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Le blog de Frédéric Delorca

La forme "livre"

17 Juillet 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Actualité de mes publications

J'ai eu ce matin au téléphone la responsable des éditions Thélès. Ils ont fait un bon travail sur la couverture du livre "Dix ans sur la planète résistante", mais ont eu l'étrange idée de laisser trainer en haut à droite de cette couverture un drapeau serbe (parce que le livre parle en partie de la guerre du Kosovo). Je les ai priés d'effacer cette banière car je ne veux pas que cette image cautionne l'idée selon laquelle mon livre serait une apologie du nationalisme serbe. Il ne s'agit pas du tout de cela : je raconte mon combat contre l'OTAN en 1999-2000, mais c'est dans une optique de résistance aux mensonges dominants. Je ne fais l'apologie d'aucune nation en particulier, même pas de celles dont la résistance peut à maints égards me paraître des plus sympathiques : tel n'est tout simplement pas mon rôle.

De même j'avais des réserves à l'égard de la quatrième de couverture.

La responsable de Thélès a fait preuve d'une très grande compréhension, je pense que nous trouverons une solution satisfaisante. Je ne connais pas les gens de Thélès à part leur directrice  que j'ai eu au téléphone deux ou trois fois et dont je commence à cerner quelques traits. J'entrevois quelques forces et faiblesses de cette structure, mais grosso modo, je la considère encore comme un continent inconnu. Je l'aborde sans trop de préjugés, en mobilisant tout de même tout ce que j'ai appris sur le monde de l'édition parisienne, à travers mes lectures, mais aussi à travers mes pratiques (L'Harmattan, La Différence, Le Temps des Cerises). D'autant que, parallèlement à ce livre politique, je cherche à publier sous un autre nom, au même moment, auprès d'autres éditeurs un travail d'anthropologie, ce qui est aussi une source d'apprentissages intéressants. Si je survis à toutes ces épreuves j'en sortirai avec une connaissance encyclopédique de ces milieux.

Je suis très serein par rapport à l'avenir de ce livre. Je sais qu'il ne se vendra pas et n'intéressera pas grand monde. Je ferai juste ce que le service de presse me demandera, en leur conseillant quatre ou cinq journalistes. J'irai chez les médias qui me sollicitent, mais je ne consacrerai pas à la promotion de ce livre l'énergie investie, en pure perte, dans celle de l'Atlas alternatif. L'âge rend raisonnable. Je ne me fais plus d'illusion.

Pendant un temps j'ai cru que je cesserais d'écrire des livres après ces Dix ans sur la planète résistante, que ce serait mon testament. Mais je pense que tel ne sera pas le cas. Il y aura sans doute un tome 2, tout comme je continuerai à écrire des livres dans d'autres registres. La "forme livre" est nécessaire. Il y a 10 ans, on pensait qu'Internet abolirai le livre. Mais ça ne peut fonctionner ainsi. Je peux poster sur un blog des billets d'humeur. Sur un autre site des textes plus longs. Mais jamais des choses assez longues pour avoir la richesse et la cohérence d'un livre. D'ailleurs je trouve que la forme livre est elle-même parfois trop courte pour traiter certains sujets, notamment pour le bilan de mes dix ans de militantisme. Il faut s'y résigner : on ne peut éviter de continuer à écrire des livres. Même si tout le monde le fait, et même si ça ne touche presque personne. Si on atteint trois lecteurs, si on leur parle vraiment en profondeur par ce biais, cela fait déjà trois bonnes raisons de continuer.

Je pense que mes "Dix ans", qui ne seront lus que par vingt habitués des combats anti-impérialistes à Paris, passeront pour un livre assez égotique dans le milieu de ces lecteurs. On dira peut-être que je ne mets pas assez en valeur le "nous". Les gens qui ont relu livre ne me l'ont pas dit, mais c'est parce qu'ils sont très gentils. Le risque est là. En même temps on voit bien que le "je" a séduit l'évaluatrice et la directrice de Thélès, et séduira sans doute un ou deux autres esprits littéraires. Un éditeur d'extrême gauche a refusé de me publier en disant "ce livre est trop personnel" - alors pourtant que j'ai beaucoup "raboté" les spécificités de mon ego dans cet ouvrage -. Il a eu tort. Le "je" est une bonne porte d'entrée dans les combats politiques de nos jours. Je crois d'ailleurs que c'est un aspect qu'Edgar du blog La lettre volée a souligné sur son site, et aussi dans les colonnes du présent blog. Le "je" ne doit pas jouer contre le "nous", mais parfois l'honnêteté elle-même commande de rester à la première du singulier, afin d'éviter l'imposture du "on" ou de la fausse représentation collective du "au nom de...".

FD

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O
Je serai le 21ème.
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