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Le blog de Frédéric Delorca

Einsamkeit

19 Mars 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Il faut peut-être revenir à la radicale solitude de l'acte d'écriture. Avoir cet orgueil là de n'écrire que pour soi-même. Mais alors n'est-ce pas une vaine masturbation ? Se construit-on encore dans l'écriture quand on approche de la quarantaine ? Et si l'on se construit, pour quoi faire ? se construire pour se construire ? se construire juste pour avoir un regard de vérité ? avoir été une vérité sur son monde, un vérité plus juste, plus documentée, plus pertinente que toutes les demi-vérités voire tous les mensonges qui traînent partout ? Ecrire, écrire dans un monde qui lit et lira de moins en moins, et surtout de moins en moins bien. Ecrire pour avoir donné sens à son parcours sur terre par cette forme. Quoi de plus solitaire que ce choix là ? Qui peut ensuite supporter cette solitude d'où procède ce choix et à laquelle celui-ci conduit ?

J'ai écrit à 25 ans un texte qui s'appelait Les Fondateurs. Il s'inspirait de l'Odyssée et de l'Enéide. C'était un texte très gratuit, et, en un sens, bien plus libre que ce que je pourrais écrire aujourd'hui, car en ce temps je n'avais pas peur du ridicule. Est-ce un texte ridicule ? Je ne saurais trop dire. Je n'ai guère le loisir de m'y replonger. Je me souviens juste du plaisir que j'avais eu à l'écrire. Plus que du plaisir. C'avait été une étape importante de mon existence à l'époque, quelque chose qui m'aidait à vivre. Aujourd'hui je serais bien tenté de le ressortir de mes cartons. En même temps je redoute tout ce qu'il peut y avoir d'académique et d'au fond très potache dans ce genre de texte, un peu comme une blague des Monthy Python. Je crois quand même que c'était plus que cela.

Le plus tentant dans la reprise de ce livre, c'est qu'elle serait absurde, et donc presqu'aussi libre et gratuite que sa première écriture. Ma problématique personnelle va au delà  de cette question éditoriale. Il s'agit simplement d'évaluer si le choix de la solitude dans l'acte d'écriture peut être assumé, répété, contre vents et marées, à 25, 40, 70 ans.

C'est une question aussi pour ce blog : dois-je continuer à le tenir ? si oui, est-ce pour y délivrer des infos d'actualité (comme tant le font), pour faire signe vers des bouquins qui sortent (plus structurés que mes billets rapides), ou pour tout autre chose, quelque chose de personnel ? Je me rappelle cette réflexion de Derrida à propos de l'idiome pur (idios = particulier en grec). Ce serait une langue dont seul le locuteur aurait la clé, une langue inintelligible par autrui. Le sens de l'écriture ne résiderait-il pas par excellence dans cette absurdité finale, pie que le carré blanc sur fond blanc dans l'ordre des arts visuels ? Faut-il rechercher cela : le sollipsisme de la métaphysique ?

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