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Eloge du bricolage
Deux éditeurs pourtant ouverts à mes idées très minoritaires, les Editions du Cygne et les Arènes, ont refusé mon dernier manuscrit provisoirement intitulé "Politiquement incorrect" pour de pures raisons de positionnement commercial - ce n'est pas assez "vendable". La même mésaventure m'était arrivée avec "Douze ans". Lecteurs prenez le pouvoir, écrivez sur leurs sites Internet pour dire que vous n'êtes pas d'accord avec cette censure par l'argent !
Mais bon allez, voyons le bon côté des choses : les censures d'éditeurs me situent différemment dans l'espace social. Elles font de moi un auteur mineur voué à "Edilivres", donc un auteur sans public, dont le blog est la seule tribune légitime. Cela m'encourage à laisser tomber les grands sujets politiques et à m'en tenir à du petit bricolage sur des billets historiques ou philosophiques comme ceux que je ponds depuis quelques semaines. Bref, comme beaucoup, je vais cultiver une vision épicurienne (dans la dimension "retrait du monde") et onaniste (le mot n'est pas de moi mais de Cristina Kirshner) de l'exercice de la pensée.
De toute façon la politique roule pour ainsi dire toute seule et je ne peux l'influencer. Sur l'ingérence occidentale par exemple quand je vois que même un idiot fini comme David Rieff qui avait soutenu l'intervention de l'OTAN en Bosnie et au Kosovo finit quand même par trouver (dans le magazine Books de ce mois-ci) qu'en Libye l'hypocrisie se voit trop et fait tâche, et qu'un autre sot Michel Rocard met en garde contre un alignement trop visible sur les Anglosaxons dans une guerre avec l'Iran qui pourrait impliquer la Chine (et provoquer des millions de morts), je me dis qu'il finira bien par y avoir quelque forme de lucidité quelque part. Ou alors ce sera juste que les gens sont vraiment trop cons, et alors, dans ce cas, mieux vaut laisser les tristes sires à leur triste sort... Sur l'écologie c'est la même chose. Et sur l'Europe. Les gens finiront par voir, ou ne verront jamais, indépendamment du grain de sel que je puis apporter. Moi, avec 15 ans d'écriture dans l'espace public, j'ai assez donné.
Le poids des héritages religieux
Lorsque j'aborde l'actualité, les grands sujets de société ou même l'histoire, j'essaie de le faire en des termes aussi peu religieux que possible.
C'est pourquoi notamment j'évite de parler trop souvent de la Palestine qui était un thème anticolonialiste dans les années 70, peut-être pas tout-à-fait "comme les autres" dans les années 1970 mais qui est aujourd'hui porté sur un mode très malsain par des pulsions philosémites ou antisémites directement liés aux héritages du monothéisme. Or il y a tant d'autres sujets d'injustice que la Palestine dans le monde ! J'en parle peu, sans que cela signifie que je m'en désintéresse puisque j'ai toujours milité pour le droit des Palestiniens à avoir un Etat viable (non encerclé par des colonies).
Penser sur un mode a-religieux n'implique pas que l'on méprise les religions ni les croyants, au contraire (car le mépris des religions procède souvent d'un réflexe de fuite lui-même lié à des héritages réligieux mal assumés). Il s'agit juste de penser leurs croyances dans la globalité de tout ce à quoi l'humanité a pu adhérer, y déceler des "schèmes" pour parler comme Kant qui participent de mécanismes de la psyché humaine depuis 200 000 ans. C'est dans cet esprit par exemple que je me suis penché sur la réforme protestante en Europe eu XVIe siècle, ou pourrais me pencher demain sur la réforme politico-religieuse du Bahrein au Xe siècle si quelqu'un me mettait entre les mains un livre intéressant là-dessus.
Mais on ne tient cette ligne a-religieuse qu'en assumant parfaitement ses propres héritages comme ceux du monde où l'on vit. C'est pourquoi par exemple j'ai souvent évoqué mon enfance catholique dans les années 1970.
On ne peut pas nier ce que le passé religieux imprime dans la tournure de pensée. Par exemple je pense que ma très forte sensibilité à l'écoulement du temps et à la mort des univers (intérieurs) que nous portons en nous aussi bien que de ceux (extérieurs) dans lesquels nous baignons s'est sans doute forgée en interaction avec (sinon sous l'influence de) la religion catholique de mon absence. Et je la revendique comme une partie intégrante de mon esthétique existentielle (en employant ces mots, je songe à une phrase d'un commentateur d'Anatole France selon laquelle l'écrivain reprochait aux Américains d'avoir un idéal moral mais pas d'idéal esthétique, j'y reviendrai peut-être un jour).
De ce point de vue-là, je vois bien que mon a-religiosité diffère de celle de beaucoup de gens de notre époque qui, eux, sont complètement absorbés par le "faire", la préoccupation, les agendas, et de ce fait considèrent la contemplation (au sens aristotélicien de la théoria) du temps, comme un élément accessoire de leur vie, qui ne les concerne qu'accidentellement lors de la mort d'amis ou de parents, lors des anniversaires, et dont il faut se débarrasser parce qu'il faut toujours être "résilient". Ceux-là pour qui il faut avant tout "fonctionner", et pour lesquelles les abstractions comme "l'instant" (toujours fugace), l' "absolu" (toujours vague) etc doivent être bannis de la vie, me semblent plus proche de la machine (je ne dis même pas de l'animal) et il est clair que la symbiose avec la machine est l'horizon de notre civilisation (voir Le Breton et Andrieu là dessus), ce qui n'est pas du tout ma tasse de thé.
Je me demande si, de fait, cette évolution de l'a-religiosité vers le purement mécanique ne va pas progressivement me reléguer vers le christianisme plus que je l'eusse voulu, dans la mesure où mes interrogations sur le temps, la paix, le devoir, etc ne seront peut-être bientôt plus intelligibles que par les gens qui auront eu une éducation chrétienne. Si tel était le cas, je le vivrais comme une perte car ma formation (à l'école laïque, elle) m'a enclin à considérer l'espace de l'écriture comme tourné vers l'universalité, y compris quand j'y exprimais les choses les plus intimes. La "République des Lettres" n'a pas de frontière mentale. Mais peut-être finirai-je, moi-même, comme tant d'autres, par être communautarisé, par la force même d'une évolution générale de la société autour de moi dont je ne pourrai plus tout adopter les valeurs. Frédéric Delorca finira-t-il par être publié par les éditions du Cerf comme Christian Arnsperger ?
La Gaule de Vercingétorix, l'impérialisme de François Ier, les lecteurs de ce blog
Décidément, je n'ai pas les mêmes goûts que l'immense, l'extraordinaire, l'adorable bienfaiteur de l'humanité Bernard-Henri Lévy. Le livre de Blandine Kriegel qu'il portait aux nues m'est tombé des mains. J'ai dû renoncer à le terminer. Trop de mots inutiles pour finalement peu d'idées qui reviennent en boucle (des obsessions plus que des idées), trop d'autosatisfaction bourgeoise et de clins d'oeils aux lecteurs censés partager sa culture (pas de bol pour elle mais heureusement pour nous la culture de Kriegel est moribonde, bientôt elle laissera tout le monde indifférent), et même trop de coquilles (depuis que les PUF n'ont plus de relecteurs, ce qui nous fait découvrir que Mme Kriegel "oublie" que "quant à" ne s'écrit pas avec un "d" et que les participes passés s'accordent avec les compléments d'objet direct qui les précèdent quand l'auxiliaire est "avoir" etc).
Bah, allez, tournons cette page. Le rôle des calvinistes français aux Pays-Bas mériterait de trouver un Walzer pour le décrire. Il le trouvera peut-être un jour. Je retiens une seule chose du livre de Mrs Kriegel, la référence à un livre qui dément les thèses vieillotes de M. Asselineau sur l'incompatibilité entre idée française et le projet impérial. Pour faire bref rappelons que l'Inspecteur des finances qui cultive le projet touchant d'indentifier toute l'histoire de France à une sorte de saga anti-impériale digne de l'histoire de l'African National Congress de Mandela, mobilise à cette fin dans ses conférences les références de nombreuses références empruntées (sans le dire) aux historiens du XIXe siècle, ce qui lui permet de voir dans Vercingétorix, Clovis, Jeanne d'Arc et François Ier des auteur par anticipation du discours gaullien de Phnom Penh. Sa présentation de la Gaule comme une sorte d'hexagone patriote menacé par la corruption et la division de ses clercs était déjà assez drôle. En vérité la "Gaule" (concept purement romain) est un assemblage complexe de peuples plus ou moins celtisés (le noyau de la celtisation, si l'on en croit les travaux récents de Jean-Louis Brunaux se situant plutôt au sud du massif central) allant des populations très ibériques (peut-être mêlées à des proto-basques) au sud de la Garonne, à des Germains belges au nord de la Seine, en passant par les Ligures de Provence, et sans doute pourrait-on même étendre cette Gaule à l'Italie du Nord et au Balkans, si la conquête domaine de la Narbonaise au IIème siècle n'avait pas un peu isolé les Celtes de Gaule. Ceux-ci ont formé quelques royaumes commerçants très puissants et de type presque héllenistiques à côté de zones de culture agraire bien plus pauvre. Une caste de philosophes peut-être influencés par les pythagoriciens (cf Brunaux), les druides, ont sans doute contribué à ramener les plus riches à plus de frugalité (un peu comme les réformes politiques de Sparte et d'autres cités grecques), et à unifier idéologiquement cet espace (les druides s'accaparant même un pouvoir judiciaire d'appel et de cassation quasi-national dans la célèbre forêt des Carnutes), ce qui a probablement aidé le roi (ou magistrat ?) arverne versé dans la culture romaine Vercingétorix à former une résistance confédérale à Alésia. Il n'en demeure pas moins que malgré la réforme druidique, les grands royaumes ont connu à nouveau un essor économique au IIème siècle en contact avec la Méditerranée (notamment via le commerce du vin et des esclaves) de sorte que des grands royaumes comme les Eduens et les Rèmes ne pouvaient vivre que par et pour le commerce avec Rome dont ils étaient de longue date offciellement les "amis", ce qui a bien peu à voir, tout bien pesé, avec l'image d'une "trahison des élites d'un pays déjà unifié" cultivée par les historiens nationalistes (en fait simplement nationaux à l'époque) du XIXe siècle.
S'il était facile de démentir le "roman national" de la "grande résistance anti-impériale" française sur Vercingétorix, j'étais incapable de faire de même concernant François Ier. Blandine Kriegel nous assure que Gaston Zeller, historien renommé durant la première moitié du XXe siècle mais semble-t-il mal réédité depuis lors, avait démontré que la France de François Ier avait elle aussi un projet impérial rival de celui de Charles Quint... Comme quoi... Du reste nous savons que Louis XIV et Bonaparte n'étaient pas réellement des Mandela non plus. En tout cas si quelqu'un a des éléments intéressants sur les thèses de Zeller, je suis preneur.
En parlant des lecteurs de ce blog, j'ai eu un échange intéressant avec l'un d'entre eux hier. Je m'étonne toujours de voir que les blogs en général, et non seulement le mien, ont un lectorat (et souvent un lectorat fidèle, quoique peu nombreux). Je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être à cause de leur gratuité, ou parce qu'on peut les lire, les oublier, y revenir, comme au supermarché, sans l'angoisse de se dire "ce livre fait 300 pages, quand vais-je trouver le temps de parcourir les 150 qu'il me reste ?". Ces lecteurs sont souvent silencieux mais attentifs. Celui qui m'écrivait hier me disait qu'il avait aimé mon papier sur DR Dufour (un papier qui jusqu'ici m'avait surtout valu des attaques... comme quoi...). Sur Fnac.com on peut savoir quels autres livres ont acheté les gens qui se sont procuré votre ouvrage. On devrait pouvoir savoir la même chose à propos des lecteurs des blogs pour avoir une compréhension sociologique de leur univers culturel. Vous qui lisez ce blog, quels autres blogs consultez-vous ? Le lecteur d'hier lisait aussi le blog d'un certain Jean Zin ex-psychanalyste (repenti ou pas je ne sais pas trop), reconverti dans l'écologie révolutionnaire, de la mouvance "Multitudes", gauche alternative etc, esprit éclectique dont il faudrait que je prenne la peine de lire les textes un jour (mais il y a déjà tant à faire avec les livres !). Je suis donc lu par des gens attirés par ce type de projet alternatif. Je crois être aussi visité par des chomskyens (ne serait-ce qu'à cause de ma contribution au Notebook sur Chomsky), par des gens du MPEP (mouvement toujours rejeté par le Front de gauche hélas), peut-être aussi par des par des orphelins du chevènementisme, que sais-je encore. Des gens qui voudraient "reterritorialiser" quelque chose sans devenir réacs, je suppose. Il faudrait que je mette un questionnaire sur ce blog pour saisir mieux la culture de mes lecteurs. Mais je n'en ai pas la compétence technique... et bien sûr ils ne me répondraient pas...
Jeux de rôles
Je déteste le rôle du pédagogue qui veut "dispenser son savoir" avec aplomb en s'écoutant parler. Le rôle du prophète au désert, illuminé, envahi par les intuitions et que personne ne prend au sérieux n'est pas trop ma tasse de thé non plus. Reste le rôle du citoyen lambda qui réfléchit pour lui-même et balance ses réflexions à tout hasard dans l'espace public "au cas où ça puisse rendre service à quelqu'un d'autre". Mais ce troisième rôle suppose qu'on ne parle au fond qu'à une dizaine de personnes. Certains diront que c'est une voie de facilité et une façon de contourner le devoir historique de faire circuler certaines informations auprès du plus grand nombre.
Mais il est très difficile de diffuser à grande échelle des choses que l'on croit juste tout en continuant soi-même à les problématiser, à les placer dans des perspectives nouvelles, avec d'autres mots, en relation avec d'autres réalités. C'est une véritable quadrature du cercle.
A part cette question sur le rôle à jouer au sein d'une époque, il y a aussi cette interrogations (et ça va avec la question "à combien de gens veut-on parler ?") : quels sujets traiter sur ce blog ? Je pourrais m'attaquer à des thèmes qui touchent les adeptes de la religion médiatique : ceux qui se sentent obligés de suivre les faits et gestes de François Hollande et les amours de Rachida Dati. Et dans cet esprit je décortiquerais le programme du parti socialiste ou celui du Modem. Mais ce temps là serait perdu pour des thèmes de plus longue haleine, plus philosophiques, qui me tiennent plus à coeur (même si ce que j'ai à dire sur eux ne vaut peut-être pas grand chose). Or, vu que la géopolitique que je balance sur le blog de l'Atlas alternatif me prend déjà beaucoup de temps, difficile en plus de commenter l'actualité au ras des paquerettes. Je pourrais, sans être médiatolâtre, me plonger aussi sur des sujets plus techniques, comme les cellules photovoltaïques ou la taxation des stock options. Là encore, ça ne cadre pas trop avec mes centres d'intérêt... Donc il faut assumer aussi le fait, au fond, d'être positionné sur des sujets qui non seulement ne sont pas les plus populaires, mais qui ne sont pas non plus les plus concrètement utiles. Peut-être ne fais-je que brasser du vent. Il faut assumer ce risque je crois.
Ma formation de philosophe m'a toujours donné le goût de regarder au delà du quotidien. Et les difficultés du monde actuel me renforcent dans la conviction qu'il faut essayer de voir loin, car le mode de fonctionnement actuel n'est pas vivable très longtemps. Il va falloir nécessairement poser la question de la frugalité, de la solidarité etc, ce qui implique, derrière, l'autre interrogation : qu'est ce que l'être humain ? Cet être humain que je suis, et cet être humain qu'est toute autre personne que je croise dans la rue. Quel type d'animal sommes-nous ? Qu'est ce que cette animalité particulière implique dans notre rapport à nous-mêmes et à l'autre ? Ce rapport doit-il et peut-il changer ?
Face à ce genre de question, il faut s'autoriser toutes les audaces et toutes les expérimentations. Ces derniers temps par exemple je me demande si je pourrais soutenir, tout au long d'un livre, l'option d'une société entièrement fondée sur la solitude des individus. Solitude en Sibérie comme Tesson ou devant des ordinateurs. J'ai besoin de poser cette question pour être certain de ce que vaut mon hypothèse d'un nouveau "stoïcisme", d'un nouvel unitarisme humain, qu'il soit socialiste ou pas. On ne doit jamais avancer une proposition sans avoir sérieusement examiné son contraire. Donc celui qui défend l'unité de l'humanité doit en examiner toutes les options possibles, y compris la destruction complète des liens qui ont assuré ladite unité depuis des millénaires.
Donc voilà, c'est un peu philosophique, je l'admets, mais pas abstrait, je ne crois pas. En tout cas quand je me lance ici dans des considérations sur tel ou tel éléments d'actualité, c'est aussi en tant qu'il rentre en résonnance avec ces interrogations que je garde en arrière plan. Bref, je n'épilogue pas car il est tard, mais il fallait bien que je précise cela aussi pour les lecteurs de passage qui chercheraient ici des textes plus en phase avec les préoccupations quotidiennes des journalistes ou des grands blogs d'internet.
Les lecteurs
Des réactions sympathiques à ce que je fais, d'autres moins.
Parmi les réactions agréables ce commentaire d'un internaute à ma nouvelle chronique radiophonique qu'on peut entendre sur radio M à Montélimar et sur Dailymotion ici partout dans le monde.
"Je ne connaissais pas cette chronique qui me semble remettre quelques évènements en perspective! Merci pour cette découverte! Je suis assez d'accord avec le passage concernant le passage du président Iranien au Vénézuela! Pour le reste, mes connaissances en géopolitiques sont trop limités! J'aime le style, qui n'est pas le style affirmatif classique des journalistes, mais qui met en garde contre des conclusions hâtives, et incite à la réflexion plutôt que d'imposer des idées!" Aurélien (Marseille)
Parmi les aspects plus hostiles certains mots clés qui ont conduit des lecteurs sur mon blog hier : "idéologue frédéric delorca " (je me demande bien quelle "idéologie" je défends...) et même "delorca vache" (j'aime beaucoup les vaches, mais ce n'est pas forcément le cas de l'internaute qui a tapé ces mots sur Google), qu'en pensez-vous ?
Year of freedom
Mes amis, ma décision est prise : j'ai décidé de rouvir ce blog. Je crois que j'ai atteint un assez grand degré d'indifférence à l'égard des réactions que je peux susciter et même à l'égard des non-réactions pour reprendre l'aventure bloguesque. Et j'ai remarqué qu'en écrivant sur des blogs secondaires plus anonymes, je n'étais pas référencé par les moteurs de recheche car je n'avais pas assez de lecteurs, de sorte que tout tombait dans le vide, donc autant écrire sur un blog référencé comme celui-ci.
Mais attention ! Je m'offre toutes les libertés désormais, y compris celle d'arrêter compètement ce blog à tout moment. Toutes les libertés sous réserves des lois en vigueur sur la diffamation, et autres censures multiples de notre époque pourrie qui feront par exemple qu'au lieu de dire "M. X est un con par exemple", je trouverai des périphrases pour rendre M. X méconnaissable sauf aux initiés du petit monde où je vis. Je serai libre et donc je m'autoriserai aussi à aller à l'encontre de l'opinion de mes amis, de ceux qui me prennent pour leur allié dans le combat pour les idées, et qui suivent ce blog (je le sais) toutes les fois où je trouverai leurs positions fausses.
Cela me sera sans doute d'autant plus facile que je suis moins impliqué dans des combats collectifs qu'autrefois. Cette césure de 3 mois sans blog m'a permis de réfléchir seul plus en profondeur qu'auparavant, j'ai écrit un nouveau livre, et pris beaucoup de distance avec notamment la notion d' "anti-impérialisme", dont j'ai mesuré toutes les limites. Beaucoup auront peut-être du mal à me suivre sur mes nouveaux chemins mais je m'en fiche. Je crois que j'ai le devoir de faire connaître aux gens ce que je vois et comment je le vois, plutôt que de ressacer pendant des lustres des idées fausses, ou des idées qui ont été justes à un moment donné (au moment où je les formulais) et qui sontDevenues inadéquates.
Nous vivons des temps troublés mes amis, des temps où des tas de groupes de pression, de micro- et de macropouvoirs tentent des "coups" un peu partout selon des modalités souvent nouvelles, inattendues. Par exemple qu'est-ce que la Fondation Adenauer dont on parle beaucoup dans le blog de l'Atlas alternatif ces derniers temps, fait réellement en Bolivie et en Egypte ? que fait la Fondation Bosch en Géorgie ? et la fondation des Hôtels Sandals en Jamaïque ? Attention, je ne prétends pas que ces fondations font toutes nécessairement (consciemment ou inconsciemment) des choses peu avouables ou nuisibles. Je ne suis pas complotiste et je ne pense même pas que si ces fondations avaient un agenda politique (ce qui n'est pas prouvé), cet agenda serait illégitime. Après tout, chacun a le droit de défendre ses idées ou ses valeurs, y compris dans les pays pauvres. Et nous mêmes avons le droit d'y défendre nos propres opinions, même si nous avons des moyens financiers bien moindres que ces fondations (mes opinions à moi concernant ces pays restent les mêmes : défense de leur souveraineté, c'est à dire défense du droit des peuples et de leurs représentants à conduire les expériences politiques qu'ils veulent, sans référence automatique aux préjugés occidentaux).
Non je ne condamne pas l'action de ces fondations. Je dis juste qu'elles se lancent sur des "marchés mondiaux" ou régionaux pour y mener des projets d'action, des "coups", qui ont leurs avantages et leurs inconvénients potentiels : par exemple l'avantage d'aider des pauvres, et l'inconvénient de renforcer souvent à leur insu l'image de modèles occidentaux pas forcément adaptés aux pays en cause. Elles se lancent, comme se lancent sur les marchés mondiaux ou régionaux des tas d'acteurs : cela va des services secrets américains à mon cousin DJ qui essaie de vendre des morceaux de musique à l'étranger (pour prendre comme exemple des cas qui vont de la superpuissance politique à la micro-puissance individuelle). L'époque est faite de cela. Chacun, en lançant des actions, en menant des conquêtes, véhicule des idées, des façons d'être, il faut en être conscient, penser tout cela.
Moi je veux défendre une façon d'être tout autre, et le faire avec mes moyens. Je veux défendre des possibilités, des rythmes de vie, une esthétique qui me sont propres (bien qu'ils reflètent en partie des valeurs qui m'ont été données par d'autres tout au long de mon parcours, des valeurs collectives qui parlent en moi, comme la voix de la République espagnole baffouée, les chants des vallées pyrénéennes oubliées, les mots d'un musicien de Los Angeles croisé sur ma route en décembre dernier etc).
Voilà, je reviens avec tout ça, l'état de ma réflexion philosophique, l'état de mes envies, de mes projets autant que de mes déceptions et du passif que, comme tout un chacun, je traîne avec moi. On reparlera de tout ça peut-être en détail, ou peut-être pas, suivant ce qu'Internet m'inspire ou ne m'inspire pas (car il faut apprendre à avoir beaucoup de recul à l'égard de cette chose étrange qui envahit les esprits de notre décennie). J'espère que j'arriverai à toujours plus de liberté dans cet espace, même si je continue à le juger moins libre que beaucoup d'autres espaces d'écriture. Peut-être certains d'entre vous me suivront-ils. J'ai été heureux qu'une personne (une en trois mois c'est peu, mais c'est déjà bien car je sais que tout encourage à la passivité sur le Net) ait écrit un petit commentaire pour m'encourager à poursuivre. Heureux aussi de voir que le taux de fréquentation de ce blog n'a point diminué pendant ces douze à quinze semaines de silence. Je continuerai de lire les commentaire si vous en postez, sans doute aussi à y répondre quand ils le méritent, mais je m'attacherai moins à eux que par le passé. Encore une fois parce que je veux être assez indifférent à l'égard des réactions que je suscite ou que je ne suscite pas. Je dois juste avancer dans ma tête et continuer à rendre mes avancées publiques pour le cas où celles-ci puissent être utiles aux gens.
Pour finir ce billet deux bandes annonce de films que j'ai visionnés en DVD (rappelez vous Truffaut : visionner un DVD c'est comme feuilleter un livre qu'on a déjà Lu, à la différence de la découverte sur grand écran), ces derniers jours. Des films importants pour le rythme, le regard. Dans l'analyse politique comme dans le comportement éthique au quotidien, il y a une importance du rythme, une grande importance aussi du silence par lequel on parvient à accueillir ou non les êtres (je dis bien les êtres, et non pas l' "être" comme eût dit Heidegger). Je conseille à tout le monde, si vous voulez sortir de certaines folies de notre époque, de travailler sur le silence, et sur le rythme existentiel. Certains films nous y aident.
Très bonne année à tous.
***
1) Vidéo bande annonce de "Paris" de Depardon (dommage elle n'existe pas sur le Net qui n'a pas de mémoire des vidéos au delà de 2004, quelle connerie Internet). Je l'avais Vu au cinoche en 98, toute ma jeunesse est dans ce film.
----- Espace vide ----
2) Vidéo bande annonce de "Le Président" de Jeuland (film plus récent)
Guilt by association et liste de liens
J'ai déjà indiqué à plusieurs reprises (notamment dans mes livres mais aussi sur ce blog) que je désapprouvais la collaboration avec la droite de la droite dans le combat anti-guerre, étant moi-même - faut-il le rappeler ? - fils et petit-fils de républicain espagnol (dont la famille a donc payé le prix de l'anti-fascisme, un peu plus que la plupart des petits délateurs à dix centimes qui sévissent sur le Net). Je respecte toutes les opinions mais la vision de "'l'empire" telle que la véhicule la mouvance FN par exemple se nourrit de complotisme et de beaucoup de paranoïa alors qu'il faut, selon moi, dans l'analyse de notre monde, faire preuve de rationnalisme et garder le sens des nuances. Ma grille d'analyse aux antipodes de celle de la droite dure m'a d'ailleurs valu d'être traité d' "universitaire proche de la gauche radicale très hostile au mouvement national" par le site de droite www.nationspresse.info.
De même j'ai raconté dans mes souvenirs de la guerre du Kosovo qui seront réédités bientôt qu'en 1999 je me suis engagé contre la politique de l'OTAN en n'ayant dans mes contacts yougoslaves que des opposants à Milosevic, ce qui m'a valu des frictions avec certains communistes au printemps 2000, puis en septembre de la même année. Il est donc difficile de trouver des points communs entre ma position et celle du gouvernement yougoslave de l'époque. Je regrette donc qu'un site qui polémique avec "Le Grand Soir" m'ait qualifié il y a peu de "grand fan de Chavez et de Milosevic" et m'ait inclus à ce titre dans une liste MacCarthyste. Ces listes sont fréquentes sur Internet. Elles ciblent parfois à juste titre de vrais complotistes irrationnels, parfois en revanche elles procèdent à des amalgames superficiels et simplistes au lieu de procéder à une lecture rigoureuse de ce que les uns et les autres écrivent.
Celle-là aura quand même eu un intérêt : elle m'a fait penser à détruire la liste de mes "sites amis" accessible sur la page d'accueil de ce blog. J'avais inclus dans cette liste toutes sortes de pages, depuis celles de Michel Collon jusqu'à celles de Znet, en passant par un ou deux blogs sans grande importance. Les trois lignes contre moi m'ont poussé à relire ces liens. Beaucoup d'entre eux me paraissent moins brillants que je ne les trouvais il y a 3 ou 4 ans. Le site "Les Indigènes du Royaume" par exemple, ou "Mondialisation.ca". Alors pourquoi laisser ceux-là, et ne pas en citer d'autres ? Il faudrait passer son temps à actualiser ce genre de "liens" en disant pourquoi on les apprécie, ce qu'on n'aime pas chez eux etc. Un travail fastidieux et sans intérêt. Donc je supprime la rubrique. Merci à mes détracteurs/calomniateurs de m'avoir fait penser à ça !
Penser à 40 ans
Pour être un grand intellectuel il vaut mieux être un professeur. Non seulement parce que les professeurs ont plus de temps que les autres, mais aussi, parce qu'ils ont l'habitude d'avoir affaire à des publics crétins, ils savent répéter la même chose tous les ans et maîtrisent les techniques pour faire entrer leurs théories dans les cerveaux des autres (c'est une habitude de la violence symbolique). Car le triste sort du grand intellectuel est effectivement de passer sa vie à essayer de faire comprendre aux autres ce qu'en quelques années il a réussi à entrevoir. Bien que n'étant pas, en ce qui me concerne, un "grand intellectuel" je constate à mon humble niveau combien de patience et d'obstination il faut pour réellement faire comprendre ce qu'on a à dire : ainsi auprès des rares personnes qui ont lu "10 ans sur la planète" par exemple, je me rends compte que la plupart du temps elle me font des remarques comme si elles ne l'avaient pas lu dutout. C'est simplement que ce que j'y ai écrit (noir sur blanc et souvent en de longs paragraphes) a glissé sur elles comme l'eau sur les plumes d'un canard. Le plus dur étant de voir que même les disciples chevronnés qui connaissent par coeur des phrases de leur maître la plupart du temps en trahissent la pensée et le style, preuve qu'on ne peut guère transmettre sa vision des choses au delà de quelques formules qui deviennent très vite stéréotypées et réductrices.
Mais pour cette raison qu'ils ne sont "que" des professeurs beaucoup d'intellectuels se trouvent rapidement limités et stérilisés dans leurs facultés les plus prometteuses. Parce qu'ils butent en permanence sur la médiocrité de leur auditoire et de leurs collègues-rivaux (eux-mêmes diminués par la médiocrité de leur propre auditoire) et sur le caractère répétitif de leur travail, ces professeurs deviennent rapidement des caricatures d'eux-mêmes.
Ont échappé à cette fatalité les prophètes au désert, les artistes etc, mais au prix souvent d'une plus grande opacité de leur message, même à leurs propres yeux.
Qu'on soit un grand intellectuel ou un tout petit comme moi, il me semble qu'en tout état de cause la solution est de ne travailler que pour soi, sans dutout espérer être compris. Il faut aimer la vérité, je veux dire aimer savoir, se détromper, accéder à des stades supérieurs de lucidité, simplement pour être soi-même dans le vrai, et tant pis si l'on vous suit ou pas, si l'on est utile ou pas.
A 40 ans on a la chance de pouvoir contempler 30 ans de sa propre vie intellectuelle qui correspondent souvent, au moins partiellement, à 30 ans d'échanges avec les idées de son temps auxquelles on adhérait avec plus ou moins de ferveur, ou dont on a toujours voulu se distancier, avec plus ou moins de pertinence. On peut mesurer tout ce qui a changé, et évaluer le bien-fondé de ces changements. Par exemple, pour notre époque, le fait que la religion du verbe et de la psychanalyse ait laissé place à la religion du corps et des traitements neuroleptiques. Après s'être trompé en suivant telle croyance (par exemple dans mon cas, toute la logomachie freudienne voire parfois lacanienne), on est moins enclin à suivre les nouvelles (si j'ai beaucoup écrit en anthropologie du corps, c'était pour démystifier le logocentrisme des philosophies des années 70-80, mais je ne souscrit nullement à la nouvelle thématique de notre "animalité" par exemple, il faudra qu'un jour je m'explique à moi-même en détail - peut-être dans un livre - pourquoi )...
A 40 ans beaucoup de choses, de situations personnelles, d'événements de l'actualité etc, revêtent des airs de déjà vu. On repère des mécanismes identiques. On s'amuse à remarquer les petites différences, mais les similitudes font naître des catégories, qu'on peut, si l'on aime ordonner les idées, articuler entre elles. Par exemple la catégorie des "prises de villes par des puissances impériales" où l'on peut rapprocher Bagdad de Tripoli, et même de Barcelone en 1939, faire des comparaisons, et jouir de cette supériorité existentielle que l'expérience accumulée (c'est-à-dire pour un intellectuel la mise en connexion des idées et des faits) vous fait ressentir par rapport à la nudité de l'événement, dont la nouveauté est toujours bien moins virginale que celle de ceux qui surgissaient dans votre quotidien à 20 ans...
Il faudra bien qu'un jour je vous en dise/ je M'en dise plus sur tout cela...