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Prendre soin de sa langue et de son savoir
Dans "Quand l'Europe parlait français", Fumaroli explique que le français du duc de Saint-Simon, comme celui de Frédérique-Sophie Wilhelmine, margravine de Bayreuth, est moins marqué par l'apprentissage de la version latine que celui des écrivains professionnels de leur temps. Ma lecture de Saint-Simon est trop ancienne et mon commerce avec les écrivains classiques trop sommaire pour que je puisse apprécier le bien-fondé de cette remarque. Toutefois, il transparaît dans ce propos l'importance du soin que l'on accorde au langage, lequel oriente (c'est une évidence, mais rappelons le quand même) son style de perception, ses idées, sa sensibilité.
Moi-même qui écris fort mal, toujours à la hâte, et sans l'énergie suffisante pour retravailler mon style, je tente de ne pas perdre cela complètement de vue, et même, je m'accroche à cette idée comme à ma dernière chance de ne pas finir complètement avalé par la médiocrité ambiante (ce qui suppose un combat quotidien). Et cela concerne aussi bien le langage que le savoir et la culture.
Cela ne fait pas partie des valeurs des gens de la génération de Serge July. La génération 68. Un ami cinéphile m'envoyait il y a peu cette vidéo d'un de ses représentants, un certain Vincent Nordon dont j'ignorais l'existence jusqu'alors. Interview amusante par son refus d'entrer dans le 21ème siècle, mais lassante par sa désinvolture adolescente.
J'apprécie chez ce Nordon le côté cinéphile érudit qui ne joue pas les importants (à la différence du Zagdanski dont il parle dans cette interview et dont je découvre les videos sur You Tube, une véritable bête de scène de la TV). Mais la désinvolture fatigue : ce côté éternels ados qui ne soignent pas les formes, et n'ont pas beaucoup de fond culturel non plus, à part leur connaissance du cinoche, ces mômes sexa-(ou septua-) génaires qui parlent entre eux comme au bistrot devant la caméra (on a l'impression de les déranger en regardant leurs vidéos). Dans une de ses interviews Nordon regrette que son père ne l'ait pas poussé à lire les auteurs latins, et dans son dialogue avec Zagdanski sur la littérature sur You Tube, Godard reconnait qu'il n'a presque rien lu (notamment de Shakespeare, bien qu'il ait fait un film dessus) et qu'il se borne à proposer des trucs comme il fait avec son plombier "sans savoir comment marche le radiateur".
Cette inculture est ce qui exaspérait de vieux réacs comme Morand dont je lis parfois le journal de 1970. Elle est plus sympathique que celle de nos ténors télégéniques à la Onfray, mais ce sont quand même des facilités d'enfants gâtés. Ces gens faisaient semblant d'avoir lu Shakespeare, nos créateurs et journalistes contemporains, eux (les moins de 50 ans) ne lisent que des dépêches d'agences de presse ou leurs équivalents littéraires (du Houellebecq). Nous devons revenir à "un petit peu plus de travail", sur le fond et sur la forme...
"Ce qu'on ne peut dire il faut le taire"
"Ce qu'on ne peut dire il faut le taire", disait Wittgenstein. Un pays où "Le Monde" et "Libération" sont des journaux autorisés (je ne dis même pas des journaux "officiels" et subventionnés comme ils le sont en France aujourd'hui) ne mérite pas d'être appelé une démocratie. Cette presse de caniveau, hargneuse, dogmatique, menteuse, donneuse de leçons, est une insulte permanente à la moralité publique, à la décence et à l'intelligence. Un pays comme celui-là est un pays qui ne MERITE pas qu'on lui parle, qui ne mérite pas qu'on y fasse usage de sa liberté d'expression. Gardez votre Internet, vos journaux, vos blogs, votre novlang à la con. A chaque coins de rue, chaque jour, je vois s'installer l'abrutissement collectif, et une morale de vieille dame sénile envahir le vocabulaire commun partout, des prétoires des tribunaux aux cabinets des "thérapeutes herboristes", coachs, artistes et conseillers en croyance, hédonisme et longévité de tout poil. Ce pays-là dans ce monde-là ne mérite plus qu'on y fasse usage d'aucune forme de langage. Le silence est la seule réponse possible à sa stupidité mortifère.
Best sellers
Beaucoup de gens sont affligés de voir Trierweiler et Zemmour caracoler en tête des ventes de livres. Dans les années 1980 "La médecine par les plantes "de Rika Zaraï et "La valise en carton" de Linda de Zouza occupaient le sommet des palmarès et personne ne trouvait cela anormal.
C'est qu'à l'époque tout le monde considérait comme naturel que le "grand public" lise n'importe quoi. Cela ne choquait pas. De même qu'on n'avait guère pitié des cancres assis à côté du radiateur. L'indignation devant les goûts littéraires de nos contemporains est peut-être un signe d'homogénéisation sociale et de progrès sur le chemin de l'altruisme, qui sait ? A moins que ce ne soit juste un symptôme supplémentaire de "l'indignationnite" ou "syndrôme de feu-Stephane Hessel", qui cherche simplement à cultiver une petite atmosphère pessimiste "cosy"...
Cheminons
Nous savons tous qu'il y a des gens violents, des gens qui rient quand ils en voient d'autres tomber par terre. Ce blog est un moyen de construire un monde ou des mondes loin de ces gens là (mon nouveau système de filtrage des commentaires, entre autres, devrait y contribuer). Il y a peut-être un paradoxe à vouloir encore parler de guerres et formuler des critiques politiques en prétendant se situer au delà de la violence. Je crois cela possible cependant, en se bornant à tenir le propos politique au dessus de la basse polémique, en ne le plaçant que sur un horizon positif, constructif. La radicalité ne doit pas se formuler "contre" mais "pour". Le "contre" est toujours faible.De toute façon, je crois que je parlerai aussi de moins en moins de politique et de relations internationales, beaucoup de choses étant déjà dans mes livres là dessus (je me bornerai à orienter les internautes vers leur lecture).
J'ai terminé ma contribution à l'ouvrage l'Ukraine cette semaine. Je n'ai plus de texte de commande en souffrance, ni de manuscrit à écrire (trois sont devant les comités de lecture des éditeurs), et puis donc plus librement désormais cultiver mon imaginaire, sans plus avoir aucune dette à l'égard de personne.
Avez vous vu ce documentaire hier sur Arte concernant ces bushmen namibiens mobilisés pour interpréter les traces de nos grottes préhistoriques ariégeoises ? La façon dont pour eux la nature est une bibliothèque a quelque chose de fascinant. Deleuze parlait du rapport à la trace et à l'animalité. Ils ont vécu dans un univers de signes paysagers, nous avons vécu dans un monde de signes linguistiques. Vers quel monde nous même nous dirigeons nous qui pourrait garder quelque chose de ces deux univers, tout en en produisant un autre, en faisant signe d'autre chose ?
Ecrire à l'instinct
Je retourne dans ma tête les raisons pour lesquelles mon article sur le stoïcisme a été refusé par le Monde Diplomatique. Elles sont sans doute voisines de celles pour lesquelles je n'ai pas fait "carrière" au Centre de sociologie européenne il y a dix ans. Quand j'étais passé dans les locaux de ce journal, il y a un an, j'avais bien vu qu'ils attendaient surtout de moi que j'écrive sur la sociologie des institutions - toujours cette obsession de vous enfermer dans la case étroite d'une "spécialité" qui n'inquiète surtout personne, donne l'impression à celui qui vous lit d'acquérir un savoir "positif" sur un sujet donné surtout sans remettre en cause ses catégories de pensée.
Oui, je sais, pour acquérir une légitimité pour écrire "au dessus" de la case "spécialiste", il aurait fallu que je compose un livre de philosophie sur ce fameux néo-stoïcisme (je veux dire un livre plus philosophique de "Eloge de la liberté sexuelle stoïcienne") et non pas seulement l'écrire, mais mener des stratégies compliquées pour le placer chez un grand éditeur, ce qui supposait (sans garantie de succès d'ailleurs), d'écrire un livre plus "fun" dans un premier temps, comme la nana qui prostitua son écriture dans un livre polémique contre la procréation ("No kids") ou que sais-je encore, bref, comme me l'avait écrit un éditeur en 2012 "faire sanglant".
Mais non désolé, je ne suis pas fait de ce bois là. Deux, trois ans à accepter de jouer les spécialistes ou les putes, sans d'ailleurs la moindre garantie d'être mieux compris ou mieux accepté in fine, ce n'est pas mon truc. Rien à faire, je ne suis pas une Pénélope. Il convient de se faire à l'idée que, dans le monde actuel, si l'on veut que sa pensée continue d'avancer et ne se corrompe pas dans l'attente d'une vaine reconnaissance, il faut vraiment n'écrire pour personne. Comment Nietzsche disait-il cela déjà ? "Un livre pour tout le monde et pour personne" ? Etait-ce lui qui disait cela d'ailleurs. Anyway. L'idée est bien celle-là.
J'envoie en ce moment deux livres de témoignages à des éditeurs, je gratte, comme on m'a demandé de le faire (pardon, on ne gratte pas sur un clavier, mais cette image héritée de l'époque du stylo me plait) 45 000 signes pour un ligne collectif sur l'Ukraine chez l'Harmattan. Renoncement dans l'action, je n'en attends rien. Mais j'avance. Je reste moi-même. Là je commence à écrire aussi une critique pour Parutions.com d'un livre sur la féminité, et comptez sur moi pour le descendre en flamme.
Les gens comprendront-ils ma vision d'ensemble des choses, moi qui n'aurai finalement jamais eu le temps de l'expliciter dans un ouvrage complet ? Je ne sais pas. Et, après tout, peu importe. Je suis au seuil de la vieillesse, et n'ai plus rien à gagner à tenter de saisir les raisons pour lesquelles je suis compris ou ne le suis pas. Il faut fonctionner "à l'instinct" comme dirait l'autre. Et mon instinct continue de me dire que j'ai eu raison de ne pas passer de compromis avec le Diplo...
Négation de la négation
Un spécialiste de la mémoire cellulaire me disait tantôt : "Vous devriez rompre tout échange avec les gens qui nient votre existence, sans quoi vous les encouragez à vous nier, si cette négation fait partie de leur fonctionnement.
Moi : "- Mais faire cela supposerait que je fasse passer ma propre logique, ou mon propre intérêt avant le leur. Or ma vocation de sociologue et d'ethnologue m'a toujours poussé à faire passer la logique des autres avant la mienne, de la valoriser avant de valoriser la mienne. J'ai une passion pour l'altérité."
Selon lui, si mes ouvrages sont méconnus, si même les travaux collectifs que je fédère restent dans l'ombre, c'est que j'émets peut-être au niveau vibratoire des ondes qui donnent envie aux autres de m'oublier ou de me mépriser, ou m'attirent la compagnie de gens enclins à m'oublier, tout comme une personne violente attire à elle des gens violents. Et, quelle que soit la colère que cet état de fait m'inspire a postériori, il n'y a peut-être rien à y faire. En tout cas cette propension à me faire oublier expliquerait mon goût pour les pays oubliés ou non reconnus (comme la Transnistrie ou les "Républiques" des insurgés ukrainiens), ou pour les gens dont la vie ou le potentiel sont bafoués... Un goût qui est bien sûr oublié par tout le monde (y compris par les gens auxquels je me suis intéressé) dès que je le manifeste...
Etrange malédiction, vous avouerez.
Tracker (suite)
Un blogueur me disait hier : "Tu devrais supprimer le tracker de ton blog. Il vaut mieux ne pas chercher à savoir qui te lit. Moi, j'ai supprimé le mien l'an dernier quand j'ai découvert en utilisant ce logiciel que mon 'ex', qui m'a quitté il y a cinq ans, continue de se connecter à mon blog tous les soirs avant de se coucher, et tous les matins quand elle se lève. Il y avait les énergies qui connectaient les gens à distance, maintenant ce sont les sites Internet, les trackers etc."
"On ne meurt jamais vraiment" disait l'employée de la pharmacie dans "Corps à coeur" de Vecchiali... Une de mes amies continue de regarder la page de Facebook ou de LinkedIn du type qui l'a plaquée il y a deux ans. Elle interprète chaque quart de dixième de signe qui peut lui laisser croire qu'il pense à elle. Suivant Deepak Chopra sans le savoir, elle voudrait bien que ses prières réalisent des miracles, et que le petit signe, sur telle ou telle ligne de la page LinkedIn se "métamorphose" (je pense aux Métamorphoses d'Ovide, et à la course d'Atalante) en retrouvailles étincelantes... un jour...
La condition humaine est touchante quand même...
Tracker (pour info)
Je me permets de rappeler à mes aimables lecteurs qu'un "tracker" incorporé à ce blog me permet d'en géolocaliser un tiers des visiteurs. Autrement dit sur trois ordinateurs qui se connectent à ce blog, mon tracker connaîtra l'adresse IP et la localisation géographique d'un d'entre eux. Cela ne veut pas dire que si vous vous connectez trois fois dans la journée, le tracker vous repèrera une seule fois. Cela veut dire que si votre adresse IP fait partie du quantum de 33 % que le tracker reconnaît, il la reconnaîtra à chacune de vos connexions (que vous veniez me lire une fois par semaine ou sept fois par jours comme cela arrive à certains). Je ne fais bien sûr rien de vos adresses IP, et ne regarde de temps en temps les géolocalisations que pour évaluer un peu la "cartographie" de mon réseau de lecteurs. La géolocalisation est souvent approximative (par exemple quand je me connecte depuis les Pyrénées-Atlantiques, mon tracker me localise souvent dans une commune des Landes !), mais parfois elle tombe juste. Donc vous voyez cela n'a rien d'un "flicage précis". Je tenais quand même à en informer les lecteurs, qui doivent aussi savoir que la pratique est fréquente chez les blogueurs (par exemple mon ami Ed** a cela aussi sur son blog).
Je vous laisse deviner si votre ordinateur fait partie des 33 % que mon tracker repère, et si la géolocalisation effectuée est pertinente en ce qui vous concerne.