Amen passo per aquen
En Béarn jadis - du temps de mon aïeul - on avait tendance à se moquer de la culture catholique qui imprégnait un peu tout le monde. Quand quelqu'un faisait la tronche, on disait "chutis mutis é nou rougnatis". C'était un jeu de mots qui parodiait le latin, un peu comme "pedibus jambus" en français. "Ne rougno pas" voulait dire "ne râle pas" ("rougno porc" était la façon dont on nommait un râleur). "Chutis mutis é nou rougnatis" pourrait vouloir dire "tais toi et ne la ramène pas".
De même on plagiait le célèbre "amen" chrétien ("ainsi soit-il", très forte marque d'adhésion à l'ordre cosmique des choses, édulcorée en simple résignation par les prêtres) en disant "amen, passo per aquen et si né podès pas tourno tèn" (pardon aux puristes occitanistes, mais j'adopte l'orthographe phonétique du béarnais qui, à mes yeux, ne peut être, dans sa forme qui me parle, qu'un idiome populaire non écrit, même si je n'ignore pas qu'elle fut langue d'administration et de lithurgie sous les rois de Navarre). Cela signifie "Amen, passe par là, et si tu ne peux pas fais demi tour" (avec une rîme astucieuse en "en").
J'ai souvent tendance à dire cela aux âmes pondérées, donneurs de leçon doucereux, électeurs de l'UDI et du Modem, centristes de tout poil, "modérés", spécialistes de la désertion sur les champs de bataille. Oui, amen, amen, mais on vous connaît : on sait ce que vaut votre bien-pensance.
Epaminondas reviens encore nous parler ! Je suis très content d'avoir lu l'Ane d'Or d'Apulée. D'y avoir trouvé confirmation de mes pressentiments du printemps sur le lien Isis-Pythagore, et tant d'autres choses dont je ne peux pas, hélas, parler dans ce blog. C'est une histoire vraiment très touchante, à la fois drôle, bizarre (car la mentalité antique ne nous est pas familière) et par endroits très romantique. Ce pauvre âne persécuté qui doit trouver des roses à tout prix pour se sauver, les entrevoit sous la statue d'Epona dans l'étable, puis sous le geste épique mais vain de la douce Charité, et ne les trouve finalement qu'à la cérémonie de la déesse égyptienne... Les universitaires laïques ne peuvent rien y comprendre mais c'est le plus bel acte de foi que je connaisse dans un hénothéisme féminin.
La rationalité, le contrôle du cours des choses, Maud Kristen
Je vous prie d'excuser mes silences sur ce blog, mais j'avoue trouver un peu vaine l'activité politique que j'y déploie depuis six ans, et ma recherche philosophique, elle, je préfère la poursuivre dans d'autres espaces.
Du côté politique, vous avez sans doute vu le départ prématuré de Poutine du G20 aujourd'hui, et les nouveaux bruits de bottes en Ukraine. Je suis en train de mettre ma dernière touche au livre bilan de mes 15 ans d'engagement qui va sortir en janvier. Ce pourrait être l'occasion de poser un point final à tout cela. Soyons lucides. Ce que j'ai dit pendant 15 ans, je pourrais continuer à le clamer pendant 30 autres années sans que cela ne serve à rien : il va continuer à y avoir des guerres plus ou moins circonscrites contre les intérêts russes et chinois, des révolutions confisquées etc, c'est la marche du monde, de ce monde, de notre monde. Si je continue de m'élever contre cela, je n'attirerai à moi que des types instables, des gens dans le mal-être, frustrés, suicidaires, parce que les gens apaisés se détournent des guerres, de la pensée de la mort, de tout ce qui trouble leur tranquillité. Alors aimanter des desperados égocentriques en mal de reconnaissance, dépenser de l'énergie pour publier des livres que peu de gens lisent, à quoi bon ? J'ai davantage besoin de calme et de choses légères je crois.
Je suis tombé par hasard hier sur cette vidéo de la voyante Maud Kristen dont je n'avais jusque là jamais entendu parler :
C'est marrant parce que dans cette série de vidéos ci-dessous, elle disait avec beaucoup de lucidité que les "ressentis" des voyants dépendaient de leur prisme culturel personnel. Il est clair que ses "prédictions pour 2014" sont très marquées par son "habitus de classe" bourgeois. Donc c'est probablement faux dans le détail quoique juste dans les grandes lignes. L'ambiance "oppressive et répressive" qu'elle relate est de toute façon bien sûr celle qui est déjà réalisée dans notre triste monde.
J'avoue que j'aime bien cette Mme Kristen, sa manière d'exposer calmement et en termes de probabilités (parce qu'elle est cultivée, formée par la fac de droit etc) notre "sixième sens", les moyens de le développer etc, en le coupant de toute construction religieuse ou théologique.
Même si la science stricto sensu ne peut rien en faire, les sciences humaines, elles, devraient au moins l'intégrer à leur vision de l'humanité et de son histoire. Je reste très perplexe notamment devant la tendance des universitaires à considérer par exemple l'histoire romaine ou l'histoire des civilisations asiatiques en faisant comme si la place du "paranormal" en leur sein relevait de la pure superstition. Il y a la superstition d'un côté, qui existe, et le paranormal ou parationnel, ou rationnel "soft" d'un autre, et ce dernier point - qui souvent nourrit le premier, mais pas toujours très à propos - doit être pris pour ce qu'il est en le séparant ben du premier. On ne peut pas complètement comprendre l'humanité actuelle et passée si on ne fait pas cet effort là. Et surtout, cete Mme Kristen a sans doute raison que la marginalisation de la voyance et de tout ce qui lui est apparenté ne peut, comme l'interdiction de la prostitution qu'elle met judicieusement en parallèle avec la voyance - que tirer cette activité "vers le bas" et faire le jeu des malhonnête et des mafias. J'ai un peu connu cette année des médiums qui pourrissent sur pied parce que, comme les contestataires anti-guerre, le sécolos radicaux etc, ils ne bénéficient d'aucun espace de reconnaissance dans la culture officielle, aucune tribune respectable etc. De ce fait ils s'enferment dans la lecture de sous-produits culturels obsessionnels, ne progressent pas dans leur tentative de compréhension de leur "art" et foncent dans des murs en entraînant avec eux dans leur médiocrité ou dans leur suicide leurs éventuels clients.
En même temps, cela ne signifie pas qu'il soit complètement illégitime pour le commun des mortels et pour nos institutions de vouloir se protéger de cette dimension un peu "bizarre" de la vie et de maintenir nos sociétés sur la voie d'un rationalisme rigoureux qui au moins nous permet de sauver des espaces de liberté (liberté très relative il est vrai) que l'ouverture au "troisième oeil" parfois peut anéantir (parce qu'en s'ouvrant sur les dimensions autres, on peut perdre beaucoup de pouvoir de contrôle de soi, de sa carrière etc). Bon allez, sur ce je vous laisse continuer à consulter les sites alternatifs de votre choix (Mondafrique, Esprit corsaire, Afrique-Asie, Asia Times, Antiwar.com etc)... Pour ma part je retourne à ma petite torpeur pré-hivernale...
Synthèses
Dans les années 2000, sous l'influence des sciences humaines, quand j'écrivais sur un sujet, ou quand je pensais à ma vie, il me semblait que je pouvais englober par l'entendement de grands ensembles sociaux, avec leur particularités, leurs couleurs etc, dans des sortes de "schèmes" comme dirait Kant, extrêmement synthétiques. Le Béarn contemporain ou passé, le Nord de la France, l'Espagne, les classes populaires, l'histoire de l'Occident sur 2000 ans etc, pouvaient ainsi se résumer à mes yeux dans des sortes de phrases matricielles synthétiques, qu'on pouvait ensuite déplier analytiquement à loisir s'il nous restait du temps pour le faire, mais la matrice synthétique comptait plus que son déploiement. Cette tournure de pensée imprégnait lourdement mes écrits, et me procurait un sentiment de maîtrise intellectuelle très étendue, qui m'obligeait toujours à "bander" mon esprit, parce que celui-ci devait toujours se sentir "prêt à la synthèse".
Il y avait sûrement quelque chose de très grec dans cette façon de voir. Elle n'avait pas que des inconvénients mais pas que des avantages non plus, car elle était très usante.
Je ne sais pas si les années 2010, qui sont beaucoup moins influencées par les sciences humaines que les années 2000, sont encore ouvertes à ce genre de méthode de raisonnement, mais à titre personnel je le suis de moins en moins, parce qu'au fond je trouve ces synthèses assez factices. On se donne l'impression de savoir (et, à certains égards on sait beaucoup, en effet, et l'on met beaucoup de choses en rapport les unes avec les autres) mais c'est au prix d'un sacrifice de tout ce à quoi la synthèse fait violence, et cela vous revient en boomerang un jour... Hegel terrassé par le choléra...
Bourdieu était un type qui veillait tard, lisait beaucoup, pour construire les concepts les plus synthétiques possibles... Il a rencontré la limite de son exercice bien plus tôt qu'il ne le pensait...
J'assistais ce matin à une conférence d'une assoce de quartier sur le yoga... Ca ne volait pas très haut. Le prof ne connaissait pas grand chose sur les cultures asiatiques et les petites vieilles présentes étaient surtout là pour étaler leurs besoins de rêve et d'amour, les aigreurs de leur vie etc (comme toujours les gens plus intelligents, les jeunes notamment, se taisaient).
Je suis réservé à l'égard de l' "asiatisation" de notre culture avec le yoga, le zen, les massages, les conférences new age de Deepak Chopra et autres "opiums du peuple" surtout présents pour calmer les névroses que provoquent la wi-fi généralisée et l'imperium du zapping hyperactif, voire pour nous enseigner avant tout à ne plus penser et à nous résigner. Certains des bobos qui se piquent d'assister à des séances de chants en sanskrit auraient mieux fait de penser d'abord à s'inscrire dans une chorale paroissiale, cela au moins les aurait reconnectés avec la culture de leurs grands parents, sans rien soustraire aux apports du chants en termes de "concentration" et de "bien-être". Mais il faut reconnaître que l'asiatisation nous soulage un peu du règne des synthèses, et nous ouvre à la part "obscure", insaisissable, de nos vies, qui, parfois, est aussi notre oxygène...
Actualisation 2019 : Toutes ces pratiques de Yoga, médecines douces etc sont porteuses de démons et son liées à la spiritualité luciférienne New Age qui ne peut vous attirer que des ennuis. Evitez les.
Es muss sein
Une femme que j'ai connue en janvier en Provence m'avait impressionné parce qu'après avoir vécu des manifestations surnaturelles, elle se convertit à un christianisme ardent. Je n'approuve pas spécialement le catholicisme, mais je trouvais que cela témoignait d'un beau sens de l'engagement. Je me disais que moi-même je serais sans doute capable de suivre un chemin semblable au sien ou en tout cas comparable, sur une autre voie d'engagement, politique par exemple, en des circonstances semblables. Mais plus le temps passe, plus j'en doute. Je me rends compte en effet que les événements un peu étranges qui m'arrivent ces derniers temps ne me situent sur aucun chemin d'engagement particulier (à part les engagements politiques que j'ai déjà épousés à l'âge de 28 ans, et dont ce blog porte des témoignages abondants). Ils me plongent juste dans une sorte d'étonnement indécis vaguement teinté de curiosité. C'est peut-être ce qui me rend sympathique le héros du roman de Murakami que j'évoquais il y a peu. Cette profonde *** (je cherche en vain un mot de la langue française qui pourrait vouloir dire "absence d'envie de s'engager" et qui serait construit sur le même modèle que "ataraxie" ou "apathie") me surprend. Je me révèle différent de ce que je croyais.
Je suis tombé ce matin sur un article qui parle d'un roman sur un chauffeur de taxi tibétain devenu le toyboy d'une PDG chinoise. Je l'ai envoyé à une correspondante admiratrice d'Alexandra David-Néel et russophile avec qui j'échangeais sur l'Ukraine cet été, en lui disant : "Ce n'est plus le même Tibet que dans les années 1920". Elle m'a informé, en réponse, de diatribes de Libération contre un journaliste avec lequel j'avais été en Transnistrie en 2007, et qui ressemble un peu aux attaques de ce journal contre Sapir. Je n'étais pas au courant de cette polémique parce que, pour ma santé mentale, j'évite de trop lire les grands médias parisiens. J'ai tout de suite adressé un mot de soutien au journaliste, et cela m'a fait repenser au vent de guerre froide qui souffle sur notre continent et sur l'Amérique (comme me le faisait remarquer un camarade il y a peu : "Dans le dernier film d'action (raté) avec Denzel Washington, Equalizer, les méchants sont des mafieux russes froids et impitoyables. Et comment s'appelle leur chef sanguinaire ?... Vladimir Pushkin. Eh oui, il fallait oser").
Tout cela m'a rappelé que, si je parviens à caser le livre collectif que j'ai fait avec trois journalistes sur l'Ukraine chez un éditeur, je vais me retrouver encore en position de passer pour le stalino-poutino-facho-taré de service aux pieds fourchus aux yeux de nos médias manichéens, comme ce fut le cas pendant la guerre du Kosovo. Jeté dans le même sac que les petits pieds-nickelés américains qui viennent de publier un livre nul sur l'Ukraine chez Delga dont je dois rédiger la recension pour Parutions.com... j'en suis fatigué d'avance... Mais comme disaient les gardes civils républicains pendant la guerre contre le fascisme en 1936 : "Cumple con tu deber"... remplis ton devoir... On n'a pas le choix...
Haruki Murakami
Ca y est le nombre des abonnés de ce blog commence à chuter. Faisons le chuter encore plus en reparlant de l'Asie ! Non, ce n'est pas une marotte. Je ne suis pas plus attaché à l'Asie qu'à un autre, et je m'intéresse tout autant à la santé de Mme Cristina Kirchner en ce moment qu'aux templs d'Angkor.
Mais une amie druidesse (j'aime bien rappeler ce titre qu'elle a, et qu'elle garde à vie parait-il, comme les ministres) m'a conseillé la lecture des "Chroniques de l'oiseau à ressort" de Haruki Murakami. Je ne jouerai pas les cuistres : bien que je lises diverses choses sur le Japon depuis mon adolescence, je n'en connais pas plus la littérature que le lecteur moyen de la très nippophile Amélie Nothomb.
On dit que l'auteur de ce livre des années 1990 (réédité en France récemment) est nobélisable. Il le mérite sans doute plus que notre Modiano. J'ai déjà avalé une centaine de pages de son pavé. J'apprécie beaucoup la précision dans le détail et la neutralité du ton de ses récits, agrémentés de comparaisons souvent interlopes, étranges. Vous allez me dire "la neutralité du ton c'est un peu devenu la tarte à la crême de notre époque". Et c'est vrai que parfois on peut se demander si Murakami ne singe pas un peu les modes de son temps, et même s'il ne singe pas l'Occident tant son personnage pourrait être parisien, bordelais, londonien, new-yorkais plutôt qu'habitant de Tokyo, y compris par son univers matériel.
Mais en ce qui me concerne cette neutralité me fait du bien, elle me donne parfois envie de la projeter sur mon propre univer (mais je suis incapable d'être neutre pendant plus de douze heures, mon sens des valeurs reprend toujours le dessus). En outre dans la cas de Murakami, elle permet d'avancer de façon plus crédible ce qui est au fond la thèse du livre : la bizarrerie profonde du monde est liée à l'interface qu'il entretient avec l'invisible, cet invisible qui est un truc non-religieux, non-métaphysique, qui vous rattrappe toujours malgré vous (et malgré vos envies permanentes de tout nier ou de tout aplanir). En ce sens il rejoint tout en allant plus loin qu'eux les grands "existentialistes" des années 50 - Gombrowicz, Moravia - le seul d'entre eux qui ait assumé cette pente à cette époque-là, à ma connaissance, étant Cocteau.
Mais on n'est pas obligé d'adhérer à la thèse. Même si l'on n'avance pas jusqu'à son point, on peut se laisser simplement flotter à la surface de la bizarrerie, des hommes, des femmes, des situations, des objets mêmes qui nous sont présentés, bizarrerie bien peu spectaculaire, banale, et pour cette raison absorbante, obsédante. On a envie de toujours plus d'étrangeté, de s'y abandonner, de s'enivrer de bizarrerie ordinaire...
"Cochinchine" de Léon Werth
Nous avons déjà rencontré Léon Werth dans la lecture de ses propos sur Clemenceau dans la revue Europe de 1930 (voir mon billet ici). Il me faut parler aujourd'hui de son livre sur la Cochinchine coloniale en 1924, et d'abord vous dire que cet homme qui, humblement, trop humblement, s'est tenu dans l'ombre du Malraux des Conquérants est un écrivain, un véritable écrivain, avec un vrai style, et une très belle sensibilité (il dit quelque part avoir une sensibilité de "fille publique romantique", ce que j'ai peut-être en commun avec lui). Cette sensibilité lui fait voir avec beaucoup de pertinence ce que ses contemporains minimisent bêtement ou rendrent trop abstrait (je pense au livre d'Hannah Arendt sur l'impérialisme) : le grossièreté minable du système colonial européen dans le monde.
Je ne veux pas ajouter à la "culpabilité de l'homme blanc" qui de nos jours infeste un peu trop les mentalités et produit des formes de sottise et d'imposture dans la pensée bourgeoise actuelle.
Juste souligner l'intérêt d'avoir un regard lucide et indépendant sur les injustices. Quelques extraits intéressants (qu'il est inutile que je commente) :
L'intérêt de Werth aussi réside dans ses analyses psychologiques qui confinent à la philosophie. Par exemple quand il estime que les coups de poings et éclats de voix des colons ne procède pas d'une réelle violence personnelle (puisque cette violence décroit à bord du Saïgon-Marseille sur le chemin du retour vers la métropole), mais simplement d'une bassesse institutionnalisée, à laquelle il oppose la retenue "confucéenne" des Orientaux. Ses remarques sur l'érotisme des rapports entre les chanteuses chinoises et leurs clients asiatiques d'un restaurant de Saïgon mériterait en soi dix pages de commentaires qui interrogeraient par effet de miroir vingt siècles de lourdeur de la sensualité occidentale...
Sa réflexions très esthétisante sur les formes des visages des Annamites (mais aussi des Moïs), de leurs gestes etc ouvre un horizon de remise en cause radicale de l'européanité, qui, dans un sens, peut encore relever de l' "âge du jazz" des années 20 (David Stove), la haine de soi occidentale dont parle l'académicien Matteï, mêlée aux dégoûts de l'après-guerre (quand le surréalisme français par exemple vantait systématiquement tout ce qui n'était pas "blanc"). Il faut "en prendre et en laisser" comme on dit, oui, mais tout de même en prendre, oui, essayer de prendre au sérieux cet amour de l'Orient, moins érudit et moins fort que celui d'une Alexandra David-Néel arpentant le Tibet à la même époque, mais tout aussi sincère. Tirer ce fil là, sans naïveté, juste pour voir toutes les potentialités qu'il peut donner. Je crois qu'à la lumière du témoignage de Werth, on comprend beaucoup de choses : pourquoi on ne parle plus français au Vietnam, pourquoi dans les années 2000 ce pays n'a pas soutenu l'Algérie dans sa campagne pour poursuivre la France pour crime contre l'humanité (pourtant le FLN avait tenté des pourparlers à ce sujet avec Hanoï), pourquoi la culture vietnamienne est apparemment sans complexe à l'égard de l'Europe (mais alors on peut se demander : pourquoi celle du Japon en a-t-elle ?). Pourrait-on voir le témoignage de Werth une propédeutique à un "devenir-asiatique" de l'humanité dont l'actuelle globalisation serait aujourd'hui le vecteur ? Ce serait peut-être pousser le raisonnement trop loin, d'autant que l'Asie d'aujourd'hui est peut-être d'une culture moins pure, moins exempte d'occidentalisme (via le consumérisme) qu'elle ne l'était il y a cent ans. Je ne sais. En tout cas après avoir croisé le regard de Werth, tout en finesse sans pour autant verser dans la demi-mesure, on ne peut plus se sentir européen de la même manière qu'avant d'avoir ouvert son livre.
En public
Il se passe des choses curieuses en Béarn. Au lavoir qui fait face au château de Pau hier, sous un soleil de Toussaint, sur un banc parmi les platanes je vis un homme entièrement nu à vingt mètres de moi qui forniquait avec une femme allongée qu'on ne voyait pas bien, mais dont les jambes en l'air portaient encore des bas. Ce jardin public à 16h30 de l'après midi était pourtant ouvert à tous, plus loin un type urinait contre un mur. J'ai trouvé bien audacieux ce Cratès de l'époque moderne avec son Hipparchia, et me demande bien si cet étrange couple est coutumier de ces pratiques. PS : Voir aussi ceci.
PS : En novembre 2016 un scène semblable quoique plus vêtue a été signalée dans le métro de Barcelone par The Mirror. Idem en version naked sur la Costa Blanca en août 2015.