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Le blog de Frédéric Delorca

Débat intellectuel

30 Novembre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Michel Serres, dans des entretiens avec Bruno Latour, déplorait le climat de guerre civile qui a toujours soustendu le débat intellectuel français.

J'y songeais en lisant le passage d'un texte récent de Grégory Rzepski et Henri Maler sur Alain Finkielkraut et Serge Halimi. Ce texte et la version sonore des propos de Finkielkraut peuvent être consultés sur http://www.alterinfo.net/-Touche-pas-a-BHL-,-par-Ruquier-et-Finkielkraut_a14154.html.

Je crois avoir suffisamment lu, et même parfois fréquenté personnellement ,certains intellectuels parisiens depuis dix ans, pour pouvoir confirmer - et ce passage de Rzepski et Maler l'illustre - qu'en effet des moeurs belliqueuses animent ces intellectuels. Les "dominés", comme Halimi, refusent souvent de se rendre dans des émissions où ils savent qu'ils se retrouveront à 10 contre un (l'animateur étant généralement de mêche avec ses adversaires). Etonnamment, et symétriquement, les "dominants" s'en plaignent et se sentent eux-mêmes victimes d'une "terreur" bolchévique face à l'intransigeance de leurs opposants (un peu comme les partisans du "oui" au référendum sur le traité constitutionnel européen voyaient dans leurs adversaires des sortes de chevaliers de l'Apocalypse qui amèneraient en Europe la guerre et le chaos).

Je ne crois pas qu'il y ait dans ces comportements de la tartuferie ou de la vaine rhétorique. Chacun des deux camps semble vivre sincèrement dans la crainte de l'autre. Et chacun, c'est exact, se replie sur diverses formes de sectarisme. Les proches du Diplo, de l'Acrimed, de PLPL ont raison de dire que l' "élite" proche des grands médias évolue en cercle fermé. Les "dominants", quant à eux, n'ont pas tort de voir dans le Diplo, ou dans l'émission de Mermet, des sortes de citadelles, où l'on ne peut pénétrer qu'en donnant des gages d'allégeance extrêmement lourds, et qui n'acceptent pas facilement la contradiction en leur sein (nombre de mes proches, y compris des gens très à gauche, en ont fait l'amère expérience).

Faut-il se féliciter de ce qu'une guerre intellectuelle existe en France et fonctionne comme un miroir (parfois déformant) de la lutte des classes réelle nationale et mondiale ? Ou faut-il souhaiter quelque chose de mieux pour le débat d'idée ? Je vais oser une expression qui va scandaliser certains marxistes : les idées ont besoin d'autonomie, il faut à leur service refuser toute forme d'embrigadement. Le travail de l'intelligence a besoin de vérité, et, si la vérité ne peut se trouver sur le terrain de la compromission, elle ne peut pas non plus triompher sans esprit d'ouverture et de dialogue. Plus on diabolise l'autre, plus on limite ses chances d'accéder au réel et de pouvoir le penser dans toutes ses dimensions. Dans l'ordre du travail de réflexion, la confrontation de points de vue opposés loyale, sans insultes nu procès d'intention,  est nécessaire à l'affinement des connaissances, à la justesse des analyses.

Finkielkraut a raison de louer l'ouverture d'esprit de Castoriadis. La logique d'embrigadement qui ne cesse de prévaloir en France, du côté des dominants comme des dominés, est le meilleur moyen de ne jamais faire progresser l'intelligence de notre époque.

Comment dépasser ce blocage ?

J'ai fait l'apologie il y a peu du Dissident, parce que c'est un homme d'action, un homme qui joue. Il échappe de la sorte à la logique des mobilisations façon "Le Monde Diplomatique" qui ne servent qu'à valoriser de petites organisations sans prise réelle sur l'évoliution du monde. Mais l'action n'est pas la seule réponse. Il faut aussi repenser complètement la structure du champ intellectuel, peut-être la remettre en cause de fond en comble, ne plus vouloir être un intellectuel, pour retrouver un sens plus profond de la discussion et de l'intelligence.

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