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Le blog de Frédéric Delorca

Souvenir des années Mitterrand

9 Mai 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La gauche

Le 1er mai dernier, une chaîne herzienne diffusait un documentaire sur le décès de Pierre Bérégovoy, il y a 16 ans. C'est amusant parce que ce décès n'a laissé pratiquement aucun souvenir dans les esprits, ni aucun regret. Les commentateurs avaient du mal à mettre sur le compte de "Béré" le moindre point positif qui pût "accrocher" l'affection populaire : c'était un ouvrier fier de fréquenter désormais les restaurants du 16 ème arrondissement, d'avoir libéralisé les marchés financiers et défendu le franc fort. La belle affaire ! quelle reconnaissance le "peuple de gauche" que soit disant il aimait peut lui accorder de ce fait ? Quel courage y avait-il dans son petit bonheur personnel à épouser les croyances des riches ? Tout était petit dans les souvenirs évoqués dans ce documentaire, jusqu'à même cette affaire de l'agenda disparu le jour de son suicide - une disparition qui accréditait la thèse de l'assassinat, oui mais voilà, on apprenait juste qu'un proche l'avait substitué pour que son épouse, qui croyait follement en leur amour, n'y décèle point l'adresse d'une embarrassante maîtresse...

Je songeais à cela en tombant sur cette nouvelle aujourd'hui "Tapie dit avoir des soutiens pour s'emparer du Club Med". Car Tapie témoignait, le 1er mai, à la suite du documentaire. Il disait, à propos des derniers jours de "Béré" : "Il n'allait pas bien, j'ai téléphoné à Kouchner pour lui en parler". Tapie, Kouchner, Béré. Cela me faisait vaguement penser au Clan des Siciliens. Et Mitterrand dans le rôle du parrain. Très triste époque que celle-là. Et l'on découvre maintenant que le pouvoir de nuisance de Tapie n'est pas encore tout à fait épuisé, loin s'en faut ! On repense à Mitterrand. Qu'il ait fait entrer tant de jeunes et vieux loups dans les bergeries de la République, tant d'aventuriers, de corsaires. N'y avait-il pas quelque fascination nihiliste dans son amour pour les carnassiers, lui le vieil homme rongé par le cancer ? Comment la France a-t-elle pu vivre dans ce climat malsain ? C'est triste à dire (car j'ai plus d'une fois voté socialiste au second tour, comme les gens de ma famille) mais Chirac représentait presque une bouffée d'air salubre au sortir du mitterrandisme... Il est dommage parfois que la gauche s'accroche au pouvoir. Mieux valent les feux de paille du Front populaire et du Chili d'Allende.

Une partie du mitterrandisme a fini au Front de gauche, une autre partie dans le ségolénisme et l'aubrysme, une autre dans le sarkozysme. Une postérité bigarrée.

En parlant de gauche qui s'accroche, Chavez, lui, tient toujours bon au Venezuela. Mais au moins son action au service des pauvres ne fait aucun doute. Avoir fait de son pays émergeant un pays "libre de toute forme d'analphabétisme" selon les critères de l'UNESCO, cela à soi seul suffit à justifier ses mandats. Mitterrand lui, au profit des plus défavorisés, ne pouvait afficher que des mesurettes - celles de 1981 (les 39 heures, la retraite à 60 ans), rien qui le distinguât sensiblement de ses pairs à la tête des autres pays d'Europe. "Il aura tout sacrifié à l'unification européenne" dit-on. Il y a sacrifié la gauche. Quel intérêt ?

La destruction de la gauche française par Mitterrand et son européolâtrie font qu'aujourd'hui je trouve plus de volonté de rupture avec le libéralisme chez des membres du Modem que chez des socialistes ! quel héritage !

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L
De son vivant déjà, j'étais contre la politique du franc fort qui, socialement, nous a mis dans une merde noire.Au PS on a vu pas mal de vrais gens de gauche se droitiser de plus en plus au fur et à mesure que s'affirmaient et se concrétisaient leurs ambitions.Comme l'a dit Marx, les valeurs de la classe dominante sont toujours les valeurs dominantes. C'est pourquoi il y a eu chez Bérégovoy ce mélange de fascination-complexe d'infériorité vis à vis de l'élite politico-financière qui gravitait autour de Mitterrand. Ses camarades du PS d'ailleurs le lui rendaient bien puisqu'ils l'ont toujours méprisé en raison de ses origines prolo.C'est, je pense, ce désir de se faire accepter par un milieu qui n'était pas le sien mais le fascinait (ce que le film montre bien) qui l'a poussé à exécuter avec zèle et sans trop d'états d'âme la politique économico-sociale qui est celle du PS depuis 1983.Et c'est peut-être une prise de conscience tardive (des conséquences de la politique qu'il a conduite et de ce qu'il ne sera jamais qu'un vassal de ses "nouveaux amis" de la Mitterrandie) qui explique son suicide?...Comme tu le soulignes en conclusion, quel drôle de parcours que celui des derniers barons de la Mitterrandie!
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F
<br /> <br /> Pas seulement Marx, mais Bourdieu aussi a analysé cet effet d'attraction des classes dominantes sur les inférieurs. Elle explique aussi pourquoi les ex-colonisés ou les peuples d'Europe de l'Est<br /> hésitent à s'opposer avec plus de vigueur à l'impérialisme occidenta (qui reste l'impérialisme des dominants dans l'imaginaire planétaire). L'attractivité des dominants a aussi beaucoup joué dans<br /> les ralliements au nazisme en Europe de l'Est pendant la seconde guerre mondiale : malgré le mépris affiché des nazis pour les slaves, et leur volonté de les extreminer pour libérer du<br /> Lebensraum, nombre d'entre ces derniers soutenaient l'hitlérisme comme système de valeur d'une faction supérieure de l'humanité. Je ne pense pas que ce réflexe, qui est humain, mérite une<br /> indulgence excessive.<br /> <br /> <br /> <br />