Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #lectures tag

Hommage à Apollon Phoebus

4 Mai 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Avec le "True faith" que j'écoutais dans le train hier, hommage à Apollon Phoebus, dieu du Divin Auguste (dont la mère selon la tradition s'accoupla avec Apollon et eut la marque du Python sur elle au sortir du coït), et à Gaston Phoebus, autre figure apollinienne, qui fonda le donjon du château de Pau, et dont la statue, à l'entrée de ce chateau, complète les armoiries de la très lunaire Marguerite de Navarre.

 

Comme à Massalia (allez, une petite pensée pour sa forêt sacrée rasée par Jules César), nous sommes sous la double protection du Soleil et de la Lune croissante (actuellement, celle-ci est dans l'angle de Jupiter, le dieu de Caton d'Utique - voyez la Pharsalia ci-dessous).

 

Au fait, saviez-vous que "fuis moi" est la phrase d'Atalante à Hippomène quand celui-ci promet d'entrer en compétition avec sa course ailée ? Je lisais cela dans Ovide cette nuit (comme toujours le hasard guide mes lectures), sous Artémis croissante. Atalante à la couche ensanglantée, Atalante et les pommes de Vénus (il faut qu'il y en ait trois). Atalante et Hippomène qui finissent dans l'attelage de Cybèle à force d'impiété. Dans cette affaire aussi il y a une forêt sacrée, et un sanctuaire dans une grotte. Sainte Baume tu es si belle.

  ste baume

Bizarre quand même que l'histoire d'Atalante soit, dans les Métamorphoses, insérée dans cette d'Adonis (liée à celle de Perséphone), comme une mise en abîme.

 

 

Lire la suite

Déclin d'un écrivain

30 Avril 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

J'ai trouvé assez drôle cet article sur Annie Ernaux dans Paris-Match (que je lis toujours attentivement chez mon coiffeur). Cela rejoint un peu mes impressions sur son livre "Les Années" que j'avais commenté en 2010 sur Parutions.com (et encore j'avais tenté de rester gentil car Mme Ernaux m'avait soutenu - dans des courriers privés - il y a douze ans sur la Yougoslavie). C'est daté du 20 avril dernier.

 

" Hyper Rasoir

Annie Ernaux se transforme en sociologue de grande surface dans un essai... au rabais.
ernaux.jpg
Annie Ernaux se transforme en sociologue de grande surface dans un essai... au rabais. Annie Ernaux est entrée pour la première fois dans un hypermarché en 1968. C’était à Annecy, chez Carrefour, où elle a rempli un chariot entier par crainte de la pénurie. Très petit bourgeois, comme attitude. Daniel Cohn-Bendit en aurait fait des gorges chaudes. Mais faites confiance à la romancière : même si elle s’en rendait compte, elle l’écrirait. Dans ses textes, Annie Ernaux manifeste une allergie violente à l’égard de toute forme d’humour, mais cultive avec autant d’intransigeance son souci de la vérité. Son truc, c’est l’autofiction sociale. Lire son dernier livre, par exemple, c’est comme feuilleter de la documentation. Sujet : les hypermarchés. En particulier, celui de Cergy, géré par Auchan. Elle ne nous épargne aucune description. Balzac était déjà long dans la pension Vauquer du « Père Goriot » mais, au moins, on ne connaissait pas les lieux.

Là, c’est carrément bizarre. On entre dans le détail pour montrer ce que tout le monde a vu cent fois : « Le niveau 1, non alimentaire, a la forme d’un rectangle profond. Un Escalator le relie au niveau 2, d’une surface double, divisé en deux espaces communicants, mais décrochés à angle droit l’un par rapport à l’autre, ce qui, en réduisant l’horizon infini des marchandises, atténue l’impression de grandeur »... C’est beau comme du « nouveau roman », mais soyons indulgents pour le style : c’est de l’écriture « grande surface ». Cela ne va pas chercher loin, mais ça n’y prétend pas. Même si ce sont les trois heures les plus longues de la semaine, la lecture de ce petit essai ne prend pas plus. Dans le genre plongée en France, Florence Aubenas est mieux inspirée : elle rencontre des gens, raconte des histoires, soigne son écriture. Annie Ernaux, elle, nous apprend ce qu’on sait déjà tous.
Va-t-elle écrire « femme noire » ? Ou « africaine » ? Ou « femme », tout court ?

Page 12, elle écrit : « Les femmes et les hommes politiques, les journalistes, les “experts”, tous ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans un hypermarché ne connaissent pas la réalité sociale de la France. » Croit-elle vraiment qu’il y en a ? On dirait plutôt que c’est elle qui découvre les lieux : chez Auchan, en grande banlieue, elle cherche la Quinzaine littéraire qu’on ne trouve même pas à Saint-Germain-des-Prés ! Finalement, si on n’apprend rien sur ces hypermarchés qui assassinent les petits artisans et étranglent les agriculteurs en serrant les prix comme l’étrangleur ottoman, on voit, en revanche, à merveille comment (dys)fonctionne une intellectuelle parisienne. Page 21, devant elle, une acheteuse noire lui pose un problème de conscience. Va-t-elle écrire « femme noire » ? Ou « africaine » ? Ou « femme », tout court ? Après une page d’hésitation, elle choisit l’audace : ce sera « une femme noire » !

Un peu plus tard, en revanche, elle n’ose pas photographier un joli petit garçon dans une allée par crainte de céder à un besoin de « pittoresque colonial » ! Tombée sur un immense rayonnage illuminé de poupées Barbie, elle frémit de rage et songe, émue, au beau saccage que pourraient s’autoriser les Femen. Plus loin, ce sont les Mulliez, propriétaires d’Auchan, qui lui inspirent des sentiments réservés. Dès que quelque chose la heurte, elle l’attribue à l’action d’une volonté malfaisante. Autant que des explications, elle cherche des adversaires. Quand, face aux ordres crachés par la voix synthétique des caisses automatiques, elle observe qu’à présent les machines ont l’air intelligentes et les hommes désorientés, c’est à elle qu’on pense.

 

Gilles Martin-Chauffier

 

« Regarde les lumières mon amour », d’Annie Ernaux, éd. Seuil, 72 pages, 5,90 euros" http://www.parismatch.com/Chroniques/LIVRESQUE/Hyper-rasoir-560588

 

------

Annie Ernaux, Les années

Le livre du « je », du « nous », et du « on » qui s’abîme en mer

 

La quatrième de couverture du nouveau livre d’Annie Ernaux annonce, pour parler vite, « une forme nouvelle d’autobiographie impersonnelle et collective ». L’oxymore peut séduire, mais le contenu de l’ouvrage est à vrai dire plus complexe. Ce livre en réalité en recèle peut-être deux ou trois.


Il y a d’abord le livre des temps anciens. Celui où le verbe littéraire porte les sensations du début d’une vie. Dans cette partie-là, les années 40-50, Annie Ernaux parle des vieux de Lillebonne – et de la petite fille qu’elle était – comme Brel chantait les marins d’Amsterdam, avec un mélange confondant de distance et d’empathie. Ces vieux qui sont aussi les nôtres, ceux de tous les Français – nos parents, nos aïeux, les voisins de nos aïeux - par delà la diversité des régions, peut-être aussi de tous les Européens, voire de toute l’humanité, en un sens, tout en étant avant tout ceux de son coin normand, ils sont en elle, ils sont hors d’elle, ils sont d’hier, d’aujourd’hui par la magie d’une évocation nostalgique, de jamais. A travers ce récit, le réel retrouve ses droits. Il n’est plus question de s’abriter derrière des mots faciles et faux – « le monde rural », « la modernisation », « la scolarisation », « le féminisme », « l’ascension sociale » - mais d’aller aux choses mêmes : les femmes qui serrent entre leurs cuisses les moulins à café et les poules qu’on égorge, les slogans publicitaires, les paroles des chansons qui ne vous quittent jamais. Les choses parlent d’elles-mêmes, pour peu que l’écrivain sache s’ouvrir à elles. Elles disent le temps qui a passé, le monde qui n’est plus, et qui, du fait même de sa disparition, devient singulier, insolite. Ce monde que l’on regarde, ce monde qui nous regarde, qui accuse notre propre bizarrerie, celle de ses successeurs – notre étrangeté à nous tous, rescapés de l’anéantissement, sursitaires, quelques secondes encore.

 

Et tout cela est pénible, et tout cela est atroce, et pourtant cela ne fait qu’être. Ce n’est que de l’être, rien de plus. Voilà ce que nous laisse entendre l’égrenage triste et amusé des mille détails sensoriels qui fondent le drame. Tout le drame est dans les détails, la tragédie même, sans doute, et cependant le drame n’est que collection de détails, détail lui-même, futile, comme une bulle de savon.

 

Ces pages sont les plus belles, les plus profondes, les plus saturées de chair.

 

Mais Ninise ne fait pas que nous montrer les nappes en toile cirée de l’enfance, et les vacances à Sotteville-sur-Mer : elle récite aussi Tito, Prague, Allende, le Programme commun de la Gauche, comme une chanson de Billy Joël. Il y a encore de la vie dans cette partie-là du livre – qui est peut-être un second livre -, et de la substance dans ce « je-nous » qui parle : la voix d’une jeunesse, et d’une gauche, celle d’avant les désillusions. Les lecteurs sexagénaires du Nouvel Obs y trouveront leur compte dans le registre de la « communion générationnelle », à l’heure des commémorations, et verseront une larme. Mais déjà on sent poindre, confusément, quelque chose de factice dans l’ambition de dire le verbe d’une classe d’âge – un début de désincarnation.

 

Le déclin du livre commence avec les années « parentales », après l’élection de Mitterrand (que Ninise, dans un lapsus révélateur, situe, p. 159, au 8 mai 81  - fête de l’armistice de 45 - au lieu du 10 mai – comment peut-on avoir oublié cela ?) quand l’auteur se met à ne plus parler et penser que comme la TV. Elle devient alors la ventriloque d’une « deuxième gauche » perdue dans un monde qu’elle ne comprend plus, où elle ne s’engage plus, où elle est seulement saisie de vertige. Et c’est déjà une forme terrible de vieillesse qui leste ses mots, une vieillesse que l’on reconnaît à son incapacité à se dégager d’un flux de vocables qui n’appartiennent plus à l’écrivain et que personne au monde ne peut plus vraiment s’approprier : des mots fades, glissants, des mots qui dictent des tournures de l’esprit, des lieux communs faussement distingués (par exemple l’association du 11 septembre 2001 au 11 septembre 1973) qu’elle prononce avec une sorte de fatigue - des mots qui engluent la sensibilité : « Les Années » sont tombées dans la marée noire de « l’ère de la communication ». Incommunicado.

 

On peut convoquer les autres livres d’Annie Ernaux, La Place, Passion simple etc, faire des comparaisons, des bilans, des analyses savantes. Mais prenons celui-ci dans sa singularité et pour ce qu’il est. Que nous montre-t-il au fond ? L’aventure d’une entreprise autobiographique originale qui s’achève dans un genre inattendu : les « fragments d’un discours médiatique ». Ni personnelle, ni impersonnelle. Une trajectoire curieuse entre le « nous » émouvant, existentiel, et poignant des ombres vivantes de l’enfance et le « on » actuel, déjà mort, de la machinerie médiatique et sa logomachie absurde.

 

Que l’auteur ait pris ce parti fait, à maints égards, froid dans le dos. D’abord et avant tout parce que cela semble signifier qu’elle admet de jure que le discours de la TV puisse, au moins à partir des années 1970-80, dire une époque, témoigner pour elle, et qu’il faut bien se fondre en lui. Si l’auteur a raison, alors nous ne sommes plus qu’un troupeau, et la littérature n’a tout simplement plus de raison d’être, puisque la véritable littérature, la véritable voix d’une époque, devient le Journal télévisé (celui de Canal +, un peu plus à gauche que ce lui de TF1). A moins que l’écrivain ne se lance dans une humiliante compétition, une course à la légitimité avec le JT ? Et que dire de ce choix littéraire de s’asseoir dans le mainstream (le mainstream  de la « gauche de gouvernement »), de s’installer en lui, d’en porter le verbiage ?

 

Au fond ce livre ne serait-il pas un immense cri de détresse - celui d’une littérature dépassée par les transmissions satellitaires ? Un SOS dans une bouteille échouée sur un rivage  de non-sens ?

 

Heureusement in fine, dans les toutes dernières pages, Annie Ernaux revient à des images personnelles. Elle se soustrait au vertige de ce « on-nous » désespérant, retrouve des « je-nous » de son passé, nous redonne un ultime espoir que l’histoire des « années » ne soit pas qu’affaire de sensations préfabriquées au niveau planétaire. Il était temps…

 

 

Frédéric Delorca

 

 

Lire la suite

Paul Morand et Alberto Moravia

26 Avril 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

P1010968Dans "Hécate et ses chiens" (1954), de Paul Morand, je retrouve un thème favori des romans de Moravia : cet étrange grain de sable, qui se glisse dans le parfait amour des couples mariés ou adultérins, et qui transforme aussi insensiblement que mystérieusement leur paradis en enfer. Moravia découpe ses phrases au scalpel, avec un esprit tout analytique, dépouillé, positiviste ; Morand, en vieux réac vichyssois précieux, avec un luxe de mots rares et de métaphores inattendues.

 

Lequel des deux rend l'énigme plus angoissante ? On ne saurait le dire. Les deux en tout cas s'épargnent une facilité : celle d'aller tout de suite chercher une explication transcendante, dans les esprits ou dans le karma. "Contrainte professionnelle" de l'écrivain qui, à la différence du prêtre, doit produire des mots à tout prix, et donc rester dans les effets verbaux ? Je ne sais. En tout cas chez l'un comme chez l'autre le mystère reste nu de toute élucidation possible. Plus sombre donc qu'une nuit sans lune.

 

"J'ignorais que les draps d'un lit sont une cage de fer où l'un des insectes combattants doit dévorer l'autre, une guérilla sans pardon ni quartier, où chaque heure change les faces du combat, bref que rien n'est moins naturel que l'acte fondamental de la nature, car la réalité y débouche sur le rêve et le sexe dans le cerveau, son maître. Je ne connaissais encore que la face de l'amour ; j'allais en voir la croix". Ca a un petit côté "L"Empire des sens", je trouve.

 

Le livre se termine un peu comme le film "Gueule d'Amour", je trouve.

 

 

 

Lire la suite

Hommage

19 Avril 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

garcia-marquez.jpg

Lire la suite

Mon CR sur "Sahélistan" de Samuel Laurent

19 Juin 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Publié  ici sur Parutions.com

 

 

Requiem pour la Libye

Samuel Laurent   Sahélistan
Seuil 2013 /  19.50 € - 127.73 ffr. / 370 pages
ISBN : 978-2-02-111335-8
FORMAT : 15,4 cm × 24,0 cm

L'auteur du compte rendu : Juriste, essayiste, docteur en sociologie, Frédéric Delorca a dirigé, aux Éditions Le Temps des Cerises, Atlas alternatif : le monde à l'heure de la globalisation impériale (2006) et publié récemment Abkhazie, à la découverte d’une "République" de survivants (Éditions du Cygne, 2010).
 

A circonstance exceptionnelle, personnage exceptionnel. La guerre de Libye et du Sahel (qui aujourd’hui se prolonge du Mali au Cameroun), «notre» si belle et si chère guerre de Libye, aura fait émerger un personnage singulier : Samuel Laurent.

L’homme a de quoi surprendre. Employé par des sociétés privées pour explorer les pays dangereux et y évaluer les risques des investissements, il a fait du danger sa profession. Et c’est un observateur plein de bon sens, autant que de franc parler. Comme si la vérité ne pouvait plus venir aujourd’hui ni des journalistes professionnels, ni des services de l’État mais du milieu des affaires, seul prêt à accepter qu’on appelle un chat un chat. Surtout l’homme a un talent incroyable pour s’attirer la confiance des protagonistes des guerres, même ceux dont les opinions sont aux antipodes de ses convictions. En un clin d’œil, il sait se faire des réseaux qui le mèneront au contact des pires ennemis des Occidentaux, dans les endroits les plus improbables et plus risqués.

Ce talent, Samuel Laurent l’a mis au service de la description d’une nation qui se meurt, d’un cadavre en décomposition : celui de la Libye. Ecoeuré par la bêtise d’un Bernard-Henry Lévy et d’un Nicolas Sarkozy qui ont précipité ce pays dans le chaos sans en évaluer les conséquences, autant que par la lâcheté de nos médias complices de cette catastrophe, dont ils n’osent pas nous révéler le vrai visage, Laurent nous embarque aux quatre coins de cette contrée soumise au règne des milices, des mafias et des fanatiques, de Tripoli à Benghazi et jusqu’au fin fond du grand Sud Libyen, contrôlé par Al Qaida Maghreb Islamique (d’où sont lancées les opérations contre le Mali et le Niger).

L’auteur nous fait tout voir : les massacres des Noirs toubous au nord de la frontière tchadienne, les tortures à Misrata, les trafics de drogues à la passe de Salvador, le QG de la milice Rafallah Sahati, et celui des djihadistes d’Ansar al-Charia. Il ne le fait pas dans l’abstrait, sur la base de «on-dit», mais en se rendant sur place, en rencontrant les acteurs des combats au risque de prendre une balle dans la tête, toujours ancré dans le témoignage de première main. Sans jamais verser dans les balivernes de la propagande antiguerre (parfois symétriques hélas de la propagande de nos armées) qui s’est sentie obligée en 2011 de faire l’apologie de la «résistance» kadhafiste, ou de noircir artificiellement les anciens combattants d’Afghanistan, Laurent se fie à son sens des rapports humains pour trier le bon grain de l’ivraie. Son analyse conduit souvent à des conclusions surprenantes quand il explique que, plutôt que de s’appuyer sur les planches pourries et pseudo-libérales de Moustapha Abdeljalil et Mahmoud Jibril, les actuels «gouvernants» (au sens formel du mot), qui «couvrent» en secret les pires terroristes, «l’Occident» (puisqu’il faut appeler ainsi l’actuel bloc atlantiste) sauverait sans doute ce qu’il lui reste à sauver en négociant avec des guerriers islamistes comme Abdelhakim Belhaj (l’ancien gouverneur militaire de Tripoli décrit à tort selon lui comme un allié d’Al Qaïda) ou Mohamed el-Gharabi (le chef des Rafallah Sehati, la principale brigade qui assure une bonne part du maintien de l’ordre à Benghazi).

Il est difficile d’évaluer le bien fondé des jugements de Samuel Laurent puisque, précisément, il est malheureusement le seul parmi les Occidentaux à être allé aussi loin dans la tentative de rencontrer et de comprendre les véritables pouvoirs qui contrôlent aujourd’hui véritablement la Libye. Personne ne peut contrer ses dires, et donc personne ne peut non plus les jauger au vu d’éléments contradictoires. Peut-être d’ailleurs l’auteur ne dit-il pas tout ce qu’il sait (et puis d’abord, au fait, pourquoi ce choix de sortir un livre maintenant, au risque de ruiner ses chances de poursuivre le métier exercé jusque là ?).

Ce qui est certain en tout cas, c’est que par-delà l’analyse politique, le témoignage sur le terrain est fort, écrit dans un style magnifique et entraînant, ciselé au scalpel, d’une précision de géomètre. Il livre l’image d’un pays qui s’enfonce. Un pays naguère prospère où l’on ne ramasse plus les ordures dans les rues et où plus aucune vie normale n’est plus possible, tout étant suspendu au pouvoir terrifiant d’ados armés de fusils automatiques auxquels les villes, mais aussi les forêts, les côtes et le désert appartiennent désormais. Vitupérant contre l’Occident qui laisse se développer cette anarchie à quelques centaines de kilomètres de ses côtes, Samuel Laurent met en garde les Européens : en livrant la Libye (et les armes de Kadhafi) à Al-Qaïda, puis en décidant de fermer les yeux sur ce qui s’y passe, vous vous exposez aux pires atrocités sur votre propre sol, et la crise malienne n’est qu’un pâle avant-goût de ce qui vous arrivera dans quelques années. Mais qui a encore des oreilles pour entendre l’avertissement ?...


Frédéric Delorca
( Mis en ligne le 18/06/2013 )
 

Lire la suite

"La démocratie des crédules" de Gérald Bronner

14 Mai 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Ci-dessous mon compte rendu du livre de G. Bronner publié sur Parutions.com

chreiben

Chacun pourrait en convenir : plus le niveau culturel et la diffusion de l’information augmentent, plus les excès de la culture du soupçon hyperbolique (moins constructif que le doute hyperbolique de Descartes) peuvent être une source d’anomie, spécialement dans une démocratie libérale où la légitimité du pouvoir repose plus qu’ailleurs sur l’opinion commune et où la course effrénée au scoop dans les grands médias est loin de servir systématiquement les intérêts de la raison.

En militant dévoué de la cause de l’intelligence critique mais structurée, le sociologue Gérald Bronner entreprend donc de combattre cette dérive et, pour ce faire, nous propose un ouvrage intéressant qui décrit finement les processus de la tromperie, dissèque des cas, invente des catégories ou les reprend à d’autres travaux universitaires (le biais de confirmation, effet Werther, effet râteau, etc.), fondés sur des tests de logique ou des expériences de psychologie sociale (qui laisseront le lecteur plus ou moins sceptique suivant les cas). Un des grands mérites du livre est de montrer comment Internet amplifie les travers habituel de la psychologie des foules, en favorisant notamment la diffusion des idées des plus motivés au détriment des esprits modérés qui sont pourtant, bien souvent les véritables «sachants» (notamment dans les polémiques scientifiques, sur le nucléaire, les OGM, etc.). Le texte de Bronner comme tous les travaux inspirés est d’une lecture agréable et pourrait susciter l’adhésion pleine et entière si toutefois il ne pêchait par deux carences graves. 

La première tient à une certaine fragilité de forme et de fond. La forme, ce sont les nombreuses coquilles très surprenantes chez un grand éditeur universitaire. Non moins étonnantes sont les insuffisances de fond : ainsi, est-il possible qu’un chercheur relu par un comité de lecture écrive : «la vision biblique du monde qui avait prévalu pendant près de trois mille ans» (pp.23-24) ? Faut-il lui rappeler que cette «vision» ne «prévaut» dans le bassin méditerranéen que depuis 1600 ans, et ailleurs depuis bien moins longtemps ? L’erreur ne serait qu’étourderie si elle ne trahissait un réel manque de profondeur historique. Par exemple quand l’auteur feint de croire que c’est la première fois que le complotisme se dirige contre les pouvoirs en place et non contre les déviants : cette thèse, pour être convaincante, devrait procéder d’une comparaison minutieuse avec des cas anciens de paranoïa contre les pouvoirs dominants, par exemple contre Marie-Antoinette reine de France juste avant la Révolution française ou contre le pouvoir «papiste» aux grandes heures des guerres de religion. De même, pour convaincre de ce qu’il y a de vraiment nouveau dans le refus parmi ses fans de croire en la mort de Michael Jackson, il faudrait le comparer avec d’autres hallucinations collectives similaires, comme celle selon laquelle l’empereur Néron n’est pas mort en 68 de notre ère, croyance qui, paraît-il, connut un grand succès en Asie Mineure à l’époque de la rédaction de l’Apocalypse de Jean. Lorsque Bronner avance que les technologies accélèrent la diffusion des erreurs, voire leur invention, l’énoncé serait plus acceptable s’il faisait l’effort de mieux démontrer en quoi les biais que suscitent Internet et les vidéos par exemple n’existaient pas déjà par le passé. Et l’argument selon lequel les égarements d’aujourd’hui peuvent être déclarés absolument nouveaux et sans aucun rapport avec l’obscurantisme d’autrefois du fait de notre haut niveau d’éducation ne peut être pris pour argent comptant que si l’on oublie que les fables les plus invraisemblables écrites par le passé l’ont été par des esprits hautement cultivés (par exemple la Vie d’Apollonios de Tyane sous Caracalla, à laquelle visiblement son auteur très cultivé croyait dur comme fer).

La deuxième faiblesse de l’ouvrage est idéologique et elle crée un véritable point aveugle dans son raisonnement : la plupart des croyances collectives que Bronner dénonce sont l’œuvre de milieux contestataires qui s’opposent aux grandes entreprises ou aux gouvernements. Or les mensonges diffusés par ces derniers sont, eux, passés sous silence. Vainement on cherchera, par exemple, dans ce livre des démonstrations sur les massacres de Timisoara en Roumanie, de Racak au Kosovo, les «armes chimiques» de Saddam Hussein et autres inventions des propagandes de guerre diffusées à très grande échelle (plus grande bien souvent que les mythes des contestataires). Cela n’a pourtant rien d’anecdotique, car ces mensonges sont pour beaucoup dans le développement de l’esprit de défiance que l’auteur remarque et dénonce dans notre société. Une véritable dialectique existe dans les mass-media entre «mensonges d’en haut» et fantasmagorie contestataire dont le livre omet complètement d’expliciter le mécanisme. Or si la progression de l’irrationnel mérite d’être critiquée, encore faut-il le faire à partir d’un point de vue impartial qui en considère toutes les dimensions.

Lire la suite

"Rachida aux noms des pères"

3 Mai 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

rachida.jpgEnvie d'une BD sur un personnage glauque dans un milieu glauque ? lisez  "Rachida aux noms des pères", de Derai, Swysen et Paulo. Voilà des planches hélas fort bien informées qui vous rappellerons les pires heures du précédent quinquennat. Beurk ! Plus jamais ça !

Lire la suite

"Le Travail pornographique " de Mathieu Trachman

26 Février 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

P1000726-copie-1.jpgPour info, Parutions.com vient de publier mon compte-rendu du livre du sociologue Mathieu Trachman "Le Travail pornographique - Enquête sur la production de fantasmes" ici.

Lire la suite
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>