Actu en vrac : Femen, Gaza, Goma, libéralisme

Dans l'attente d'avoir une meilleure tribune...
Dans une ville de province, cette semaine, ma compagne a croisé un type qui organisait des collectifs Palestine dans les années 2000. Il lui a dit à peu près ceci : "J'ai laissé tomber quand j'ai vu toutes les dissensions entre les musulmans religieux d'un côté et la LCR de l'autre". Je suppose que tout le monde peut en dire autant de tous les sujets alternatifs : la division est omniprésente partout. Un ami me disait la même chose des spécialistes du vin sans soufre qu'il a essayé en vain de fédérer dans le Sud de la France "C'est le règne des chapelles partout, les gens ne veulent rien faire ensemble". Qui dit esprit de chapelle dit dogmatisme (souvent jusqu'au délire) et inefficacité... C'est une spécialité française où les égos sont plus flamboyants que, par exemple, en Allemagne.
Sauf ceux qui font du business avec ça (en vendant des livres par exemple), beaucoup de gens finissent, comme cet organisateur de collectifs, par "raccrocher". En ce qui me concerne je préfère le boulot solitaire. Le journalisme (la philosophie aussi of course) se prête à l'action solitaire. Et la solitude n'y est pas un facteur d'inefficacité. Au contraire : elle permet d'être plus pertinent dans la façon d'écrire et de penser. Et l'on finit par avoir une petite influence même sans relais d'appareils. J'ai eu tort en 2005 de jouer à fond la carte du collectif avec l'Atlas alternatif (alors que les membres du collectif eux-mêmes ne jouaient pas le jeu, et encore moins, bien sûr, ceux qui étaient en dehors). J'ai renoncé à cela. Aujourd'hui je pourrais encore jouer les petits mendiants, taper à la porte de tel journaliste en disant "tiens j'ai trouvé cette vérité sur l'Abkhazie (ou sur n'importe quoi d'autre), peux tu accepter de la faire connaître à tes collègues?" ou aller faire des sourires à tel collectif pour avoir "mes vérités" citées en lien sur leur site, mais c'est beaucoup d'efforts pour rien.
Il faut prendre l'habitude d'agir en solitaire. Et vous verrez que vous aurez des surprises quant aux tribunes qui s'ouvriront à moi.
Aujourd'hui si j'avais eu un site d'info alternative (ce que je n'ai plus depuis que j'ai abandonné le blog de l'Atlas alternatif), j'aurais parlé des deux généraux croates acquittés par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, de ces Américains qui ont tenu à distance les contrôleurs de l'OSCE lors des dernières élections présidentielles, du point de vue Mme Lepage sur le gaz de schiste, de Gaza bien sûr. Mais je n'ai plus cette tribune-là, donc, dans l'attente d'en avoir une autre (taillée à ma mesure), je continuerai à causer plutôt de sujets moins directement liés à l'actualité mais utile à la construction de notre vision de l'histoire et de notre époque...
Ernst Jünger, Bernanos et Barbusse
Je parcours "La guerre comme expérience intérieure " Ernst Jünger dont un de mes contacts sur Facebook signalait la réédition (tout en critiquant la préface de Glucksmann qui il est vrai est digne d'un mauvais khâgneux en panne d'inspiration). Il faudrait faire une comparaison entre ce livre, Les Enfants humiliés de Bernanos et Le Feu d'Henri Barbusse.
Pas trop de temps pour cela hélas. Je trouve chez Jünger une force, une intrépidité même : cette absence de gène dans l'évocation de la pourriture, des cadavres. Quand on dit que la guerre est une mise à nu du face-à-face avec la mort, on oublie que c'est aussi un face-à-face avec la pourriture des cadavres, celle que les convenances sociales habituellement enveloppent. Il y a des mots très forts et très éloquents sur la manière dont le cadavres se décomposent, sur la manière dont ils épousent la terre, mais aussi envahissent les vivants (Jünger raconte les journées vécues par les soldats entourés par les mouches qui assaillent les chairs des trépassés). Toute guerre et bien sûr surtout les grandes guerres (14-18, 39-45, peut-être la guerre Iran-Irak il y a 30 ans), celle où le temps manque pour ensevelir les morts, est à la fois une expérience d'autrui comme cadavre-potentiel-à-tout-moment, mais aussi, de soi-même comme mêlé-indissociablement-à-la-pourriture des morts. Il y a ensuite des considérations vitalistes (très dans l'air du temps de l'Allemagne de l'époque) sur tous les renouveaux pulsionnels (sur le versant de l'Eros ou de la violence) que cette expérience-là entraîne, mais ce versant m'intéresse moins que l'étape en elle-même de l'immersion dans la puanteur de la mort, c'est-à-dire dans ce que d'habitude la civilisation garde caché (et je pense en écrivant cela à Antigone face au cadavre de son père).
On comprend très bien comment après cela l'Europe s'est investie dans une folle inversion des valeurs que décrit Zweig dans ses mémoires (mais on peut aussi songer à l' "âge du jazz de a philosophie" dont parle David Stove). Encore que Zweig n'a pas connue les tranchées, et donc ne peut comprendre la banalisation de la violence fasciste que préparait cette expérience. On peut s'étonner que Jünger ait pu dépasser ce traumatisme par l'écriture (et avec quels mots !) et que cette force de dépassement soit aussi ce qui l'a empêché de tomber dans le nazisme (voir "Les falaises de marbre").
Evidemment on ne peut plus entendre grand chose à tout cela aujourd'hui où l'abrutissement de l'espèce ne passe plus par la guerre (puisque le nationalisme a été - provisoirement ? - vaincu) mais par la consommation et les technologies (merci le libéralisme !). J'entendais des journalistes quadras sur France Culture il y a peu dire à peu près n'importe quoi sur la guerre d'Afghanistan. Et je trouve le pire témoignage de l'incapacité de notre époque à comprendre ce que furent nos aïeux dans ce film débile, La Chambre des Officiers, qui met en scène des soi-disant gueules cassées de 14-18, mais en fait de vrais pitres, avec des allures minables de petits maîtres de conf de fac actuels, et des idées minables de petits bourgeois que ni les idéaux (la patrie, le christianisme, le socialisme etc), ni le désarroi devant l'effondrement de ces idéaux n'a jamais touché (puisque le seul malaise de ces petits individiualistes postmodernes tient simplement au fait d'être moche, de ne plus plaire aux femmes et de faire peur à leurs enfants).
Bon, nous pourrions encore parler longuement de cela (par exemple de l'Iran, qui, à mon sens, est, comme la Turquie, un pays plus intéressant que le monde arabe car moins obsédé par l'islamisme, vu la sécularisation croissante de la société, avec cette opposition intéressante entre ceux qui vivent avec les cadavres de la guerre, et ceux qui les ont enterrés - mais dont les menaces occidentales ouvrent hélas les tombres). On pourrait aussi parler de Gaza (où là Israël nous parle de frappes "ultra-précises" pour afficher le moins de cadavres et de pourriture possible, mais derrière il y a quand même l'outrage : le chef de guerre tué en pleine trève, le "sous-traitant de la sécurité" éliminé comme il disent dans Haaretz, l'opération politicienne lamentable en période électorale - Ernst Jünger dit quelque part que tuer les êtres est moins grave que de les nier). On pourrait aussi parler, pourquoi pas, de ces trois lettres de Bergson à Deleuze sur lesquelles je tombe par hasard cette nuit. Mais le moment ne s'y prête pas. Une autre fois peut-être.
Sciences Po
"Alors qu’une nouvelle page de l’histoire de Sciences Po doit s’ouvrir, nous demandons aux deux présidents, Jean-Claude Casanova et Michel Pébereau, de se retirer tous deux des conseils qu’ils dirigent, l’un depuis 6 ans, l’autre depuis 24 ans. Nous ne nous sentons pas engagés par les résultats du Conseil d’administration de la FNSP et du Conseil de direction de l’IEP de Paris des 29 et 30 octobre 2012 et nous réclamons l’organisation d’une nouvelle procédure de recrutement et d’élection." (extrait d'une pétition en ligne ici)
Les orléanistes tombent non à cause des énormités qu'ils profèrent avec suffisance ici ou là (sur les ondes radiophoniques par exemple) depuis des lustres, mais à cause de leur rôle à la tête d'une école de formation des "élites".
15 avril 1986
Extrait de mon journal le 15 avril 1986 (la faute d'orthographe à "odieux" authentifie le document !)
Opinions
Le fait que l'on ne me demande rien devrait être une raison suffisante pour que je ne dise rien. Et cependant si je devais attendre qu'on me demande quoi que ce soit avant de publier un livre par exemple, je ne publierais jamais rien. Or on ne peut nier que beaucoup de gens trouvent mes publications utiles.
Donc pour les quelques personnes qui de temps à autre tapent "delorca" sur Google ou ont mon blog dans leurs favoris et jettent un coup d'oeil à mes textes en se disant "où en est Delorca de ses réflexions ?", voici quelques une de mes réflexions sur les grands sujets du moment, au hasard des mots clés qui me viennent à l'esprit. Bien sûr ce ne sont que des opinions, de la doxa. Faites en ce que vous voulez.
Chine : Une nouvelle équipe prend en main le PC chinois. Je m'amuse du décalage entre l'imagerie très sérieuse (en costume sombre) de ce PC et ce que les médias occidentaux voudraient voir. Décalage aussi, sans doute, avec certains aspects "branchés" de la société chinoise (mais qui n'est pas TOUTE la société chinoise). J'ai dit un mot à ce sujet en janvier dernier (cf ici), mon avis n'a pas changé. Je reste favorable à une politique d'échange constructif avec la Chine. C'est un pays au potentiel formidable, mais aussi exposé à de très nombreux risques (crise morale, pénurie d'eau, crise des matières premières etc).
Déficits publics : J'attends toujours que l'on m'explique pourquoi avec un PIB bien plus élevé qu'en 1981, un Etat qui a réduit ses effectifs, et des services publics qui marchent moins bien, nous avons 15 points de prélèvements obligatoires en plus. Je veux bien croire que quelques cadeaux faits aux employeurs (10 % du PIB), les abus de certaines corporations (les médecins qui creusent le déficit de la sécurité sociale, les élus locaux qui développent à l'excès leurs administrations) contribuent aux gaspillages. Il y a aussi sans doute beaucoup de professions à observer de plus près (comme le secteur de la grande distribution), et des dépenses à remettre sur la table du débat public (comme celles liées à notre appartenance à l'OTAN). Mais peut-être faut-il aussi remettre à plat beaucoup d'aspects du fonctionnement de l'Etat (par exemple est-on sûr que l'informatisation n'est pas une source de dépenses supplémentaires ? est-on sûr que l'on encourage chez les citoyens un rapport à l'Etat qui soit de nature à en diminuer les dépenses - je pense à cette culture de "consommation des institutions" qu'on voit à l'oeuvre un peu partout). La question de la dette dérive largement de ces problématiques-là.
Gaz de schiste : Peut-être est-il trop tôt pour en envisager l'exploitation, puisqu'il semble que l'on n'en maîtrise pas bien les effets dérivés. Faut-il pour autant "vouloir savoir" et propecter pour avoir une cartographie des réserves estimées comme le souhaitait M. Allègre ? Dans un monde libéral où savoir qu'une ressource existe crée des pressions dans le sens de l'exploitation, vu la faiblesse de nos Etats qui ne résistent à aucun lobby, mieux vaut sans doute rester prudent et ne pas trop vouloir connaître nos réserves. M. Rocard n'est pas une homme qui fait autorité à mes yeux. Mais il est clair que si dans 10 ans les techniques sont mieux maîtrisées, et s'il se confirme que nous sommes le "Qatar du gaz de schiste" alors il faudra s'il intéresser de près... et nous n'aurons peut-être plus de problèmes pour payer notre sécurité sociale ou faire face à la dette publique ! (question : aurons nous la sagesse de faire avec le gaz de schiste ce que la Norvège fit avec le pétrole ? Pas sûr... Notamment à cause de l'Union européenne.
Qatar : Je souhaite que la France se désengage de son alliance avec le Qatar et même propose un redécoupage du Golfe persique éliminant ces micro-Etats. Mais c'est comme la sortie de la France de l'OTAN ou de l'Union européenne, cela doit se penser dans le cadre d'une stratégie vaste.
Ecologie : Je soutiens l'idée d'une réforme globale de la société pour diminuer son consumérisme et l'adapter aux ressources limitées de la planète. Cela suppose un renforcement de l'Etat, et un encadrement ferme du capitalisme. Les Verts ne sont pas à la hauteur de cet enjeu politique. Mamer, Duflot, Gatignon etc le montrent chaque jour.
Syrie : Je continue de penser que la France doit rester neutre dans le conflit qui oppose la dictature baasiste (dont l'existence n'est plus adaptée à notre époque, et les islamistes soutenus par la Turquie et les monarchies du Golfe. Il serait souhaitable, comme en Serbie en 1999, qu'une troisième force apparaisse, mais je ne crois pas que les quelques blogueurs et jeunes citadins démocrates que compte encore ce pays puissent offrir une option crédible pour l'heure. Il faut que les Etatst-Unis cessent d'encourager l'opposition armée sur la voie de l'intransigeance. Une solution à la zimbabwéenne serait sans doute un pis-aller, même si elle aurait l'inconvénient de maintenir en place l'appareil du Baas, ce qui n'est certes pas très satisfaisant intellectuellement pour le démocrate que je suis, mais on ne voit pas d'option alternative sérieuse à court terme.
Libye : Je n'ai aucune opinion sur la Libye. C'est le fruit de l'absence d'information là dessus. Quel est le poids de l'Etat libyen au dessus des milices, et de créer un semblant de démocratie dans ce pays ? Je l'ignore. J'espère juste que la passion anti-kadhafiste (à certains égards légitime, je pense aux victimes des crimes de guerre kadhafistes à Misrata) des nouvelles autorités, qui les a conduit a emprisonner massivement et sans procès une partie importante de la société libyenne, parvienne à se concilier avec un sens du consensus national et du respect des droits de la défense.
Islamophobie : Tout un chacun a le droit d'aimer ou détester l'Islam, le judaïsme, le christianisme, le bouddhisme etc. Il est cependant légitime que si un dixième de la société française est de culture musulmane cela se ressente dans les insititutions, la culture officielle de notre pays : que cet apport soit intégré. D'autant que l'entelacement de la culture française et de l'Islam remonte à plus d'un siècle désormais, et que l'Islam comme institution (pas seulement les individus qui s'en réclamaient) s'est montré loyal à la République française dans les circonstances les plus dures, notamment la guerre de 1914-18 . L'ouverture à la sensibilité musulmane suppose aussi un traitement plus impartial des conflits du Proche-Orient.
Eglise catholique : Je suis en désaccord avec les appels lancés à l'Eglise catholique à se réformer. Chaque religion interprète ses textes sacrés comme elle l'entend. Ce n'est pas aux personnalités extérieures qu'il appartient d'émettre des jugements. J'observe que la tradition catholique est riche de divers courants, qui vont de l'extrême gauche à l'extrême droite, tous intéressants à étudier. A titre personnel je préfère que le débat politique se déploie sur la base de discussions rationnelles et non de dogmes religieux, mais chacun est libre dans sa sphère privée de cultiver l'imagerie qu'il souhaite, et il est bon aussi que nos institutions connaissent et reconnaissent ce qui en elles a été influencé par le christianisme, tout comme elles doivent être ouvertes aux autres religions et à l'athéisme.
Transhumanisme : C'est un mouvement très divers lui aussi, et souvent caricaturé. Ila le mérite d'avoir une vision prospective des effets des technologies sur l'humain. La question de la fatigue que l'humanité inspire en nous et de la volonté de la dépasser par la technologie me paraît très sérieuse
Humanités : Les humanités doivent être replacées au coeur de notre culture contre le discours des spécialistes. Le goût des belles lettres, du style, mais aussi de l'histoire, du respect de notre passé en l'appréhendant pour ce qu'il est (et non comme une annexe du présent) doivent être remis au goût du jour. Mais il faut éviter que les humanités ne deviennent un réservoir de propos creux et mondains ou d'idées fumeuses comme ce fut le cas par le passé. Un certain encadrement rationnel est nécessaire.
Mariage homosexuel : Je trouve absurde la volonté de certains homosexuels d'accéder au mariage, étant moi-même hostile à cette institution. Pour l'éducation des enfants il me semble que la présence d'une figure féminine et d'une fiigure masculine auxquelles l'enfant peut se référer est un facteur important de la construction de soi. Je suis d'ailleurs partisan, au nom du respect de la diversité culturelle, qu'une culture féminine et une culture masculine continuent d'exister dans la société comme sources de valeurs et de références spécifiques, ce qui bien sûr n'empêche pas les individus d'alterner leur adhésion à l'une et à l'autre , voire de les mélanger au gré de leur développement existentiel. Je suis aussi conscient du fait que la culture masculine dans sa version traditionnelle (et ses affinités avec la violence physique dans le cadre patriarcal ancien) doit subir un aggiornamento du reste assez difficile à réaliser dans le détail.
Voilà, on pourrait continuer ce petit égrainage pendant quelques heures si le temps pour cela ne faisait défaut...
L'écriture vagabonde
C’est amusant et émouvant : une copine qui vient de publier son premier livre chez mon éditeur vit une intense agitation intérieure. De l’ « autocombustion », comme elle dit. Je pense l’avoir un peu apaisée en lui disant qu’un livre publié est une part de nous-mêmes que l’on quitte, qui est achevée, comme une vie qu’on termine, et qu’on peut désormais contempler tranquillement, parce qu’elle est finie. On peut aussi prendre appui sur elle pour écrire autre chose. En tout cas elle ne nous appartient plus, et elle trouvera une autre vie chez les autres, sous une autre forme.
Tenez, par exemple j’ai découvert hier qu’un Franc-comtois, me cite dans un de ses récits. Il a traversé l’Europe en vélo jusqu’à Tiraspol, et, pour évoquer son arrivée à la frontière de la Transnistrie, lui vient cette phrase « "Bienvenue au pays des derniers soviets ! " comme l’a écrit Frédéric Delorca en 2007 ». « Voyage officiel au pays des derniers soviets » est en effet le sous-titre du livre que j’ai écrit il y a cinq ans.
Cette évocation de ce cycliste m’a rappelé le temps où Deleuze se réjouissait de recevoir des courriers d’associations de surfers, ou de plieurs d’enveloppes. Il est bon de voir son écriture revivre sous des actes ou sous des latitudes qui n’ont rien à voir avec son propre quotidien. Que mes mots aient dansé dans les rayons des roues de ce voyageur, voilà bien la meilleure aventure qui pouvait leur arriver. Mon année 2007 est morte depuis belle lurette, mais une part d’elle a revécu dans le sillage de la bicyclette de ce Fran-comtois, entre Dniestr et Danube. C’était peut-être la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Et avec elle ont revécu un peu des moments vécus avec ces gens à Tiraspol, un peu des mots de l’interprète en langue française, et de ma camarade russo-kazakho-transnistrienne à qui j’écris de temps à autre. Ces instants, ces gens, ces situations se sont un peu prolongés dans les initiatives, les rencontres, les audaces et les folies de ce cycliste. Je n’aurai donc pas écrit en vain.
Centenaire de la guerre des Balkans et du Congrès de Bâle
La guerre des Balkans, vous connaissez ? C'est cette guerre sur laquelle pour en première dans les années 80 on faisait un peu l'impasse, et sur laquelle en première de Sciences Po on faisait une fiche rapide (une demi-page) pour dire que la Serbie, la Grèce et la Bulgarie se sont agrandies et que la Turquie n'a gardé qu'Istanbul dans sa partie européenne.
Marrant comme dans un cadre scolaire tout devient abstrait... Un peu comme dans nos médias aujourd'hui.
CNN Turk commémore le centenaire du début de cette guerre en ce moment. En septembre la Radio Télévision Turque (TRT) organisait un concert intitulé « la Fête Balkanique (la Fête de l’Amitié) » ayant "pour objectif de montrer les liens historiques à travers la musique" le 1er septembre dernier à 20h00 à Skopje en Macédoine , puis le 8 septembre à Sarajevo en Bosnie.
Le 27 novembre il y aura sans doute à Sofia la célébration de la victoire bulgare à Merhamli. Le Parti socialiste bulgare propose de donner le nom du général Delov au poste de douane de Mazaka, sur la frontière bulgaro-serbe. Il avait élaboré la même proposition à Kardzhali mais s'était heurté à la résistance du parti communautaire turc dans cette ville. En Serbie les autorités commémorent la guerre sur une ligne d'apaisement et de pacifisme. Non sans raisons. Pour avoir une idée des fantasmes que suscitent ces souvenirs chez certains esprits sommaires, on peut regarder les deux vidéos tout en bas. Mais bon, le concours de l'Eurovision nous en donne déjà le spectacle tous les ans.
Commentaire de Jaurès au moment du Congrès Socialiste International de Bâle fin novembre "Hélas ! la rivalité haineuse des peuples balkaniques a depuis une génération fait un mal infini. Si les Grecs, les Serbes, les Bulgares, au lieu de se jalouser et de s’égorger pendant trente ans, s’étaient unis pour exiger des réformes comme ils se sont unis pour assaillir la Turquie, l’évolution de l’Orient aurait pu s’accomplir sans les violences et les souffrances de la guerre"... (sur ce congrès il faut relire le roman d'Aragon "Les Cloches de Bâle")