de peur irrationnelle de tout ce qu'on ne veut pas comprendre (la burqa, la Chine, que sais-je encore). La conviction que tout est foutu en Occident est de plus en plus répandue, qu'on ne peu plus sauver nos emplois, ni nos retraites, ni rien du tout. Que le sens de l'histoire a tourné, que le Volksgeist dominant migre vers l'Asie (comme eut dit Hegel, encore un champion de l'irrationnel n'est-ce pas ?). Bref nos années 2010 s'ouvrent sur une grosse fatigue généralisée en France.

 

Cette fatigue se double du caractère de plus en plus illisible de notre environnement social. Qu'il y ait de la pauvreté, nul ne doit en douter, et même il y en a de plus en plus. En même temps nul ne peut nier que la nounou qui garde mon fils et qui est fort mal payée par une association intermédiaire (elle appartient clairement au néo-prolétariat actuel), s'est offert 8 jours de vacances aux Canaries le mois dernier - ce n'était pas la première fois pour elle, et ce n'était pas un cas isolé parmi les gens à faible pouvoir d'achat. Beaucoup de gens apparemment pauvres sont en fait, riches, et en même temps très pauvres quand même car il y aura  toujours une compagnie de téléphone portable, une banque, un plombier, pour leur pomper dans un mois, dans un an, le maximum de fric et les mettre sur la paille.

 

J'ai été un peu triste la semaine dernière à Brosseville quand j'ai reçu le président d'association de rap (un jeune d'origine ouest-africaine). Il me disait sans sourciller ce que de plus en plus de gens admettent sur le ton de l'évidence en banlieue : "Pour fédérer les jeunes, et éviter qu'ils ne partent dans des 'embrouilles', il n'y a que deux options : le rap, ou la religion. Ils n'apprécient pas tous le rap. De plus en plus c'est la religion qu'ils respectent le plus".

 

Ce genre de constat conforte les visions pessimistes du monde social (et la fatigue généralisée à l'heure où la mobilisation devient nécessaire). Encore l'élan religieux des banlieues ne serait-il pas décourageant si c'était un discours à la Chavez, ou la Tariq Ramadan qui devait l'emporter (un discours vaguement socialisant). Mais je crois que même les plus révoltés de nos jeunes aiment trop leur "i-pod" pour investir dans une théologie de la libération !

 

Or l'on a tort de ne pas se mobiliser pour les retraites. Un des rares points positifs du programme de la gauche plurielle (et de Mme Aubry) en 1997 fut la valorisation des loisirs, et la semaine de 35 h. Non qu'il faille mépriser le travail, bien au contraire, mais il le faut circonscrire dans la vie des gens afin qu'il n'en fasse point des esclaves. Ce programme aurait dû être défendu avec plus de conviction par le PS qui aurait dû aussi imaginer les solutions pour que les 35 heures ne soient pas asservies par la logique marchande (qu'on ne gâche pas le temps de loisir devant la TV ou dans les supermarchés à rêver d'un supplément de consommation).

 

Aujourd'hui il faut défendre la retraite à 60 ans, parce que beaucoup de jeunes sont sans emploi, et qu'il y a mieux à faire de sa vieillesse que de s'accrocher à des postes de travail. L'argument démographique (on vit cent ans désormais) ne vaut strictement rien : taxez les revenus financiers et vous pourrez payer les retraites jusqu'à 120 ans s'il le faut.

 

Il existe chez les gens une conviction profonde que les combats ne méritent plus d'être menés. Que si l'on se mobilise, on nous "niquera" d'une autre manière, comme avec le référendum sur la constitution européenne. C'est comme une accoutumance au cynisme.

 

Et ceux qui parient sur une nouvelle crise financière à venir pour faire évoluer les mentalités à mon avis ne font pas le bon calcul. La montée du fascisme dans les années 1930 a hélas montré que les peuples ne sont pas sensibles à une "pédagogie par la crise".

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Un "niet" éditorial, le débat sur Debray dans Le Point, Gaza encore

29 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

J'ai tenté une opération risquée hier sur le front éditorial : profiter d'une mention de mes travaux d'anthropologie du corps dans un grand mensuel (son numéro de juin) pour suggérer (via un canal que je gardais sous le coude depuis deux ans) à un éditeur diffusé par Lagardère un livre que j'étais prêt à écrire dans le registre "philosophie vulgarisée". Mais l'offensive a tourné court. On m'a dit "niet" tout net. Dans ces cas, inutile de demander la raison du refus. On ne vous dira jamais franco : "c'est parce que vous n'êtes pas la fille de BHL". Mais il y a du bon dans ce refus. Certes une acceptation m'aurait permis d'aller plus loin dans ma recherche personnelle, m'aurait motivé pour expliciter mon "éthique stoïcienne". Mais un "non" clôture l'espace : on sait qu'on ne peut plus aller au delà, le périmètre est circonscrit. Ainsi il n'y aura pas de vie au delà des Editions du Cygne, pas de livre à grande diffusion. Plus besoin, par conséquent, de dépenser de l'énergie à imaginer d'autres ouvrages au delà du dernier qui sera publié, chez le Cygne (inch'Allah) en 2011. Mon statut est définitivement fixé.

 

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En parlant d'édition, Régis Debray, lui, s'en tire toujours bien. Un livre = pour lui 4 pages dans Le Point, presque automatiquement. Je lisais cela dans le salon d'attente de mon médecin. Le Point oppose Ruffin et Lanzmann à son livre.

 

Lanzmann a tort parce qu'il reste attaché au caractère inégalable et inimitable d'Israël qui devrait justifier selon lui qu'on lui pardonne tout. Mais il a raison quand il dit que Debray a un mauvais style, qui collectionne les formules et dit tout et son contraire d'une ligne à l'autre (les extraits cités par Le Point le confirment). Ruffin, lui, se défend plutôt bien quand il explique que son rapport (de 2004, je crois) qui prônait la criminalisation de l'antisionisme visait uniquement ceux qui assimilent sionisme et nazisme. Comme lui je trouve cette assimilation détestable et il n'a pas tort de dire qu'elle incite à la haine au delà de toute raison. Il dit qu'il voulait ainsi mettre fin à la judéophobie de certains jeunes pro-palestiniens. Cela étant  si sa proposition avait été suivie, si la criminalisation de l'antisionisme était passée dans la loi, qui sait si elle n'aurait pas été aussi instrumentalisée bien au delà de l'intention première, et utilisée pour empêcher toute critique d'Israël ?

 

Nous savons combien notre époque est rétive aux débats sereins et rationnels. Je crois que la création d'une délit d'opinion supplémentaire n'aurait fait qu'amplifier les problèmes.

 

Au fait, vous avez peut-être vu qu'une armada très importante de bateaux humanitaires se dirige vers Gaza, ce qui est une bonne chose. Bien sûr j'eusse aimé en voir partir une aussi vers l'Abkhazie ou vers les camps saharaouis à l'ouest de l'Algérie, et vers tant d'autres peuples oubliés de nos élites. Mais il faut féliciter cette initiative et la soutenir comme elle le mérite.

 

 

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Identitarisme et nationalisme

26 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Peuples d'Europe et UE

Dès qu'un leader émerge pour prôner la sortie de la France de l'Union européenne, il attire à lui des gens d'extrême-droite et n'évite pas que son discours prenne une coloration identitaire ethnique et religieuse (la France blanche, la France chrétienne).

 

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Pour ma part je crois qu'il y a urgence à détacher la question nationale de la question de l'identité et assumer une fois pour toute que les nations deviennent des villages-mondes en miniature. Si demain l'Union européenne éclate, il faudra à tout prix éviter que l'horizon national français débouche sur un repli indentitaire.
 

Or on voit bien qu'il existe une pente sociologique forte pour que la question nationale soit récupérée par des identitaristes. Et cet identitaritarisme est lui-même voué à entrer dans le grand plan du "choc des civilisations" - d'où le ralliement de De Villiers, de Marine Le Pen, et même de Dupont Aignan si j'en crois certaines vidéos à diverses formes d'atlantisme (c'est à dire au combat Occident contre reste du monde, sous le parapluie américain).

 

Ceux qui à gauche veulent la sortie de la France de l'Union européenne, doivent clairement dire que c'est au nom d'une conception politique de la nation, et que le retour aux frontières nationales françaises, s'il se fait, s'effectuera dans un esprit multiethnique, multi-religieux, conscient de la pluralité des histoires de notre pays, étranger aux divers slogans islamophobes, sinophobes, russophobes etc.

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"Quai d'orsay" de Blain et Lanzac (suite)

24 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

En lisant cette BD on se rend compte du pouvoir évocateur de ce genre artistique. Supposez que l'auteur du scénario en ait fait un film. On aurait sans doute eu un navet du genre "Le promeneur du Champ de Mars" de Guédiguian (qui part du même principe : regard d'un jeune sur un homme d'Etat).

 

Le dessin de Blain permet ici de restituer à merveille l'imaginaire des protagonistes, leurs inquiétudes, leurs aspirations, en jouant sur les proportions des personnages, des décors, la restitution des mouvements, souvent vifs comme des tornades.

 

Le livre montre bien (du moins d'après ce qu'on eut en savoir de l'extérieur) la personnalité très "particulière" de Dominique de Villepin, sans jamais la juger, et sans permettre de trancher, finalement, l'éternel débat qui court depuis des années : fut-il un vrai génie de la diplomatie ou juste un velléitaire ? (même débat qui existe d'ailleurs sur ses talents d'écrivain, sur lesquels je ne me prononce pas ne l'ayant jamais lu : est-il juste un baudruche des beaux quartiers, ou un homme animé par une réelle fibre littéraire ?).

 

J'ai entendu de Villepin au salon du premier roman de Draveil (cf vidéo ci dessous). Il y avait un certain brio dans son discours. C'est tout ce que je puis dire pour ma part de la sincérité de son engagement littéraire. Sur le plan diplomatique je peux dire en revanche avec certitude que son engagement anti-néocons fut des plus insuffisants.

 

La BD restitue aussi, outre l'ambiance assez étrange des cabinets ministériels, la passion de l'action qui habite de Villepin. C'est une constante dans l'imaginaire gaulliste. Quand je suis sorti de la grande-école-que-je-dois mentionner-le-moins-possible-pour-n'embêter personne, j'ai failli intégrer la mairie de Paris. A l'époque elle était gouvernée par les chiraquiens qui parlaient d'action à tout bout de champ, comme s'ils étaient en permanence sur un champ de bataille. Ils ont hérité ça de Chirac, et plus profondément de Malraux. Je crois que c'est Malraux, avec son fond nietzschéen, qui a donné au gaullisme cette dimension de sacralisation du "faire", de l' "agir" contre toute essence de l'identité stabilisée. Le gaullisme c'était le mouvement. Chirac en a retenu la leçon au point de passer pour un agité, et de Villepin aussi. Sarkozy a poussé cette tendance jusqu'à la caricature.

 

Pas étonnant que toute la BD soit sous le signe d'Héraclite, philosophe du mouvement permanent, qu'apparemment de Villepin appréciait.

 

Ce faisant le gaullisme se fait le complice du "bougisme" du capitalisme triomphant. Et c'est une mauvaise compréhension de Nietzsche dont le volontarisme se teintait souvent de connotations russes à la Dostoïevsky, voire asiatiques, avec une fascination pour la volonté passive : "vouloir être voulu, et vouloir ce qui est voulu". Il y a un éloge du rythme juste chez le Nietzsche mélomane (et mauvais compositeur de musique), qui peut s'accomoder parfois de la plus grande lenteur. De Villepin n'est pas du tout sur cette ligne.

 

Pour finir sur cette BD, je dois dire que j'aime beaucoup la relation filiale que le narrateur finit par nouer avec de Villepin, et qui dit quelque chose de profond des ressorts de l'action politique.

 

Il faudra à l'occasion que je vous parle du colloque "L'islam en France et en Europe Hier, aujourd'hui et demain‏" auquel j'ai assisté hier à l'université Paris 10 (en fait je n'ai suivi que la première partie le matin, et pas celle où était Tariq Ramadan l'après-midi car ensuite je me suis rendu à une assemblée de sages maliens à Montreuil). La vidéo de cette rencontre importante sera bientôt sur le site de "Réveil des consciences".

 

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"Quai d'Orsay"

23 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca

Très bonne la BD "Quai d'Orsay" de Blain et Lanzac. Je ferais mieux de faire de la BD plutôt que de me faire chier à tenir un blog.

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