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Le blog de Frédéric Delorca

L'espoir

7 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La gauche

Jeudi prochain si tout va bien je partirai pour l'Abkhazie (mission de contrôle électoral pour la présidentielle). J'ai prévenu que je ne cautionnerai pas l'indépendance de l'Abkhazie pour autant. L'Abkhazie, une "côte d'azur en guerre" come ils disent dans Le Figaro. J'espère qu'il s'agit là de mon dernier voyage politique. Ce genre d'expédition cause beaucoup d'ennuis (l'obtention des visas, les ordres et contre ordres sur la composition des délégations) et ne sert à rien. Une ou deux personnes dont mon éditeur sont contentes que j'y aille. Mais c'est mon dernier périple de cette sorte.

De même je vais espacer mes contacts avec les intellos parisiens révolutionnaires distingués de la mouvance du Temps des Cerises qui me fatiguent aussi.

Je préfère le réel : ma commune de la banlieue nord dont je n'ai plus de droit de vous parler - devoir de réserve oblige. Savez vous ce que j'y fais ? J'y interviewe une vieille résistante communiste pour écrire un livre dessus. Et surtout : j'encourage l'émergence d'actions associatives solides dans les milieux populaires (notamment ceux d'origine immigrée - là bas on appelle ça du terme moche "les communautés"). Dans des jeux politiques locaux aussi bloqués qu'au niveau national, l'espoir véritable est là : dans la capacité des citoyens, surtout des plus jeunes, à créer des associations artistiques, sportives, des associations de coopération avec le Tiers-Monde, de soutien à la Palestine etc, de fédérer toutes ces initiatives, de les faire converger sur des bases politiques novatrices, c'est ainsi que nous aurons des peuples et des leaders à même de changer la donne.

Un lecteur de ce site m'a accusé de vouloir ratisser des voix d'immigrés au profit de la vieille classe politique. Rien n'est plus faux. Je crois que dans les communes les institutions doivent être au service de l'émancipation des consciences et non l'inverse. Quand je parle d'alliance entre petite bourgeoisie de gauche et classes populaires issues de l'immigration, je ne songe à aucune inféodation. Il faut une relève complète au système actuel paralysé.
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Restos du coeur et minarets

5 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

"Les restos du coeur font salle comble cette année, ça me remue rien que de le dire" me disait une responsable locale de cette association cette semaine. Au même moment on débat de l'identité nationale, on interdit les minarets en Suisse, et "Ni putes ni soumises" propose aux municipalités des spectacles clé-en-main pour diviser les couches populaires issues de l'immigration autour du droit des femmes. Un ami m'écrivait hier : "Toutes ces affaires "islamiques" manipulées ont du bon : il semblerait d'après ce que je suis sur les différentes organisations implantées en banlieues, que même les organisations musulmanes les moins "sociales" et donc les plus "identitaires", comme celle-ci, comprennent désormais, à l'image de Tariq Ramadan se référant ouvertement au marxisme, que ces campagnes de stigmatisation style antisémitisme des années 1930 ne sont qu'un écran de fumée visant à éviter le débat sur la crise économique, la crise sociale et la crise du capitalisme. On peut donc remercier les Besson, Sarko et extrême droite suisse pour l'excellent cours de marxisme réel qu'ils donnent aux populations de nos banlieues, toutes origines confondues ...Ce qui ne veut pas dire qu'ils n'arment pas en même temps une future extrême droite dure ("blanche" par exemple sioniste ou "islamo-identitaire") qui leur servira de gros bras lors de la phase dure de la lutte des classes qui se profile à l'horizon."

Pour la lutte des classes "dure" qui s'annonce je ne sais pas trop. Je me méfie toujours du wishful thinking et des eschatologies.Je traduis en ce moment pour un bouquin un texte d'un marxiste argentin qui annonce une nouvelle apocalypse financière pour 2010. Je suis un anti-finaliste (et pour cette raison un peu marxien, mais très peu marxiste). En éthique je deviens kantien (et d'autant plus que je vieillis). On doit agir selon les impératifs qu'on se donne, marqués du sceau de l'inconditionné, et de l'universel, et pas en fonction d'un Grand Soir téléologique et théologique, puéril et dépourvu de tout intérêt. Mais pour ce qui est du jeu entre le social et l'identitaire il crève en effet les yeux. Et tant mieux si les gens ne tombent pas dans ce piège grossier.
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Esthétique réac, Cohn Bendit, Chavez

2 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Cela m'attriste toujours. Quand je tombe sur un livre bien écrit, plein d'idées, et que je découvre que son auteur appartient à la droite de la droite, à cette mouvance un peu bizarre qui s'est formée autour d'Alain de Benoist et d'autres. Je me demande alors ce que je peux faire de ce genre de livre, comment en parler. C'est le cas de Ludovic Maubreuil, qui a son blog à quelques clics d'ici. Son bouquin "Le cinéma de se rend pas" publié chez un petit éditeur de ma contrée d'origine n'est pas mauvais dutout. Je lis les 40 premières pages, je suis d'accord avec tout. J'apprécie surtout la précision du style. Son descriptif des techniques de mise en scène de l'érotisme dans le cinéma contemporain est un modèle du genre. Ce qu'il dit du rapport du cinéma classique au style X est intéressant, quoique le présupposé de départ soit aux antipodes de Julien Servois que j'aime beaucoup aussi (mais il faudrait parvenir à faire dialoguer les deux approches entre elles pour voir à quoi cela mènerait).

Je me dis : "C'est lui qui se fourvoie, parce qu'on ne peut pas clamer son amour de Bunuel comme le fait ce type à longueur de pages et fricoter avec l'extrême droite". C'est un argument évidemment que les benoistiens ne peuvent pas entendre parce qu'ils sont tellement dans une "fin de l'histoire" postmoderne, qu'ils sont convaincus que Bunuel et Franco ont des choses à se dire outretombe. Mais non, je sais ce qui est à droite de la droite dans son texte, même si ça ne ressort jamais de son vocabulaire. C'est que justement il n'est pas du bord de Servois. Il défend une mystique de l'érotisme à la Marzano, au fond, alors que je suis sans doute davantage prêt à suivre Servois dans sa banalisation de la sexualité. En fait nous sommes au seuil du Styx. Le libéralisme a ouvert la voie d'une instrumentalisation de la sexualité à des fins consuméristes. Servois relève le défi en prétendant pouvoir tourner cet acquis vers autre chose. Notez que c'était déjà la position de Marx à l'égard de toutes les autres transformations causées par le capitalisme libéral. Maubreuil lui reste sur la berge, regarde avec nostalgie vers le passé. C'est ce qui fait de lui un réac. Tous ces gens gardent une peur du progrès, c'est leur trait caractéristique, une méfiance à l'égard de l'homme. Ouf, ça y est, je suis sauvé, je retrouve ce qui m'oppose à son esthétique. Mais cela ne m'a pas sauté aux yeux tout de suite. Parce que personne aujourd'hui ne peut être révolutionnaire spontanément, honnêtement, sans crainte. Personne n'est prêt à s'embarquer sur le Styx. Personne n'est sûr de pouvoir détourner le Styx vers des cieux plus cléments comme Staline l'était de détourner les fleuves sibériens.

Non content d'avoir mieux compris aujourd'hui le dur cheminement qui peut me distinguer des réacs, j'ai aussi mieux saisi la philosophie de tous ces gens qui crachent sur la démocratie à longueur de journée. Je veux dire les chouchous de nos medias. Ce matin en lisant que Cohn-Bendit voulait faire revoter les Suisses sur l'affaire des minarets j'ai sursauté. J'y ai vu une caricature de ce qu'avait été la position des oui-ouiste à l'égard des différents référendums sur l'Europe - le mépris de la souveraineté populaire. Quand Cohn-Bendit dit "la démocratie directe ne doit pas être le prétexte pour s’en prendre à une communauté et la blesser", je dois reconnaître qu'il a raison. Je n'accepte pas un référendum contre les musulmans, pas plus que contre les homosexuels, contre les types qui portent des bottes rouges, contre les gens qui veulent quitter la planète à tout prix etc. Mais alors quoi, si je suis prêt à faire invalider un référendum qui me semble totalitaire parce qu'attentatoire à la dignité d'une minorité, pourquoi serais-je hostile à la remise en cause des résultats d'autres référendums, sur d'autres sujets ? Mais dans l'embarras par Maubreuil, je le suis aussi par Cohn-Bendit. Me voilà bien.

Le serai-je aussi par Chavez ? Il nous annonce la création d'une cinquième internationale socialiste. On aimerait y croire. Mais malgré toute la sympathie que j'éprouve pour les initiatives "bolivariennes" du gouvernement de Caracas, je reste un peu sceptique. Il y a un risque que la cinquième ne fonctionne pas mieux que la quatrième, dont le bilan est à mes yeux risible. Elle sera sans doute moins dogmatique que les deux précédentes en tout cas, du moins si c'est le Venezuela qui les inspire. Peut-être un atout, qui sait...

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