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Le blog de Frédéric Delorca

L'idéologie du naturel, de l'authenticité personnelle, et la bêtise qui en découle

10 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien

Une dame sur Facebook à qui je demandais si elle était adepte des théories d'Arnsperger, me répondait ce matin :

 

"Je le connais  de nom seulement , je ne suis et n'ai jamais été adepte de personne c'est une particularité "vivante" chez moi ; probablement car je n'ai pas eu de modèle de parentalité..... j'ai eu un maitre "à vivre" et non à penser, comme j'aime à dire , il ne m'a rien transmis si ce n'est d'écouter mon bon sens , ma nature profonde, humaine , biologique , mon incontournable libre arbitre et mon esprit critique , mon "étant " ( das sein) pas par réactivité mais par nécessité vitale....., ....j'en parle parfois et j'ai mis une vidéo hier , il s 'agit de Jiddu Krishnamurti . On le nomme philosophe éducateur , enseignant , et on l'a surnommé l'antigourou ..... il me semble qu'il était un phénomène très rare en matière d'Etre Humain ..... "

 

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Inutile de préciser que cette dame a par ailleurs un blog d'émancipation personnelle ou je ne sais quelle sottise de ce genre.

 

Malheureusement pour elle, il est des détails qui déconsidèrent tout un propos. Le détail qui tue dans cette phrase, ce sont les quatre mots les plus prétentieux, les plus cuistres de cette profession de foi : "mon 'étant' (das sein)".

 

"Etant" ne s'est jamais dit "das Sein" en allemand. L'étant, chez Heidegger notamment, se dit das Seiende. Il y a un autre mot, plus typique de la philosophie heideggérienne, que l'on cite plus souvent, c'est Dasein (et pas das sein). Ce mot est une vieille forme germanique pour dire existence, vieille forme que les heideggeriens ont fini par traduire en français par "être-là" après que leur maître ait fait toute une analyse ontologique de ce "da" (là) par où l'être accède au langage.

 

Quand on tombe sur ce mauvais pudding ("bien lourd nappé de crême pâtissière" comme le chantait Anaïs) à la gloire du "naturel" si beau, si libre de l'auteur de ces lignes, et surtout sur cette jolie cerise sur le gâteau, du Dasein aussi pompeusement que maladroitement transformé en "étant" et "das sein", on se dit que c'est bien joli de ne pas vouloir que les maîtres vous apprennent quoi que ce soit et laissent libre cours à votre "nature profonde". Ca va bien avec l'idéologie de notre temps. Mais le résultat est qu'on ne forme avec ça que des esprits "demi-habiles" comme disait Bourdieu, qui veulent faire les malins avec de fausses traductions, des références tronquées qui révèlent simplement qu'ils ne lisent pas, qu'ils ne comprennent pas, qu'ils n'ont aucune rigueur, qu'ils cherchent juste à parader pour soigner leurs bobos intimes. Pauvre culture ! Ces gens si fiers de leur "authenticité personnelle" feraient bien au contraire de se remettre à l'école des grands auteurs. Non pour être "guidés" par eux,  mais pour au moins savoir ce qu'ils ont écrit et façonner leur propre pensée en fonction de cela. Tout montre ici que les fétichistes de la "nature profonde" ne sont même pas capables de ça...

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Conversation avec Vesna : l'universalisme, la place de la création, les bouquins

9 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Conversation avec Vesna cet après midi.

 

Elle : "Tu n'as pas peur de te perdre dans tous les engagements dans lesquels tu t'investis ?

Moi : - J'essaie d'être universel.

Elle, ironique : - Tu crois que c'est possible ?"

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Etre universel sans être abstrait. Difficile, très difficile. Je lui racontais combien j'étais resté étranger à la culture abkhaze en décembre dernier, beaucoup plus encore que je ne l'avais été à l'égard de la culture serbe en 1999. Bien sûr on n'a pas besoin d'être en empathie parfaite avec une culture pour dire des choses justes sur ce que vit un pays.

 

Mais le risque d'être trop "à côté" à force d'être "en surplomb", "au dessus", n'est pas mince.

 

L'autre jour, le maire de Brosseville parrainait un show africain. C'est moi qui ai écrit son discours, mais je n'étais pas là pour l'entendre. Une fille d'origine kabyle qui y assistait m'a dit le lendemain : "Les Africains et les gens d'origine africaine ont beaucoup applaudi le passage où tu disais qu'en France ils étaient toujours considérés comme des étrangers, alors que dans leur pays d'origine on les considérait comme des Blancs. Moi aussi j'ai beaucoup aimé ce passage. Je me suis dit : 'Pour une fois qu'un discours de politicien parle de nous'. Moi je suis née en France, je me sens française, mais on me fait souvent comprendre que je ne le suis pas." J'ai trouvé intéressant qu'elle s'englobe dans le même "nous" que les Noirs auxquels la soirée était destinée. En fait je n'ai fait que ressortir cette thématique de la "double absence" sur laquelle Abdelmalek Sayad a beaucoup écrit, un problème si fondamental dans le vécu des "diasporas" comme on dit, et dont m'avait spontanément parlé, à partir de son vécu, un des organisateurs africains de la soirée.

 

La soirée était coparainée par un maire d'une autre ville, qui était absent mais qui s'était fait représenter par son adjoint, un intellectuel communiste que j'aime bien, très engagé sur des combats anti-impérialistes. La jeune Kabyle me disait que son discours était beaucoup moins bon, beaucoup plus convenu, et que le public l'a beaucoup moins apprécié. Ca m'a  surpris. Mais peut-être faut-il voir là justement le problème des engagements trop "abstraits", quand l'universalité de l'intellectuel est trop "universelle" justement, elle ne parle plus à personne, elle ne trouve plus les mots.

 

Pourquoi, moi, ne suis-je pas abstrait sur cette thématique de la "double absence" ? Pourquoi m'obsède-t-elle même ? Parce que je suis moi aussi issu d'une diaspora en tant que Béarnais sur les bords de la Seine ? Ou parce que je suis un intello issu du prolétariat, et donc devenu aussi "atopos" que Zénon de Cittium ?

 

Je ne sais. Vesna aussi, quand je l'avais interviewée, il y a 10 ans (10 ans déjà !) m'avait beaucoup parlé de sa double absence (sans utiliser le terme évidemment), en tant que Française d'origine serbe. Ca m'avait pas mal interpelé à l'époque. Mais elle ne croit pas du tout qu'on puisse devenir universel. Elle, elle reste archi-balkanique, et archi-serbe, notamment dans son regard sur les musulmans du "9-3", dans sa crainte irrationnelle d'être "colonisée" par eux comme les Serbes le furent par les Turcs.

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Moi ça m'agace un peu ce refus de devenir universel, cette revendication de l'enracinement. J'ai trouvé le symétrique dans une association comme Ishtar (dont la librairie est menacée de fermeture en ce moment) qui avait refusé de faire une conférence sur l'Atlas alternatif parce que le chapitre sur les Balkans ne faisait pas l'éloge du nationalisme albanais. Ishtar était prisonnière d'un point de vue pro-musulman qui doit obligatoirement célébrer l'UCK, comme les Serbes sont prisonniers du préjugé orthodoxe à l'égard de l'Islam. Avec cette mystique de l'enracinement on en vient à ce genre d'impasse.  L'an dernier le Dissident internationaliste m'avait aussi fait remarquer un appel à manifester d'associations musulmanes françaises par solidarité avec des Ouïgours musulmans condamnés à mort en Chine. Dans cette répression contre les sécessionnistes, des Chinois hans aussi avaient été condamnés, pour les mêmes chefs d'accusation que ces Ouïgours avec lesquels ils avaient agi de concert, mais l'appel à manifester les oubliait.

 

Entre ces enfermements communautaires, et l'universalisme abstrait de l'adjoint au maire dont le discours ne parle à personne, la voie est toujours difficile à tracer. Mais je la crois possible.

 

Nous parlions de cela avec Vesna, et aussi de ses projets cinématographiques. Après ses premiers pas dans le court métrage, elle cherche un producteur. Elle va ainsi passer du stade de l'autofinancement à celui d'une forme de "salariat" à l'égard d'un système qui lui dictera ses ordres (et qui déjà, avant même qu'elle ait trouvé le moindre financeur, lui "glisse" des conseils, comme celui d'axer son futur film sur la comédie).

 

La progression de Vesna dans la jungle du cinéma me renvoie souvent à ma propre incursion dans celle du monde littéraire. Vesna comme moi fait de la création en dilettante, à côté de son boulot principal. Comme moi, au détour de la quarantaine, elle atteint un stade où le basculement dans du "plus professionnel" devient possible. Elle est à la croisée des chemins. Pour elle, cela dépendra de son aptitude à trouver un producteur dans les trois ans qui viennent. Pour moi, cela dépendra de ma capacité à faire sauter les verrous des gens qui me boycottent. Le Mensuel de gauche par exemple.

 

"On ne nous aide pas beaucoup, disait Vesna. Les Français c'est chacun pour sa pomme, ils ne s'intéressent pas trop aux sujets qu'on met sous leur nez et qui les sortent de leurs problématiques habituelles. Ils sont conformistes, aux ordres de leurs chefs."annakarina.jpg

 

Je ne sais pas trop si c'est ça le problème. En même temps, si Vesna se sent prête à obéir aux commandes d'un système dans lequel elle serait plus institutionnalisée, je ne crois pas que ce soit mon cas. Je serais plutôt embarrassé d'avoir à répondre de ce que je fais devant des milliers de lecteurs actuels ou potentiels. De ce point de vue là, la faible diffusion de mes livres m'arrange plutôt. Surtout je serais gêné d'avoir à tenir une place dans un système aussi mal fichu, biscornu.

 

Voyez la place de Badiou par exemple : un homme qui se sent obligé d'écrire des articles bancals, au style alambiqué comme celui du Monde du 8 mai dernier, tout ça pour attaquer le livre indigent d'un type comme Onfray. C'est quand même dépenser de l'énergie pour rien. Badiou ne fait pas que gaspiller son énergie. Il se diminue lui-même, il se déconsidère, il tire sa propre pensée vers le bas en entrant dans des débats aussi stupides.

 

Je crois vraiment que le système culturel occidental est une grande machine à stériliser les talents, et à tirer les créateurs vers le bas. Voilà pourquoi moins on y est institutionnalisé plus on y gagne. Et il me semble que, bon an mal an, j'aurai quand même pu faire passer plus force créative dans mes petits livres bricolés "aux marges des baronnies", au cours des cinq dernières années, que si j'avais eu une place reconnue dans le débat public. Bien sûr la marginalité épuise aussi, dans un sens, parce que tout ce qu'on y fait paraît terriblement contingent, gratuit, évanescent. Mais au moins il n'y a là rien qui oblige à devenir ce qu'on ne veut pas être.

 

En ce moment, je continue de travailler à mon livre sur le stoïcisme amoureux. Il est écrit. De temps en temps je retouche une page, une autre. Souvent je me dis qu'il faudrait le reprendre de fond en comble. C'est le livre le plus fragile de tous ceux que j'ai écrits. Celui qui se tient à la limite de toutes mes possibilités, et à la limite de la plus grande illégitimité. Parce que c'est un livre qui prétend être le dernier. Et donc un livre qui s'écrit malgré mon acte de foi selon lequel il ne faut plus écrire de livre. Autant dire que c'est un livre que j'écris contre moi-même. Un livre absurde. En plus je sais que je l'impose à mon éditeur qui n'a pas la capacité d'en faire une grande diffusion et finit par me trouver financièrement pesant... Et pourtant je dois faire cet ultime sacrifice pour avoir le sentiment d'avoir réellement TOUT écrit.

 

Hier je découvrais des bizarreries : que mon roman "La Révolution des montagnes" est sur les étagères de la bibliothèque d'Harvard aux USA, que sept bibliothèques universitaires (dont celle de Yale !) ont acheté mon "Incursion en classes lettrées", on se demande bien pourquoi. Dans le chaos de la "grande recomposition" des médias et des réseaux culturels, il se passe toujours des choses étranges. Vesna me racontait qu'elle avait obtenu la projection de son court-métrage sur les bombardements de Belgrade de 1999 à Normale sup grâce à l'aide d'un ancien collaborateur de Védrine (un normalien) rencontré dans une conférence. Anecdotique mais amusant. Aux marges du système, on ne se nourrit que d'anecdotes...

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Freudisme, darwinisme et marxisme

8 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Je suis absolument en désaccord avec le dernier article de Badiou dans Le Monde du 8 mai qui place sur un pied d'égalité freudisme, darwinisme et marxisme : c'est mêler deux idéologies à une théorie scientifique, ce qui est très grave.

 

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Mais je suis d'accord avec sa conclusion, tournée contre Onfray et l'hédonisme :

 

"Parmi ces tentatives qui, sous couvert de "modernité", recyclent les vieilleries libérales remontant aux années 1820, les moins détestables ne sont pas celles qui se réclament d'un matérialisme de la jouissance pour tenir, en particulier sur la psychanalyse, des propos de corps de garde. Loin d'être en rapport avec quelque émancipation que ce soit, l'impératif "Jouis !" est celui-là même auquel nous ordonnent d'obéir les sociétés dites occidentales. Et ce afin que nous nous interdisions à nous-mêmes d'organiser ce qui compte : le processus libérateur des quelques vérités disponibles dont les grands dispositifs de pensée assuraient la garde."

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Le débat ACRIMED / Schneidermann

7 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Entre un Henri Maler d'Acrimed qui s'est assagi au bout de 15 ans et un Daniel Schneidermann qui est devenu plus rebelle, on arrive à un petit débat gentil où l'un fait la promo de l'autre et réciproquement sur fond de "grande recomposition  des médias". Maler l'emporte sur Schneidermann dans le registre de l'autosatisfaction (ce qui n'est jamais bon chez un contestataire), mais il n'est pas vraiment antipathique. Je vous laisse juges.

 

Toutes les vidéos de l'échange sont sur http://www.acrimed.org/article3369.html. Juste un petit extrait ici :

 

 
En parlant de l'ACRIMED voici un souvenir d'il y a 10 ans

 


Michel Collon – Serge Halimi

 

 

                                                       

                Non la démocratie n’est pas complètement morte. L’on peut trouver encore ici ou là des endroits où l’on pense, où l’on débat, où l’on s’agite, où l’on ne se résigne pas. Des endroits où l’on est minoritaire, où on l’assume, où l’on préfère la vérité aux effets de modes.

 

            Le sous-sol du journal Le Monde était un de ces endroits, mecredi 7 juin, à 18 h 30. Le Syndicat national du journalisme - CGT organisait un débat sur la guerre de Yougoslavie autour de Michel Collon, journaliste belge, et Serge Halimi du Monde Diplomatique.

 

            Ce fut un vrai succès. Malgré le peu de publicité accordé à cette conférence, les cinquante à soixante chaises du local syndical ne suffirent pas. Arrivé en avance, je faisais une analyse sociologique très sommaire du public dans la salle : personne en dessous de 25 ans, personne au dessus de 50, une moyenne d’âge très concentrée autour des 35 ans. Une petite majorité de femmes (m’a-t-il semblé).

 

            Après avoir précisé que Régis Debray était également invité mais qu’il n’était pas disponible, l’animateur commence par donner la parole, vers 18 h 30 à Serge Halimi, auteur avec Dominique Vidal de « L'opinion, ça se travaille - Les médias, l'OTAN et la guerre du Kosovo » (1) un livre qui connaît un succès tel qu’il est déjà épuisé, ce qui en dit long sur la demande d’information alternative dans le pays.

 

            Serge Halimi entame, comme à son habitude, un exposé extrèmement rigoureux, précis, inattaquable. Après la guerre des Malouines, celle du Panama, et la Guerre du Golfe, commence Halimi, l’information à nouveau a été prise en otage pendant les bombardements en Yougoslavie, elle est devenue un « gibier pour les militaires », et l’on nous a trompés. Oui, « l’opinion ça se travaille »  et le journalisme est une profession, « parmi les plus sinistrées » de France ajoute-t-il, avec l’approbation d’un certain nombre de journalistes qui étaient dans la salle. Le Monde, Libération, Télérama et le Nouvel Observateur, exercent aujourd’hui un tel magistère sur les consciences, qu’ils peuvent se permettre de suivre une ligne éditoriale agressive, et conduire des campagnes hargneuses contre leurs adversaires qu’on n’hésite pas à accuser de révisionnisme ou à taxer de « petite bande d’apothicaires du crime » comme le fait Bernard-Henri Lévy. La bataille contre le pluralisme est lancée. « S’ils nous cherchent ils nous trouveront » a même déclaré Jacques Julliard du Nouvel Observateur contre ceux qui prétendent le contredire. « Ils ne nous feront pas peur » leur réplique Serge Halimi qui revendique le droit de penser librement ce qu’il veut de cette guerre qu’on a menée en notre nom.

 

            « On peut penser que ce fut une guerre juste et nécessaire, je ne le pense pas » poursuit le conférencier, qui dénonce par ailleurs l’usine à émotion que constituent les grands médias, laquelle enchaîne des images rapides contre la « machine lente et sans image » qu’est l’intelligence. Le journalisme est enfermé dans une logique émotionnelle qui le voue à répéter à chaque guerre les mêmes stéréotypes et les mêmes mensonges, juge Halimi : nous avons le devoir de lui opposer une réflexion sobre et sans image. Dans cette guerre « nous avions le droit de réclamer que l’on ne nous refuse pas le droit de penser contre nos gouvernants », et Halimi de citer les principaux mensonges de la propagande guerre de l’an dernier autour des pseudos-négociations de Rambouillet et du faux plan d’extermination « Fer à cheval » inventé par M. Schroeder. On nous rappelle les écrits les plus révoltants que l’on a pu lire au cœur des bombardements. Mme Françoise Giroud écrivant dans le Nouvel Observateur du 1er avril 1999 que l’on doit « manquer de chambres à gaz  en Serbie », ou M. Julliard – toujours lui – n’hésitant pas à comparer l’action des Serbes au Kosovo au massacre d’Oradour-sur-Glane dans le Nouvel Observateur du 8 juillet 1999.

 

            « Quand on est professeur à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales on doit savoir ce que l’on dit » et savoir ce que signifient les comparaisons avec les horreurs du nazisme  martèle Halimi d’une voix forte. Aujourd’hui nous savons qu’il n’y a pas eu de génocide au Kosovo. « Il y a eu 4 000 à 6 000 morts : c’est déjà beaucoup, c’est trop, mais ce n’est pas un génocide. »

 

            Même mensonges quant aux « bavures » de l’OTAN. On sait aujourd’hui, observe Halimi avec ironie que les bavures c’était quand des objectifs militaires étaient touchés et non l’inverse. L’on a abattu 14 chars et pas 120 ,  18 camions militaires, pas 120 comme on a voulu nous le faire croire. Le chiffre de 50 % des pièces d’artillerie serbes détruites avancé par Newsweek l’an dernier était purement fantaisiste. Et l’on se souvient du correspondant de France Inter auprès du siège de l’OTAN qui affirmait stupidement que « sur 7000 sorties, il y a eu 7 bavures, ça fait un taux de réussite de 99,99 % ».

 

            Les bombardements d’objectifs civils n’étaient pas des bavures. Ils ont été voulus, prémédités, et Amnesty International aujourd’hui parle de crimes de guerre à leur encontre.

 

            Newsweek a reconnu ses erreurs. Le Herald Tribune du 11 mai 2000 a reconnu les siennes, pas les médias français.

 

            Troisième chose que l’on sait : c’est la « contre-épuration ethnique » anti-serbe qui a eu lieu à partir de juin 1999 : 500 Serbes tués admet Bernard Kouchner dans Newsweek, et un Serbe a « vingt foisplus de chances d’être tué qu’un Albanais aujourd’hui au Kosovo » malgré la présence de 37 000 soldats de la KFOR dont 5 900 Américains.

 

            Au lieu de réfléchir sérieusement à tout cela, poursuit Halimi, on nous dit au contraire que nos médias « ont été parfaits ».

 

            On avait annoncé 100 000 morts, aujourd’hui on en découvre 6 000 mais ce simple constat est dénoncé comme une faute de goût impardonnable par les grands médias. Alors que les chiffres avaient de l’importance quand on annonçait 100 000 morts, ils n’en ont plus aujourd’hui. « J’ai commis une erreur j’assume » affirme aujourd’hui simplement et sur un ton léger le magistrat Antoine Garapon qui l’an dernier avait annoncé l’existence de « centaines de milliers de morts ». On espère que ce juge instruit mieux ses affaires dans le cadre de ses activités professionnelles qu’il ne l’a fait pour l’affaire yougoslave, ironise Halimi.

 

            Ces journalistes aujourd’hui comme hier ne font qu’emboîter le pas à Jamie Shea porte-parole de l’OTAN qui aujourd’hui demande si l’OTAN était moins fondée à intervenir en dessous d’un certain seuil de massacres.

 

            Serge Halimi montre les Unes mensongères publiées par Libération  (« La vérité des charniers ») ou par Le Monde du 19 juin 1999 (« L’ampleur des découvertes confirme toutes les craintes»alors qu’au contraire et heureusement elle les a infirmées).

 

            Dans tous les cas c’est toujours la même logique : on exhume quelques cadavres et d’emblée on prétend savoir combien il y en a  encore à déterrer et de quoi ils sont morts. Le verdict précède l’instruction. Un  phénomène qui rappelle fâcheusement un précédent célèbre : Timisoara. Quelques mois après Timisoara Guillaume Durand avait dressé un bilan positif du comportement des médias devant cet événement et déjà il avait déclaré à ses détracteurs « S’ils veulent la bagarre ils l’auront » comme le fait Julliard aujourd’hui à propos du Kosovo.

 

            Le journalisme aujourd’hui est fondé sur le faux scoop et le raccollage, puis, lorsqu’on remet en cause son travail il répond par l’insulte. Halimi cite l’article ordurier que publie Libération contre le dernier livre de Noam Chomsky – alors que même Business Week journal des milieux financiers anglosaxons décerne un satisfecit au travail critique du linguiste américain.

 

            Le 3 mai 2000, rappelle Serge Halimi, Le Monde publie dans ses pages « Débat » un article incendiaire contre les investigations d’Elisabeth Lévy, sous le titre « Un voile révisionniste jeté sur le Kosovo ». L’article dénonce chez les adversaires des médias dominants leur « pédantisme de l’exactitude ». Ce genre d’accusation devrait être considéré au contraire comme un compliment par tout journaliste qui se respecte, conclut Serge Halimi, fortement applaudi.

 

            Lui succède Michel Collon, journaliste à l’hebdomadaire belge Solidaire, auteur de "Monopoly - L'OTAN à la conquête du monde" qui vient de paraître aux éditions EPO ainsi que d’une cassette vidéo tournée en Yougoslavie au moment des bombardements.

 

            Michel Collon pour prolonger l’intervention de Serge Halimi, observe que si Jacques Julliard déclare qu’on va le trouver si on le cherche, jusqu’ici on ne le trouve pas puisqu’il refuse de débattre avec ses détracteurs. Michel Collon en profite pour annoncer que Jamie Shea a accepté de débattre avec lui à Bruxelles le 23 juin 2000, ce qui laisse espérer qu’une brèche soit ouverte dans le boycott que les médias imposent à M. Collon.

 

            Reprenant une argumentation qu’il développe dans son ouvrage et dans sa vidéo, Michel Collon expose que quatre principes majeurs guident toute propagande de guerrre. 1) Il faut dire que vous voulez la paix et que vous voulez mettre fin à une situation de conflit (alors que diverses sources attestent que l’UCK étaient des terroristes, armés par les services secrets allemands du BND qui avaient aussi armé les Croates en 1990) , 2) dire que vous avez tout fait jusqu’au bout pour négocier mais que c’est l’adversaire qui a voulu la guerre (comme on l’a fait avec la mascarade de Rambouillet), 3) personifier l’ennemi (dire qu’on fait la guerre à Milosevic alors qu’en réalité c’est tout le peuple serbe qui subit les bombardements et qui s’oppose à la mise-au-pas que veut lui imposer l’OTAN), 4) montrer le plus vite possible des images d’atrocités (en l’occurrence ce furent les images de la fusillade de Raçak, à partir desquelles la machine de guerre s’est enclenchée).

 

            A la base de toute guerre se trouve un « médiamensonge ». Pour la guerre du Vietnam, ce fut l’attaque imaginaire de deux navires américains dans la baie du Tonkin ; pour la guerre du Golfe ce fut le prétendu vol de 312 couveuses koweitiennes par les soldats irakiens, attesté la main sur le cœur par une fausse infirmière qui n’était autre que la fille de l’ambassadeur du Koweit aux Etats-Unis ; pour la Yougoslavie ce fut Racak – et Michel Collon de citer ces usines de « public relationships » américaines spécialisées dans le montage de fausses informations pour le compte des gouvernements de droite dans le tiers-monde.

           

            Selon Michel Collon, l’action de l’OTAN s’inscrit dans le cadre d’une stratégie économique globale dont elle est l’auxiliaire, ce que Bill Clinton lui même aurait laissé entendre le 23 mars 1999.

 

            Quels sont les prochaines guerres et les prochains « médiamensonges » ? s’interroge le journaliste. Il ressort clairement de l’ouvrage de Brzezinsky, l’ancien conseiller de Carter, « Le Grand échiquier » que l’objectif des Etats-Unis est de décomposer la Russie en trois morceaux, affirme Michel Collon, avant de projeter sur un écran la carte des voies pétrolières au départ de la mer noire et de la Mer Caspienne. Elles traversent l’Afghanistan, l’Iran, le Caucase, la Turquie.  Les Etats-Unis ont installé les Talibans au pouvoir à Kaboul pour contrôler l’oléoduc d’Afghanistan. Ils s’appuient sur les militaires turcs pour protéger le pipe-line qui donne sur la Méditerranée. Le transport du pétrole en Europe peut suivre le Danube comme le souhaitent les Allemands ou passer par la Macédoine et l’Albanie comme le veulent les Américains. L’enjeu est d’importance. Les droits passage s’élèvent à 20 millions de dollars par jour.

 

L’Union européenne quant à elle a des projets de corridors – qui combinent voies ferrées autoroutes et gazoducs -. Deux d’entre eux passeront par la République fédérale de Yougoslavie dont on s’efforce aujourd’hui de couper l’accès à la mer en soutenant un « gouvernement de marionnettes » au Montenegro.

 

            Tout cela est occulté par une propagande médiatique habile focalisée sur les victimes d’un camp, sans montrer celles d’en face.

 

            Michel Collon qui était à Belgrade sous les bombes raconte de façon éloquente la terreur qu’on éprouve à ce moment là. C’était, répète-t-il, des bombardements terroristes destinés à terroriser la population. Il décrit encore le bombardement du marché de Nis avec des bombes à fragmentation. Le bombardement d’une fabrique de tabac qui était la deuxième des Balkans et qui pouvait gêner les intérêts des firmes de tabac américaines. « Le FMI voulait supprimer deux emplois sur trois en Yougoslavie dès 1989 » : Michel Collon y voit une des clés de l’éclatement de la Yougoslavie.

 

            Puis il revient sur les dommages infligés aux civils yougoslaves : les armes à uranium apauvri, et quelques exemples de bavures significatives.

 

Le bombardement d’un convoi de réfugiés albanais : on a cru d’abord des témoins qui prétendaient avoir reconnu des avions serbes à pareille altitude, puis une version aussi absurde des militaires de l’OTAN qui disaient avoir cru que c’était une colonne de chars – alors que tous les chars serbes étaient enterrés - avant de découvrir que ces Albanais venaient en réalité des camps de Macédoine pour rentrer au Kosovo et furent bombardés volontairement par l’OTAN à titre dissuasif.

 

Le train de Grdulica : Collon raconte la vidéo truquée des militaires qui voulait faire croire que le train bombardé « par erreur » sur le pont roulait à 300 km / heures, ce qui est impossible pour un train yougoslave, et la version finale qui montre qu’en fait le train roulait lentement et que les avions de l’OTAN sont revenus le bombarder deux fois.

 

Il cite enfin l’ambassade de Chine à Belgrade, dont on a voulu nous faire croire que les Américains ignoraient où elle se trouvait alors qu’ils avaient fait venir spécialement des bombardiers B2 du Missouri pour la détruire. Les étudiants de Pékin ont très bien compris quand ils ont arboré des badges « who’s next ?», « à qui le tour », ajoute Collon avant de conclure qu’il faut faire obstacle à cette « guerre pour le fric » et promouvoir l’information alternative. Nouveaux applaudissements.

 

            L’animateur du débat donne la parole à la salle. Pierre Lévy de l’Humanité intervient. Communiste minoritaire au sein de son propre parti il prend un malin plaisir à citer des phrases bellicistes de la direction du PCF l’an dernier, puis demande à MM. Collon et Halimi, d’une part, s’il ne faut pas mentionner aussi que cette guerre fut faite pour cimenter l’unité européenne et, d’autre part, en quoi la presse américaine, dont Serge Halimi vante le sens du repentir, vaut-elle mieux que celle de la France ?

 

            Pour Michel Collon, il ne fait aucun doute que la société européenne connaît une militarisation croissante et que la guerre de Yougoslavie permet son unification dans un esprit de conquête impérialiste. Sur le second point il estime que les médias américains ont sans doute un sens de l’autocritique  pragmatique qui vise à « faire mieux la prochaine fois » dans l’art de la dissimulation.

 

            Avec l’approbation de personnes dans la salle, Serge Halimi précise que l’envoyé spécial en France a pour vocation de confirmer les préjugés de sa rédaction, tandis que les anglosaxons sacralisent les faits.

 

            Une jolie jeune femme blonde, Ludmila (je n’ai pas entendu son nom de famille), qui parle avec un accent italien au nom de l’antenne française du Parti de la Refondation communiste, dénonce le qualificatif « révisionniste » qu’on colle aux adversaires de l’OTAN et la banalisation du concept de génocide. Elle signale en outre qu’un porte-avion nucléaire américain mouille au large de Trieste sans doute pour surveiller l’évolution du Monténégro.

 

            Michel Collon rappelle que les insultes relatives au nazisme viennent de loin et que, avant d’avoir assimilé Milosevic au fascisme, Le Monde avait déjà écrit Nasser=Hitler en 1956. Il estime que les Etats-Unis n’ont pas gagné la guerre car ils n’ont pu imposer à la Serbie un gouvernement de leur choix, et que, pour cette raison, l’affrontement se poursuit sous d’autres formes.

 

            Une dame serbe demande naïvement aux intervenants pourquoi ils ne vont pas dire la vérité à la télévision. Collon explique que les médias sont un milieu de plus en plus fermé et qu’il fut lui-même toujours interdit de télévision en Belgique, sauf une fois, six mois après la fin bombardements où il s’est retrouvé à la RTBF face à Pascal Boniface, Eric Laurent et un historien (à trois contre un). « Oui mais c’était six mois après la guerre ! » s’exclame quelqu’un.

 

            Serge Halimi livre sa position : il ne cherche plus à s’exprimer sur les antennes des grands médias, il ne prend plus la parole que sur des terrains où il connaît l’honnêteté des gens. « Je ne vois pas l’intérêt de m’exprimer quelques minutes sur les ondes si c’est pour que le lendemain on invite BHL pour démonter ce que j’ai dit la veille sans que je puisse répliquer ». Serge Halimi cite l’exemple d’un débat récent de Joffrin contre Elisabeth Lévy. L’éditorialiste du Nouvel Observateur s’est targué d’avoir conscré un numéro l’an dernier à « la guerre en procès ». Halimi exhibe le numéro en cause et montre que le sous-titre à la Une était « Et pourtant il fallait intervenir », puis il cite les articles de F. Giroud et J. Daniel en pages intérieures qui toutes soutiennent l’intervention de l’OTAN.

 

            Un type s’énerve au fond de la salle « Tu leur fais trop d’honneur à les citer tout le temps ! et merde, je ne suis pas venu ici pour qu’on lise le Nouvel Obs’ ! ». Il se lève et part visiblement ulcéré.

 

            L’animateur du débat dit que précisément le SNJ CGT est déterminé à contribuer à un rééquilibrage du débat en France. Un membre du public ,qui s’appelle Anderson je crois, cite l’exemple du black out médiatique l’an dernier autour de l’Appel pour une paix durable dans les Balkans de Bourdieu-Vidal-Naquet-Samary.

 

            Une dame brune très vive qui est assise derrière moi se lève. Elle dit que ceux qui manifestaient à Saint-Michel l’an dernier comme elle contre les bombardements, et qui n’étaient que quelques centaines, étaient traités de rouges-bruns, qu’elle n’a de leçon à recevoir de personne, elle, dont les parents ont fui la dictature fasciste des colonels, que les journalistes ne connaissent rien à l’histoire des Balkans, que si Grecs et Serbes sont alliés ce n’est pas à cause de l’orthodoxie (« il y a moins d’orthodoxes en Grèce que vous ne pensez »), mais parce qu’en 40-45 ils ont retenu ensemble les divisions allemandes en attendant le débarquement des Alliés.  Puis elle montre l’article du Monde qui parle du syndrome du Golfe et du syndrome des Balkans : les soldats malades d’avoir manipulés ces armes à uranium apauvri qui se sont abattues sur le sol serbe l’an dernier et dont les effets radioactifs durent « pendant 4 milliards d’années, pas 4 millions : 4 milliards d’années ! »

 

            Une autre dame, quincagénaire, foulard dans les cheveux, prend la parole. Elle aussi est très remontée. « Je trouve, lance-t-elle à Serge Halimi, que vous faites trop d’honneur aux journalistes de les citer comme vous le faites et vous avez du courage de les lire ! » Elle dit qu’elle revient de Bagdad où les Etats-Unis bombardent encore tous les mois. Elle raconte que, récemment encore, elle marchait dans l’eau jusqu’aux genoux parce que les canalisations venaient d’être bombardées. Elle parle du million d’Irakiens tués par l’embargo et elle demande « Vous venez pour le Yougoslavie, combien serez-vous pour l’Irak ? » Au passage, elle rejoint l’intervenante grecque sur la question du fascisme : « On me traite de fasciste, mais moi j’avais déjà un statut en 1940 alors ils peuvent bien dire ce qu’ils veulent ». Le paradoxe actuel est que ce sont des victimes du nazisme comme les Juifs ou les Serbes que le système traite de fascistes.

 

            Une troisième intervenante, elle, dit qu’il faudrait aussi parler de la Birmanie où elle s’est rendue avec des militantes communistes et féministes.

 

            Michel Collon enchaîne sur ces témoignages en soulignant que l’information doit désormais venir par le bas et que l’information alternative doit se développer notamment grâce à Internet. Il évoque les manifestations de Seattle et la perspective de créer une télévision internationale résistante sur Internet.

 

            Halimi répond aux remarques sur le fascisme en dénonçant lui aussi les amalgames dont il fut victime. Il explique que l’an dernier l’Evenement du Jeudi, magazine du groupe d’armements Matra-Hachette-Lagardère, l’a spontanément inclus dans les liste des « complices de Milosevic » alors qu’il n’avait encore à cette date jamais écrit une seule ligne de sa vie sur les Balkans.

 

            Dernière question – car il est tard – : une dame demande pourquoi les adversaires de l’OTAN ne portent pas plainte contre ceux qui les traitent de révisionnistes. Halimi et Collon répondent que cela ne servirait à rien.

 

            Beaucoup de gens encore voudraient intervenir mais l’animateur en termine en remerciant ses invités. Tout le monde se retrouve rapidement autour d’un pot, l’occasion de reconnaître quelques visages familiers – des militants yougoslaves notamment – et d’échanger quelques impressions ou des adresses e-mails avec des gens qui étaient dans la salle.

 

            C’est le genre de soirée qui ravive l’espoir…

 

 

 

                                                                       Frédéric Delorca

site resistancenet.org 

                                                                                  9 juin 2000

 

 

(1) Editions Agone, collection Contre-feux, 98 pages, 35 francs

 

 

 

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Les massages postmodernes

7 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Actualisation 2019 : Le massage dans le taoïsme chinois est identifié comme un moyen d'entrer en contact avec des démons par l'ouverture du troisième oeil. Il avait une fonction assimilable à la sorcellerie en Mésopotamie. De nos jours la plupart des masseuses européennes travaillent en partenariat avec des médiums spirites ou ont elles-mêmes des dons de médiumnité. Il en va de même des masseuses chinoises. Evitez donc ces pratiques qui vous mettent à votre insu en contact avec des forces obscures, et, en outre, encouragent en vous un démon de masturbation qui, sur le long terme, rend votre personnalité plus instable et crée une grave dépendance.

Dans une conversation hier, un type détaillait les rituels d'un salon de massage asiatique situé dans les beaux quartiers de Paris qui, bien qu'il prétende ne rien pratiquer d'érotique, en fait propose un petit "supplément" dans les 5 dernières minutes de massage, moyennant quelques euros de plus. Selon lui, le massage appelait de lui-même la "finition" ce qui ne signifiait nullement que la prestation dût être assimilée à l'activité glauque des sex shops, comme le soutiennent certains articles puritains. "C'est du vrai massage asiatique, soutenait-il. Sauf que comme on est dévêtu, à la fin on demande un peu plus, et ça nous est accordé très facilement". J'ai regardé le site du salon dont il me parlait. Ce site en effet jure ses grands dieux qu'il n'a rien à voir avec la prostitution, et se réclame d'un savoir corporel millénaire.

 

Je trouve bien triste que cette "finition sexuelle" comme disait notre interlocuteur doive se dissimuler sous les apparences d'un refus de l'érotisme. Si elle prolonge si naturellement le soin du corps qui a précédé, pourquoi notre société l'oblige-t-elle à se dénier ? Pourquoi est-ce si choquant dans les quartiers "honorables" d'avouer que les massages chinois revus et corrigés à la sauce "postmoderne" concernent tout le corps sans aucune exclusive ?

 

 

 

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