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Le blog de Frédéric Delorca

Prudence est mère de toutes les vertus

19 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Cette semaine, la société va commencer à entrer dans ce mouvement débile et insupportable de conformisme qu'on appelle "la rentrée". Chacun va se préparer à oublier ses vacances à la montagne,à la mer ou à l'étranger, et se poser des questions sur ses choix d'action dans les mois qui viennent.

 

Pour ma part j'aborde cette rentrée sous des augures assez funestes. Mes contraintes sont dix fois plus fortes qu'il y a un an et je vais peut-être laisser tomber le blog de l'Atlas alternatif. Il est aussi possible que je me décide à donner un ton beaucoup moins politique au présent blog. Les questions brûlantes ne manquent pas pourtant : la guerre civile syrienne, le nouveau tounant que prend l'Egypte, les menaces contre l'Iran, ou contre Julian Assange, les rumeurs de manipulation politique contre Mme Fernandez en Argentine etc.

 

Mais l'intervention dans le débat public est un parcours d'obstacles en ce sens qu'il faut en permanence éviter les pièges que la bêtise ambiante vous tend. Parfois on peut agiter un chiffon rouge sur un blog pour attirer les buffles (et même si possible, les attirer dans la mauvaise direction), parfois d'autres méthodes sont plus opportunes, tout dépend des moments. Certes trop de slalom isole, mais l'isolement vaut mieux, pour préserver un potentiel d'influence, que d'être enfermé avec trois mille idiots dans une catégorie dont on ne sortira jamais.

 

A la rentrée deux personnes, bien placées dans des réseaux, aimeraient me voir faire un pas dans leur direction (deux personnes, alors que trente autres ont définitivement et heureusement fait une croix sur moi, de toute évidence - si je faisais de la sociologie du "champ politique" actuel comme cela me plaisait il y a treize ans je pourrais dire pourquoi et expliciter leur impensé sur ce point, mais j'en ai perdu le goût). Je ne sais pas encore si je vais faire ce pas ni de quelle manière.

 

Je suis hanté, comme on peut s'en douter, par le sentiment du devoir devant les drames de notre époque, mais je n'ai aucune envie de perdre mon temps dans des collectifs stériles qui non seulement anéantissent l'intelligence et la volonté de ceux qui les intègrent, mais en plus les enferment dans des étiquettes.

 

La crise de notre temps est des plus graves. Cécité géopolitique comme dans tant d'autres domaines, abrutissement général, dans les librairies les rayons des classiques disparaissent, de même que tout ce qui, dans la vie quotidienne, peut encore nous garantir une forme d'indépendance morale à l'égard de la technologie et du système de formatage globalisé. On ne peut pas répondre à ces défis par des élans du coeur déraisonnés qui ne feront qu'accroître in fine notre impuissance à changer le cours des choses. Agissons avec discernement, et, lorsque l'action mène à un mur, sachons nous replier provisoirement sur des digressions intellectuelles, même pendant trente ans s'il le faut. Il faut beaucoup de dextérité et de réactivité pour manoeuvrer. Les écueils s'approchent vite de notre coque. Je m'autorise tous les détours qu'il faudra pour préserver l'acquis des trois derniers lustres d'écriture, d'analyse et de réflexion. Aucune envie de dilapider tout cela dans des erreurs de pilotage comme tant d'autres le font.

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Troyes

16 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Souvenirs d'enfance et de jeunesse

Hier la télévision montrait la ville de Troyes dans le cadre d'une émission sur la comédienne compagne du maire de cette ville (l'ex ministre de MM. Chirac et Sarkozy que j'ai d'ailleurs rencontré quand il n'était que jeune député de Nogent-sur-Seine, nul besoin de nommer tous ces gens).
 
J'ai beaucoup aimé cet endroit où j'ai vécu pendant six mois en 1994. Il est dommage que ma condition d'apprenti fonctionnaire à l'époque m'ait souvent détourné de la vie "ordinaire" et des rêveries que je pouvais avoir dans cette ville.
 
Elle avait le calme de la Charente, mais un calme plus artificiel car toutes les grandes guerres s'étaient déroulées à ses portes, alors que la Charente, elle, s'est tenue à distance des conflits. C'était un calme voulu, celui qu'on impose à nos musées, et cette cité en forme de décor de film sur le Moyen-Age avait toutes les caractéristiques d'un conservatoire de choses très anciennes, c'est ce qui en faisait le charme.
 
Nous étions au coeur de la Champagne, en ce milieu des années 1990, et en même temps l'abondance des vieilles pierres faisait que nous n'étions nulle part et dans aucune époque. Le matin pour aller bosser je longeais la très vieille cathédrale, le rectorat, le quartier de l'annexe de l'université de Reims au bord de la Seine. Tout cela était divinement médiéval comme Tolède. Le soir je dînais le plus souvent seul dans l'Est de ce vieux centre qu'on nomme le bouchon de Champagne notamment au restaurant "Le Bouchon champenois", rue des Chats.
 
Le samedi 14 mai 1994 j'écrivais "Je manque de curiosité. Ma curiosité intellectuelle est clairement circonscrite. Elle tombe sur un nombre de sujets limité sur lesquels elle revient ensuite à la manière d'une compulsion de répétition. Placez moi devant une ville comme Troyes, mon attention se fixera sur telle bâtisse, telle ruelle. J'y penserai périodiquement sans pour autant chercher à en savoir plus sur ce bâtiment ou cette rue, et sans chercher à découvrir les autres quartiers. Voilà pourquoi je n'éprouve aucunement le besoin de voyager."
 
Et c'est vrai qu'à la différence des autres étudiants de grandes écoles que je connaissais, je ne cherchais pas du tout à acquérir une érudition sur les lieux que je fréquentais, ni à voir au delà de ce que mon regard croisait par hasard. Ainsi de Troyes je n'ai au fond pas su grand chose à part que ç'avait été la capitale des Foires de Champagne, le lieu de résidence d'un philosophe juif célèbre au XIe siècle, un certain Rachi je crois (j'ai visité la synagogue médiévale, on en  faisait beaucoup de cas à l'époque, en ce temps de célébration des "rencontres des cultures" et de la tolérance religieuse avec l'Islam et le judaïsme, comme on l'avait fait deux ans plus tôt à Séville), ainsi bien sûr que de Chrétien de Troyes : les sous-préfets du département et leurs collaborateurs m'avaient offert pour mon départ les oeuvres complètes de cet auteur à la Pléiade, en vieux français et français contemporain, qui m'ont beaucoup plu autour de mon vingt-quatrième anniversaire.
 
Je ne parlerai pas de mes histoires de coeur dans cette ville, ni des visites de mes proches qui séjournèrent dans le grand appartement de fonction dont je disposais ; encore moins, bien sûr de mon travail. De ce temps là je veux surtout me souvenir de l'écriture d'une nouvelle, "Ulysse chez Circé", que j'ai ensuite voulu transformer en roman (après avoir lu à la bibliothèque municipale un article dans la revue "Le Cheval de Troie" qui n'existe sans doute plus) dans lequel Enée retrouvait Ulysse en Italie, cela s'appelait Les Fondateurs. Je me souviens avoir acheté (le samedi 28 mai très précisément m'apprend mon Journal que je lis après coup) aux Passeurs de Textes, la meilleure librairie de Troyes, le début de l'Enéide pour bien m'imprégner de cette ambiance. J'étais fasciné par cette phrase dans laquelle je percevais toute l'ambition et la puissance de la langue latine : "Externi generi uenient qui sanguine nostrum nomen in astra ferant". Je la reproduis de mémoire, c'est une des rares citations non canoniques qui aient accroché mon esprit. Le roman était vaguement parodique, au second degré, un peu bizarre. J'y croyais beaucoup.
 
Je ne sais plus trop à quel éditeur j'ai dû l'envoyer. Il n'a jamais été publié. J'aimais l'idée qu'une ville médiévale m'inspirât un imaginaire antique - de la guerre de Troie aux flâneries de Troyes -, comme je me plaisais à mêler sur le lecteur de cassettes de mon appartement (un lecteur qui ne m'appartenait pas car tout était fourni par l'employeur) Alpha Blondy et Mike Oldfield à l'heure où la radio diffusait plutôt "The Power of Love" de Céline Dion. Je mêlais les époques. Il y avait cette année-là l'élection de Mandela à la présidence de l'Afrique du Sud, la guerre civile en Bosnie et ce même 14 mai je cherchais à adhérer à une association pour donner corps à mon engagement contre "les fascistes serbes". J'étais sur ce plan  là un jeune idiot idéaliste qu'on pouvait aisément berner.
 
A l'époque je lisais aussi Aphrodite de Pierre Louÿs, Lucrèce, Derrida, Onfray, Ricoeur, Sarah Kofman. J'aimais Troyes parce que les Parisiens et leurs médias ne parlaient jamais de cette ville si proche pourtant de chez eux (les Franciliens préfèrent la Normandie à la Champagne). J'aurais pu en faire ma ville d'adoption. Cela s'est peut-être joué à peu de choses. Il est étrange de se dire que les gens connus là-bas existent encore. Quand on n'est que de passage quelque part, on tend à associer le lieu à une époque. On pense que les gens rencontrés et l'endroit avec eux ont disparu avec les circonstances de la rencontre. Mais c'est faux. Ils ont eu leur devenir, bon ou mauvais. Troyes continue d'exister comme 36 000 autres communes en France. Simplement y retourner pour moi reviendrait juste à visiter un livre de souvenirs en trois dimensions, comme j'avais essayé de le faire vers 2006 ou 2007 en tournant cette vidéo (ci dessous). Donc c'est vrai que pour moi il ne peut pas y avoir "à nouveau" ou "encore" une ville de Troyes. C'est pour moi une ville aussi inexistante désormais que l'antique Cyrène ou que Ctéphison. C'est devenu un non-lieu...
     

 
 
 
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Syrie / George Sand "Histoire de ma vie"

15 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XIXe siècle - Auteurs et personnalités

Vous savez ce que j'ai fait ce soir ? J'ai parcouru les pages en anglais qu'on trouve quand on clique sur "report" sous ce lien. Le dernier rapport de l'ONU qui parle notamment des massacres de Houla en Syrie. En juin j'avais un peu expliqué sur le blog de l'Atlas alternatif en quoi cette affaire avait l'air assez embrouillée. Il fallait donc que je lise quand même dans le texte (ce que les militants "alternatifs" ne font jamais), en anglais, les pages des derniers éléments d'enquête de l'ONU. Elles ne sont pas bonnes pour le gouvernement syrien : elles hachent menu la version des rares témoins pro-gouvernementaux avec des éléments d'une précision confondante. Bien sûr il est toujours possible qu'il y ait du bidonage onusien, mais le moins qu'on puisse dire est que quand même l'acte d'accusation ne repose pas que sur du sable. Je me devais d'attirer l'attention des anti-ingérence sur ce rapport, parce qu'à force d'entendre dire n'importe quoi dans nos grands médias, on finit par penser que, dans ce genre de guerre, toute la propagande repose sur de falsifications aussi grossières que les flacons de Colin Powell à l'ONU fin 2002. C'est loin d'être le cas. Je ne dis pas que l'ONU a raison, mais je signale juste que l'acte d'accusation cette fois est très circonstancié.

 

Voilà pour la Syrie. Dois-je aussi signaler la grande mobilisation de certains "alternatifs" pour une très jolie journaliste syrienne enlevée dans je ne sais quelles collines par des fanatiques islamistes et dont on nous livrera peut-être bientôt la photo du cadavre ? (j'espère bien sûr qu'il n'en sera rien et que cette personne sera retrouvée saine et sauve). Il paraît que des gens en France se mobilisent pour elle et écrivent à l'Elysée. Mais non, je n'appellerai pas à agir pour sa libération, parce qu'alors on m'objecterai à juste titre qu'il est injuste de le faire sans alarmer symétriquement l'opinion publique sur les enlèvements commis par l'armée loyaliste syrienne. Et puis je me souviens aussi de toute la confusion qui a régné fin 2011 autour de la journaliste de télévision libyenne qui, si je me souviens bien, portait le nom de la ville de Misrata, et avait brandi un pistolet devant la caméra lors de la prise de Tripoli. On l'a dite morte (certains "alternatifs" l'ont dite morte), puis ça a été démenti, puis on ne sait plus du tout aujourd'hui si elle est encore de ce monde, si elle est toujours prisonnière des milices ou si elle a été libérée tant les communiqués contradictoires se sont succédés. Tout cela me conduit à prôner, encore et toujours, la plus grande prudence quand on parle de ce genre de guerre civile. Tout ce que je puis dire ici, c'est que l'appel M. Bernard Henri-Lévy à l'ingérence aérienne est selon moi complètement idiot, mais cela, mes lecteurs le savent déjà.

 

Alors mes amis, si nous laissions un peu de côté cette guerre que nous serons impuissants à arrêter, cette guerre, et avec elle, le bikini de Mme Trierweiler, et l'alternance de nouvelles tragiques et futiles dont les journaux nous abreuvent, pour regarder en arrière et ... parler un peu de George Sand ?

 

sand.jpgHé, pourquoi pas, oui, allons, pourquoi pas ? un peu de douceur dans ce monde de brutes. Rassurez vous, je serai bref. Ne serait-ce que parce que je n'ai pas lu en entier son "Histoire de ma vie". J'ai juste picoré des passages ici et là. Les aventures des petites filles rêveuses mal à l'aise dans leur milieu familial m'intéressent, mais jusqu'à un certain point seulement. Pas de longue dissertation sur le sujet, juste quelques brèves remarques.

 

Mme Sand écrivait délicieusement bien, même si parfois ses petites leçons existentielles sont un peu assomantes. Et c'était une femme très honnête, non seulement courageuse (ça chacun le savait, on ne se fait pas un nom dans le milieu littéraire à cette époque quand on était femme sans cette vertu), mais pétrie de principes et capable de les respecter au delà de ce que j'imaginais avant d'ouvrir le livre. C'est ce qui rend le personnage à la fois admirable et attachant. C'est une femme qui voulait le Bien, et le voulait passionnément. Elle tâcha toute sa vie de ne pas laisser cet idéal dans la sphère des abstractions mais de le répandre tout autour d'elle d'une façon très pratique (ce que beaucoup d'idéalistes, surtout dans la gent masculine, oublient souvent de faire).

 

J'aurais pu scanner sur ce blog la page où elle raconte comment elle est devenue "communiste" comme elle le dit., à 14 ou 15 ans Je pense que le PCF devrait la citer (mais le PCF sait-il qu'Aurore Dupin alias George Sand fut classée communiste au moins jusqu'à Napoléon III ?). Je n'ai pas bien compris si l'écrivain est restée communiste de coeur après 1850 (son '"Histoire de ma vie" date de 1848). Je sais qu'elle s'est accomodée de l'Empire, mais Proudhon aussi, et qu'elle n'a pas soutenu la Commune, mais ça ne suffit pas à mes yeux à en faire une renégate.

 

Ce qui est certain c'est qu'on devrait envoyer ses livres à Hugo Chavez, car elle fut communiste et chrétienne, chrétienne parce que communiste et réciproquement, elle y insiste beaucoup. Je comprends que Flaubert ait été fatigué par toute la religiosité du socialisme français du XIXe siècle...

 

Il y a des passages de son livre que j'aime beaucoup. Le bel hommage qu'elle rend à ses parents (quoiqu'il soit un peu long). Le charme se glisse dans les détails : par exemple cette page où elle explique qu'elle ne sait pas pleurer, que, lorsque les émotions gagnent sa gorge, elle parvient pas à jeter des larmes et se contente de gémir. Une femme qui compta beaucoup dans ma vie jadis était comme ça aussi. Or c'était une époque où il était important de savoir pleurer car on sanglotait souvent, plus ouvertement qu'aujourd'hui, et l'on accordait beaucoup d'importance aux larmes (n'avais je pas au fait fait la même remarque à propos du XVIIIe siècle et d'une lecture publique de Casanova qui s'était terminée à grands sanglots ? il faudrait rechercher dans mes billets du mois dernier). Un des symptômes de la déshumanisation actuelle est bien sûr que les pleurs n'ont plus du tout bonne presse !

 

Evidemment vous n'aurez jamais ce genre de détail dans un téléfilm contemporain sur la vie de George Sand ou de n'importe quel auteur des années 1830, parce qu'on ne nous mettra en scène que des acteurs porteurs des styles d'expression émotionnels les plus répandus, et plus précisément les plus répandus à notre époque (car il n'y a aucun effort pour rejoindre les manières d'être du passé). Comment Mme Sand gémissait-elle dans les périodes les plus dures de sa vie ? Nous ne le saurons jamais. Elle dit que peut-être un jour elle mourra de recevoir un grand choc affectif qu'elle ne saura "gérer émotionnellement" (pour utiliser une tournure actuelle) par les larmes. Elle était hantée par l'idée (plusieurs fois exprimée dans son livre) que nous portons en nous mêmes le principe qui causera notre mort.

 

J'aime certaines de ses émotions, quand par exemple elle conte son désarroi de mère à amener son fils Maurice très déprimé faire sa rentrée au collège Henri IV. Par contre, je ne supporte pas les portraits qu'elle dresse des contemporains illustres qu'elle rencontre, et qui tous sont débordants de compliments généreux mais ne permettent jamais de retenir quelque image intéressante que ce soit du personnage dont elle parle.

 

Un épisode a retenu mon attention songeuse : quand elle décrit sa tristesse de jeune adolescente de 11 ans devant le spectacle de la démobilisation de l'armée de la Loire (les dernières restes de la Grande Armée napoléonienne) qui défile non loin de chez elle. J'avais gardé le souvenir de l'introduction de la Confession d'un Enfant du siècle de Musset qui soulignait les causes politiques du spleen de la génération romantique qui avait vu revenir la médiocre restauration après la glorieuse épopée napoléonienne. Je n'avais pas mesuré à quel point tous ces auteurs avaient eu, dans leur propre famille, des anciens officiers de l'Empereur - dans le cas d'Hugo, et de George Sand elle-même, ce furent leurs propres pères. Et surtout je n'avais pas mesuré toute la bassesse morale de cette aristocratie revenue dans les fourgons des armées étrangères, qui se permet de faire exécuter des maréchaux d'Empire héroïques comme Ney, alors qu'eux-mêmes n'avaient été bons qu'à se planquer outre-Rhin ou outre-Manche pendant les heures les plus grandioses et les plus tragiques de l'histoire de notre pays.

 

On comprend à quel point pour ces adolescents-là l'air devait être irrespirable. Cela fait penser à Vichy, au franquisme en Espagne, à toutes ces périodes terribles dans l'histoire des peuples quand les lâches et les menteurs tiennent le haut du pavé, et font qu'ainsi toutes les valeurs de la société sont falsifiées.

 

"Histoire de ma vie" présente une Sand jeune, un peu comme "La première moitié de ma vie" écrite par le dernier empeur de Chine quand il eût 40 ans. Que fut Sand à 70 ans ? Que représentait-elle pour des gens qui n'étaient pas nés sous l'Empire comme elle ? Une espèce d'antiquité respectable mais un peu lassante et encombrante comme  l'étaient par exemple dans les années 1980 les vieux barons du gaullisme ? J'ai entendu il y a peu un extrait de l'éloge funèbre que prononça pour elle Victor Hugo (qui était pourtant plus âgé). J'ai trouvé qu'elle manquait singulièrement de vibration et d'inspiration. On avait l'impression qu'Hugo n'avait fait que le "minimum syndical". Pourquoi ? Reprochait-il à Sand de ne s'être point exilé comme lui sous Napoléon III ? La profondeur politique de Sand s'était-elle émoussée avec l'âge ? J'aimerais bien le savoir...

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Les lecteurs (suite)

14 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

"026--1992--29.8.92-24.11.92--204.jpgLes gens de mon métier n'écrivent jamais que pour un certain nombre de personnes placées dans des situations ou perdues dans des rêveries analogues à celles qui les occupent". George Sand, Histoire de ma vie.

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Les journaux intimes préformatés

14 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Tout en écoutant les lourdeurs des commentaires de Depardon sur son petit film "Empty quarter" (mis en DVD par Arte en 2005), je chargeais hier les scans de mon journal intime de 1985 sur des espaces privés gratuits mis à disposition par certains sites. Je découvrais au passage d'autres sites qui proposaient aux gens d'écrire des journaux intimes en ligne, et j'étais affligé par l'absence totale de liberté laissée aux auteurs : on les enferme dans des modèles pré-définis dont on leur remplit la vue d'entrée de jeu, on les incite à écrire des pages courtes et, sous l'empire de ces injonctions, les pauvres sont enclins à rédiger des billets brefs et au fond très impersonnels comme sur des blogs. Là comme ailleurs le système Internet et notre époque révèlent leur profond mépris de l'individualité, leur volonté imperturbable de l'encadrer et l'assêcher jusqu'à ce que mort universelle s'ensuive.

 

P1010968Décidément sur ce sujet je resterai de la vieille école. 28 ans après les débuts de mon journal je continue de l'écrire (et souvent de le gribouiller) sur des pages de cahiers d'écolier, sans limite d'espace, sans aucun modèle à singer, libre de faire courir ma plume comme si je dessinais  -et il faut absolument que l'écriture intime soit un exercice de dessin, pleine et sereine par moments, illisible et tendue à d'autres. En faire un travail de dactylographie sur un écran lumineux c'est la priver de sens.

 

Lorsque les "scans" c'est à dire les photos des 10 premières années de ce journal bizarroïde seront en ligne comme des albums, je me demande bien à qui je les confierai. Mais nous en sommes encore loin. C'est un travail de bénédictin.

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