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Le blog de Frédéric Delorca

Ossétie du Sud

9 Août 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Je viens d'envoyer l'article suivant à un site russe :

Effets des doubles standards occidentaux dans le Caucase

Les gouvernements occidentaux, prompts à soutenir les sécessionnistes contre les pays qu’ils n’aiment pas (celui du Kosovo contre la Serbie, celui du Tibet contre la Chine) se sont bien gardés depuis 1991 d’approuver l’indépendance des minorités opprimées de Géorgie comme les Abkhazes, et les Ossètes du Sud, et ce, bien que ceux-ci se soient constitués en Républiques autoproclamées. Certaines caricatures de ces Républiques les décrivent comme des constructions artificielles entre les mains de la Russie. Pourtant dans chacune d’entre elles (l’Ossétie du Sud en 1992 et 2006, l’Abkhazie en 1999), des référendums ont été organisés, dans le cadre desquels une forte proportion de la population s’est prononcée pour l’indépendance ou pour la constitution de l’Etat autoproclamé. Le seul tort de ces Républiques est d’être situées dans un pays – la Géorgie – dont les Occidentaux ont toujours espéré se faire un allié stratégique, notamment pour le contrôle des voies d’accès au gaz d’Asie centrale.

Non contents de ne pas reconnaître les droits des peuples sécessionnistes en Géorgie, les pays occidentaux ont organisé le renversement du gouvernement d’Edouard Chevarnadze en 2003, au terme d’une opération financée par des ONG liées à l’administration américaine, la Révolution des Roses, sur le modèle de ce qui avait été fait en Serbie en 2000. Ils l’ont ainsi remplacé par un régime autoritaire, celui de Mikheil Saakhachvili, qui réprime l’opposition (voir par exemple l'arrestation de l'ex-ministre Irakli Okrouachvili en septembre 2007) et fut soupçonné à plusieurs reprises de malversations électorales.

Ce régime est aujourd’hui lourdement armé par les Etats-Unis et Israël (qui lui a livré récemment un nouveau système lance-roquettes). Tout comme Israël au Proche-Orient, la Géorgie dans le Caucase se sent en position d’imposer ses prétentions à ceux-là même qui la financent et qui l’arment. Comme le notait récemment Alain Badie, professeur à l’institut d’Etudes politiques de Paris, dans son dernier livre Le diplomate et l'intrus, "N'ayant aucune raison de craindre une défection américaine et n'ayant plus à faire face à la menace soviétique, Tel-Aviv est en mesure désormais d'imposer certains de ses choix stratégiques régionaux à la Maison Blanche. La Géorgie de Saakachvili ou l'Ukraine de Iouchtchenko disposent de la même asymétrie tournant à leur profit : sachant pertinemment que les Etats-Unis n'ont aucun intérêt à les lâcher, quels que soient leurs choix, elles se laissent l'une et l'autre convaincre que l'hégémon américain est désormais privé, par l'évolution même du système international, de tout argument les contraignant à l'obéissance".

En vertu de ce principe le président Saakachvili s’est répandu en menaces contre les républiques sécessionnistes depuis plusieurs mois, et a favorisé les incidents frontaliers. Loin de chercher à modérer ses prétentions, les Etats-Unis ont multiplié les déclarations au cours de l’été pour pousser au remplacement de la force d’interposition russe par des forces armées plus favorables aux intérêts des occidentaux et de la Géorgie.

Ce comportement pyromane a encouragé Tbilissi à envahir la République d’Ossétie, dans la nuit du 7 au 8 août dernier.

Là encore, la politique des double-standards occidentaux a joué à plein. Si la République de Serbie avait attaqué le gouvernement autoproclamé du Kosovo (reconnu par moins d’un quart des pays membres de l’Organisation des Nations-Unies), les grands médias occidentaux n’auraient pas manqué de faire leur « une » sur ce sujet pour dénoncer cette agression. Au lieu de cela, ils ont traité l’attaque géorgienne contre l’Ossétie de Sud avec un mépris souverain, la décrivant comme un « mauvais tour » joué par Tbilissi au premier ministre Vladimir Poutine (lequel est depuis longtemps déjà voué aux Gémonies par ces mêmes médias). Ainsi parviennent-ils à rendre bénigne, voire populaire aux yeux de leur opinion publique, une politique d’agression caractérisée de la part des autorités géorgiennes.

Parallèlement le soir même de l’attaque géorgienne, au Conseil de sécurité des Nations-Unies, les Occidentaux faisaient opposition à un projet de résolution russe demandant l’arrêt des combats dans la zone.

La connivence avec les agresseurs est allée très loin. L’évacuation des civils a été ignorée et la destruction de la capitale Tskhinvali, fut imputée principalement aux troupes russes qui ripostaient à l’agression géorgienne (alors pourtant que les Géorgiens l’avaient massivement pilonnée, provoquant la mort de 1500 civils).

Ce soutien systématique à l’agression vise une fois de plus, dans le Caucase comme dans les Balkans et au Proche-Orient, à faire prévaloir la force, placée au service des seuls intérêts occidentaux, contre la stabilité, la sécurité, et l’amitié entre les peuples. Il s’agit là non seulement d’une politique injuste, mais encore d’un choix dangereux, qui ne fera qu’accroître les tensions dans tout le continent eurasiatique, au lieu d’une nécessaire coopération pacifique. Une fois de plus, les pouvoirs occidentaux jouent avec le feu, et leurs déclarations de bonnes intentions hypocrites produites après-coup ne peuvent masquer leur rôle concret dans les crises qu’ils provoquent.


Frédéric Delorca

Docteur en sociologie
Directeur de l’Atlas alternatif -
http://atlasalternatif.over-blog.com/ .

9 août 2008
Copyright exclusif : Frédéric Delorca


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L
Merci pour votre analyse. Hélas, sachez qu'il semblerait d'après les renseignements que je reçoit de mes amis sur place, que le bombardement du 8 août sur Tskhinval ait tué plus de 2000 personnes et non 1500. Pour mieux comprendre la situation en Ossétie du Sud, et le drame de Tskhinvali, voir ce blog qui y est consacré et qui donne le point de vue ossète du conflit : http://ossetie.canalblog.com/Il contient des témoignages et des articles qu'on ne trouve pas dans la presse francophone.<br /> Je parle moi-même ossète et j'étais à Vladikavkaz en avril dernier, plusieurs de mes amis ossètes sont originaires de Tskhinval - la couverture des évènements en Occident est une honte : je suis abasourdi de constater que le massacre de 2000 personnes en une nuit et un jour n'apparait pas dans les journaux comme un crime aussi grave que la réponse de l'armée russe. Cordialement,Laurent Alibert
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E
Bonjour Frédéric,J'ai mis tes textes dans mon blog http://r-sistons.over-blog.com - comme je le fais souventCordialement à toi Eva
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