Facebook und Zeit
12 Août 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes
Sur le q numéro 8 de la g de C en A hier, m rév a s d'une n d s, je lus ceci sur mon téléphone portable dans mes mails reçus sur Facebook :
"Bonjour, Nous ne sous connaissons pas mais vous devez vous rappeller de ma grande soeur avec qui vous étiez en classe de terminale à Louis Barthou : Sophie R.
Lorsqu'elle m'a surprise un soir sur Facebook, elle m'a demandé de faire la recherche de 2 ou 3 noms. Vous étiez le premier et elle avait l'air tellement émue d'avoir quelques nouvelles que face à son refus de créer son profil pour vous contacter, j'ai décidé de faire le lien secrètement.
Certaine qu'elle ne m'en voudra pas, je viens ici vous communiquer son adresse e-mail perso : sophie-@-.fr
Voili voilou.
Bonnes retrouvailles !"
Etrange coïncidence. J'étais venu chercher en vain à C des voies de bifurcation dans mon exploration de l'avenir et me trouvais au petit matin rattrappé par un passé très lointain. Cette fille moi aussi j'avais recherché son nom une ou deux fois, ici ou là sur Internet. Comme elle j'avais cédé à la tentation du "retour vers le passé" que les nouveaux sites de rencontres offrent aux quadragénaires de notre génération. Nous avions été proches l'un de l'autre au lycée, sans pour autant "sortir ensemble", ce qui explique peut-être que je fusse démeuré haut placé dans son estime. J'avais, un jour, à son insu, placé dans un coffret un de ses longs cheveux blonds tombés subrepticements sur mon blouson. On a à dix-sept ans de ces délicatesses fétichistes que l'on perd par la suite.
Ce qui m'a surpris dans ce mail c'est le "tellement émue". Figure de style imposée comme le vocabulaire conventionnel de la République des Pyrénées quand elle rend compte d'une fête villageoise ("un feu d'artifice a clôturé comme il se doit les joyeuses agapes"), expression d'un fraîcheur affective gasconne dont nous avons perdu le goût au nord de la Loire ? Quelle est le statut de l'émotion provoquée par le surgissement du passé dans le présent, du mort dans le vif ? Il y a plus, pour nous, que ces retrouvailles d'anciens camarades de régiment sur le quai d'une gare qui étaient le lot occasionnel des générations antérieures. Facebook promet aujourd'hui à tout un chacun de "ne plus jamais quitter" les êtres qui ont croisé son horizon. Pour les jeunes générations, cela signifie que les ruptures n'auront lieu que pour autant qu'ils cliqueront sur "remove from friends", encore cette action n'est-elle jamais irréversible. Pour le reste pendant toute leur existence, où qu'ils soient, toutes leurs rencontres resteront dans leur horizon à portée de clic de souris comme dans un grand supermarché virtuel. Il n'y aura même plus l' "émotion" de cet effet "retrouvailles".
Pour nous demeure encore cette sensation étrange, étourdissante, qui, à la différence de la rencontre occasionnelle du camarade de régiment, se double d'un effet "on ne se quitte plus".
Sauf que la retrouvaille enjambe un vide de vingt années. Un vide durant lequel les visages se sont ridés, les accents ont changé, et des tas de choses se sont passées qui ne font qu'accuser un triste constat : le temps n'a épargné personne, et tout meurt inexorablement en nous et hors de nous, trop de choses déjà sont mortes. Quand la fille évoque dans son mail le "refus de créer son profil", elle désigne peut-être un saint effroi, confus, plus ou moins inconscient, devant le risque d'affronter la conscience de cette mort qu'implique toute retrouvaille, autant que l'effet "on ne se quitte plus dans le supermarché virtuel" que propose la technologie. Pauvre humanité. Et pauvre génération, la mienne, génération de transition qui cumule à la fois, à de nombreuses occasions, les dures prises de conscience des vingt ans de séparation avec les gens retrouvés sur Internet, et l'entrée dans une vie où le "on ne se quitte plus" qui sera la règle dorénavant. Les plus jeunes, eux, n'auront que le second effet. Leur conscience du temps qui passe s'en trouvera peut-être altérée. En même temps, on voit à quel prix sera pour eux le déni du temps qui passe : virtualisation de tous les rapports, conservation des traces des rencontres dans les fichiers comme si la vie n'était qu'une longue séquence d'archivage - nous sommes tous des stocks de données, et nous ne sommes que ça. Un déni du temps aux inconvénients aussi lourds que les liftings. Chassez le tragique, il revient au galop.
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