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Le blog de Frédéric Delorca

"Histoire philosophique et politique des deux Indes" (I)

17 Août 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Dans une démonstration sur le fait que le rationalisme des Lumières n'a rien à se reprocher quant au colonialisme, le lecteur de ce site "Etienne Diderot" a attiré mon attention sur l'ouvrage "Histoire philosophique et politique des deux Indes", best seller de la France pré-révolutionnaire (1772 pour la première édition). Je me propose de faire prochainement un petit commentaire de la version "synthétique" de cet ouvrage collectif apparemment complexe, baroque, et souvent contradictoire, telle que nous la présentent les éditions La Découverte (après un gros élagage sembe-t-il).

Avant d'en venir au contenu même du livre j'observe que le préfacier note que l'Histoire philosophique "propose des réformes pour les colonies certes - et, à cet égard, elle ne va pas plus loin que les agents les plus lucide du ministère de la Marine" (p. 10) ce qui tend à prouver que ce livre n'est pas une preuve de la non-compromission des Lumières avec le colonialisme, mais plutôt que les Lumières étaient au colonialisme ce qu'Obama est à l'impérialisme étatsunien. Au passage je remercie Gilles pour sa remarque sur les libéraux. Les libéraux européens au 19 ème siècle ont souvent développé des analyses critiques intéressantes contre l'impérialisme, parce qu'ils en détestaient le versant étatique et le trouvaient trop cher pour les finances bourgeoises. JA Hobson, Lénine et Luxembourg leur doivent beaucoup.

 

Mon commentaire très prochainement donc.

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NB : ce billet est le 500 ème depuis la naissance de ce blog

NB 2 : Une amie historiene me disait hier : "Bien évidemment que les Lumières ont favorisé le colonialisme, avec leur vision du progrès linéaire que l'homme blanc peut apporter aux 'peuples enfants', aux 'bons sauvages'. Cette influence indirecte sur le colonialisme est claire, tu n'avais même pas à t'embarquer dans un débat sur la question de savoir si Ferry se référait à Condorcet ou nom quand il colonisait l'Afrique. La responsablité de leur vision dans le processus colonial est si évidente "

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D
A Frédéric Delorca :Seule la version de la première édition de l'Histoire des deux Indes est modérée. Les éditions suivantes, plus abouties, sont clairement abolitionnistes. Donc, le parallèle avec Obama me semble mal fondé (d'autant plus qu'Obama est au pouvoir, tandis que les auteurs de l'ouvrage sont de simples citoyens tentant d'influer le pouvoir).Question : qui sont les anglomanes libéraux dont tu parles, et font-ils partie des Lumières ?.À Artémisia :Adhérez vous au discours de l'auteur que vous citez ? Si oui, je dois avouer que je suis pour le moins étonné, car la première phrase me semble ironique ; l'auteur semble vouloir dire "regardez cette manie du dénigrement des Lumières que l'on trouve dans bon nombre d'études poscoloniales" — or, vos précédents propos, tels que les rapporte Frédéric Delorca, ressemblent fort à du dénigrement. Ironiquement, la deuxième phrase de Cooper me semble typique de cette habitude de dénigrement des Lumières que l'on rencontre dans certains milieux intellectuels depuis Lyotard. La stratégie consiste à amalgamer "Lumières" et "défense de l'Occident version Huntington". Condorcet (cf. mes précédents commentaires, où je cite des passages significativement anti-colonialistes de cet auteur) aurait sans aucun doute dénoncé cette récupération des Lumières par les néo-cons/néo-colons. De même, Diderot. De même, Raynal. Aujourd'hui, lorsque je regarde ceux qui n'ont pas peur de se réclamer enfants des Lumières, je vois un Jean Bricmont militant contre l'Impérialisme humanitaire, un René Pommier s'opposant à la guerre d'Algérie, un Jean-Paul Gouteux pointant les responsabilités françaises dans le génocide rwandais. Je ne connais pas un seul partisan des Lumières qui soutienne ce genre de guerre. Je vous défie de m'en trouver un seul.Ceci dit, je ne suis pas opposé à un bilan critique des Lumières ; c'est en voyant les limites de nos prédécesseurs que nous pouvons progresser. Seulement, à chaque fois que je lis une remise en cause des de ce mouvement philosophique, cela repose sur de fausses accusations.Cordialement,Etienne Diderot
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F
<br /> Il est d'usage de faire partir la tradition du courant des anglomanes à Voltaire (voir par exemple en y incluant celui-ci - voir par exemple Buruma cité sur http://www.les4verites.com/Bienvenue-dans-le-XXIe-siecle-2121.html)<br /> <br /> Je vais ajouter encore un billet sur le thème de la responsabilité des Lumières dans le colonialisme à partir de Couderc-Morandeau qui est une chercheuse pas très brillante (son livre est assez<br /> médiocre, et chercheuse "pas brillante" est souvent un pléonasme), mais sans parti pris réactionnaire.<br /> <br /> Je tiens à rappeler (notamment à l'intention de Catherine Lieutenant) que, personnellement, je tiens surtout à la pertinence de l'analyse. Et s'il arrive que sur tel point ou tel autre mon analyse<br /> rejoigne celle d'un courant réactionnaire, cet argument ne suffit pas, à mes yeux, à démontrer son absence de pertinence.<br /> <br /> <br />
A
Dear Diderot, Apologies for writing in English. This is the historians who said "stupid things" to Delorca about the Enlightenment and Colonialism. Since I do post-colonial French history, my position on this issues comes from that perspective. Of course my perspective is not absolute. "Bashing the Enlightenment and criticizing modernity have become favorite activities within colonial and postcolonial studies. Such positioning has been answered by a defense of modernity and Enlightenment against the barbarians at the gates who threaten the universal principles on which democratic societies are based. Debate at such levels of abstraction is unedifying, not least because both sides are content to treat Enlightenment rationality as an icon separated from its historical significance. There is a delicious irony here, for Europeans become the "people without history," a notion once reserved for the colonized. Both sides are content to let unchanging and unmediated images of reason, liberalism, and universality stand in for a much more convoluted trajectory, in which the status and the meaning of such concepts were very much in question. The not-so-delicious irony is that the critique of modernity aimed at destabilizing a smug, Europe-centered narrative of progress has ended up preserving this category as a defining characteristic of European history to which all others must respond. Only a more precise historical practice will get us out of the involuted framing of such a debate." (From Frederick Cooper, "Colonialism in Question" 2005, University of California Press) 
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D
Ton amie historienne dit une grosse bêtise : pour les Lumières, le "bon sauvage" constitue justement un modèle dont il faut s'inspirer. Quant à cette histoire de "progrès linéaire", il s'agit d'une caricature simpliste entretenue par les adversaires des Lumières (les Lumières ne sont pas hégéliens).Enfin, même si les éditions de la Découverte sont sympas, je me méfie des versions abrégées. Mieux vaut lire en diagonale plutôt que de lire une version tronquée, surtout lorsque l'ouvrage initial est bigarré (rien à voir avec le comique).
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F
<br /> Montaigne (grand inspirateur des Lumières puis de l'école républicaine) qui disait le premier que les Indiens étaient un peuple enfant. Bien sûr il questionnait notre droit à les "civiliser". Mais<br /> évidemment devant des enfants il y a toujours deux possibilités : soit on les laisse s'exprimer à leur guise, soit on les plie à notre règle. J'ai l'impression que dans les Lumières, il y a<br /> deux écoles sur la question coloniale : celle de Rousseau, et celle des anglomanes libéraux (voltairiens). Un clivage qui recoupe peut être celui de la Gironde (bourgeoisie d'affaire esclavagiste)<br /> contre la Montagne sur la question de la guerre impérialiste droite de l'hommiste pendant la Révolution française. Mais quand même l'hypothèse des "peuples enfants" est quand même un vice dès le<br /> départ (vice très humain, je le concède : les Chinois avaient sur les peuples à demi-nus d'Indochine le même regard que nos navigateurs sur les Tahïtiens) et je ne suis pas sûr qu'on puisse tout<br /> mettre sur le dos de Hegel ... D'accord avec toi sur les éditions tronquées : une oeuvre touffue et disparate  a des raisons de l'être, on n'a pas à y mettre de l'ordre a posteriori.<br /> <br /> <br />
C
Cher Frédéric,Je profite de l'occasion pour vous signaler un article, resté intraduit jusqu'à ce jour, auquel j'avais commencé à répondre un peu vertement parce qu'il m'a plutôt agacée. Le voici :http://informationclearinghouse.info/article23177.htmIl s'agit du papier d'un philosophe arabo-anglais, Ziauddin Sardar, introduit et commenté par Gilad Atzmon : The Erasure of Islam. Et il semble bien que les Lumières soient devenues, pour ces messieurs, le dernier bouc-émissaire à la mode. Si Hitler s'est jeté sur tout ce qui bougeait en Europe et si les Sionistes colonisent la Palestine depuis soixante ans, c'est la faute aux Lumières. Et il est bien certain que c'est dans la lecture de Voltaire, de Goethe (et de Pascal !!) que George W a pris l'idée d'envahir l'Irak et d'y faire pas loin de deux millions de morts. Pour Atzmon, l'anthropocentrisme, qui est effectivement une sale maladie infantile de l'humanité, c'est la faute aux Lumières. (Car l'Islam, pour ne citer que lui, n'est pas anthropocentriste).Bref, j'ai vu un peu rouge et puis je me suis dit à quoi bon laissons tomber. Mais il est certain que la colonisation d'une grande partie de l'Europe pendant des siècles par les Sarrazins, c'est anticipativement encore un crime des Lumières, et que Pascal (homme des Lumières s'il en fut) a eu grand tort de ne pas dire que du bien du prophète entre deux sièges de Vienne.Si tous ceux qui se lancent aujourd'hui sur ce gadget comme une meute de chiens affamés sur un os voulaient bien, d'abord, nous dire ce qu'ils entendent par là (qui ? où ? quand ?), on serait déjà moins dans la mélasse.Si tous ceux qui amalgament colonialisme et Lumières voulaient bien nous dire qui représente à leurs yeux ces fameuses Lumières : Condorcet ou Marat ? Bonaparte ou Toussaint Louverture ? on pourrait commencer à trier dans les c.....ies.J'attends avec grand intérêt vos commentaires sur l'Histoire des Deux Indes.
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