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Le blog de Frédéric Delorca

France année zéro

12 Mars 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Atlas alternatif

Cette fois-ci c'est évident la France a montré qu'elle n'avait pas de parole et que, par conséquent, elle ne peut plus avoir d'amis.

 

La France était amie de la Libye de Kadhafi. On peut en penser ce qu'on veut. C'était peut-être une erreur. Mais en politique étrangère, une erreur de ce genre, il faut trouver la manière de la corriger sans trop compromettre ses intérêts. On peut pas dire que M. Sarkozy soit très habile en la matière.

 

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Dans un premier temps (la semaine dernière) il semble encore (un peu) favorable à Kadhafi : il s'oppose discrètement à l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne (à juste titre selon moi, car cela ne peut se faire sans bombarder la DCA libyenne, donc sans guerre, contrairement à ce que laissaient entendre les premiers commentateurs). Il semble donner carte blanche à Alain Juppé pour jouer les médiateurs avec l'opposition libyenne, ce qui place la France sur une position non-alignée à l'égard des Etats-Unis qui, eux, s'activent beaucoup du côté de Benghazi.

 

Et puis soudain, patatras. Cette semaine tout change. Il suffit que le toujours fougueux Bernard-Henri Lévy se rende à Benghazi pour qu'une sorte de panique s'empare de Paris à l'idée de défendre une position médiatiquement insupportable (puisque le grand BHL, lui, fera pencher l'opinion publique dans l'autre sens, pense-t-on sûrement à l'Elysée), et à l'idée peut-être aussi de perdre le pétrole libyen.

 

On change son fusil d'épaule d'un coup. En présence du sieur BHL lui-même (notre nouveau ministre des affaires étrangères, puisque le vrai ministre, lui, M. Juppé, n'est même pas informé), on déclare qu'on va rompre les relations diplomatiques avec la Libye, que de très bon ami on deviendra son plus grand ennemi en étant nous Français les premiers à reconnaître le "gouvernement" insurgé. On fait savoir que désormais l'on défend avec enthousiasme la zone d'exclusion aérienne, les bombardements, et qu'on soutiendra cette option au sein des instances européennes qui se réunissent le lendemain (certains médias fourbes feront croire que la France a rompu avec la Libye à la suite de la réunion européenne, mais c'est chercher vainement à rationnaliser les frasques de MM. Sarkozy et BHL qui n'attendent pas l'Europe pour passer d'un extrême à l'autre).

 

On a bien ri quand le site de l'Elysée effaçait discrètement les photos du colonel Kadhafi affichées depuis deux ans sur ses pages. Doit on rire autant du splendide revirement de cette semaine ? Le message adressé aux pays étrangers est très clair : la France n'a pas de parole, donc pas d'amis. Allié aujourd'hui de la France, vous serez demain son ennemi si la conjoncture médiatique et la capacité à contrôler le pétrole modifie le rapport de forces. On dira qu'il en va souvent ainsi en matière de politique étrangère. Encore faut-il y mettre les formes. La méthode de Juppé était conforme aux canons de la diplomatie : d'ami on devient juste un pays neutre qui propose ses bons offices avant de devenir éventuellement ennemi si les bons offices échouent. On me dira encore que les Etats-Unis eux-aussi ont su, par exemple à l'égard de Saddam Hussein en 1990, passer du statut d'ami à celui d'ennemi menaçant en moins d'une semaine. Mais au cours de cette semaine là, Saddam Hussein avait envahi le Koweit, cela donnait une raison officielle. Kadhafi, lui, n'a remis en cause aucun pacte, aucune frontière. Il a juste combattu une insurrection interne à son pays, ce qui, en théorie, du point de vue de la charte des Nations Unies, ne devrait aucunement regarder les puissances étrangères (en tout cas certainement pas la France coloniale qui soutenait en janvier la répression tunisienne).

 

S'étonnera-t-on après que la réputation diplomatique de la France soit au plus bas, et que plus personne ne recherche vraiment l'amitié de notre pays ? Nous fumes grossiers et ridicules à l'égard du Mexique il y a peu, nous le sommes maintenant à l'égard de la Libye. Récemment quand M. Sarkozy s'est vanté d'être le premier chef d'Etat français à assister à une réunion de l'Union africaine, ses hôtes ont répondu que ce n'est pas en qualité de chef de l'Etat qu'il était invité mais seulement comme président du G20. Voilà qui en dit long sur le niveau de notre discrédit. Notre incapacité à tenir parole devant des traités, des alliances, à manoeuvrer habilement dans les arcanes diplomatiques au plus près de nos propres intérêts tout en respectant des équilibres subtils rappelle le processus de capitulation de la IIIème république finissante qu'évoque Annie Lacroix-Riz dans "Le choix de la défaite". En mobilisant les télégrammes des chancelleries, elle montre comment le gouvernement des années 1938-39 ne parvenait plus à défendre sa ligne traditionnelle de défense des intérêts français en Europe de l'Est, et comment il le faisait de la façon la plus risible et honteuse qui fût au point que plus personne n'était plus enclin à respecter la parole de la France. C'est ce qu'il advient sans doute quand on ne croit plus en son propre pays, quand on ne recherche plus que des effets d'image en lieu et place d'une vision de long terme.

 

Le déclin d'une diplomatie a quelque chose de poignant, surtout dans les phases où il s'accélère. Depuis 30 ans la diplomatie de la France n'est plus très imaginative ni très audacieuse. Depuis 3 ans elle est devenue fantômatique : il ne s'agit plus que que de recherche de contrats (en Irak), de coups de pouce au néo-conservatisme américain (en Iran, en Afghanistan, en Palestine) et de coups d'éclats médiatiques (en Colombie, en Géorgie). Avec ça on fait peut-être les "unes" de journaux peu portés sur l'analyse, mais on perd tout honneur aux yeux des autres puissances.

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Ambiance meeting et stand de vente de livres hier soir

11 Mars 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La gauche

 


Meeting soutien Arnaud Keraudren à Sevran Mélenchon, Autain, Buffet
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Stand du Temps des Cerises à Sevran demain soir

9 Mars 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Actualité de mes publications

Le Temps des Cerises sera présent demain soir à partir de 20 h 30 au meeting de Jean-Luc Mélenchon, MG Buffet et Clémentine Autain à Sevran (Salle des fêtes).

 

Frédéric Delorca y sera donc avec des exemplaires du livre sur la résistante Denise Albert qu'il vient de publier. Peut-être même y aura-t-il quelques Atlas alternatif et Programme pour une gauche décomplexée qui traineront ici ou là s'il y a assez de place dans les cartons de l'éditeur.

 

Une occasion de se rencontrer. Venez donc nombreux !

 

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Un de mes billets dans "Anti-Onfray 3" d'Emile Jalley (L'Harmattan)

9 Mars 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Je n'ai pas lu l'ouvrage intitulé "Anti-Onfray 3", qui semble être une compilation de réactions au livre de Michel Onfray contre Freud, mais j'observe, en tombant par hasard sur son sommaire sur Amazon, qu'au chapitre 14, M. Emile Jalley cite in extenso l'article que j'avais intitulé "Badiou, Onfray, Freud........... Dawkins, Zénon" posté sur ce blog le 12 mai 2010.

  onfray

Je ne sais pas si je dois me réjouir de cette reprise de mon billet ou la regretter. Celui-ci, écrit à la hâte à l'occasion d'une insomnie nocturne, n'avait pas vraiment vocation à devenir, à l'état brut en tout cas, la pièce d'un dossier à charge ou à décharge dans un procès intellectuel. J'ai cru comprendre que M. Jalley est très freudien, ce que je ne suis pas. Mon billet sur Onfray s'inscrit au milieu de plusieurs autres dans lesquels j'essaie de faire la part à la fois des mérites et des défauts de cet auteur. Je ne suis donc pas tout à fait convaincu de l'opportunité de la reprise de ce texte dans un recueil où mon nom côtoie ceux de Nancy et Quiniou. D'ailleurs mon billet se terminait par une remarque sur ma relative "extranéité" à l'égard de ce débat que je n'abordais que de biais.

 

Mais bon, je ne veux pas trop faire la fine bouche. Je ne sais pas si cet ouvrage à plus de 30 euros reposant sur le réseau très artisanal de L'Harmattan peut toucher un public quelconque, mais si la mention de mon billet en son sein peut aider à initier les lecteurs à la réhabilitation du stoïcisme à laquelle je m'essaie en ce moment ce ne sera finalement pas si mal.

 

Sur l'affaire Onfray-Freud elle-même je vous conseille la lecture de l'article d'un des contributeurs (je crois) du "Livre noir de la psychanalyse" dans Books du mois de mars. Son idée selon laquelle ramener le freudisme à la personnalité de Freud revient en fait à faire du freudisme me paraît juste : en sciences humaines la critique généalogique et biographique des oeuvres n'est pas la bonne méthode.

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La journée de la femme sera chinoise ou ne sera pas

8 Mars 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les rapports hommes-femmes

Après tout elles sont les plus nombreuses...

 

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L'Abkhazie et l'hégémonie occidentale

7 Mars 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Abkhazie

Il est très à la mode de dire que l'Occident est en perte de vitesse et que des pays "émergents" sont prêts à lui damer le pion. La presse dominante  brode sur ce thème pour nourrir des craintes fantasmatiques, à l'égard de pays comme la Chine notamment (comme autrefois à l'égard de l'URSS), et les adversaires de l'ordre mondial veulent bien y croire pour se redonner le moral.

 

Je crois que, si le reflux occidental existe (en fait il existe depuis 1945 si on prend comme critère la part des Occidentaux dans le Produit mondial brut), il ne faut pas en exagérer la portée.

 

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Une des preuves du maintien de l'hégémonie économique, politique et militaire occidentale se rencontre sur le dossier de la reconnaissance des républiques sécessionistes de Géorgie. Trois pays ont suivi la ligne de Moscou, trois seulement, un chiffre qui n'a pas changé depuis décembre 2009.

 

Je lisais ce matin un peu par hasard une dépêche de RIA Novosti d'août dernier reprenant les propos du président Biélorusse Loukachenko pour justifier son refus de reconnaître le gouvernement de Soukhoumi. Je crois que l'explication en dit long sur la nature des rapports de forces :

 

"Je lui ai dit [au Président russe] : pas de problème pour la Biélorussie afin de reconnaître l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie. Mais je lui ai énuméré les problèmes pouvant surgir à cette occasion pour la Biélorussie dans ses relations avec l'Union européenne, les Etats-Unis, la Communauté des Etats indépendants (CEI) et ainsi de suite (…) plus d'une dizaine de problèmes".

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La lecture sérieuse

3 Mars 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Ce qui m'a toujours séduit chez Boudon, et qui me séduisait à la Sorbonne (Paris IV à l'opposé de Paris I) en philo même si je m'y ennuyais ferme, c'est qu'il défend une culture de la lecture sérieuse des auteurs (contre le "carottage" qu'il prête à Althusser, et que mon censeur de lycée en 1987 prêtait à Foucault, mais il est significatif que j'aie eu mon prix au concours général dans un lycée où le censeur était foucaldien, fermons la parenthèse).

 

La lecture sérieuse. Rien ne la remplace. Et pourtant tout nous en détourne. Si je veux me sentir utile à mon époque en ce moment, je vais éplucher l'actualité, la commenter, ce qui me vaudra le titre de "spécialiste de la géopolitique" par exemple (qu'un normalien dans un de ses mails m'a accordé bizarrement cet après-midi) et quelques lignes dans le Monde Diplo.

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Un autre travail, qui consiste à se lancer dans des auteurs oubliés, ou méprisés, sans savoir ce qu'on y cherche, est beaucoup plus ingrat. Il vous coupe du monde, fait de vous un moine ou un fou. Et pourtant une certaine essence du travail intellectuel se trouve bien là, dans cette lecture non-mondaine, anti-mondaine, qui, dans le totalitarisme actuel du "nous" du "tous ensemble dans le présent actuel", vous conduit sûrement à la mort.

 

Ce soir j'ouvre un bouquin de Christopher Lasch qui traine dans ma bibliothèque. Je m'attends à y tomber sur considérations à la Michéa sur le système mondialisé. Pas du tout. Je découvre un passage sur la psychanalyse et la honte. Un hasard complet. Il y a un mois je suis tombé en lisant Julius Evola (auteur prohibé dans le monde d'aujourd'hui) un passage sur la honte, qui me fait penser à celui de Sartre dans je ne sais plus quel livre, et celui de Lévinas dans Le Temps et l'Autre. Je tiens là une piste de ce que je pourrais faire : une topologie de la problématique de la honte et de la pudeur chez ces quatre auteurs, les faire dialoguer à quatre autour de ça. J'en tirerais sans doute quelque chose de plus profond que le bricolage que l'historien Jean Claude Bologne effectue autour de ces concepts dans son dernier livre sur les sentiments féminins. Je le ferai peut-être un jour. Mais il est significatif que rien dans le système social actuel ne nous encourage à le faire. Et Boudon a même raison de dire que les enseignants eux-mêmes ne le font plus. Pour tous les grands auteurs ne sont plus que des avatars sur Internet, des sémaphores.

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