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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #philosophie et philosophes tag

Amor intellectualis dei

20 Novembre 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Reçu ce matin :

 

"Cher monsieur Delorca

 

Je suis une jeune femme trentenaire très rangée et une bonne mère de famille qui a un métier respectable. Mais tous les choix de vie je les ai faits par sens du devoir et parce que je ne m'aimais pas assez pour parvenir à mieux. J'ai compensé par le rêve tout ce que je ne pouvais avoir dans le réel. Ca ne m'a pas toujours réussi. Tenez, par exemple je suis fascinée par les étoiles et tout ce qui est au delà de l'humain. Je me suis intéressée il y a peu aux travaux d'un sexagénaire qui se disait "extra-humain" car il se livre à diverses expériences comme les sadhu en Inde. Je suis même allé à une séance de signature de ses livres. Ses écrits m'intéressaient jusqu'à ce qu'au terme d'un échange sur un réseau social, il me sorte sans raison 'j'ai envie de sentir ton souffle sur mon bas-ventre'. L'extra-humain avait sans doute oublié que j'étais humaine.

 

Je ne vous raconterai pas non plus les trois histoires d'amour que j'ai vécues dans ma vie - il n'y en eut pas plus -. La dernière fut si désastreuse qu'elle m'a convaincue de faire un troisième enfant à mon mari, que pourtant je n'aime pas, simplement pour me convaincre que j'existais tant j'ai perdu toute estime de moi-même. Voilà pourquoi quand vous parlez d' 'amitié universelle à la fois intellectuelle et sexuelle' en quatrième de couverture d'un de vos livres, pour moi c'est du chinois. Une notion aussi vague n'est pas de celles qui peuvent donner à chacun la force dont il a besoin pour se projeter vers l'extérieur.

 

Cordialement

 

Shona"

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Néo-platonisme et socialisme

16 Novembre 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

platon.jpg"Que l’on se persuade bien que les Abailard, les saint Bernard, les saint Thomas d’Aquin, ont porté dans la métaphysique une supériorité de lumières dont nous n’approchons pas ; que les systèmes saint-simonien, phalanstérien, fouriériste, humanitaire, ont été trouvés et pratiqués par les diverses hérésies ; que ce que l’on nous donne pour des progrès et des découvertes sont des vieilleries qui traînent depuis quinze cents ans dans les écoles de la Grèce et dans les collèges du moyen âge. Le mal est que les premiers sectaires ne purent parvenir à fonder leur république néo-platonicienne, lorsque Gallien permit à Plotin d’en faire l’essai dans la Campanie : plus tard, on eut le très grand tort de brûler les sectaires quand ils voulurent établir la communauté des biens, déclarer la prostitution sainte, en avançant qu’une femme ne peut, sans pécher, refuser un homme qui lui demande une union passagère au nom de Jésus-Christ : il ne fallait, disaient-ils, pour arriver à cette union, qu’anéantir son âme et la mettre un moment en dépôt dans le sein de Dieu." (Chateaubriand, MOT L. 13, ch 10)

 

Qui parmi mes augustes lecteurs pourrait me renseigner sur l'expérience utopique de Plotin en Campanie ?

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Du néant

9 Novembre 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Comme beaucoup d'enfants sinon tous, mon fils a du mal à accepter l'idée qu'il est issu du néant. A propos du passé, quand ses parents parlaient de leur jeunesse, il demandait toujours "j'étais où moi". La réponse "nulle part" ne l'a jamais satisfait. Donc à partir de l'idée populaire de "petite graine" ou de "graine de culotte", ses ascendants se sont efforcés de lui faire comprendre qu'il était d'abord dans le corps de son père (vision qu'Aristote eût appréciée mais qui est anti-scientifique quant au rôle de l'ovule). Mais n'osant pas aller au bout de la démarche, ils n'ont pas précisé vraiment où. Ils ont dit dans le ventre. Ce qui aboutit au résultat peu satisfaisant que, lorsque je parle de mes 20 ans, il me ajoute immanquablement : "à ce moment là j'étais dans ton ventre, je m'en souviens, j'entendais tout".

 

Aujourd'hui les physiciens croient nous flatter (voir le documentaire ci-dessous) en nous disant que nous sommes faits d'atomes (de carbone, de fer etc) fabriqués par les étoiles, et nous rassurer sur l'intemporalité relative de la matière, en ajoutant que ces atomes sont là depuis l'origine de la planète, de sorte qu'un atome de carbone que j'ai dans l'auriculaire gauche (par exemple) peut avoir fait partie d'un sapin il y a trois millions d'années, d'un intestin ou du cerveau de Cléopâtre il y a 2 000 ans, ou de l'oeil d'une souris à l'époque d'Henri IV.

 

Qui plus est l'absence du néant (à l'opposé de l'obsession de la néantisation chez Sartre) est une condition du dogmatisme matérialiste, comme l'avait rappelé Bruno Munier dans un livre il y a quelques années (d'ailleurs qu'est devenu ce brave homme depuis lors?). Il ne faut pas que la matière puisse venir de rien et n'aller nulle part. L'éternité de la matière est une nécessité aussi forte pour un athée rigoureux que celle de Dieu pour un croyant. Et les deux sont bien sûr tout aussi inconcevables l'une pour l'autre du point de vue de la petite rationalité de primate que nous avons tous. La pensée de l'absence de néant nous est aussi inaccessible que celle du néant elle-même.

 

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Ethique existentielle

7 Novembre 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Je débats un peu de temps à autre avec une écrivaine amatrice qui soutient que tout a été prévu dans le grand livre sdu destin. Cela me rappelle une discussion que j'avais eu avec un réunionnaise hindouiste qui me disait que dans sa famille l'on mettait un point d'honneur (et un zeste de distinction, au sens de Bourdieu) à ne pas croire au hasard et à penser que toute chose qui arrive correspond à un plan prédéfini suivant des règles mathématiques qui orientent tout dans le moindre détail, au nez et à la barbe du commun des mortels qui n'en soupçonnent même pas l'existence. Une sorte d'intégrale des "compossibles" façon Leibniz.Je ne vois pas trop quel avantage on tire de ce genre de certitude indémontrable. On se donne le plaisir narcissique de percer les plans d'une hypothétique divinité. Aucun intérêt puisque personne ne peut affirmer connaître ces plans ni prédire l'avenir. Aucun intérêt sinon le besoin de se rassurer ou de se dédouaner à bon compte ("je ne suis pas le seul à décider, et quelqu'un ou quelque chose doit avoir pensé tout ça d'une manière plus intelligente que moi"). Je préfère croire au libre arbitre individuel et à la responsabilité de chacun qui rend le quotidien plus stimulant, et qui est, en outre, moins anthropocentrique (car cette idée qu'un "maître des horloges" ait tout écrit avant nous, suppose une main "providentielle" un peu trop ressemblante à la très improbable main d'un créateur humain). La foi du charbonnier...

 

Puisque nous parlons d'éthique existentielle, je me suis laissé convaincre d'aller voir prochainement à la Cinémathèque de Paris l'exposition de photos du très christique Pier Paolo Pasolini. Comme beaucoup en ces temps où la politique ne trace plus de grandes perspectives enthousiasmantes, je me demande si le sens de la vie n'est pas dans la définition pour tout un chacun d'un idéal stoïco-christique de dévouement au bien commun et de caritas, au sens plus profond que le sens ecclésial chrétien (je préfère prendre tous les vieux mots latins au fondement de notre vocabulaire dans le sens plus originel : fides, pietas, etc).

 

A part cela je prépare une recension pour Parutions.com qui va m'obliger à faire la part des choses entre philosophie continentale et philosophie analytique. Exercice de haute voltige. A midi à table un collègue a déblatéré contre Chomsky. On n'est pas loin du débat sur la philosophie analytique car "Chomsk' " est proche de cette dernière. Mais faire saisir la grandeur de la tabula et de l'aridité chomskyennes à un amateur de belles lettres est aussi difficile que d'initier à Picasso un inconditionnel de Velasquez. 

 

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Epictète et la nature humaine

10 Juin 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Il est un point excellent dans le stoïcisme qu'on retrouve jusque dans sa version la plus tardive (à laquelle je préfère la première, celle de Zénon et Chrysippe, plus anarchiste), et que ni Chomsky ni les psychologues évolutionnistes ne récuseraient, c'est son souci de philosopher à partir de la nature de l'homme et des animaux.

Je lis dans Epictète (Diatribai Entretiens ch XXIII I, 23, 1) le texte ci dessous - je suis désolé de vous le livrer en anglais mais je ne le trouve pas sur le Net dans notre langue sauf en version orale que vous pouvez écouter ici (mais je n'aime pas la voix de la dame). Notez le lien classique qu'il établit entre paternité et engagement politique. L'épicurisme d'Onfray et de Marx ne tient pas face à un texte comme celui-là.

P1020711" Even Epicurus is sensible that we are by nature sociable beings; but having once placed our good in the mere outward shell, he can say nothing [p. 1077] afterwards inconsistent with that; for again, he strenuously maintains that we ought not to admire or accept anything separated from the nature of good, and he is in the right to maintain it. But how, then, arise any affectionate anxieties, unless there be such a thing as natural affection towards our offspring? Then why do you, Epicurus, dissuade a wise man from bringing up children? Why are you afraid that upon their account he may fall into anxieties? Does he fall into any for a mouse, that feeds within his house? What is it to him, if a little mouse bewails itself there? But Epicurus knew that, if once a child is born, it is no longer in our power not to love and be solicitous for it. On the same grounds he says that a wise man will not engage himself in public business, knowing very well what must follow. If men are only so many flies, why should he not engage in it?

And does he, who knows all this, dare to forbid us to bring up children? Not even a sheep, or a wolf, deserts its offspring; and shall man? What would you have, that we should be as silly as sheep? Yet even these do not desert their offspring. Or as savage as wolves? Neither do these desert them. Pray, who would mind you, if he saw his child fallen upon the ground and crying? For my part, I am of opinion that your father and another, even if they could have foreseen that you would have been the author of such doctrines, would not have thrown you away. [p. 1078]"

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