Nations

Frantz Fanon
Rémy Herrera m'en avait parlé. Son nom traîne dans beaucoup de références anti-impérialistes. Une amie italienne en donne des lectures publiques dans une Rome dévastée par le berlusconisme en ce moment. Son combat force l'admiration... mais ses livres un peu moins... Il s'agit de Frantz Fanon. J'ai lu "Peau noire masques blancs" ... J'y retrouve beaucoup d'idées qui étaient dans l'air dans les années 1970, des problématiques sur la lutte des consciences inspirées de Sartre, un ancrage des rapports de race dans les sensations du corps que je trouve beaucoup mieux développé dans le merveilleux roman "Chien blanc" de Romain Gary écrit la même année. Et puis une problématique du rapport au supérieur, de l'intériorisation, des conflits internes qui a été banalisée par Bourdieu (certains paragraphes sont identiques à ceux de Ce que parler veut dire) et qui est devenue de ce fait le pain quotidien des sciences sociales. Ajoutez à cela des énoncés un peu trop littéraires et grandiloquents, et puis un contexte social très hiérarchisé, très structuré par les valeurs scolaires - il ne l'est plus autant aujourd'hui, donc les choses ne sont plus tout à fait comparables. Au total je ne suis pas sûr que ce livre Fanon soit à recommander. C'est une prose qui n'a pas très bien vieilli - quoi qu'elle eût sûrement d'immenses mérites en son temps.
Un conservateur états-unien sous le feu de l'AIPAC
Je recommande aux lecteurs français l'article de Pat Buchanan en défense de Charles Freeman, un homme de Kissinger qui a dirigé le Middle East Policy Council. Le lobby AIPAC l'a attaqué de front pour ses positions "pro-arabes" et ses liens avec l'Arabie Saoudite et la Chine, empêchant sa nomination au National Intelligence Council. L'article illustre une fois de plus l'hostilité des conservateurs états-uniens "de la vieille école" au dévoiement de la politique états-unienne au service d'Israël. Cela rappelle ce que nous disions sur Paul Craig Roberts devenu la coqueluche des anti-impérialistes français, même à gauche. Dans la même veine voir Doug Bandow "So-Called Isolationists Are the True Internationalists".
Au fait, puisqu'on parle de ce que font la droite et la gauche contre l'impérialisme, pourquoi est-ce Dupont-Aignan et pas un parti de gauche qui lance cette semaine une pétition contre la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'OTAN ?
Encore d'étranges fantasmes sécessionnistes
Ce "buzz" médiatique a été pris très au sérieux par la bande à Meyssan du Réseau Voltaire qui en profite pour ressortir la vieille thèse d'Igor Panarin (ancien directeur adjoint du KGB puis porte-parole de l’Agence spatiale russe, actuel doyen de la faculté de Relations internationales de l’Académie diplomatique de Moscou, auteur d’un ouvrage sur l’œuvre de Thierry Meyssan) étudie la possible dislocation des USA sur le modèle de l’effondrement de l’Union soviétique. D'après lui, cet éclatement devrait débuter en 2010, pour aboutir à une fragmentation en pays distincts :
la côte Pacifique (dominée par la population d’origine chinoise),
le Sud (dominé par la population d’origine mexicaine),
le Texas (comme république autonome),
la côte Atlantique (dominée par la population d’origine européenne, susceptible de se scinder en deux avec les anglo-saxons et latins),
les grandes plaines (qui reviendraient alors aux Indiens).
en outre, l’Alaska pourrait retourner à la Russie et Hawaï au Japon.
Une vision passablement "racialiste" de l'identité états-unienne à laquelle je ne crois guère. Kadhafi dans les années 1980 avait suggéré d'une façon encore plus grossière que les Etats-Unis pourraient être divisés en 3 Etats (indiens - la moitié Ouest -, blanc au Nord Est, noir au sud-est).
Mais il est vrai que ces fantasmes sécessionnistes disent quelque chose de notre époque, et, aux Etats-Unis, ils expriment la fragilité du lien social dans ce pays. J'avais fait un dossier en décembre 2007 pour le blog de l'Atlas alternatif sur le sécessionnisme des Indiens Lakota qui tendaient la main à Chavez.Je suis tombé ce matin sur Joseph Lafferty, chef sioux lakota, qui rend compte de l'accueil que lui a réservé Chavez en janvier 2008. L'histoire ne dit pas s'ils ont obtenu l'aide financière qu'ils sollicitaient.
Commentaires de mon roman

Société compétitive ou société protectrice

L'éthologie animale n'est pas en cause. Je ne suis pas comme cet obscurantiste lacanien qui dénigrait les chercheurs qui s'intéressaient à la vie des rats en trouvant "psychanalytiquement signifiant" que l'humain aujourd'hui se compare au rat. Evidemment nous sommes des animaux et il faut étudier les mécanismes communs à tous les mammifères "sociaux". Mais il ne faut pas que le discours scientifique soit subrepticement récupéré pour légitimer une vision néo-libérale, sarkozyste, d'un espace social privé de toute règle... où la tendresse (devenue fatalement une denrée rare) serait le supplétif des règles.
Je me disais donc que si, dans dix ans, une révolution avait lieu, le mythe de la société "espace compétitif" s'effacerait à nouveau devant la possibilité d'une société "espace protecteur", et que nous enverrions au goulag la journaliste auteure du reportage de ce matin (sauf repentance sincère de sa part), quand ma compagne me fit remarquer que, peut-être, la journaliste avait lu Bourdieu. Il est vrai qu'avant le dévoiement de l'éthologie dans la vulgate néo-libérale, il y avait eu le bourdieusisme. David Graeber, un anthroplogue américain de gauche, fait cette critique à Bourdieu dans Towards an Anthropological Theory of Value: The False Coin of our Own Dreams : d'avoir, comme Marx, par son économisme, subi en fait l'influence du libéralisme anglais du début du 19 ème siècle qui n'envisage la vie en communauté que comme une lutte. Graeber promeut au contraire une anthropologie du don que l'on retrouve dans la tradition française du groupe M.A.U.S.S. (des héritiers de Marcel Mauss comme leur nom l'indique). C'est aussi cela le message que la gauche doit porter.
Nouvelle publication
C'est allé très vite. J'avais dit en janvier que je ferais une pause sur le front des publications. Et puis en février j'ai parlé de la Transnistrie avec un copain et sa femme. Ils étaient intéressés. Je me suis dit que peut-être je devrais ressortir de mon tiroir mon compte-rendu de voyage dans ce pays, pour en faire profiter d'autres personnes. Je l'ai envoyé à tout hasard à Patrice Kanoszai qui a publié mes derniers livres. Il a été emballé, car la Transnitrie le passionne.
Il y a sans doute une raison nouvelle pour les gens de ma génération de s'intéresser à ce petit pays. D'abord parce que c'est un territoire dissident. C'est si rare de nos jours. Et puis le regard sur l'URSS n'est plus le même qu'il y a 15 ans. Birino me disait le mois dernier qu'un prof d'histoire polonais vient de sortir un livre qui revoit à la baisse les chiffres de la terreur rouge dans les années 1920 et 1930 en Russie, et la ramène en dessous des chiffres de la terreur blanche. Beaucoup de gens voient de plus en plus que le monde capitaliste a sousestimé les catastrophes qu'il en engendrées tout en gonflant artificiellement celles du camp opposé. Sans éprouver de nostalgie pour le système soviétique qui a partiellement échoué, les gens le jugent moins durement et sont prêts à considérer avec sympathie un petit peuple qui choisit d'y vivre quand tout autour de lui (la Moldavie, l'Ukraine) est voué au au libéralisme sauvage et au règne des mafias.
Mais je suis conscient que mon programme de publication ne suit pas ce que j'avais prévu initialement. Je pensais que j'aurais d'abord à défendre mon roman sur le Béarn avant de republier des livres politiques.
Ca ne se passe pas ainsi parce que je suis dans une impasse : politique, intellectuelle, existentielle. Toutes mes publications s'écrasent sur un mur. Le mur de silence du monde. Personne n'en parle. Or, moins mes livres font parler d'eux, moins j'ai de chances de convaincre les éditeurs de publier mes prochains textes, car je deviens pour eux un gouffre financier.
Pourquoi ce silence ? Pourquoi est-ce que lorsque j'écris un roman sur le Béarn même le plus insignifiant des journalistes locaux de ce coin ne trouve pas de raison pour mentionner mon livre ? Je n'ai pas de réponse à cette question. La faiblesse du service de presse et des réseaux de diffusion de mes éditeurs ne peut pas tout expliquer.
Pourtant je sais que certains lecteurs apprécient beaucoup mes livres. J'ai reçu par exemple cette semaine un écho très favorable d'une lectrice italienne à propos de mes "10 ans sur la planète". La loi de l'indifférence est mystérieuse. Mais je ne peux pas m'arrêter à ça. D'une certaine façon, continuer à publier malgré cette chape de plomb est une façon de me prouver à moi-même que j'existe, et de faire circuler en contrebande des choses que je sais et que peu de gens savent : par exemple qui peut se vanter de savoir ce qu'il se passe en Transnistrie, pays boycotté par nos médias et sur lequel on a fait courir tant de rumeurs infâmantes ?
Je l'ai dit : à moyen terme j'ai l'intention de sortir de mon impasse personnelle autrement que par les publications - en changeant de job, en m'intéressant à l'anti-impérialisme municipal. Parce qu'il faut que je retrouve la chair du monde. Celle qui aussi redonnera du corps à mes mots, à mes pensées. Mais dans l'attente de cela, tant pis, je continue de publier, comme le petit Poucet semait des cailloux. Et donc vous trouverez prochainement sur le marché mon petit livre sur la Transnistrie.