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Le blog de Frédéric Delorca

Orania et la condition des petits blancs

12 Août 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Je voyais hier un reportage télévisé sur une communauté d'Afrikaneer en Afrique du Sud qui refuse le mélange avec les Noirs : Orania. J'avoue que son existence m'avait échappé, à ma grande honte car des médias, de gauche notamment comme L'Humanité, s'y sont intéressés. Participent à cette communauté pas mal de gens qui se sont sentis victimes de comportements de la majorité noire (le reportage parlait d'un type dont la femme et le fils ont été tués par des Noirs). On sait que les violences anti-Afrikaneer sont fréquentes dans ce pays - voir l'oeuvre de Coetzee à ce sujet. Les Afrikaneer ont gardé le pouvoir économique et paient ce privilège en subissant des violences.

Orania est intéressante, comme tous les mouvements de petits blancs (comme, aussi, les colonies sionistes en Cisjordanie) parce qu'à la fois elle s'oppose au mélange racial ("nous sommes tous blancs parce que tous les Afrikaneers sont blancs et que nous voulons rester entre Afrikaneers, il y a des tas de communautés noires similaires à Orania et personne n'y trouve à redire" disait un Blanc dans le reportage), et, en même temps, elle justifie sa légitimité par un refus de l'exploitation de l'homme par l'homme (on peut peut-être parler d'une refondation "socialiste" de l'identité afrikaneer) et un retour aux valeurs fondatrices des Boers : le travail de chacun, le dévouement à la collectivité. Le sionisme aussi fut un projet à la fois raciste et socialiste. Les Afrikaneer d'Orania affirment avec force que l'Apartheid fut une erreur parce qu'il exploitait sur un mode colonialiste les Noirs. Eux ne veulent plus tirer leur richesse que d'eux-mêmes. Ils ont une légitimité historique à tenir ce discours, car on ne peut oublier qu'ils sont la seule communauté blanche d'Afrique à pouvoir revendiquer une occupation des terres aussi ancienne que les Bantous, et à avoir souffert du colonialisme (anglais) autant que les Noirs.

Humainement on ne peut pas traiter par le mépris ou la haine le sort de ces petits-blancs, même si leur choix est évidemment contraire à l'idéal universaliste de bon entente interculturelle qu'il faut favoriser au niveau international. C'est comme au Kosovo, en Bosnie : quand les gens ne peuvent plus vivre ensemble, quand leurs souffrances sont grandes pour cela, on ne peut pas d'emblée les considérer avec des idées toutes faites.

 

Le choix des Afrikaneer d'Orania pose la question du sort de ce petit prolétariat de culture occidentale qui peut être aussi bien socialiste que d'extrême-droite, et dont le programme de choc des civilisations conçu par les élites peut facilement instrumentaliser le rôle. Que faire d'eux ? que leur dire ? Je discutais encore il y a peu avec une responsable arabe d'un mouvement d'immigrés qui me disait : "Nous devons aussi nous occuper du chauffeur d'autobus ou du contrôleur de train pris à partie par des Arabes ou des Noirs qui le traitent de raciste parce qu'il veut vérifier leur ticket, parce que celui-là personne ne l'aidera, et certainement pas les tenants du discours universaliste des beaux quartiers". Elle n'a pas dit "le petit-blanc qui conduit l'autobus", mais c'est bien ce que cela voulait dire. Qui cherche des réponses aux questions que pose sa situation ?


FD

PS : à part ça, puisque tout le monde s'excite autour de Clothilde Reiss comme naguère autour de Bête-en-cour, plutôt que pour faire libérer Salah Hamouri citoyen français prisonnier à Jérusalem, une petite chanson en souvenir des victimes de nos alliés.



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