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Le blog de Frédéric Delorca

L'apport du sarkozysme à notre époque

30 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Beaucoup de sympathisants du Front de Gauche sur Facebook s'inquiètent de l'atonie de l'opinion publique devant la réforme des retraites. Non sans raison. Nous assistons à l'effondrement d'une résistance qui s'était fortement manifestée en France en 1995. Ce que les gouvernements de cohabitation de Baladur et Juppé, ni ceux de M. Chirac après 2002 n'ont pu faire, M. Sarkozy le fait.

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Il démontre ainsi qu'avec un style de présidence assez largement basé sur le "n'importe quoi" (notamment des déclarations à l'emporte pièce qui ne veulent rien dire, comme la dernière sortie du président sur le fait, selon lui, depuis la loi sur la réforme des universités, des profs "du monde entier" afflueraient pour enseigner en France !), on parvient à fatiguer suffisamment les Français, et embrumer leur esprit, pour remettre en cause à peu près toutes les conquêtes sociales. Notez que M. Raffarin avait fait une démonstration comparable en s'asseyant sur les manifs sur les retraites de 2003, mais ce beau succès (du point de vue de la doxa libérale) avait été quelque peu terni par l'échec de M. de Villepin sur le contrat de première embache trois ans plus tard.

 

Il est vrai que la méthode de M. Sarkozy n'est pas la seule cause de la capitulation du mouvement social. Elle fut brillamment secondée par une ambiance générale dans la société de "haine de soi", sur fond de catastrophisme écologiste, d'hypernormativisme hygiéniste (y compris sur l'hygiène mentale) et de culpabilisation de tous, de relativisme généralisé bizarrement renforcé par des grands élans de peur irrationnelle de tout ce qu'on ne veut pas comprendre (la burqa, la Chine, que sais-je encore). La conviction que tout est foutu en Occident est de plus en plus répandue, qu'on ne peu plus sauver nos emplois, ni nos retraites, ni rien du tout. Que le sens de l'histoire a tourné, que le Volksgeist dominant migre vers l'Asie (comme eut dit Hegel, encore un champion de l'irrationnel n'est-ce pas ?). Bref nos années 2010 s'ouvrent sur une grosse fatigue généralisée en France.

 

Cette fatigue se double du caractère de plus en plus illisible de notre environnement social. Qu'il y ait de la pauvreté, nul ne doit en douter, et même il y en a de plus en plus. En même temps nul ne peut nier que la nounou qui garde mon fils et qui est fort mal payée par une association intermédiaire (elle appartient clairement au néo-prolétariat actuel), s'est offert 8 jours de vacances aux Canaries le mois dernier - ce n'était pas la première fois pour elle, et ce n'était pas un cas isolé parmi les gens à faible pouvoir d'achat. Beaucoup de gens apparemment pauvres sont en fait, riches, et en même temps très pauvres quand même car il y aura  toujours une compagnie de téléphone portable, une banque, un plombier, pour leur pomper dans un mois, dans un an, le maximum de fric et les mettre sur la paille.

 

J'ai été un peu triste la semaine dernière à Brosseville quand j'ai reçu le président d'association de rap (un jeune d'origine ouest-africaine). Il me disait sans sourciller ce que de plus en plus de gens admettent sur le ton de l'évidence en banlieue : "Pour fédérer les jeunes, et éviter qu'ils ne partent dans des 'embrouilles', il n'y a que deux options : le rap, ou la religion. Ils n'apprécient pas tous le rap. De plus en plus c'est la religion qu'ils respectent le plus".

 

Ce genre de constat conforte les visions pessimistes du monde social (et la fatigue généralisée à l'heure où la mobilisation devient nécessaire). Encore l'élan religieux des banlieues ne serait-il pas décourageant si c'était un discours à la Chavez, ou la Tariq Ramadan qui devait l'emporter (un discours vaguement socialisant). Mais je crois que même les plus révoltés de nos jeunes aiment trop leur "i-pod" pour investir dans une théologie de la libération !

 

Or l'on a tort de ne pas se mobiliser pour les retraites. Un des rares points positifs du programme de la gauche plurielle (et de Mme Aubry) en 1997 fut la valorisation des loisirs, et la semaine de 35 h. Non qu'il faille mépriser le travail, bien au contraire, mais il le faut circonscrire dans la vie des gens afin qu'il n'en fasse point des esclaves. Ce programme aurait dû être défendu avec plus de conviction par le PS qui aurait dû aussi imaginer les solutions pour que les 35 heures ne soient pas asservies par la logique marchande (qu'on ne gâche pas le temps de loisir devant la TV ou dans les supermarchés à rêver d'un supplément de consommation).

 

Aujourd'hui il faut défendre la retraite à 60 ans, parce que beaucoup de jeunes sont sans emploi, et qu'il y a mieux à faire de sa vieillesse que de s'accrocher à des postes de travail. L'argument démographique (on vit cent ans désormais) ne vaut strictement rien : taxez les revenus financiers et vous pourrez payer les retraites jusqu'à 120 ans s'il le faut.

 

Il existe chez les gens une conviction profonde que les combats ne méritent plus d'être menés. Que si l'on se mobilise, on nous "niquera" d'une autre manière, comme avec le référendum sur la constitution européenne. C'est comme une accoutumance au cynisme.

 

Et ceux qui parient sur une nouvelle crise financière à venir pour faire évoluer les mentalités à mon avis ne font pas le bon calcul. La montée du fascisme dans les années 1930 a hélas montré que les peuples ne sont pas sensibles à une "pédagogie par la crise".

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Un "niet" éditorial, le débat sur Debray dans Le Point, Gaza encore

29 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

J'ai tenté une opération risquée hier sur le front éditorial : profiter d'une mention de mes travaux d'anthropologie du corps dans un grand mensuel (son numéro de juin) pour suggérer (via un canal que je gardais sous le coude depuis deux ans) à un éditeur diffusé par Lagardère un livre que j'étais prêt à écrire dans le registre "philosophie vulgarisée". Mais l'offensive a tourné court. On m'a dit "niet" tout net. Dans ces cas, inutile de demander la raison du refus. On ne vous dira jamais franco : "c'est parce que vous n'êtes pas la fille de BHL". Mais il y a du bon dans ce refus. Certes une acceptation m'aurait permis d'aller plus loin dans ma recherche personnelle, m'aurait motivé pour expliciter mon "éthique stoïcienne". Mais un "non" clôture l'espace : on sait qu'on ne peut plus aller au delà, le périmètre est circonscrit. Ainsi il n'y aura pas de vie au delà des Editions du Cygne, pas de livre à grande diffusion. Plus besoin, par conséquent, de dépenser de l'énergie à imaginer d'autres ouvrages au delà du dernier qui sera publié, chez le Cygne (inch'Allah) en 2011. Mon statut est définitivement fixé.

 

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En parlant d'édition, Régis Debray, lui, s'en tire toujours bien. Un livre = pour lui 4 pages dans Le Point, presque automatiquement. Je lisais cela dans le salon d'attente de mon médecin. Le Point oppose Ruffin et Lanzmann à son livre.

 

Lanzmann a tort parce qu'il reste attaché au caractère inégalable et inimitable d'Israël qui devrait justifier selon lui qu'on lui pardonne tout. Mais il a raison quand il dit que Debray a un mauvais style, qui collectionne les formules et dit tout et son contraire d'une ligne à l'autre (les extraits cités par Le Point le confirment). Ruffin, lui, se défend plutôt bien quand il explique que son rapport (de 2004, je crois) qui prônait la criminalisation de l'antisionisme visait uniquement ceux qui assimilent sionisme et nazisme. Comme lui je trouve cette assimilation détestable et il n'a pas tort de dire qu'elle incite à la haine au delà de toute raison. Il dit qu'il voulait ainsi mettre fin à la judéophobie de certains jeunes pro-palestiniens. Cela étant  si sa proposition avait été suivie, si la criminalisation de l'antisionisme était passée dans la loi, qui sait si elle n'aurait pas été aussi instrumentalisée bien au delà de l'intention première, et utilisée pour empêcher toute critique d'Israël ?

 

Nous savons combien notre époque est rétive aux débats sereins et rationnels. Je crois que la création d'une délit d'opinion supplémentaire n'aurait fait qu'amplifier les problèmes.

 

Au fait, vous avez peut-être vu qu'une armada très importante de bateaux humanitaires se dirige vers Gaza, ce qui est une bonne chose. Bien sûr j'eusse aimé en voir partir une aussi vers l'Abkhazie ou vers les camps saharaouis à l'ouest de l'Algérie, et vers tant d'autres peuples oubliés de nos élites. Mais il faut féliciter cette initiative et la soutenir comme elle le mérite.

 

 

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Identitarisme et nationalisme

26 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Peuples d'Europe et UE

Dès qu'un leader émerge pour prôner la sortie de la France de l'Union européenne, il attire à lui des gens d'extrême-droite et n'évite pas que son discours prenne une coloration identitaire ethnique et religieuse (la France blanche, la France chrétienne).

 

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Pour ma part je crois qu'il y a urgence à détacher la question nationale de la question de l'identité et assumer une fois pour toute que les nations deviennent des villages-mondes en miniature. Si demain l'Union européenne éclate, il faudra à tout prix éviter que l'horizon national français débouche sur un repli indentitaire.
 

Or on voit bien qu'il existe une pente sociologique forte pour que la question nationale soit récupérée par des identitaristes. Et cet identitaritarisme est lui-même voué à entrer dans le grand plan du "choc des civilisations" - d'où le ralliement de De Villiers, de Marine Le Pen, et même de Dupont Aignan si j'en crois certaines vidéos à diverses formes d'atlantisme (c'est à dire au combat Occident contre reste du monde, sous le parapluie américain).

 

Ceux qui à gauche veulent la sortie de la France de l'Union européenne, doivent clairement dire que c'est au nom d'une conception politique de la nation, et que le retour aux frontières nationales françaises, s'il se fait, s'effectuera dans un esprit multiethnique, multi-religieux, conscient de la pluralité des histoires de notre pays, étranger aux divers slogans islamophobes, sinophobes, russophobes etc.

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"Quai d'orsay" de Blain et Lanzac (suite)

24 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

En lisant cette BD on se rend compte du pouvoir évocateur de ce genre artistique. Supposez que l'auteur du scénario en ait fait un film. On aurait sans doute eu un navet du genre "Le promeneur du Champ de Mars" de Guédiguian (qui part du même principe : regard d'un jeune sur un homme d'Etat).

 

Le dessin de Blain permet ici de restituer à merveille l'imaginaire des protagonistes, leurs inquiétudes, leurs aspirations, en jouant sur les proportions des personnages, des décors, la restitution des mouvements, souvent vifs comme des tornades.

 

Le livre montre bien (du moins d'après ce qu'on eut en savoir de l'extérieur) la personnalité très "particulière" de Dominique de Villepin, sans jamais la juger, et sans permettre de trancher, finalement, l'éternel débat qui court depuis des années : fut-il un vrai génie de la diplomatie ou juste un velléitaire ? (même débat qui existe d'ailleurs sur ses talents d'écrivain, sur lesquels je ne me prononce pas ne l'ayant jamais lu : est-il juste un baudruche des beaux quartiers, ou un homme animé par une réelle fibre littéraire ?).

 

J'ai entendu de Villepin au salon du premier roman de Draveil (cf vidéo ci dessous). Il y avait un certain brio dans son discours. C'est tout ce que je puis dire pour ma part de la sincérité de son engagement littéraire. Sur le plan diplomatique je peux dire en revanche avec certitude que son engagement anti-néocons fut des plus insuffisants.

 

La BD restitue aussi, outre l'ambiance assez étrange des cabinets ministériels, la passion de l'action qui habite de Villepin. C'est une constante dans l'imaginaire gaulliste. Quand je suis sorti de la grande-école-que-je-dois mentionner-le-moins-possible-pour-n'embêter personne, j'ai failli intégrer la mairie de Paris. A l'époque elle était gouvernée par les chiraquiens qui parlaient d'action à tout bout de champ, comme s'ils étaient en permanence sur un champ de bataille. Ils ont hérité ça de Chirac, et plus profondément de Malraux. Je crois que c'est Malraux, avec son fond nietzschéen, qui a donné au gaullisme cette dimension de sacralisation du "faire", de l' "agir" contre toute essence de l'identité stabilisée. Le gaullisme c'était le mouvement. Chirac en a retenu la leçon au point de passer pour un agité, et de Villepin aussi. Sarkozy a poussé cette tendance jusqu'à la caricature.

 

Pas étonnant que toute la BD soit sous le signe d'Héraclite, philosophe du mouvement permanent, qu'apparemment de Villepin appréciait.

 

Ce faisant le gaullisme se fait le complice du "bougisme" du capitalisme triomphant. Et c'est une mauvaise compréhension de Nietzsche dont le volontarisme se teintait souvent de connotations russes à la Dostoïevsky, voire asiatiques, avec une fascination pour la volonté passive : "vouloir être voulu, et vouloir ce qui est voulu". Il y a un éloge du rythme juste chez le Nietzsche mélomane (et mauvais compositeur de musique), qui peut s'accomoder parfois de la plus grande lenteur. De Villepin n'est pas du tout sur cette ligne.

 

Pour finir sur cette BD, je dois dire que j'aime beaucoup la relation filiale que le narrateur finit par nouer avec de Villepin, et qui dit quelque chose de profond des ressorts de l'action politique.

 

Il faudra à l'occasion que je vous parle du colloque "L'islam en France et en Europe Hier, aujourd'hui et demain‏" auquel j'ai assisté hier à l'université Paris 10 (en fait je n'ai suivi que la première partie le matin, et pas celle où était Tariq Ramadan l'après-midi car ensuite je me suis rendu à une assemblée de sages maliens à Montreuil). La vidéo de cette rencontre importante sera bientôt sur le site de "Réveil des consciences".

 

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"Quai d'Orsay"

23 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca

Très bonne la BD "Quai d'Orsay" de Blain et Lanzac. Je ferais mieux de faire de la BD plutôt que de me faire chier à tenir un blog.

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Bangkok again

23 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Un salut fraternel à Georges Stanechy pour son article ici : http://stanechy.over-blog.com/article-bangkok-medias-pourris-50848036.html

 

Un texte plein d'empathie et de lucidité.

 

En 1999 je jugeais les gens en fonction de leur degré d'indifférence à l'égard de la Serbie. Aujourd'hui j'ai tendance à les juger en fonction de leur attitude à l'égard de la Thaïlande. Je vous le redis, chers lecteurs : je n'aime pas votre propension collective à suivre l'opinion des médias abrutissants. Je n'aime pas, lorsqu'on vous montre que vous avez tort, l'espèce de moue dubitative ou fataliste que vous opposez. Encore moins vos haussements d'épaules avec des réflexions du genre :" Cher Delorca, il faut être plus prudent, la situation n'est pas si simple là-bas que vous ne le pensez". Avec des phrases comme celle-là vous n'exprimez que votre lâcheté et votre égoïsme, votre ABSENCE au monde. Internet vous met en prise avec des tragédies collectives, et vous vous dérobez.

 

Sur le dossier thaïlandais, comme sur le dossier serbe, il suffisait de comparer la version des médias occidentaux, et celle de quelques dissidents sur Internet pour voir tout de suite que quelque chose clochait profondément dans le point de vue dominant. Quand Yaoline Buntang disait sur Facebook que lors du tremblement de terre d'Haïti le gouvernement avait envoyé de la crème pour blanchir la peau aux Haïtiens en leur disant en substance "en étant moins noirs vous aurez moins de problèmes", on touchait là à l'obscénité de ce régime.

 

Je conçois qu'il est pénible de voir, en Iran, des étudiants se faire frapper par la police des mollahs parce qu'ils ont des rêves occidentaux. Sauf que ces étudiants sont soutenus par de puissants lobbys institutionnels européens et nord-américains dont le point de vue est relayé en permanence. En outre ces jeunes de beaux quartiers de Téhéran ont aussi peu le sens de la solidarité avec les pauvres que Lech Walesa ne l'avait en Pologne, et aussi peu de lucidité sur le système capitaliste occidental que Vaclav Havel (pour ne citer que quelques grands noms de la braderie des services publics en Europe de l'Est).

 

En Thaïlande c'est un peuple qui s'est soulevé contre une monarchie d'opérette comme le dit Georges Stanechy, et contre un statut dans le monde globalisé qui fait de ce pays le bordel de la planète (et si prisé à ce titre par notre ministre de la culture). Bien sûr tous dans ce mouvement hétéroclite n'avaient peut-être pas une vision parfaitement progressiste de leur revendication, et il leur a manqué peut-être une bonne stratégie de communication pour faire passer ce genre de message. Mais quelle chance leur avez vous donné, vous, de se faire mieux entendre ? Vous tous confortablement installés dans vos fauteuils ou dans votre mal être bourgeois nihilistes, vous avez laissé crever le mouvement des Chemises rouges thaïlandaises, comme vos grands parents ont laissé crever la République espagnole en 1939. Et je sais que vous laisserez encore pérécliter bien d'autres mouvements populaires dont vous aurez la flemme de décrypter les aspirations en vous contentant (au mieux) de lire ce que l'AFP en passant. Ce faisant chaque jour vous validez toujours plus votre propre servitude au même titre que celle du monde dans lequel vous vivez.

 

 

 

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L'Ukraine et la Transnistrie

22 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Transnistrie

institution.jpgStefan Lutz attire mon attention sur l'article de Radio Free Europe intitulé "Kremlin, With Kyiv's Help, Ups Pressure Over Transdniester" qui semble indiquer un durcissement de l'Ukraine à l'égard des Occidentaux sur la Transnistrie puisque Kiev insisterait sur la nécessité de définir un "statut spécial" pour elle. Mais il me semble plutôt que cette radio grossit le trait. Cela fait des années que la réintégration de la Transnistrie dans la Moldavie n'est envisageable de toute façon que dans le cadre d'un "statut spécial" (confédéral ou fédéral) qui est au centre des négociations formelles ou informelles qui ont pu avoir lieu. De même je reste sceptique sur cette affaire d'espion montée en épingle par Reporter sans frontières et quelques autres lobbys. Après tout ce ne serait pas la première fois que les Occidentaux voudraient faire passer pour des oies blanches de vrais collaborateurs occasionnels ou réguliers de services secrets. Et, entre deux entités qui ont également conservé la culture soviétique (la Transnistrie et la Moldavie), les implications de services secrets doivent être fort fréquentes.

 

Pour ma part en tout cas je trouve l'Ukraine plutôt prudente depuis plusieurs semaines. Ianoukovitch a refusé de reconnaître l'Abkhazie comme il avait pourtant initialement promis de le faire.

 

L'Ukraine reste politiquement et économiquement fragile. Politiquement l'ex premier ministre Youlia Timochenko fait du chantage ouvert à la guerre civile depuis l'accord sur le maintien de la flotte russe en Crimée en échange d'une baisse du prix du gaz russe. Economiquement, Jean-Luc Mélenchon a récemment rappelé dans son blog la dépendance de Kiev à l'égard de l'Union européenne : "Après un débat verbeux sur les causes et les solutions à la crise actuelle, [le parlement européen] vote une aide à l’Ukraine en décidant de la conditionner à la surveillance de l’application par ce pays des injonctions du FMI et de la banque mondiale ! Le dixième de cette arrogance de la part de la Russie aurait immédiatement mobilisé « reporters sans frontières » et toutes les agences américaines d’aides aux « révolution orange », «  révolution pourpre » et ainsi de suite." note-t-il en des termes très justes.

 

Yanoukovitch plaide pour une"nouvelle approche" des conflits gelés. Mais c'est une sorte de minimum rhétorique à l'égard des Russes, qui est loin de pouvoir se traduire par des actes.

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Métaphysique du dé-racinement

21 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

798px-Eiffel_Tower_20051010.jpgJe discutais il y a peu avec une jeune aide-soignante ivoiro-malienne qui a été naturalisée française après avoir procréé avec un fonctionnaire français à Paris. Elle habite seule avec sa fille chez son mari dans les beaux quartiers de Paris (le mari s'est installé ailleurs). On peut dire qu'elle participe d'un "envers des beaux quartiers", un peu comme les salons de massage chinois dont je parlais il y a peu. Elle fait partie de cette "face cachée" de l'identité des beaux quartiers. On ne peut pas dire qu'elle rase les murs comme les masseuses chinoises, mais il y a des choses d'elle qu'elle ne peut pas dire, qui n'ont pas droit de cité dans l'Ouest parisien. La première fois qu'on s'est parlé, elle m'a dit qu'elle s'appelait Florence. Puis elle m'a dit qu'elle était musulmane. Après une seconde interrogation, elle m'a confié qu'elle s'appelait Kady-Diatou et que Florence est le prénom qu'elle avait dû choisir dans une liste très restreinte de prénoms vieillots que la mairie de l'Ouest parisien lui avait tendue au moment de sa naturalisation - Florence était le prénom qui lui avait semblé le moins dur de tous. Je lui ai dit spontanément que Khadidja était la femme du Prophète, et ça lui a fait plaisir, un peu comme à cette jeune Kabyle à qui je faisais remarquer la semaine dernère que tel commerçant avait sur le front la marque des pieux musulmans. Dès que je dis des choses comme ça à des musulmans, ils sentent qu'ils peuvent allez au delà dans l'expression de ce qu'ils sont, au delà de la logique d'une liste de huit prénoms français dans laquelle ils doivent choisir le leur. Du coup Khadidjatou m'a confié que son père avait le prénom du Prophète, et qu'elle faisait sa prière tous les matins.

 

Comme souvent chez les migrants, Kady-Diatou ne rentre pas dans une catégorie bien précise. Par exemple elle n'est pas exactement du même univers que les nounous africaines qui vont chercher les gamins blonds des bobos à la sortie des écoles du côté du parc André Citroën. Ayant épousé un Français, elle est encore d'un "autre bord" par rapport à elles.

 

La mère de Kady-Diatou vit à Bamako, une de ses soeurs aux Etats-Unis, une de ses cousines à Mantes la Jolie. La géographie mentale de la vie familiale de cette fille s'étend sur trois continents, un peu comme celle des émigrés serbes que j'interviewais au débit des années 2000. Peut-être encore plus. Il y a beaucoup d'avions dans son imaginaire. Elle va en Afrique tous les deux ans.

 

PAU.jpgC'est amusant, parce que je reçois sur Facebook régulièrement des nouvelles du journal de mon petit terroir d'origine : la République des Pyrénées. Ca raconte toujours les mêmes trucs qu'il y a vingt ans : des histoires de bagnoles qui foncent dans des arbres, de rixes à la sortie des bistrots. On pourrait croire que le Béarn vit encore dans la métaphysique de l'enracinement, comme du temps où nous lisions Heidegger. Et pourtant cette métaphysique n'est plus possible là-bas non plus. Quand je rentre chez mes parents, je ne trouve plus que des rocades, un espace entièrement soumis aux impératifs de la bagnole (c'est à dire du mouvement). Pas un banc, pas une souche d'arbre où l'on puisse s'asseoir au calme.

 

En réalité, enracinement et immobilité sont prohibés. Tout le monde est voué à la mobilité, au dé-racinement. Qui dit dé-racinement dit bricolage. Kady-Diatou bricole dans sa vie avec plusieurs langues, plusieurs cultures, des choses qu'elle peut dire, des choses interdites, des restes de l'éducation stricte de son enfance, des films X qu'elle regarde sur DVD (oui de ça aussi elle m'a un peu parlé), et son tapis de prière qui est peut-être un des rares lieux de ré-enracinement pour elle (quoique cet islam qui renaît est lui aussi le fruit du mouvement et du dé-racinement généralisé). Tout le monde bricole, s'arrange des modes de pensée héréroclites qui permettent de s'adapter à toute la complexité du nouveau monde hors-sol.

 

Tout ce bricolage a quelque chose à voir avec le stoïcisme. Ca aussi il faudra que je le montre un jour.

 

Ceux qui bricolent le moins sont mes anciens camarades de promo des grandes écoles. Ils ont dans leurs listes d'amis sur Facebook les mêmes amis qu'il y a 15 ans. Pas besoin pour eux de se raccrocher à leur famille ou à leur religion. Le monde à leur niveau est encore à peu près le même qu'il y a 15 ans. Il n'y a pas de déracinement pour eux. C'est peut-être pourquoi ils comprennent mal ce qui se passe "en dessous d'eux", dans la face cachée de leurs beaux quartiers, et se croient obligés d'interdire le port du niqab et les salons de massage chinois au nom de leurs principes d'il y a 15 ans, sans voir combien tout cela est décalé par rapport au réel.

 

On parle d'un prochain éclatement de la zone euro en ce moment. Derrière cela se profile le risque d'un éclatement de l'Union européenne. La mobilité des marchés financiers venant à bout d'une structure pourtant très docile à leur égard mais encore trop "enracinée" et trop lourde pour eux : l'UE. Ce serait là le grand événement du 21ème siècle. Ce que les peuples n'ont pu réaliser avec leurs référendums, les marchés le feraient... Quel horizon après cela ? Les élites reconstitueront-elles des mythologies d'enracinement ? Le grand retour de l'histoire mythifiée façon 19ème siècle comme semble l'affectionner François Asselineau (un gaulliste anti-européiste qui veut concurrencer Dupont-Aignan) ?

 

Le déracinement a produit du bricolage chez les dominés. Le réenracinement en engendrerait chez les dominants. Comment reconstitueraient-ils leurs frontières ? Constitueront-ils un kaléidoscope de microcosmes qui reflèteront chacun le macrocosme ainsi que le disaient les auteurs antiques de chaque individu ? Personne parmi ceux qui veulent l'éclatement de l'Europe ne le dit clairement : quels seront les horizons nationaux après cela ? quelle place la France, l'Allemagne, l'Italie hors Union européenne feront-elles aux Kady-Diatou dans leur identité ? Comment est-ce qu'on bricole du ré-enracinement imaginaire avec un monde qui a tant bougé ?

 

Actualisation 2019 : Kady enfant née avec un don de sorcellerie, allait avoir une expérience spirite en décembre 2014.

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Chomsky à Paris, Yaoline à Bangkok, Carlos à Cannes

19 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Revue de presse

p1000207.jpgJe lis dans Le Monde Diplo que Noam Chomsky sera à Paris du 28 au 31 mai. Je demande à tout hasard à Jean Bricmont qui est un de ses amis s'il organisera une rencontre entre Chomsky et les contributeurs du Cahier de l'Herne qui lui est consacré. Lui ou la maison d'édition peuvent le faire : après tout une firme américaine de publication en ligne comme lulu.com organise bien des rencontres entre auteurs, pourquoi pas L'Herne ? Mais je sais qu'ils ne le feront pas. L'esprit qui consistait à mettre en contact les auteurs entre eux, qui était très vivace au début du 20ème siècle (qu'on lise "Si le grain ne meurt" de Gide par exemple), est absent de l'intelligentsia actuelle, sauf peut-être dans les milieux les plus bourgeois, chez les gros éditeurs. Ailleurs, les gens écrivent dans des livres, et puis basta, "adieu il pleut" comme on disait chez moi.

 

Enfin bon, je suppose que les jeunes "altermondialistes" du 5ème arrondissement (avec ce qu'il leur reste de jeunesse et ce qu'il leur reste d'altermondialisme) se masseront au Collège de France le 28.

 

Pour ma part, je n'y serai pas. Bourdieu, Chomsky, tous ces grands auteurs nous furent utiles au début des années 2000 à la grande époque de l'altermondialisme. Mais c'est comme Godard qui du haut de ses 80 ans ressort encore et toujours les mêmes blagues les mêmes citations : il arrive un moment où l'on sait d'avance ce que les grands auteurs vont dire, surtout quand ils vieillissent. Il faut aller au delà.

 

Aujourd'hui je pense à la capitulation des Chemises rouges en Thailande. Avec quelle légèreté ils se sont lancés dans ce combat : sans armes, et sans aucune chance de diviser les forces armées ! Surtout sans aucun relais à l'étranger pour obtenir des soutiens. Quel manque de sens stratégique !

 

jauresmeetingpresaintgeuk6.jpg

Yaoline Buntang (selon son pseudo d'Internaute) m'a nommé d'office administrateur du groupe des pro-Chemises rouges sur Facebook avec cinq autres personnes sans même me demander mon avis. Les gens prennent des habitudes de désinvolture sur le Net. Etait-ce parce qu'elle était pressée ? Les soldats frappaient-ils déjà à sa porte quand elle a composé sa liste d'administrateurs ? Je plaisante un peu, mais je devine que la situation doit être fort angoissante là-bas. Comme le dit Yaoline, la répression va pouvoir s'abattre sans attirer aucunement l'attention de l'opinion internationale. L'accusation de "crime de lèse-majesté" va fonctionner à tour de bras. Pire qu'en Espagne !

 

Au fait avez-vous vu la jolie gauche bobo parisienne se mobiliser pour le juge Garzon, à Sciences Po-Paris et dans le 15ème arrondissement derrière Anne Hidalgo ? Allez, pour une fois que les bobos font quelque chose de bien ne faisons pas la fine bouche : Garzon a besoin de soutien. Et ceux qui veulent la République en Espagne aussi !

 

Je tombe aussi dans les actualités sur la bafouille sans grand intérêt que Carlos adresse à l'acteur qui joue son rôle dans un film présenté au festival de Cannes. Je ne suis pas spécialement admiratif devant Carlos, quoique son itinéraire soit bien sûr plus estimable que celui de bien des guérilleros (des guérilleros salafistes notamment). J'avais assisté à une séance de son procès en 1997 à Paris. Le personnage ne m'a pas impressionné. Mais je veux bien croire que le film le caricature.

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PS : j'ai retrouvé mon compte-rendu de la séance du procès, le vendredi 19 décembre 1997 (il y a presque 13 ans déjà...). Je suis un peu surpris par la brutalité de mon propos à cette époque, contre tout le monde : les juges, le public, les avocats. Peut-être l'ardeur (ou le mal-être) de mes 27 ans. Je n'écrirais certainement pas comme ça aujourd'hui sur une séance judiciaire, même médiocre. Il y avait au fond trop d'idéalisme, trop d'attentes existentielles à l'arrière-plan de ce texte...

 

Le procès

 

En vacances cet après midi, j'ai fait un saut au palais de justice, histoire d'assister au procès du terroriste international Carlos.

 

Il est bon de voir un procès d'assise tel qu'en lui même, en dehors du regard biaisé que nous donnent les journalistes. Il nous faut perdre cette habitude de saisir toute réalité telle qu'elle nous apparaît sous le feu des projecteurs, après mise-en-scène, découpage, montage. Il la faut retrouver, telle qu'en elle-même, pour aussi sordide qu'elle nous semble

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Commme c'était aussi le premier procès judiciaire auquel j'assistais, j'y suis allé avec mon point de vue "philosophique", c'est-à-dire en faisant table rase de tout, en me disant "voilà : il y a des hommes qui se réunissent pour juger un homme. Comment cela se passe-t-il ? " Dans ma tête c'était un peu comme si j'allais assister à un des premiers procès de l'histoire de l'humanité, à Athènes au Vème siècle avant Jesus Christ, au début du processus que décrit Vernant, lorsque l'Aréaopage abandonne son côté religieux pour laisser place au logos et à la contradiction.

 

Cette table rase me permettait d'être réceptif aux moindres détails, de m'étonner de tout, comme le recommandait Platon.

 

D'abord ce palais de justice, vieillot et imposant. Le public, dans la queue : des étudiantes en droit, bourgeoises, d'une connerie incroyable, qui se racontaient leurs rêves nocturnes et multiplaient les réflexions débiles, pendant une heure derrière moi. Au milieu de leurs caquetages, les propos passionnés et intelligents d'une grande femme pas très jolie qui expliquait à un étudiant son point de vue sur les reconduites à la frontière. Sans doute une militante des droits de l'homme. Il y avait tant de grâce dans ses gestes, tant de pertinence dans ses mots, que je crevais d'envie de lui parler. Mais que lui dire ? que j'étais juriste, spécialiste en chef des reconduites ? c'eût été si vain…

 

J'eus encore un éclairage sur la composition du public quand j'entendis derrière moi, dans la salle d'audience, un vieux qui n'avait pas son certificat d'études et qui expliquait que le SIDA est sûrement l'invention de quelque apprenti sorcier.

 

Il était important pour moi de bien saisir la nature de ce "peuple" au nom duquel la justice serait rendue, ce peuple dans sa diversité de physionomies, d'âge, de mode de pensée.

 

Dans ma soif de tout voir, tout comprendre, j'ai aussi observé les gendarmes, semblables à ceux que j'ai connus pendant mon stage en préfecture : braves gars, extrêmement polis et serviables, modestes, rigoureux. J'écoutais la façon dont ils résumaient les premiers jours du procès aux étudiants écervelés qui les interrogeaient à ce sujet. C'était instructif.

 

Instructive aussi l'atmosphère de prosaïsme qui se dégageait de cette salle. La couverture médiatique des procès gomme, aux yeux du téléspectateur, ce côté très terre-à-terre, humain, trop humain, dérisoire même d'une ambiance de tribunal.

 

La cour est entrée. Le président a interrogé les parents des victimes. Il y eut un moment d'émotion, parce que ces gens des victimes n'arrivaient pas à parler. Le premier a fondu en larmes. Dans le box, Carlos, en quinquagénaire moustachu de grande classe, prenait des notes.

 

Toutefois, l'émotion était  un peu ternie par le point d'honneur que tous mettaient a dire que leur père, flingué par Carlos, fils d'immigré italien, les avait élevés dans le culte de la non-violence, du refus de la haine, de la foi dans la démocratie. Pourquoi cette avalanche de bons sentiments ? L'émotion ne se suffisait-elle pas à elle-même?

 

Nouvelle fausse note encore : le témoignage d'SOS attentat. Fausse note à plus d'un titre. D’abord parce que c'était le discours institutionnel d'une structure qui revendiquait son aide aux victimes, reconnaissait les avoir soutenues – et, d'une certaine façon, encadrées, enfermées dans son discours. Fausse note aussi parce qu'on jugeait Carlos pour un crime de droit commun (l'assassinat de deux policiers) et pas pour des attentats. Que venait faire cette association à nous parler de l'explosion du Drugstore St Germain ?

 

L'avocate de Carlos l'a fait remarquer en prenant courageusement la parole. Elle a aussi contesté le fait qu'on ne pouvait pas entendre de témoins directs. Puis, emportée par son élan, elle s'est laissée aller à des imprécations assez faciles et mal formulées, du genre "je regrette que le jury populaire qui est le vrai tribunal n'ait pas eu accès aux pièces écrites."

 

Cette phrase n'eut qu'un mérite : celui de démontrer que la justice française n'est pas sereine. En effet, à ces mots, on vit le sang monter aux joues du président "Précisez votre pensée maître, hurla-t-il. Est-ce que ça signifie que le tribunal composé de magistrats professionels n'est pas le vrai tribunal ?" Ce coup de colère surprit toute la salle. J'étais vraiement sidéré car les coups de gueule à l'audience sont étrangers à ma culture professionnelle. Dans mon travail c'est la négation même de l'image que la justice doit donner d'élle-même.

 

L'avocate un peu destabilisée baffouilla, essaya de continuer son argumentation en affirmant que la procédure française était condamnée à l'étranger. On n'entendait pas bien, mais le président enfonca le clou : "vous savez que vous êtes à la limite de l'outrage à la cour !" encore deux mots et le président absolument déchainé suspend la séance en concluant "Très bien nous allons saisir le bâtonier !"

 

Stupeur dans la salle. Et là, la sottise gluante des gens reprend le dessus. Personne ne se demande si l’avocate avait raison sur le fond. Elle fait l'objet de l'opprobre générale du seul fait qu'elle a osé tenir tête au président. Les gens sont comme des enfants : "Oh la la ! ça va barder pour elle !" Les étudiants en droits se surpassent en sottise "Elle n'avait pas à contester le fonctionnement des assises à la barre. Elle aurait dû garder ses reflexions pour des articles dans les revues juridiques" (sic!)

 

Sursaut légitimiste, unanimisme stupide de la foule. On attend une heure. On remarque au premier rang des latinos qui parlent en espagnol. L'avocate s'entretient dans la salle avec un type qui porte une kieffeh. On a l'impression qu'on juge un autre monde, celui de la résistance palestinienne et du gauchisme des années 70, quelque chose qui a vécu.

 

On retrouve dans les comementaires bornés des gens à peu près tous les poncifs qui seront ensuite repris dans la presse.

 

L'audience reprend. Brève intervention du batonnier. Puis le Président se lance dans une lecture fastidieuse des dépositions de toutes les connes qui ont prêté leurs fesses et leur appartement à Carlos en 1975 - tout ce petit monde d'étudiants latinos et de paumés qui avaient tous, à l'époque, au plus vingt sept ans et que le malfra manipulait à sa guise.

 

Rien de grandiose dans tout cela. En plus, le président lit mal, et d'une voix monocorde. Tout le monde s'ennuie à crever. Carlos baille.

 

Après la médiocrité du public, les errements faciles de l'avocate, la nullité du président, c'est la banalité de ces journées de jullet 1975 et de la vie du terroriste qui sautent aux yeux. Belle démystification.

 

Finalement, je quitte la salle avant même d'avoir entendu la déclaration de Carlos qui sera rapportée aux infos télévisées du soir, une phrase du genre "Je suis un révolutionaire et je mourrai en révolutionnaire". Une phrase que la présentatrice du journal de vingt heures, avec sa bonne tête de jolie diplomé de Sciences po, lira avec un sourire futile et stupide. Une phrase assez belle, mais inactuelle, si absurde après la journée qu'on a vécue qu'on aimerait savoir pourquoi elle a pu surgir ainsi en début de soirée. Carlos a-t-il voulu se sauver in extremis de l'envahissante médiocrité ? il n'y est guère parvenu.

 

Cette comédie judiciaire anéantissait tout dans sa grisaille. On ne pouvait en tirer qu'une impression mélancolique, tragiquement désabusée.

 

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L'enthousiasme rebelle de la jeunesse

19 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Ce matin je reçois ce mail d'une jeune Ethiopienne qui vit au Canada :
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"bonjour je me disais et bien si je vous écrivis cela seriez vous emblallé: et bien si on utilise facebook pour faire un groupe ki est contre ce systeme mais qui va vraiment bouger voyager au quatre coins du globe pour parler avec nos frères.prendre sur place une personne qui comprendre l'englais et ki pourra traduire nos dires.nos arguments pour la rébellion contre ce système.lorsqu'on arrive. directement on demande o gens :s'il se considère comme un homme ou comme un robot?...après les arguments viendront et j'écris plus bas ce que je vais dire ou on va dire plutot.qu'on aura assemblé assez de personnes d'adultes de parents.on demandera si ils sont d'accord d'utliser comme arme contre ce système opprimant.une manifestation au quatre coindu monde avec la plus pure naive et sincère arme. l'ENFANT! ENFAITE JE SUIS FATIGUé!MAIS EN TT CAS REPONDS MOI STP"
 
Ca me touche toujous ce naïf enthousiasme de certains jeunes. Et c'est très dur de devoir leur expliquer que ce qu'ils croient facile à faire (un grand mouvement mondial anti-système) est en fait la chose la plus compliquée : qu'il faut au moins un million de dollars comme avait dit un économiste à un mien ami à propos de son projet de fondation anti-impérialiste afin que ça ne reste pas un simple site sur Internet, que ce mouvement risque toujours d'être récupéré, manipulé, trahi, ou tout simplement voué au boycott médiatique. Ces jeunes n'ont pas idée de la complexité de la chose. Et pourtant il ne faut pas les décourager, il faut les encourager, les accompagner.
 
Difficile...
 
 

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