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Le blog de Frédéric Delorca

L'état de la gauche, Lady Gaga, Nabe, Lord Gaza

15 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Mon journal de 1991 (les cahiers de 1991 de ce journal que je n'ai jamais cessé d'écrire) fourmille d'anecdotes que j'ai complètement oubliées et découvre en le scannant. A la date du mardi 17 décembre 1991, je lis : "Sciences Po est en ébullition - si l'on peut dire - en faveur de la Croatie. Stipe, un croate de l'IEP, annonce qu'il ira se battre sur le front (mais Labonne m'a fait savoir qu'en fait sa décision est annulée provisoirement...). Le journal de l'IEP se mobilise et une grande affiche - une belle et immense photo de Dubrovnik - envahit la Péniche".

 

Comme j'étais patient, à l'époque, à l'égard de toute cette propagande !

 

Ce matin j'étais au siège des élus communistes et apparentés du conseil général, avec la mairesse de Brosseville. Ce groupe a toujours bien du mal à exister face aux socialistes. (...). J'ai l'impression qu'une image de rigidité s'y attache irrémédiablement. Idem pour le NPA. Vous avez dû voir que Raoul Marc Jennar (ex contributeur de l'Atlas alternatif) le quitte plein de dépit et le fait savoir.

 

Comme les gens n'aiment que ce qui marche, tout ce que la gauche compte de contestataire se dit écolo. Et l'on ne sait plus très bien si l'on combat le capitalisme dans l'intérêt de l'être humain ou dans celui des espèces animales ou végétales que nous avons honte d'avoir surclassées.

 

En tout cas à Brosseville on voyait de jolis lapins de garenne dans les clairières cet après-midi.

 

J'ai créé un groupe de discussion sur Facebook autour du Programme pour une gauche française décomplexée.

 

Un Internaute oisif m'écrivait hier (un non conformiste de Mérignac, d'après sa fiche) :

 

"Je suis membre de ce groupe et me pose une question importante pour moi aujourd'hui. Vous proposez de lire le livre exposant ce programme. Personnellement mes moyens financiers ne me permettent pas d'acheter un livre, celui-ci ou un autre. Ce que j'ai pu connaître de ce programme est la proposition de quitter l'U.E.. J'ai observé que vous citez sur la page de ce blog où j'ai lu votre article, un autre article sur le RPF qui propose la même chose. Tout ceci me trouble. Le mélange Gauche et RPF, la nécessité d'acheter un livre, une argumentation courte prenant comme exemple illustratif le Vénézuéla de Chavez... Parler économie de cette manière ne me dérange pas, il s'agit de débat. Ne pas parler de sécurité, de guerre possible me semble léger. Bref, je souhaite connaître l'intégralité du programme avant de m'engager plus avant."

 

Je l'ai rassuré en lui disant qu'en effet le livre aborde le problème de la sécurité et de la guerre.

 

Le groupe compte 194 membres, ce qui est mieux que rien. Une partisane d'un revenu garanti à vie, et une correspondante progressiste thaïlandaises se sont lancées dans les discussions. Mais comme souvent cela reste très timide. Personne n'a envie de réfléchir sérieusement à la politique. Le 18 septembre 2009 Lady Gaga disait à Eric Zemmour qu'elle n'avait pas à faire passer des messages politiques dans ses chansons vu qu'elle n'était pas une politicienne. Bientôt tous les Français, à l'image des Américains, diront qu'ils n'ont rien à penser sur le plan politique, puisque c'est le métier et la tâche exclusive des hommes politiques. Nous aurons ainsi notre démocratie minimale à l'américaine.

 

 

Pourtant j'aime bien Lady Gaga, elle a une bonne tête et elle n'est pas sotte. Sa musique est catastropique, mais elle fait du très bon travail scénique. Les femmes artistes comme elle ou Erykah Badu n'ont pas grand chose à dire en politique (encore d'Erykah Badu, elle, au moins, a de idées sur le racisme et sur la Palestine) mais elles arrivent encore à faire passer un petit message de révolte, même si c'est une révolte du désir et des viscères plus que de la tête. Je n'ai pas le sentiment que les hommes, en tout cas les hommes blancs, "sociologiquement" aiet encore la force de faire passer la moindre conviction quand ils font de l'expression artistique.

 

Ah si, il y a un type blanc qui croit encore en ce qu'il dit : c'est Nabe. L'avez vous vu descendre le Magazine littéraire chez Taddei ? Du grand style...

 

Je pourrais en dire autant que lui du magazine Philosophie qui ce mois-ci flattait "l'érudition" de BH Lévy (on rêve !). Là où je me différencie de Nabe, c'est que je n'irais pas comme lui vanter la vitalité des jeunes de 25 ans contre la sagesse usée et la trahison des quadras et quinquas. Il y a toujours quelque obscénité dans la démagogie des hommes murs qui  vantent leurs cadets. Je les soupçonne toujours d'espérer une fellation en retour. Or il est très vilain de mentir pour une fellation, surtout quand on prétend être un intellectuel car les intellectuels ont la très lourde tâche en ce monde (lourde et dérisoire aujourd'hui, c'est la raison pour laquelle on se moque d'eux aujourd'hui) de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
Une fac de province vient de m'accepter comme chercheur associé à son labo de sociologie au titre de mes travaux en anthropologie du corps. Voilà un petit rattachement institutionnel qui me donnera l'impression d'être encore un peu un intellectuel au retour de mes journées à Brosseville.
Ah oui, encore un mot, à propos d'intellectuels et de liberté. Il y a aussi des gens ordinaires, beaucoup, qui se nourrissent de vérité. En voici un : il revenait de Gaza.
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Vices humains, post-révolutions colorées, colbertisme, tutti frutti

9 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

C'est une drôle d'affaire que de devoir composer chaque jour avec la bêtise, l'inconstance, la jalousie, la mauvaise foi, la mesquinerie, le goût de la propagation des calomnies. On peut trouver cela dans son travail, ou même dans l'espace virtuel sur Facebook par exemple. Tous ces vices sont pour ainsi dire "décomplexés" de nos jours, sous des cieux démocratiques, et donc démultipliés, le pire des abrutis pouvant se croire l'égal du plus savant de ses collègues, et en tout cas le plus "également fondé" et "réciproquement fondé" à le dénigrer en toute bonne conscience. Combien d'actions collectives, de projets sont minés par ces gangraines...

 

Bon pour sortir de ces considérations déprimantes, et du temps froid qui retarde le retour du printemps, quelques nouvelles de ce monde :

 

Un certain Joshua Tucker explique quelque part que ce qui se passe au Kirghizstan est la première "post colored revolution" au sens où ça n'a plus aucune caractéristique des révolutions colorées pro-occidentales(http://www.themonkeycage.org/2010/04/more_on_kyrgyzstan_as_a_noncol.html). Je suppose qu'il en dirait autant de la Thaïlande.

 

En Chine le gouvernement chinois interdit à sa télévision d'utiliser des abréviations en anglais (http://english.people.com.cn/90001/90776/90882/6942423.html). C'est ça aussi le colbertisme chinois.

 

En parlant de colbertisme, je me rends compte, en lisant des blogs comme La lettre volée, que les colbertistes français anti-européistes gaullistes ou de centre gauche sont aux fond ceux qui peuvent se prévaloir aujourd'hui d'une plus grande radicalité que la soi-disant gauche radicale. Parce que eux ont un programme économique et politique clair - la sortie de l'Europe, la réindustrialisation - là où la soi disant gauche radicale se contente de remuer les bras sans autre modus operandi que des exclamations ("défense du pouvoir d'achat !" "touche pas à mes services publics !"). Ce n'est pas la première fois dans l'histoire qu'une partie de la moyenne bourgeoisie se sent en position de "reprendre la main" face à une autre faction de la bourgeoisie ou de la noblesse, tandis que les petits bourgeois et les prolétaires, alliés ou divisés (en ce moment plutôt divisés) sont réduits à des postures purement incantatoires. Mais cette fraction "colbertiste" de notre bourgeoisie, comme en Angleterre, aura le plus grand mal pour renverser le mur transnational des médias et des intérêts coalisés contre elle. Ce n'est pas la première fois depuis Maastricht (voire depuis le traité de Rome) que sa vague se brise sur ces remparts, et il n'est pas certain que la décomposition du régime actuel (avec ses jolies histoires d'oreiller) y change grand chose : le système médiocratique garde des ressources de mobilisation, derrière Martine, derrière Dominique (de Villepin ou Strauss Kahn), derrière Dany, pour noyer le fond des débats.

programme-pour-une-gauche-copie-1.jpg

 

Demain je vais rencontrer une association issue de l'autre bord (les petits bourgeois et le prolétariat). Elle aussi a des ambitions politiques. Je ne suis pas sûr qu'une alliance sera possible un jour entre elle et les nationaux-colbertistes. Ceux ci sont encore très loin de pouvoir apporter les réponses aux aspirations internationalistes d'un monde effectivement globalisé. A trop s'en tenir au discours économique, ils ne voient pas qu'une bonne partie du prolétariat de toute façon ne peut pas adhérer à leur  vision hexagonale des problèmes. C'est le point aveugle de leur discours, celui sur lequel ils devraient travailler davantage. Les Chinois dans leur propre colbertisme n'avaient pas un tel problème sociologique à surmonter.

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Katyn expliqué par l'argument de la vengeance

8 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

Je lis dans Ria Novosti :

Vladimir_Putin.jpg

 

"Le massacre de Katyn serait une vengeance de Staline pour les 32.000 prisonniers soviétiques morts en Pologne en 1920, a estimé mercredi le premier ministre russe Vladimir Poutine à Smolensk.

 

"Je ne savais pas que Joseph Staline a lui-même dirigé l'opération militaire de 1920 pendant la guerre soviéto-polonaise. L'Armée rouge a essuyé une défaite et de nombreux soldats soviétiques ont été faits prisonniers. Selon le dernier bilan, 32.000 soldats sont morts de faim ou de maladie en Pologne (…). Je crois personnellement que Staline se sentait responsable de cette tragédie et qu'il a ordonné de fusiller (les Polonais) pour se venger", a indiqué M.Poutine à l'issue d'une cérémonie en mémoire de plus de 20.000 officiers, policiers et civils polonais fusillés en 1940 à Katyn, près de Smolensk, par le NKVD, la police politique soviétique.

 

Selon le magazine polonais Newsweek Polska, près de 110.000 soldats soviétiques ont été faits prisonniers suite à la défaite de l'armée de Mikhaïl Toukhatchevski aux abords de Varsovie. Ils ont été envoyés dans des camps créés à Brest, Lukow, Wadowice, Domb et Strzalkowo. Les détenus ont été torturés et laissés sans nourriture ni soins médicaux"

 

http://fr.rian.ru/world/20100407/186417445.html

 

Les remises en perspectives des crimes du stalinisme, dans un contexte où les russes (et notamment les communistes russes) avaient subi beaucoup d'atrocités sont intéressantes. En tout cas elles aident à comprendre l'histoire (ce qui ne signifie cependant pas qu'il faille en devenir pour autant stalinophile ni poutinophile il va de soi).

 

fanon.jpgCes questions de poules et d'oeufs, qui cause quoi dans l'histoire, sont toujours compliquées mais utiles à poser. C'est comme lorsque je déjeunais avec le conseiller de la présidence du Mali. Il expliquait l'échec de la fédération avec le Sénégal en 1960 par "l'action du colonisateur". Tout comme d'ailleurs l'échec du socialisme malien dans les années qui suivirent. Il y a du vrai. Même si comme toujours ça ne peut être qu'une partie du vrai. On ne peut jamais complètement dire "tel crime, telle erreur, c'est de la faute à l'adversaire qui m'a conduit à cela". En même temps on devine que si la pression de l'adversaire était moindre (si le Mali n'avait pas autant dépendu du colonisateur, si l'URSS de 1939 n'avait pas eu une terrible guerre civile derrière elle en 1920, et des menaces persistantes) tout aurait pu se passer autrement.

 

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PS : Remarque d'un historien après cette déclaration de Poutine

 

"C'est une interprétation qui a l'avantage de cicatriser quelques plaies mais qui n'a pas trop de choses à voir avec la vérité.

D'abord Staline a certes joué un rôle dans la guerre polono-soviétique mais le principal artisan de cette guerre a été Toukhatchevski qui n'a pas pu compter sur les détachements qu'il avait demandé à Staline qui préférait mener sa propre offensive en Galicie : résultat Toukhatchevski a perdu la bataille de Varsovie et donc la guerre.

Les enquêtes menées par les Polonais depuis quelques années semblent montrer que les conditions dans les camps polonais étaient déplorables mais qu'il n'y a pas eu de meurtre systématique. D'ailleurs si cela avait été le cas, on peut supposer que la propagande communiste, polonaise ou soviétique se serait emparrée du sujet bien avant 1991, date où on a commencé à aborder le sujet en Russie. Poutine a créé une bourse pour des chercheurs russes qui s'occuperaient de ce sujet mais à ce jour ils ont produit moins de choses que les chercheurs polonais sur le sujet.

Comme vengeance on aurait pu imaginer mieux. La plupart des officiers tués à Katyn étaient des réservistes et non des militaires de carrière qui à l'époque de la guerre de 1920 étaient encore pour la plupart des adolescents à peine pubères ou pas encore. En revanche, Staline ne touchera pas un cheveux du premier ministre de Pilsudski (qui était sans doute plus lié au régime d'avant 1939 que les victimes de Katyn) qui restera prof à l'école polytechnique de Lvov jusqu'en juin 1941, qui sera reçu par Staline au Kremlin au printemps 1941 et qui sera exécuté avec tous les professeurs de son école dans les heures qui ont suvi l'entrée des nazis à Lvov en juin 1941.

Si on parlait de vengeance, le premier ministre de Pilsudski aurait du être le premier sur la liste à Katyn.

Par ailleurs, parmi les officiers exécutés, certains s'étaient opposés aux troupes soviétiques entrant en Pologne le 17 septembre 1939 mais d'autres avaient résisté aux troupes nazies jusqu'au bout de leurs possibilités justement dans l'attendre de pouvoir se rendre aux "Slaves" soviétiques. S'ils s'étaient rendus aux Allemands ils auraient survécu dans un offlag alors que là ils ont fini à Katyn.

Ce qui n'empêche pas les Polonais d'aujourd'hui d'en faire trop sur le sujet Katyn."

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Bourdieu et la négativité

5 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

On ne débat plus beaucoup de Bourdieu maintenant. Huit ans après sa mort, son héritage est soit marginalisé soit dissout dans des pensées molles "éclectiques".

 

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Un internaute sur mon réseau Facebook a écrit : " "Celui qui ne souscrit pas aux normes de la bienséance est condamné à l'alternative du silence ou du franc-parler scandaleux" (Bourdieu)"

 

Beaucoup de gens écrivent des trucs comme ça pour montrer qu'ils sont cultivés. Ils nous ressortent des paroles d'autorité de grands prophètes (universitaires ou autres), manient le name dropping pour se remonter le moral.

 

Dans cette phrase de Bourdieu je ne puis m'empêcher de reconnaître des travers que j'ai bien connus de son vivant. Il était un peu trop enlisé dans une vision de l'ordre social qui, au nom de l'anti-essentialisme, ne voyait que des "rapports" partout et de la dépendance mutuelle (sa lecture de Norbert Elias le confortait là dedans). Du coup il avait trop tendance à ne voir que des jeux différentiels (les stratégies de "distinction") et des façons de se poser en s'opposant (par le scandale ou le silence). Or on peut aussi s'opposer d'une façon plus constructive . Mais Bourdieu aimait mieux déconstruire que construire, cela faisait partie de son fond nihiliste très répandu dans toute la pensée poststructuraliste.

 
Et cela encourageait une vision désespérée non seulement de l'ordre social, mais aussi des moyens de le transformer. Désespérée, et vaguement hystérique.
 
Je préfère encore cette parole du politicien antisystème qui dans une de ses conférences dit à la suite de Socrate qu'il ne faut s'attacher qu'à ce qui est "vrai, bon et utile", des valeurs simples, trop simples et "essentialistes" ("naïves" eût dit Bourdieu en reprenant la définition husserlienne du "naïf") mais qui sont les seuls véritablement fondements d'une construction politique. Or du vrai, du bon, de l'utile, la société dans ses couches les plus dynamiques, les plus intéressantes, nous en livre chaque jour, sans tomber dans l'alternative nihiliste du "silence ou du scandale". Reste à trouver l'art de catalyser cette positivité là.
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Quelle stratégie ?

5 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca

Suite à mon article d'hier je reçois des mails sceptiques sur Asselineau. Sans doute à juste titre. Mais que faire ? Miser sur un parti antisystème au risque que ce soit une impasse ? Miser sur l'ancrage local comme j'ai essayé de le faire à Brosseville, au risque de découvrir que tout est enlisé dans des querelles de cocher et dans la gestion au jour le jour ? Miser sur des réseaux associatifs ? Il est bien difficile de fédérer les énergies d'une manère productive...

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