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Visite du village d'Emmaüs Pau-Lescar
J'étais hier de passage chez Emmaüs Pau-Lescar, des "compagnons" très engagés dans les luttes sociales qui refusent la "gestion de la pauvreté" et ont transformé, à l'occasion de leurs 30 ans d'existence, leur communauté en un village écologique et égalitaire. A l'entrée la fresque qui alignant Sankara, Che Guevara, Gandhi et Mandela sous le titre "Oser, risquer l'utopie avec et pour l'homme" - fresque autrefois dessinée sur le mur de la mairie de Billère en solidarité avec les sans-papier - en dit long sur l'ampleur du projet. Ici on se donne les armes pour construire une société alternative.
J'ai été accueilli par la chargée de communication Cécile Van Espen et par le directeur Germain Sarhy, 58 ans, qui se considère comme le "préfet" du village (lequel élit par ailleurs un maire et un "conseil municipal"), et nous avons déjeuné ensemble. Il m'a ainsi longuement expliqué le fonctionnement de sa communauté et les principes qui la régissent -formulés dans le journal local le 9 janvier 2012 : "Le compagnon qui vient dans la communauté est nourri, logé, blanchi et il participe à l'activité de la communauté qui est à la base la récupération, en fonction de ses capacités physiques et intellectuelles. Nous ne sommes pas dans une logique de production mais dans une politique participative.Ils perçoivent un "pécule" autour des 450 euros par mois d'argent de poche. Faites le calcul par rapport au smic. On cotise aussi à l'Urssaf et chaque compagnon a droit à la couverture sociale et à la retraite." Le statut est régi par la loi sur l'accueil en organismes communautaires et d'activités solidaires.
Germain Sarhy insiste sur le fait que sa structure ne perçoit aucune subvention et ne vit que des ressources de la récupération. Il se sent ainsi libre à l'égard des pouvoirs locaux dont nous parlons en détail (leur attitude en période électorale, en dehors des élections etc, Emmaüs).
A notre table un jeune Malien compagnon pour un temps de la communauté : l'occasion d'un échange intéressant avec un homme attaché à d'autres valeurs (l'islam, les hiérarchies aristocratiques du Mali) et qui au nom de ça à quelques problèmes avec certains aspects de la vie du village comme le calendrier de nus et le tutoiement immédiat de tous (mais néanmoins le cadre égalitaire et l'esprit d'accueil du lieu permet de gérer la différence de valeurs sans conflit).
Après le repas je visite avec Germain le village. Il me montre les constructions de pavillons pour les personnes présentes depuis deux mois qui pourront bientôt accueillir environ 80 personnes au total (ce qui fera environ 200 pensionnaires avec la partie réservée aux jeunes visiteurs) . Ces pavillons suivent les normes de l'habitat écologique (écohabitat), autosuffisants en énergie, d'une grande élégance esthétique (car Emmaüs est attaché à ce que la pauvreté n'empêche pas la qualité de vie, l'attachement au beau, alors que le village donne sur la chaîne de montagnes).
Emmaüs veut s'ouvrir sur l'extérieur avec une ferme qui met en valeur les espèces locales, l'épicerie qui devrait ouvrir au printemps. il veut aussi se doter d'une école sur le modèle du Colibri. On me montre aussi le champ de blé bio dont le village tire sa farine fabriquée dans un moulin basque de 1885.
La culture ici n'est pas considérée comme un luxe, et on l'a place au centre du devenir des compagnons. Déjà le site accueille en juillet le principal festival musical de la région (10 000 personnes chaque année). En marge du festival l'an dernier ils organisaient des conférences dans le cadre du forum mondial de la pauvreté, en partenariat avec Paul Ariès et le journal « Le Sarkophage ». Cette année ce sera sur le "buen vivir" (good living/bien vivre). Je parviens sans peine à convaincre Germain de lancer un salon du livre des éditeurs indépendants comme cela existe à Paris où il n'y aurait pas à engager des sommes pour louer les stands. Il envisage aussi la mise en place d'une librairie permanente.
Sensible à la solidarité internationale, Emmaüs Lescar est en contact avec la Bolivie, et le Burkina Faso (via l'association AIDIMIR) sur des projets de reboisement. De ce côté là aussi il y aurait des choses intéressantes à envisager.
Evidemment ce genre de visite vous redonne de confiance dans l'aventure humaine. A Emmaüs-Lescar vie au grand air, liberté anti-conformiste et sens de la solidarité et de la justice se conjuguent à un point d'harmonie qu'on n'aurait plus cru guère possible sous la dictature des banques, des multinationales, et de la bêtise lâche et égoïste de nos contemporains. Un autre quotidien est possible !
Le conseil général du 64 n'oublie pas Aurore Martin
Aujourd'hui dans un communiqué de presse, le conseil général des Pyrénées-Atlantiques a fait savoir qu'il avait voté à l'unanimité hier une motion suite à l'incarcération de la militante basque Aurore Martin s'adressant "aux autorités de l'Union européenne, au président du Conseil et à la Commission européenne, afin qu'ils interviennent face aux disparités d'application" du MAE et "remédient aux situations d'injustice engendrées".
Déjà le 2 novembre le président du Conseil général socialiste avait à propos de l'arrestation d'Aurore Marton "regretté une telle décision précipitée au moment où beaucoup de citoyennes et de citoyens et de leurs représentant (e) s mettent tout en œuvre pour trouver les voies pacifiques d’un règlement définitif."
On rappellera qu'il y a quinze jours une sénatrice écologiste de Seine et Marne avait interrogé le gouvernement à ce sujet. Le texte de sa question est ici. La réponse est très langue de bois. On peut se demander notamment si la protection consulaire promise a été effectivement mis en oeuvre (la sénatrice Mme Lipietz laissait entendre qu'il n'en était rien à la date du 15 novembre dernier).
Shows très chauds en Béarn...
Discussion digne de l'ambiance de mon roman "La révolution des montagnes" aujourd'hui. Un DJ me racontait une prise de bec entre deux gogo dancers dans une boite connue de Pau : "L'une d'elle avait pris le melon, disait-il, elle disait 'moi je touche 1 800 euros au black, je fais des soirées privées pour le PDG de telle grosse boîte. Ici c'est de la merde de danser pour un public ordinaire' - c'est clair qu'elle avait bu un peu trop et qu'elle avait pris de la coke, ça s'est terminé en crise de larmes entre les danseuses dans les loges". Bon bien sûr il m'a dit le nom de la boîte (très connue) mais je serai discret !
Et vous saviez vous que Chris Anderson était à El Palacio à Pau récemment ? et vous saviez vous qu'il avait produit Keen'v ? Oui bien sûr vous saviez, bon moi je ne savais pas... Plus difficile : vous saviez vous que Gizane y était aussi (un autre jour) avec ses serpents (cf la vidéo ci dessous) ? Le DJ en question eut la lourde tâche de porter ses pythons... dur dur d'être un DJ...
Sand et les Pyrénées
Quels écrivains romantiques n'ont pas vanté les Pyrénées ? Les gamins de nos écoles béarnaise dans les années 70 chantaient le poême de Vigny "Le cor" ("Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées") qui semble avoir été fort célèbre au XIXe siècle, au point que Flaubert le paraphrase sur un ton plaisant dans sa correspondance en disant qu'il n'est pas comme Vigny, et se plaignant du son du cor sous ses fenêtres à Croissy.
Je ne sais plus trop pourquoi George Sand s'est rendue à Tarbes et Luz-Saint-Sauveur en 1825 (qui pour nous béarnais sont les "Pyrénées des voisins" en quelque sorte...). J'ai cru comprendre que son mari était gascon.
Voici deux extraits de son journal de voyage (elle avait 21 ans).
A côté des élans enthousiastes devant la beauté de la nature, il y a tous les agacements de devoir supporter la compagnie des crétins avec qui la jeune Aurore Dupin/George Sand voyage. La solitude de l'artiste en compagnie d'idiots. Un problème bien connu...
Expressions béarnaises
Vous vous souvenez de "Ce que parler veut dire" de Bourdieu ? La langue. La langue concrète. Quand j'ai lu mon premier dictionnaire français-béarnais en 1990 j'y ai trouvé des tas de mots que ma famille ne connaissait pas. C'était de l'artificiel comme en produisent à tour de bras les milieux lettrés (surtout les milieux hors-sols comme les occitanistes qui parlent une langue essentiellement pratiquée dans les écoles et oubliée dans la vie réelle). Même quand ils ressortent des mots connus, les auteurs de dictionnaires ne savent pas forcément quelle signification ils avaient, dans quelle intention on les employait, et qui n'est pas la même d'une langue à l'autre, ni même d'un milieu à l'autre (voire d'une famille à l'autre).
Comme je sais que personne ne prendra la peine de le faire, jai envie de signaler ici quelques termes que j'ai beaucoup entendus dans la bouche de ma mère dans les années 1970 et qui étaient une survivance de mots qu'elle avait entendus dans la bouche de ses propres parents autour de 1945-50, parents qui eux faisaient des conversations entières en béarnais, alors que me mère n'en prononçait plus que des bouts de phrases en forme de clins d'oeil ou de signes de reconnaissance familiale. N'ayant pas appris l'orthographe occitane "rénovée" en vogue dans les milieux savants. Je restitue les mots dans une orthographe française approximative. Je pense que cela fait aussi partie de mon devoir de témoin de mon époque, s'agissant de réalités que les autres témoins (dans les milieux populaires) n'ont jamais été enclins à juger digne d'être transposée dans l'espace de l'écriture.
Voici la liste de mots :
Lamo : lame. Employé pour quelqu'un de bavard "qu'a bouno lamo"
Hèro : Foire. Terme extrèmement vague que j'ai beaucoup entendu dans l'expression "quino hèro aquo !" On pourrait être tenté de la traduire par "quel bazar" voire "quel bordel". Mais la notion me semble plus vaste que bazar. "Quino hèro" peut désigner aussi un pétrain, quand des gens se sont fourés dans une situation inextriquable, un imbroglio, un ensemble de problèmes liés à une série de fautes, et une position globalement coupable au vu des normes sociales.
Menin : petit enfant (comme les Ménines de Velazquez). Utilisé dans l'expression affectueuse : "Hé lou petit menin". Le petit enfant à sa maman. Sans aucune connotation ironique.
Hum : fumée - qu'ey partit a hum - il est parti à toute vitesse - cf "A hum des caillaou"
Praubin : pauvret. S'utilise dans l'expression : "praubin des petit" qu'utilisait déjà la mère de ma mère. "Pauvre petit" est utilisé sans que cela signifie qu'on plaint l'enfant.
Mus : museau, har lou mus, faire la tête
Camat : qui a des jambes. S'emploie pour dire qu'une fille a de jolies jambes : "Qu'ey pla camadola gouyato". Phrase un peu passe-partout qu'employaient les hommes pour montrer qu'ils avaient remarqué qu'une fille était belle.
Mascouyonatquanteybis (Tumascouillonnéquandjetaivu). Expression toute faite pour désigner quelqu'un qu'on ne connait pas : "Quin s'apero ? - Mascouyonatquanteybis" Comment il s'appelle ? - Mascouyonatquanteybis . Variante : Quin s'apero ? Capdestero" (comment s'appelle-t-il ? Premièrebûcheduntasdebois, en béarnais ça rime). L'équivalent se trouvait un peu dans l'armée française dans les années 1990 quand pour désigner un quidam on l'appelait "Machproduguidon" (promule toute faite que sortaient tous les soldats comme un automatisme). idem : Trucoli Labatmalo
Cabèco : chouette. Mot qu'on utilisait pour désigner une vieille dame usée, aigrie, pas sympathique, une vieille sorcière : uo bieillo cabeco.
Guito : canne. Se dit d'une dame ou d'une fille à qui l'on en veut, qu'on déteste. "Aquero guito". Le mot est moins insultant et haineux que "salope" (ou "connasse") en français et pourtant de nos jours dans ce genre de situation c'est le mot qui vient le plus à la bouche des gens, preuve que nous sommes dans une société où les sentiments sont plus violents que dans les provinces éloignées des années 50 (voir Renaud Camus là dessus)
Purnacho : punaise. Dans le même sens que Guito, mais avec la connotation d'une femme un peu libérée, qui s'affirme beaucoup (qui par exemple a une grosse voix et ne s'en laisse pas compter), et qu'on déteste à cause de ça.
Piguèto : chipie. Mais peut-être le mot est-il moins bien délimité que chipie en français.
Esparbè : maladroit. Mais dans les milieux populaires ça évoque surtout le fait d'être maladroit avec ses mains, ce qui inspire beaucoup d'exaspération et peut-être parfois un brin d'indulgence.
Coun : con. D'un usage aussi répandu qu'en français. "Quin coun aqueth" Quel con celui là. "Gran Coun de la Cana" (ça je n'ai jamais su ce que ça peut dire). Mais je ne sais pas pourquoi j'ai toujours trouvé "coun" moins froidement haineux que "con", ce pourquoi d'abord il fallait le combiner avec d'autres insultes pour lui donner du poids : "aqueth hilh de puto de gran coun", "aqueth hilh de puto de macareu de gran coun"...
Tarabastè : turbulent. Se dit d'un enfant qui fait le fou et casse tout. Mais c'est beaucoup moins recherché que turbulent..
Ni ha ni cho : rien du tout (dans l'expression : n'a pas dit ni ha ni cho)
Pèlo : pèle. Classique dans "qué hè un hret que pèlo" - il fait très froid ("un froid qui pèle"). En français les jeunes de mon collège en Béarn disaient "ça pèle".
Guit : canard. Spécialité du coin. Employé par exemple dans "Hé l'has hicat la camiso de mindia guit ?" (tu as mis ta chemise du dimanche - mot à mot "ta chemise pour manger du canard")
Arregoulic : frileux. Mais comme le mot est plus long qu'en français, ça lui donne plus de volume et d'importance. Etre arregoulic devient ainsi presque une faute morale.
Mico : restes. Entre dans l'expression "plouro mico" : pleurnichard (mais c'est moins laid que le suffixe en "ard" donc le mot est plus doux).
Lénièro : remise à bois. "A la lanièro tout aquo !" : "A la remise à bois tout ça". Expression toute faite poru dire qu'on va se débarrasser d'une série de vieilles choses qu'on a en trop (dans une armoire, sur la table).
Bugado : Lessive, lavage du linge. Se dit aussi du fait de boire de l'eau quand on a trop bu d'alcool "que cau ha la bugado adaro" (il faut faire la lessive, boire de l'eau maintenant)
Pelut : Pubis velu. S'utilise bizarrement entre hommes pour qualifier un bon vin "quey dou pelut aqueth".
Hart : repus (ou ivre). "Qué souy hart" j'en ai assez (ou encore "quen ey hartero" : j'en ai marre). Avec le proverbe "aou harts la hartèro" (à ceux qui sont repus va la nourriture) équivalent de "l'argent va à l'argent".
Chichangue : dans maigre comme une chichange, esmagrat.
Lè : laid - qué canto lè : il chante mal. Lou lè sapou : l'affreux jojo (mot à mot : le crapaux laid)
"Toupi de habos é tistet de desos !" (pot de fèves et panier de petits pois) - pour évoquer quelque chose dont on se vante mais qui n'existe pas
"arrir tistet douman qué hérar beth" - ris panier demain il fera beau (dicton)
"qu'ey claro l'estello" "l'étoile est claire" quand on voit les étoiles la nuit et qu'il fait beau
"et hougna !' quand on doit pousser et bousculer (bully around en anglais)
Abisot : attention ! par exemple "abisot de cadé" ("attention tu vas tomber") quand quelqu'un trébuche.
Estadit : fatigué. "Qu'èro tout estadit"
Bourouys : dans "Qué plau a bourouys" (il pleut à verse) ou "né's harto pas de plabé" - ça n'arrête pas de pleuvoir"
Camaligos : des histoires des petits merdes, des petits problèmes - cercar camaligos, cherchez des histoires. "Camaligos toustem" : toujours des histoires ! "Camaligos, ven !"
Douçament : doucement "Paousoli douçament !" (pose le doucement) apostrophe ironique à quelqu'un qui travaille sans énergie
Prega (prier) : Paga etprega (payer et prier) se dit quand on doit demander trop longtemps quelque chose "oh hé paga e prega"
lagagne : chassie - donne le nom "lagagnous"
rai : ça ne compte pas "la toussidèro rai" - ça m'est égal de tousser
estarrocar - tuer
"Ben qué t'en prey" (bah, je t'en prie) expression de lassitude devant quelque chose qui ne tient pas debout
Saoumo : anesse - en has poupat leit de saumo (tu en as têté du lait d'ânesse - signifie : tu es un idiot)
Per diu : par Dieu ! (juron) expression étonnante : "a la gim quoi per diu" ("n'importe comment" - "qu'ei heit a la gim quoi perdiu - c'est fait n'importe comment"
Pèc, pégot, pégoto. Idiots du village." Aqueth qu'ey drin pèc".
hestahagnar : bourrer - qu'esthanho aqueth roustit. Il bourre ce rôti
pus : cuite ou derrière - aqueth qu'a la pus (celui-là est saoul), la pus de Clèro (le derrière de Claire - expression consacrée)
attenté : attends ! (attenté drin - attend un peu)
é push qué mey ! : et puis quoi plus!
cabeilhat - monté (une salade par exemple) - "lous caoulets qué soun touts cabeilhats (les chous sont montés)
sanctous ("saint saint saint" cantique), se balancer sur sa chaise comme quand on dit "sanctus sanctus" à l'église, se dit des vieux
hà tetets : passer la tête à la fenetre (pour regarder les gens)
desbesar : vomir - qu ey bou ta ha desbesar lous caas (c'est bons à faire vomir un chien)
bestiesos : bêtises - bestiesos ben -bah des bêtises
qué t'en prey - je t'en prie (ex : ben que t'en prey que cau escouta tout - en traduction non mittérale mais juste on dirait bah, ne m'en parle pas, il vaut mieux laisser dire)
abisoth' : attention (abisot' dé cadé : fait attention à ne pas tomber - on dit souvent cela quand on a trébuché ou quand on est déjà tombé, ironiquement)
Matapipos : Machpro Duguidon (comme Mascouyonat cuan t'ey bis). Qui s'apèro, Matapipos de Laseubo ? (ou Matapipos Dus)
Estello : étoile : qu'ey claro l'estello - on voit bien des étoiles (signe de beau temps)
pécole : peau du c* qui se décolle
"blous" : sans rien d'autre - "drin de pan tout blous". Pan qu'ey tousttem pan
deicha : laisser - deicho ha tu (laisse faire)
mourgagna : marmoner : qué mourganos ? (se dit aussi d'un mal, qui taraude un membre)
esbrigaillèros : débris (par exemple des miettes de pain) - en has deishat esbrigaillèros asiu
biroulets : tournants - "tan qué biro ha lou tour" "tant que tu tournes fais le tour" disait mon grand père dans les tournants
esbrigalhièros : débris
poupous : lolos (vient de poupar sucer)
heit : fait - plà heit - bien fait pour toi
gai : joie - frotti lou cuu dap ai quem'héras gai
sapou : crapeau - ouh lou lè sapou ! : affreux jojo !
Toco : touche - dio de sainto toco. Jour de paie (en français du 19e siècle aussi on disait Sainte Touche, voir souvenirs d'un parisien de Coppée p. 19)
Estadit : fatigué - que souy tout estadit houey
Baco - vache - tout comprendre de travers : coumprener baco per boueu (comprendre vache au lieu de boeuf)
cueilhà : chercher - qué souy anat cueilhà lou paa (je suis allé chercher du pain). Beth a cueilho (va te faire cuire un oeuf)
abizo't : fais attention (abizo't de cadé - fais attention à ne pas tomber)
Des syndromes du comportement : pétèro, caguèro, tousidèro, esternudèro, desgulèro, grattèro - qué t'ey uo pétère houey cooucarè dé pla
Des sentiments : lou tristè, lou curiousè, un état : lou bieilhè
A bourouys (à verse, des trombes d'eau) : que plau a bourouys houey
repepià : gâtifier
la pus : le popotin (lècitelapus, la pus de Clèro)
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En appendice des expressions françaises datées
Et vlan passe moi l'éponge https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i05062381/jacques-martin-et-vlan-passe-moi-l-eponge
Les derniers cagots de Luz-Saint-Sauveur
Hier un de mes oncles qui vit en Béarn et qui a passé une partie de son enfance à Luz-Saint-Sauveur en Bigorre me disait se souvenir d'y avoir vu une famille de cagots qui vivaient derrière l'église, des personnes de petite taille, qui avaient une entrée spéciale dans les édifices religieux. Il paraît que France 2 en a parlé récemment en ressortant un reportage effectué par Le Figaro dans ce village en 1964. Les cagots, qui étaient rémunérés en nature surtout pour des travaux qu'ils faisaient pour les institutions chrétiennes, sont un peuple mystérieux qu'on a parfois dit descendant des wisigoths, parfois des extraterrestres (et examinés par certains savants comme Ambroise Paré, avec parfois des résultats étranges qui ont nourri le fantasme) ! Traités en parias au Moyen-Age, ils obtinrent l'égalité des droits avec les autres Français à la Révolution, puis disparurent progressivement. Ils étaient particulièrement nombreux en Béarn (2 500) mais il y en avaient aussi quelques uns dans d'autres régions y compris en Bretagne.
Sur le sujet on peut aussi se reporter à cet article et celui-ci. J'avais vaguement eu connaissance de sujet à 20 ans, mais je n'en avais pas mesuré toutes les dimensions, loin de là, et j'ignorais que des gens de ma famille en avaient connus.
Superstitions dans nos campagnes
Actualisation avril 2016 - après mes enquêtes sur les médiums, je ne souscris plus au point de vue exprimé dans cet article qui correspondait à ma période rationaliste étroite. N'oubliez pas cependant que tout acte de sorcellerie, y compris celui de se faire porter, comme la consultation de voyants peut être un pacte avec le monde invisible et avoir des effets secondaires très graves...
Dans une petite ville du Béarn près de Pau, lorsque quelqu'un a le zona, presque tous les généralistes en viennent à lui dire "si vous y croyez vous pouvez aller vous faire porter". Qu'entend-on par là ? Se faire porter c'est aller chez un guérisseur. On m'a parlé d'un d'entre eux. Sexagénaire (né en 1944) deux fois divorcé, un pauvre homme revenu de toute forme de relation avec les femmes. Employé de la ville de Pau, il a dû abandonner son boulot pour cause de dépression. Ses parents vendaient des matelas. Je n'ai pas pu en savoir beaucoup plus sur lui. On m'a expliqué la nature de ses séances (pour lesquelles il reçoit 10 à 15 euros en moyenne, il n'est pas rare que les gens en fassent trois ou quatre).
En arrivant on vous demande si vous y croyez. Le guérisseur a le "pouvoir" de "porter sur lui" le zona des autres parce que lui-même a eu cette maladie. Il prononce alors la formule en béarnais "que portos tu ?" (j'adopte la graphie française en réaction à l'occitanisme) - que portes tu ?. La personne doit répondre "lou cindre" (le zona, en fait même les vieux qui connaissent un peu le béarnais sont peu nombreux à savoir qu'ainsi se nomme la maladie dans cet idiome), puis elle met ses mains sur le dos du guérisseurs qui alors effectue plusieurs fois le tour de la table en prononçant des formules pour lui-même, formules obscures et incompréhensibles. Au fur et à mesure il jette sur la table neuf bâtonnets qu'il a confectionnés. Quelqu'un m'a expliqué que le chiffre neuf a quelque chose de magique "depuis toujours". Jadis on disait que si un malade n'était pas guéri au bout de neuf jours il allait mourir, et l'on faisait dire des messes de neuvaine. A la fin de la séance le guérisseur recommande au malade de réciter trois "je vous salue Marie" le soir ce qui est indispensable à l'efficacité de ce "traitement".
J'ai été surpris de découvrir que ce genre de pratique existait encore et même était encouragé par les médecins professionnels. Compte tenu du nombre de cas de zona, cela doit concerner un nombre de personnes non négligeable.
La persistance de ces pratiques doit être liée au caractère périphérique de cette région (comme celui de la Bretagne ou de l'Auvergne). On a toujours du mal à penser les bizarreries liées aux périphéries. Elles se nichent dans toute sorte de pratique. Quand on me parle du fonctionnement de certaines administrations ou de certaines juridiction en Béarn je reconnais aussi souvent, des signes de son côté "périphérique", mais il demeure toujours clandestin. Cela ne se crie pas sur les toits.