Le collectif "Code Pink" au Yémen
Vous le savez, je suis devenu un inconditionnel de Medea Benjamin et de son collectif anti-guerre "Code Pink". Trop enthousiaste peut-être d'ailleurs car si un jour ce collectif fait un faux pas, des petits teenagers sur le Net ne manqueront pas de me reprocher d'avoir dit du bien de lui, mais peu importe. Ces dames, après s'être rendues en Afghanistan rencontrer les Pachtounes que les drones d'Obama bombardent sont en ce moment au Yémen dans un but similaire.
Voyez le reportage de Jodie Evans sur leur site posté aujourd'hui même : "Nous avons été accueillis par Abdul Rahman Barman, un avocat qui représente HOOD, Abdulelah Haider Shaye et la plupart des prisonniers de Guantanamo et des survivants des drones américains.Bien qu'il soit l'un des hommes les plus occupés au Yémen, il a eu la gentillesse de mettre de côté le temps de parler et de partager des histoires, des informations et des photos avec nous (...) Nous avons appris comment l'ancien président Saleh a profité de la présence croissante d'Al-Qaida dans la péninsule arabique - ou mieux connu sous le nom d' AQAP - et exagérait délibéréament la menace pour les Etats-Unis pour assurer son propre financement. Nous avons également appris par des fuites câbles américains de 2012 que Saleh a donné aux États-Unis «une porte ouverte au terrorisme». Cette stratégie est contre-productif et a aidé AQAP à grandir. Quand un être cher est tué sans raison par nos politiques antiterroristes, et sa mort se voient déniée par les deux gouvernements yéménite et américain, les Yéménites pensent qu'il n'y a pas d'autre moyen que de se venger et de se joindre à un groupe militant. (...) Dans certains cas, même de voir le recrutement se passe dans les prisons, où les petits voleurs deviennent des agents d'Al-Qaïda, motivé par la vengeance de nouveau. (...) Le Yémen est si beau. Les rues sont pleins de bruits de klaxon, d'explosions de pétards lors d'un mariage lointain et d'aboiements des chiens. Ici, dans la vieille ville l'électricité vient de sauter eti nous sommes dans la nuit noire. Ce qui me reste de meilleur de la journée a été la générosité et la gentillesse des Yéménites que nous avons rencontrés. Ils sont reconnaissants que nous leur montrions ici un autre type de soutien que celui auquel ils sont habitués par la communauté internationale, à l'écoute et en solidarité avec le droit des personnes yéménites à l'autodétermination."
Epictète et la nature humaine
Il est un point excellent dans le stoïcisme qu'on retrouve jusque dans sa version la plus tardive (à laquelle je préfère la première, celle de Zénon et Chrysippe, plus anarchiste), et que ni Chomsky ni les psychologues évolutionnistes ne récuseraient, c'est son souci de philosopher à partir de la nature de l'homme et des animaux.
Je lis dans Epictète (Diatribai Entretiens ch XXIII I, 23, 1) le texte ci dessous - je suis désolé de vous le livrer en anglais mais je ne le trouve pas sur le Net dans notre langue sauf en version orale que vous pouvez écouter ici (mais je n'aime pas la voix de la dame). Notez le lien classique qu'il établit entre paternité et engagement politique. L'épicurisme d'Onfray et de Marx ne tient pas face à un texte comme celui-là.
" Even Epicurus is sensible that we are by nature sociable beings; but having once placed our good in the mere outward shell, he can say nothing [p. 1077] afterwards inconsistent with that; for again, he strenuously maintains that we ought not to admire or accept anything separated from the nature of good, and he is in the right to maintain it. But how, then, arise any affectionate anxieties, unless there be such a thing as natural affection towards our offspring? Then why do you, Epicurus, dissuade a wise man from bringing up children? Why are you afraid that upon their account he may fall into anxieties? Does he fall into any for a mouse, that feeds within his house? What is it to him, if a little mouse bewails itself there? But Epicurus knew that, if once a child is born, it is no longer in our power not to love and be solicitous for it. On the same grounds he says that a wise man will not engage himself in public business, knowing very well what must follow. If men are only so many flies, why should he not engage in it?
And does he, who knows all this, dare to forbid us to bring up children? Not even a sheep, or a wolf, deserts its offspring; and shall man? What would you have, that we should be as silly as sheep? Yet even these do not desert their offspring. Or as savage as wolves? Neither do these desert them. Pray, who would mind you, if he saw his child fallen upon the ground and crying? For my part, I am of opinion that your father and another, even if they could have foreseen that you would have been the author of such doctrines, would not have thrown you away. [p. 1078]"
La musique de la révolte turque
Il y a des musiques qui servent de toile de fond à de grands événements, et qu'il faut connaître si l'on veut connaître les choses autrement que par les seuls mots. Lili Marleen pendant la seconde guerre mondiale en Europe, "Maria" de Blondie pendant la bombardement de la Yougoslavie par l'OTAN, et... Eyvellah au milieu du printemps turc qui a lieu en ce moment. J'ajoute à cette chanson les paroles en version anglaise. Et un petit documentaire. Tous mes remerciements à Canan.
To your pepper, your gas,
Your batons, your sticks,
To your harsh kicks,
I say bring it on, bring it on
Attack me shamelessly, tirelessly
My eyes are burning but I don't bow, nor do I lessen
I am still free I said
I am still right I said
to you
I am still human I said
Do you think I would give up, tell me
To your pepper, your gas,
Your batons, your sticks,
To your harsh kicks,
I say bring it on, bring it on
Your slap in our face
Your grudge against our voice
Cheers to all of you
Bring it on bring it on
Raise your hand without hesitation and fear
The squares belong to us, don't forget it, this nation is ours
I am still free I said
I am still right I said
to you
I am still human I said
Do you think I would give up, tell me
To your pepper, your gas,
Your batons, your sticks,
To your harsh kicks,
I say bring it on, bring it on
Your slap in our face
Your grudge against our voice
Cheers to all of you
Bring it on bring it on
Antifascistes contre extrême droite

Le meurtre du jeune étudiant de Sciences Po, hier à la gare de RER Haussman. Les voix qui s'élèvent pour la "dissolution" des groupes d'extreme droite (attention de ne pas aller trop loin dans la répression d'un courant de pensée auquel je suis hostile mais qui a sa liberté d'expression comme tous les autres).
Certains jeunes d'extrême gauche (car c'est dans la jeunesse que la tentation de la violence est forte, qu'elle soit verbale ou physique) qui fantasment sur l'Italie des années de plomb, sur Rouillan, sans se rendre compte qu'un conflit ouvert entre milices d'extreme gauche et d'extreme droite dans un pays où la plupart des classes populaires en milieu semi-rural votent FN se terminerait par la victoire de la réaction comme en Italie en 1922. Si nous étions dans la Russie des années 1860 les jeunes étudiants de gauche essaieraient d'aller haranguer la France pro-FN démoralisée par la mondialisation libérale, ce qui serait peut-être un moyen de recoudre le tissu social. Mais le fossé sociologique entre les deux Frances est trop grand. Et c'est sur les épaules du faible gouvernement social-dem (par ailleurs écrasé par la politique d'austérité prônée par l'Allemagne), certes pourvu de la main de fer de M. Valls (mais les ministres de l'intérieur socialiste, de Weimar, comme de la IVe République en 1947 ne peuvent pas à eux seuls apaiser la tempête qui monte) que repose la pacification des esprits. C'est demander beaucoup à des gens qui ont peu.
Schneidermann ce matin met en garde les fausses symétries créées par les journalistes. Une spécialité de ce milieu et de tous les pouvoirs conservateurs. Les médias aussi pourraient jouer un grand rôle pour apaiser le climat, mais ils n'ont hélas pas été formés à cela. Continuons pour notre part à défendre les espaces de dialogue, même de dialogue conflictuel. Pourquoi le gouvernement ou les municipalités ne créeraient ils pas des forums de débat "live" (pas sur Internet qui favorise l'hystérie) entre les deux Frances prêtes à en découdre dans la rue ?
Fabius, Hollande et Cameron, comme en 1956 à Suez
M. Fabius, toujours aussi malhonnête, dit que du gaz sarin a été utilisé en Syrie, mais ne dit pas par qui. C'est M. Obama qui doit lui donner des leçons de vérité en lui demandant des précisions à ce sujet. Mais on voit bien ce qui est à l'oeuvre dans cette affaire : une alliance franco-britannique qui tourne à plein régime pour elle-même et par elle-même sans le parrainage des Etats-Unis. Donc l'aventure libyenne de Sarkozy-BHL n'était pas un simple coup de folie. C'était une façon de rôder l'alliance franco-britannique (ce fut d'ailleurs présenté comme tel), et l'aventure syrienne prolonge ce délire. Bizarrement nos amis britanniques ne se pressent cependant pas pour nous aider au Mali. Pourquoi ?
Pendant ce temps le Sahel se délite. Le Niger est au bord du coup d'Etat, la Mauritanie n'a plus de président, le président tchadien si effrayé de subir le même sort, fait arrêter tous ceux qui s'opposent à lui. Accessoirement au Cameroun on tue les derniers éléphant avec les armes de Kadhafi, vive le beau Sahara, devenu une gigantesque foire de toutes les contrebandes. Un Kosovo puissance dix !
Voulions-nous la même chose au Proche-Orient ? La partie semble perdue pour les Occidentaux puisque Bachar El-Assad reconquiert des positions, et l'Irak menace d'abattre les avions israéliens qui survoleraient son territoire pour aller bombarder d'Iran. Et Israël doit se taire devant la livraison d'S-300 russes à la Syrie (silence diplomatique dues aux bonnes relations entre Bibi et Poutine nous dit-on).
Soit, mais comme la conférence de paix voulue par Washington et Moscou ne donnera sans doute rien, nul doute que nos pieds nickelés Hollande-Cameron reprendront du service pour décider de livrer (contre l'avis de l'Allemagne, mais who cares about European Union as far as foreign policy is concerned ?) des armes à l'ASL (et à Al-Nosra/Al Qaida aussi). Et nous verrons ressurgir le Hezbollah avec son désir de réveiller l'insurrection au Sud-Liban et au nord d'Israël, et nous verrons aussi la FINUL directement menacée par cette insurrection, et les Iraniens et les Russes livrer toujours plus d'armes, et le sud la Turquie connaître une destabilisation (M. Erdogan n'a pas fini de se faire du souci, à l'heure où les manifestants de la place Taksim lui demandent aussi, ne l'oublions pas, de cesser son ingérence en Syrie).
MM. Fabius, Hollande, Cameron allez donc vous installer au Qatar et à Doubaï chez vos amis, mais cessez d'entraîner dans la France dans des opérations dignes de Suez en 1956, cette opération franco-britannique d'un autre âge concertée avec Israël pour renverser Nasser et reconquérir le canal nationalisé. Je sais qu'à travers le monde le business et le colonialisme sont de nouveau à la mode. Mais les peuples ont encore le droit de mettre leur veto à ces délires.
Marinaleda
Un petit docu réalisé par la communauté d'Emmaüs-Lescar (que j'ai visitée il y a 5 mois) sur une commune andalouse peuplée essentiellement d'ouvriers agricoles qui vivent en autogestion.
Le Printemps turc ?
Soutien enthousiaste sur les réseaux sociaux (ça "like" dix fois plus que d'habitude sur Facebok) à notre traduction rapide d'un bel article turc sur la mobilisation anti-gouvernementale à Istanbul qui ne faiblit pas depuis trois jours. Ce texte sonne si juste il est vrai.
De belles photos ici qui insistent sur la présence des communistes du TKP mais pas seulement.
Je rêve d'un Printemps turc qui sonnerait le glas des Frères musulmans au Proche-Orient. Qui sème le vent récolte la tempête, pourrait-on leur dire. Et puis offrez nous un Printemps saoudien en prime contre les wahabbites et la dynastie qu'ils soutiennent, et le monde se portera beaucoup mieux !
Le Xerxès en Toge
Lucullus dine chez Lucullus, tout le monde connaît le proverbe. Mais du général Lucullus les gens savent peu de choses.
Je relisais hier sa Vie sous la plume de Plutarque. Au fond il fut un lieutenant du parti du Sénat, comme tant d'autres, et un homme du clan de Caton. Dès avant Pompée (qui lui succéda en Asie) il fut de ces généraux qu'on n'utilise mais dont on se méfie. Triste sort de la République.
Je suppose que les Arméniens d'aujourd'hui le détestent. Il a ravagé ce pays après avoir mis en fuite ce fameux Mithridate du Pont dernier héros de la résistance grecque (quoiqu'il fût à moitié barbare) à l'oppression romaine.
Ce qui m'intrigue moi, c'est que très riche et très influent, il se soit complètement de la vie publique à 52 ans, après qu'on lui eût préféré Pompée. Il pouvait encore jouer un rôle pour défendre le parti nobiliaire, mais effrayé par le guerre civile qui pointait son nez, il s'est replié sur ses jardins en Campanie et à Rome (sur le terrain de l'actuelle villa Médicis notamment). Quand on lit les résumés de sa vie, ce repli sur l'hédonisme paraît aller de soi. Dans le détail il ne l'est pas. Les aristocrates romains étaient éduqués dans le culte du bien public. C'était un devoir dû au ancêtres.
Lui choisit le parti du Beau, qui, dans son cas, ne s'identifie plus au juste. Il ne va pas "cultiver son jardin", mais édifier les plus beaux jardins d'agrément de Rome, et avoir la table, la collection d'oeuvres d'art, et les bibliothèques les plus somptueuses, au risque de mériter à Rome le titre de Xerxès en Toge (c'est à dire le tyran oriental à la légion d'honneur si l'on veut).
Pourquoi ? Il y a dans ce choix peut-être quelque chose de profondément platonicien (même si cela confine à l'épicurisme). Un peu comme le néo-platonisme (lui aussi dans un jardin magnifique) de Marsile Ficin à Florence, auquel la Renaissance italienne et européenne doit tant. A ce titre cela ne peut que m'intriguer...
Je me faisais récemment la réflexion que l'ordre mondial actuel est comme la République romaine finissante. Il y a le Sénat (le Conseil de Sécurité de l'ONU), les Comices (l'assemblée générale) et les voix des pauvres que les puissants achètent, avec des bandes armées (l'OTAN) pour maintenir l'ordre. Il faut être du côté de Caton d'Utique dans ce combat là.
Mais revenons à Lucullus. Il capitula malgré le rôle qu'il pouvait jouer. De nos jours la plupart capitulent sans pouvoir jouer aucun rôle, et sans avoir le moindre jardin, coincés dans une petite chambre devant Internet. Tout cela est si petit vraiment. Dites moi, amis lecteurs, aimeriez vous mieux recevoir des millions du régime d'Obiang ou, comme certains gauchistes, de l'émirat du Qatar ? C'est juste une question qui me traversait l'esprit en rédigeant mon papier sur la Guinée équatoriale tantôt.