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Le blog de Frédéric Delorca

Réorientation du blog

19 Août 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

p1000121.jpgEn Libye l'étau se resserre sur Tripoli. Ces progrès seraient liés à des livraisons d'armes qataris via la Tunisie et au "soft power", notamment la corruption par l'argent des officiers loyalistes. Cela a marché avec Saddam Hussein, avec les Talibans, cela marche aujourd'hui en Libye. L'argent achète tout, c'est la vie...

 

On peut lire sur la toile un article d'un sociologue camerounais qui expose que la Libye de Kadhafi est bombardée parce qu'elle contribue à hauteur de 50 millions de dollar au projet de satellite africain Rascom 1 et pour sa participation au Fond Monetaire Africain, à la Banque Centrale Africaine, et à la Banque Africaine Des Investissements. Il estime que l'Algérie pourrait être une cible des Occidentaux au même titre que la Libye en raison de ses réserves en devise susceptibles de rendre service aux pays africains. Sans doute ce texte rationalise-t-il à l'excès les raisons de notre intervention militaire qui tiennent selon moi à trois facteurs beaucoup plus "impulsifs" : la pression des opinions publiques française, britannique et étatsuniennes travaillées depuis des années par l'antikadhafisme des médias (une antikadhafisme certes lié au passif de l'engagement du personnage dans des causes impopulaires en France comme le panarabisme et le panafricanisme) et une volonté de voloriser l'alliance militaire franco-britannique sur un terrain militaire concret. Mais les éléments informatifs sur les choix d'investissement de Kadhafi sont intéressants.

 

Dans l'affaire syrienne c'est autour de Moscou que l'étau se resserre. On multiplie les appels à la démission de Bachar El Assad pour "compenser" l'impuissance du Conseil de sécurité imputée au véto russe. Pourtant la presse russe n'est pas très tendre avec Damas. Et à juste titre. On ne sait pas trop ce qu'il se passe en Syrie, du fait du black out gouvernemental. Il y a peut-être des ingérences saoudiennes(*), des bandes armées infiltrées de l'étranger. Mais il semble aussi y avoir un appareil répressif qui "se lâche" sans limite contre les civils. Et c'est cela que l'opinion publique occidentale à juste titre ne supporte plus. Il est sans doute un peu injuste d'imputer à Bachar-El-Assad l'intégralité de la répression, car déjà à l'époque de son père les services de sécurité n'étaient pas complètement contrôlés par le pouvoir civil. Mais à tout le moins il devrait démissionner. La perversion du système mondial actual tient au fait que les chefs d'Etat impliqués dans des répressions - réelles ou surestimées - sont dissuadés de démissionner par la menace d'un jugement devant la coup pénale internationale (menace qui plane même sur les pays non adhérents à la convention qui définit sa compétence comme on l'a vu en Libye). Cela dit tout cela est assez complexe : le président soudanais inculpé par cette même cour n'a pas l'air d'être trop inquiété. En tout cas l'impossibilité d'avoir une justice impartiale au niveau mondial est un facteur de déséquilibre supplémentaire. On le voit aussi avec toutes les suspicions qui entourent le tribunal spécial sur le Liban. Quant à la Syrie en tout cas, même si Moscou ploie, on se demande avec quels avions on attaquera Damas. Peut-être sollicitera-t-on à nouveau nos amis du Qatar (ceux qui achètent tant de choses en France avec les profits qu'ils tirent de la mondialisation) ? Et surtout quel régime mettre en place à la place du Baas ? C'est le même problème qu'en Libye (où on s'est rendu compte que l'opposition n'était pas si recommandable). Peut-être reprendra-t-on des cadres du Baas comme ce fut fait en Irak, en les repeignant aux couleurs de pseudo-démocrates pro-occidentaux, dans le cadre d'un régime parlementaire assez factice sur le modèle de Bagdad (un régime si "tendre" en Irak que Tarik Aziz demande à être exécuté plutôt que de continuer à croupir dans ses geôles, ce qui doit être le cas de bien d'autres opposants politiques moins connus). Honnêtement je ne crois pas qu'il faille défendre le régime baassiste, tous ces vestiges du nationalisme arabe comme Assad ou Kadhafi ne peuvent plus apporter grand chose à la jeunesse arabe, mais je ne comprends pourquoi l'Occident s'obstine à penser que c'est à lui de décider quel mode de gouvernement (ou de "gouvernance") doit s'y substituer... Si le régime d'Assad a perdu la confiance du peuple, il s'effondrera de lui-même, parce que son système de sécurité se fissurera de l'intérieur. Les Occidentaux n'ont rien à faire dans cette histoire.

 

En Asie, les tensions perdurent. La Corée du Nord menace celle du Sud à nouveau - mais cette année je n'ai pas eu le temps de regarder l'origine de ce nouveau contentieux (en général la responsabilité est un peu trop facilement imputée à Pyongyang). Les manoeuvres militaires étatsuniennes au large de la Chine et cet inquiétant conflit des Spartleys (mais pourquoi diable les Chinois revendiquent-ils un archipel aussi éloigné de leurs côtes ?) s'ajoutent au chaos politique qui commence à s'installer au Népal. Par ailleurs, il y a quinze jours des jets militaires étatsuniens ont violé l'espace aérien srilankais, une nouvelle qui n'a rien de sensationnel, mais qui participe d'un climat potentiellement belliqueux dont ce pays à peine sorti de la guerre civile pourrait à nouveau faire les frais prochainement.

 

En Afrique la sècheresse somalienne émeut les âmes charitables (on oublie juste de rappeler qu'elle résulte en grande partie de la guerre civile entretenue par l'occupation éthiopienne pour le compte des Etats-Unis, l'Ethiopie elle-même étant saignée à blanc par ses dépenses militaires), sans oublier les effets systémiques de la globalisation sur ce pays (par exemple la destruction de la pêche côtière par les multinationales, ce qui d'ailleurs nourrit la piraterie). Au Venezuela, Chavez est affaibli par son cancer. Il paraît qu'il aurait poussé son ami Villepin à jouer les intermédiaires en Libye.

 

On pourrait aussi parler de cette crise financière - les Etats s'endettent pour renflouer les banques, les banques les châtient en baissant leur notation -, de ces attentats d'Oslo (dont il est quand même peu probable qu'ils aient été perpétrés par un homme seul), et tant d'autres symptômes d'un dérèglement profond de ce monde. Mais j'avoue baisser un peu les bras en ce moment. Je laisse tomber l'engagement et m'enferme plutôt dans la lecture des vieux livres. Il y aurait trop à faire pour remettre en ordre ce monde. De toute façon, nous avons quelques politiciens courageux (déjà cités ici) qui tiennent des propos de bon sens (même si on peut regretter parfois qu'ils n'aillent pas assez loin, ou qu'ils manquent de sens stratégiques), il est inutile que j'ajoute à leur éloquence la petite voix de ce blog. J'orienterai donc celui-ci vers des sujets qui ne font pas la "une" de l'actualité, notamment des sujets historiques, ou littéraires. C'est plus reposant.

 

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(*) J'ai souri le 8 août à 12h30 en entendant la commentatrice du journal de France culture se réjouir, fort peu impartialement, du fait "qu'enfin" des pays arabes - c'est-à-dire en fait les monarchies du Golfe persique - élevaient la voix contre le régime syrien de Bachar-el-Assad. Voilà une belle neutralité journalistique. La journaliste aurait dû ajouter "enfin les grandes démocraties que sont les pétromonarchies vont pouvoir forger une Syrie  à leur image, alignée sur les intérêts occidentaux". 

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ps : Dans le Monde diplomatique d'aout Lordon défend une démondialisation au niveau national (pas européen comme Montebourg) et fustige les membres du comité scientifique d'Attac qui dans un opuscule de juin ont jugé cette idée réac. Si même Le Monde diplo se divise, c'est que le patriotisme économique n'est plus diabolisé à l'extrême gauche.Tous les espoirs sont permis. Ils finiront par être sur la même ligne que mon Programme pour une gauche française décomplexée... avec 5 ou 6 ans de retard. Le défaut d'anticipation... c'est leur problème depuis vingt ans au moins.

 

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Ces rencontres qu'on oublie

18 Août 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Souvenirs d'enfance et de jeunesse

En relisant mon journal d'il y a 17 ans, je retrouve des traces de rencontres qui me sont sorties complètement de l'esprit et qui pourtant auraient dû me marquer.

 

Il y a par exemple celle-ci : Le dimanche 24 avril 1994 (j'ai 23 ans "et demi"), je suis dans le train Paris-Troyes, et je croise là, un Djiboutien, qui m'explique - d'après le récit que j'en fais trois jours plus tard, le mercredi 27 -  "le double sens du Djihad : la guerre contre soi et la guerre de défense de la communauté". Mon interlocuteur me dit aussi : "L'Islam peut-être mieux assimilé par un Occidental que par un Arabe. D'ailleurs Mohammed a dit que les meilleurs Musulmans ne seraient pas Arabes". Et encore : "Le judaïsme, le christianisme et l'Islam, c'est comme trois tomes d'un même livre ; le judaïsme, c'est la première étape : Dieu révélé, mais seulement aux Hébreux, le christianisme est la deuxème : l'universalité, mais seulement dans des relations sociales avec de faibles contraintes rituelles ; l'Islam correspond à un niveau encore supérieu de développement de l'humanité parce qu'il règle précisément le rapport de l'homme à Dieu, Islam voulant dire soumission". Et enfin "Les cinq prières de la journée sont un moyen de prendre du recul par rapoort au travail, de se confier à Dieu, d'accéder à une vision nouvelle des choses. Pour l'ouvrier ça lui permet de se raffraichir le visaghe à l'eau froide. Pour le chômeur, ça rythme sa vie, ça évite la désorganisation de la journée. On doit se lever à 6 heures le matin, avec l'Islam pas besoin de neuroleptiques". J'ajoute dans mon récit : "Ce type était fils d'ambassadeur".

 

Tunisie-132.jpg

Aujourd'hui encore en relisant ces lignes aucune image de me vient, et c'est comme si c'était arrivé à quelqu'un d'autre (alors que je garde des souvenirs précis de trucs qui me sont arrivés à 4 ans ou à 5 ans... en 1975...). Pourtant si j'ai pris la peine de rapporter ses propos trois jours après la rencontre, c'est que le bonhomme devait avoir un certain charisme, ou qu'en tout cas ses propos m'ont apporté quelque chose.

 

Peut-être cette conversation a-t-elle juste laissé une empreinte inconsciente, des traces d'évidences. Par exemple je sais que pendant des années j'ai tourné dans ma tête cette idée nietzschéenne  selon laquelle l'Islam était une religion virile. Peut-être est-ce l'idée qui m'est venu en écoutant ce Djiboutien et qui m'est restée.

 

J'ai toujours l'impression que c'est une amie algérienne qui m'a donné plus tard la meilleure image de ce qu'était l'islam, vers 2002-2003 et c'est à elle que je songe souvent quand je pense à cette religion, en partie à cause du sens très personnel qu'elle lui donnait - et aussi la lecture d'Hogson en 1998 parce que c'est le premier chercheur occidental que j'aie lu qui prenait au sérieux l'idée que l'apport civilisationnel de l'Islam au monde ait pu être réellement supérieur à celui du christianisme.

 

On peut penser aussi que si ni les paroles simples mais fortes de ce Djiboutien, ni son visage ne m'ont consciemment marqué, c'est parce qu'en 1994 l'Islam n'était pas central dans le débat public français. Tout un chacun pouvait mener sa petite vie sans rien en penser et donc, à peine avais-je écrit ce petit compte rendu de voyage, que ma mémoire l'a tout de suite effacé. C'est dommage dans un sens. Y penser plus m'aurait peut-être fait gagner 7 ou 8 années de prise de conscience, et m'aurait peut-être ouvert des voies d'action dont nul ne peut savoir rétrospectivement où elles m'auraient conduit. Mais à l'époque les religions ne m'intéressaient qu'à titre assez anecdotique, comme des sources de références susceptibles d' "orner" une philosophie. Et celle des musulmans, comme celle des boudhistes ou des hindous, me paraissait très éloignée de l'Occident, difficile d'accès et sans doute pensais je que les propos du Djiboutien allaient constituer le savoir le plus précis qu'il me serait donné d'acquérir à son sujet. D'ailleurs je ne me destinais nullement à l'époque à faire un doctorat de sociologie ni à m'intéresser à l'anthropologie.

 

Sans doute est-ce un progrès de notre époque que les Occidentaux soient maintenant obligés d'essayer de voir de temps en temps le monde à travers des yeux musulmans, ou animistes, ou même ceux des hommes qui pratiquent des sincrétismes religieux complexes (ce qui est le cas de beaucoup de peuples du Tiers-monde). Je comprends que beaucoup se soient sentis fragilisés par cette contrainte nouvelle d'universalité qui les a poussés à remettre en cause la suprématie de leur culture. Je regarde avec une sorte d'attendrissement ces nationalistes français qui, sur leurs sites, affichent le camembert, Brigitte Bardot et la Tour Eiffel comme autant de signes identitaires qu'ils sentent menacés, assiégés. Les gens qui se sentent assiégés me font toujours de la peine. Or c'est un sentiment de plus en plus répandu de nos jours. Par exemple les islamistes affichent souvent des cartes politiques de leur monde, qui montrent les bases militaires "judéo-chrétiennes" sur leur sol (en Palestine, en Arabie saoudite, en Afghanistan). Les Chinois font de même avec les bases étatsuniennes.

 

C'est aussi un peu lié au fait que les gens ne se parlent plus guère dans les trains, chacun ayant les yeux fixés sur son téléphone mobile, et ceux qui n'ont pas de téléphone ayant intégré que le silence est de toute façon la nouvelle règle. Je ne suis pas sûr que la dernière manoeuvre de la French American foundation cet été pour inviter des élus français "issus de la diversité" à Washington, et défendre à Paris le système étatsunien des quotas, soit trop de nature à décrisper l'ambiance sur ce volet là, mais c'est une question compliquée. Il faudrait en tout cas, beaucoup plus de Djiboutiens comme celui de 1994, et des jeunes Français plus attentifs que je ne le fus à cette époque-là. Ce genre d'échange de vues est toujours plus fécond qu'on ne le pense. Mon dialogue avec un Serbe sous les bombes 5 ans plus tard (tel que j'allais l'évoquer dans mes livres) allait largement le démontrer.

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L'autonomie de l'esprit

7 Août 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

J'entendais il y a peu Alain Finkielkraut (sur LCP) citer cet aphorisme de Blaise Pascal : "La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle." - Pensées (1670), 793 - .

 

L'agrégé de lettres utilisait cette citation à l'appui d'une défense de l'autonomie de l'école : l'école c'est l'esprit, et il faut lui donner les moyens de mettre à distance les corps du savoir qu'elle dispense.

 

engrenage.jpgA l'heure de la victoire des neurosciences cette autonomie de l'esprit est de plus en plus difficile à penser, le cerveau nous apparaissant lui-même de plus en plus comme un corps à l'anatomie et au fonctionnement transparents. De ce point de vue, la défaite de la psychanalyse est une perte (même si à d'autres égards il faut s'en réjouir). En relisant hier L'Individu, la mort, l'amour en Grèce ancienne de Vernant (livre de 1989), notamment son dernier chapitre, je mesurais combien l'auteur écrivait à partir d'une époque (époque dont je suis hélas le rejeton) qui trouvait légitime l'exploration par le sujet de son soi intime, de ses représentations ineffables. Cette exploration était en grande partie encouragée par l'idéologie psychanalytique. Et l'autonomie de l'esprit pouvait à ce moment-là s'identifier à l'autonomie relative de la psyché.

 

Tout cela est en train de se dissoudre, non seulement sous l'empire des neurosciences et du traitement médicamenteux (ou par la psychologie comportementaliste) des affects, mais aussi en raison de la globalisation néo-libérale qui traite l'individu comme une marchandise, le dissuade de prendre sa psychologie au sérieux, et l'aliène à la fois aux représentations d'un monde virtuel (Internet, téléphone portable etc), mais aussi à des impératifs juridiques (la political correctness) et à une survalorisation du corps (hygiénisme, centralité des sports et des soins esthétiques dans notre culture), le tout sur fond d'angoisse de la disparition totale de l'espèce et du monde vivant, tout un conglomérat d'objets de la conscience humaine au milieu desquels la notion d'autonomie de l'esprit n'a plus du tout sa place.

 

Pour redonner un statut à cette notion (que je crois valide), il faudrait partir du constat que faisait Jean-Didier Vincent dans La biologie des passions, de l'espèce de barrière anatomique qui protège en chaque individu le cerveau des stimulation corporelles, et reconstruire à partir de cette base organique le projet proprement politique et culturel d'une ré-autonomisation de l'esprit. C'est un enjeu considérable pour notre civilisation, et la partie est loin d'être gagnée d'avance.

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De retour de congés

5 Août 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien

DSCN6460.JPGMes chers lecteurs, les personnages illustres partent en vacances : Jean-Luc Mélenchon (après avoir abjectement traité les anti-euros de "maréchalistes"), Edgar le blogueur (qui lui répond très justement dans son dernier billet). Moi je reviens d'un périple dans l'ouest de la France et dans le sud ouest.

 

Les hasards des itinéraires routiers m'ont conduit à me rendre sur la tombe de François Mitterrand à Jarnac. Voilà un village bien triste, aux fenêtres fermées, un ex fief du Cognac, cela se voit : une grande usine omniprésente, des affiches de marchands d'alcool et de vinaigre, les vignes. Les parents de l'ex président de la République en étaient, je crois.

 

Ma "penfriend" Babette Babich a posé sur la tombe de Heidegger moi devant celle de François Mitterrand. On a les gloires qu'on peut. Mais que voulez-vous je suis d'humeur républicaine en ce moment. J'ai d'ailleurs envoyé un mot de félicitation à mon compratriote député des Landes (et ancien premier secrétaire du PS et président de l'assemblée nationale), M. Emmanuelli pour son refus courageux du "droit d'ingérence" en Libye et ailleurs.

 

C'est que la radicalité me fatigue un peu. Un ami lecteur m'a écrit il y a 3 semaines tout le bien qu'il pensait de M. Chouard dont j'ai posté une vidéo sur ce blog, en défense de la démocratie directe et du tirage au sort. Mais les avocats du système représentatif ont eu au 18ème siècle un argument définitif dont Chouard contre la démocratie athénienne : les gens ne peuvent pas faire de la politique à plein temps, c'est usant. Même les militants en font l'expérience sauf à devenir fous. Et l'on ne vit qu'une fois.

 

En fouillant chez les bouquinistes dans mon Sud-Ouest natal (je me perds dans le rétroviseur en ce moment tant mon avenir est nul !) j'ai trouvé un article historique de 1994 sur les effets de la révolution de 1789 dans un petit village de mon Béarn natal. J'en écrirai peut-être un compte-rendu ici à l'occasion. Il était frappant de voir combien les événements parisiens ont produit leur effet là bas à contretemps et sur un mode bien atténué. C'est inévitable. Les grandes réformes politiques ou religieuses ne touchent pas tout le monde avec la même célérité. Je voudrais qu'aujourd'hui les modes fussent aussi peu promptes à embrasser ma région d'origine. J'ai lu avec dégoût un éditorial de la République des Pyrénées cette semaine exigeant que le président syrien Assad fût traduit au plus vite devant la cour pénale internationale. Avant d'instrumentaliser les "tribunaux kangourous" au service de leur soif de "regime change" tous ces braves commentateurs feraient mieux de reconnaître qu'on ne sait à peu près rien de ce qui se passe en Syrie, ni d'ailleurs en Libye. C'est une chance vraiment que tous les avions français soient retenus au dessus de Tripoli, et les Américains en Afghanistan, et que nos dettes nous dissuadent d'augmenter les budgets militaires. Sans quoi tout le monde se serait précipité pour bombarder Damas. Folie de notre époque. Un général dans le Journal du Dimanche récemment a reproché à nos politiques et à nos journalistes de ne pas bien savoir ce qu'est la guerre...

 

En parlant des modes, il me faudrait vous parler de l'opuscule qu'avait pondu sur la question de l'individu le conservateur Alain Renaut en 1995 du temps où je souhaitais qu'il dirigeât mon DEA de philosophie (ce n'était pas de ma part un choix intuitu personnae mais une obligation parce que j'avais fait ma maîtrise dans la droitière vieille sorbonne). J'ai retrouvé ce livre dans mes tiroirs sans avoir vraiment pris la peine de le lire auparavant. Après avoir critiqué l'analyse des modes que fournit le Distinction de Bourdieu, Renaut y décrit la vision qu'en donne Lipovetski dans son second best seller (dont le titre m'échappe ce soir). La mode comme obsession de refuser le passé. Un phénomène anthropologique vraiment passionnant.

 

Le livre de Renaut aurait beaucoup à m'apporter. Par exemple il redonne à Finkielkraut une profondeur que les frasques du personnage au micro de sa radio préférée ou de ses interviewers font parfois perdre de vue. Il faut que je vous redise un mot de tout cela quand l'occasion m'en sera donnée. Ce n'est pas que mon avis sur ces questions compte beaucoup, ni que j'aie un lectorat suffisamment nombreux pour me donner envie d'écrire sérieusement, mais après tout tant de folies et de sottises sont dites sur les radios et écrites sur le Net (je voudrais vous répéter une ineptie de M. Onfray sur l'individu et l' "apollinien" mercredi dernier sur France culture, mais le temps me fait défaut), qu'il n'y a pas de raison que je ne mette pas mon humble grain de sel, certains soirs, sur ce petit blog gratuit. Quand les sources de plaisir sont rares...

 

 

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Du temps où le PCF était colonialiste

4 Août 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

p1000036.jpgRien de tel pour se faire une idée de l’état des consciences à chaque époque que de lire des vieux livres, spécialement les plus médiocres.

 

Au premier trimestre 1944, alors que la France est encore occupée (ce qui ne laisse pas de surprendre), les Editions ouvrières (liées au Parti communiste français) publient un ouvrage de 171 pages en format de poche dans la collection « A la découverte de… ». Une collection éclectique dirigée par un certain L. Mounier, qui évoque des sujets très liés aux problèmes de l’électorat communiste : « A la découverte de quelques ouvriers célèbres », « de la tuberculose, fléau social », « des travaux manuels à la maison », « de l’alcool », « de l’Amour » (avec un « a » majuscule, s’il vous plaît, sous la plume du docteur Jouvenroux), mais aussi de sujets un peu moins orthodoxes comme les « saints patrons de nos métiers » (en vertu de l'ouverture du PCF au christianisme, les Editions ouvrières publient aussi des livres personnalistes). Donc en janvier 1944, la publication porte sur un sujet d’actualité de l’époque « A la découverte de la vie coloniale » - c'est-à-dire de l’Empire français, car l’Empire des autres n’est sans doute pas digne de découverte.

 

L’auteur est un certain Maurice Delaporte qui se propose de retracer presque au jour le jour les étapes de sa découverte de l’Afrique française vingt ans plus tôt (Golfe de Guinée, Port Gentil, Haut et Bas-Ogooué etc.). Sur ce M. Delaporte on sait juste qu’il a la quarantaine,  et originaire d’un petit village de l’Est de la France

 

Le livre a une forme un peu romancée. Il évoque l’itinéraire du jeune Marcel qui embarque à Bordeaux pour le Gabon à brd du navire Le Tchad. L’auteur admet que son texte n’aura pas l’élégance de grnads auteurs qui ont trité le sujet avant lui (on pense à Céline, Gide) mais qu’il sera sincère.

 

Le plus intéressant dans ce récit de voyage qui se complaît dans l’évocation classique des moustiques, des gros animaux, et des couleurs bariolées des marchés locaux, est l’absence à peu près complète de critique de l’impérialisme français dans ses pages.

 

A vrai dire, une esquisse de critique est tracée dans l’introduction qui dénonce l'incohérence de certains programmes vestisement ancés au hasard des affectationsdes adminitrates et la baise de la natalité dans les zones côtières qu’elle a occaionné « alors que le noir de l’intérieur a cosevé ses quaités naturelles » (p. 6) Mais cette réserve est uniquement formulée au regard du potentiel de richesses supplémentaires que l’Empire pourrait apporter à la France.

 

Celles-ci sont énumérées dans l’appendice final : le Maghreb est « la future grande réserve de la France, le grenier peut-on même dire, d’une partie de ‘Europe, où céréales, vignes, oléagineux prospèrent » (p. 166), Madagacar peut « devenir un centre de peuplement pour les races européennes » (p. 167) (on est à quelqes mois seulements du massacre massif de sa population insurgée), l’Indochine qui a une population « particulièrement apte à s’ssimiler les facilités matérielles de notre civilisation et à en tirer parti, grâce à on degré e culture beaucoup plus élevé que celui de n’import quele autre race de notre Empire » (sic, p. 171). Même en abordant l’Indochine Maurice Delaporte n’a pas un mot pour son camarade communiste Ho Chi Minh qui mène la rébellion et a de fait déjà soustrait une bonne partie de ce « joyau » de l’empire aux mains de ses maîtres français.

 

Ce n’est donc pas avec ce livre que les sympathisants et membre du PCF habitués de la lecture des ouvrages des Editions ouvrières allaient pouvoir être sensibilisés à l’injustice de l’exploitation coloniale …

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