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Daniel Ortega réélu
Eclipsée par les élections américaines, la belle victoire du président sortant sandiniste Daniel Ortega au Nicaragua mérite d'être soulignée. L'opposition (le FAD) avait appelé au boycott, mais 68 % des électeurs se sont rendus aux urnes et 72,5 % ont réélu M. Ortega dès le premier tour, de sorte que celui-ci va entamer son troisième mandat, de quoi faire pâlir d'envie François Hollande avec ses 4 % de popularité.
La recette de ce succès politique : une croissance économique constante depuis dix ans (une des meilleures du continent en 2016), une réduction de la dette publique de 85 à 48 % en 9 ans. Mais n'allez pas croire qu'il s'agisse là du résultat de recettes néolibérales : les programmes sociaux "Faim zéro", "Plan Toiture", "Usure zéro", "Goûter à l'école", "Tickets productifs" et "Maisons pour le peuple" ont fait reculer la pauvreté de 42 à 29 %. Le tout sur fond de collaboration avec Cuba et le Venezuela. Ainsi ce petit pays qui fut martyr de la guerre froide à l'époque de Reagan montre qu'il n'y a pas de fatalité au recul de la gauche en Amérique Latine après le retour de l'Argentine et du Brésil dans le giron de la droite.
La libération de Bashiqa en Irak
La ville de Bashiqa, au nord-est de Mossoul, a été libérée par les peshmergas du général Bahram Arif Yassin le 7 novembre (dimanche), alors qu'Erdogan persécute le parti pro-kurde en Turquie. Bashiqa était autrefois une ville touristique, nous dit Wikipedia, peuplée majoritairement de yazidis et de shabaks, deux groupes ethno-religieux syncrétiques, d'ailleurs les Shabaks fréquentaient les sanctuaires yazidis (aujourd'hui détruits) même s'ils se sentent dit-on plus chiites (les yazidis, eux, mélangent une sorte de zoroastrisme hérétique avec du soufisme - on ne développera pas ici les enjeux idéologiques des débats autour de la religion yazidie et du culte de Tawsi Melek). Une messe a eu lieu à l'église chrétienne le 9, et une cérémonie au temple yazidi le 10. Les yézidis se promettent d'y reconstruire leurs lieux saints. Espérons qu'ils parviendront plus facilement à y retourner et reconstruire leurs maisons qu'à Sinjar où ils n'ont pas remis les pieds, bien que la ville soit libérée depuis un an.
Alors que la guerre fait rage à Mossoul, une partie des esclaves sexuelles yazidies de Daech ont été transférées à Raqqah, où elles sont livrées dans des bordels encadrés par des Anglaises musulmanes qui ont rejoint Daech dans le cadre de la brigade al-Khanssaa. Daech justifie cela par le texte du Coran, et il est vrai que le Coran prône la réduction en esclavage des ennemies captives (voir le commentaire du chapitre 4 24 ici et ici). Les enfants ont eu le cerveau lavé dans des camps militaires, beaucoup peuvent servir de kamikazes.
En octobre la chancelière allemande Mme Merkela a défendu l'idée de créer une zone sous protection internationale pour la défense des minorités dans les provinces de Sinjar, Tal Afar (dont la capitale peuplée de Turkmènes sunnites sera dure à libérer surtout par des milices chiites) et la plaine de Ninive. Un projets aux relents un peu interventionnistes mais bon...
Dans un des camps de réfugiés en Irak où l'on voit arriver avec crainte la froidure et la pluie et où le chauffage de fortune provoque des incendies, mardi dernier le 8, un enfant yazidi est né... Sa mère l'a appelé Trump... La nouvelle est publiée aujourd'hui sur Twitter par Adlay Kejjan qui fait du lobbying républicain aux USA (Kejjan est une entrepreneur dans le secteur paramédical, trois de ses soeurs sont mortes à Sinjar à l'époque de Saddam parce que le régime barrait l'accès aux médicaments pour les yézidis à l'époque de l'embargo). Espérons que la maman ne regrettera pas ce choix à l'heure où l'on commence à annoncer que le nouveau président des Etats-Unis pourrait prendre le néoconservateur John Bolton comme ministre des affaires étrangères...
Paul Morand, la littérature
Il y avait ce soir à la TV sur une chaine de la TNT une longue interview de Paul Morand. Je l'ai écoutée jusqu'au bout.
Je sais que des jeunes gens comme Romain ou Etienne qui m'ont fait l'amabilité de réagir à ce blog naguère ont apprécié que j'y parle d'auteurs du XXe siècle comme Gary ou Werth. J'ai peut-être mieux fait de faire cela que d'y parler de politique. Je ne sais pas...
Ce soir j'écoutais Morand comme on dialoguerait avec un extra-terrestre. J'ai tellement peu de points communs avec cet homme... et pourtant son monde m'a effleuré plusieurs fois dans ma vie. Le monde des peintres surréalistes, de Malraux, de Gide, de Proust. Je l'ai croisé au sortir de l'enfance, au début de ma vie d'adulte, au milieu. On ne sait pas pourquoi ce genre de chose vous atteint, s'éloigne de vous, puis revient à divers moments. On plaint ceux qui n'ont pas la chance de croiser cela sur leur route.
Le monde des surréalistes était encore présent en moi en 2012, je crois, à moins que ce ne fût 2013, à travers Soupault. Et puis l'oeuvre de Morand s'est invitée dans ma vie en 2014 à travers Hécate et ses chiens et à travers son journal de 1968-1970. C'est lui qui m'a donné envie de lire le journal de Simone de Beauvoir de la même époque. Je me demande si je n'ai pas connu Hécate et ses chiens après avoir lu un article du journaliste Labévière. 2014 était une année vraiment épouvantable pour moi et en même temps mêlée de révélations compliquées. Il était étrange que le roman de Morand soit arrivé là, car Hécate et ses chiens est un livre un peu diabolique. Juste un peu. Et cependant moi qui, après toutes mes découvertes, suis devenu allergique aux démons, je ne perçois pas de danger dans le monde de Morand. Peut-être suis je en cela trop naïf. Peut-être à cause de cette espèce d'humilité très sobre du personnage qu'on retrouvait dans son interview ce soir.
Peut-être à cause de son absence. Cet homme fut très présent à son époque, et en même temps tellement décalé, évanescent. Pas le genre de type qui vous embrigadera dans une légion criminelle. Il se sera beaucoup trompé, autant je pense quand il aimait Picasso, que quand il se résignait au pétainisme, ou quand il détesta De Gaulle. Mais il s'est trompé de façon intéressante, toujours, d'une façon bizarre, instructive. Peut-être à cause de son espèce d'absence de tout justement D'où ses phrases courtes dans l'interview, et le fait qu'il avoue ne pas aimer parler. Un point commun avec Deleuze.
J'ai la chance de ne pas être un écrivain, de n'avoir pas derrière moi une oeuvre, même si j'ai pondu un roman et quelques témoignages autobiographiques. Je peux donc aborder n'importe quel livre de façon parfaitement désintéressée, candide, désinvolte. Je n'ai même pas, à la différence des profs, à me poser dans le rôle du type "qui s'y connaît", qui doit transmettre, je ne suis même pas dans ce sérieux là. Je suis dans un sérieux, certes, mais un sérieux à moi, un sérieux lié à ma recherche incommunicable, incompréhensible par autrui, donc je tire des livres ce que je veux, j'en dis ce que bon me semble sur ces pages numériques ou ailleurs. Ca a de l'importance, et ça n'en a pas. Dans quelques semaines je serai pour quelques jours à Venise. Je ne l'ai pas choisi. Ca arrive comme ça, alors que Venise évoquait toujours pour moi Sollers et toute une imposture littéraire que je déteste. Une boursoufflure devrais je dire. La ville n'a-t-elle point elle même vécu du vol et de l'imposture depuis le Moyen-Age ? Pour m'y sentir moins seul, j'emmènerai le livre de Morand avec moi, "Venises". Dans l'interview de ce soir, il expliquait que Montaigne, Rousseau et bien d'autres génies ont écrit sur cette ville où lui même a rencontré mille célébrités. Je pense qu'à travers ce livre je retrouverai un peu du monde littéraire, et de l'univers des esthètes, qu'accaparé par ma recherche métaphysique depuis deux ans je néglige un peu trop. J'ignore si j'en parlerai sur ce blog. On verra bien.
Ai-je déjà parlé dans ce blog de Morand ? Je pense que oui. Qu'en ai-je dit ? Je ne sais plus. Est-ce que la littérature cela compte vraiment ou n'est-ce qu'un de ces pièges hédonistes de plus qui nous éloignent de la vérité ? Grave question. Platon voulait chasser les poètes de la Cité. A ma connaissance l'Israël biblique n'a pas eu d'écrivains, même à l'époque hellénistique des Macchabées. Il en a eu un avec Flavius Josèphe, mais ce n'était plus l'époque biblique, en tout cas plus celle de l'Ancien Testament. Il faudrait que je vous parle de Josèphe d'ailleurs car j'ai lu trois chapitres de son récit des guerres juives il y a peu. Passons. Oui, les peuples qui se confrontent sérieusement à la vérité ne pratiquent pas la littérature. Cependant l'auteur de l'Ecclésiaste ou celui du Cantique des cantiques ne sont-ils pas des écrivains ? Le style nous éloigne de la vérité, mais comment peut-il y avoir une vérité sans style ? Surtout une vérité pratique, au quotidien. Comment puis-je manger une pomme avec une certaine vérité dans ma façon d'être si je n'ai pas un regard littéraire sur elle, et sur ma façon de la prendre en main ? Je ne sais pas trop comment vous expliquer cela, mais je crois qu'il y a là un "vrai sujet" comme eût dit un de mes collègues.
Donc il se peut que vous tombiez encore sur des lignes sur Morand, en parcourant ce blog, dans les mois à venir, et sur des lignes sur Venise. Sauf si je me persuade de ce que je perds mon temps à aborder ces sujets là...
Encore un mot sur la victoire de Trump
En France, les grands "merdias" s'appesantissent sur l'amertume que provoque chez eux la victoire de M. Trump. Mais c'est oublier l'espoir que celle-ci provoque à travers le monde parmi les gens qui ont tant souffert des compromissions de Mme Clinton avec le Qatar.
La presse russe par exemple cite un député au parlement syrien et président de la chambre de commerce d'Alep Fares Shehabi qui explique que les habitants de sa ville sont tous heureux de l'élection de Trump car pour eux Mme Clinton (avec son projet de zone d'exclusion aérienne) c'était le soutient américain Al Nosra...
Sur Twitter la directrice de l'Organisation des femmes américaines yézidies écrit sur Twitter "Ma tante chante des prières pour Trump depuis 2 heures dans l'espoir qu'il nous débarrasse de Daech et que les yazidis puissent vivre en paix à nouveau".
En Serbie bien sûr on se réjouit, parce que Trump pendant la campagne avait dit que les bombardements de 1999 avaient été une erreur, et parce que sa femme slovène a des amis serbes. Le système clinton (Bill-Hillary) dans les Balkans reste synonyme d'ingérence barbare et de soutien aux mafieux, ce que Nuland l'adjointe de Clinton a renouvelé en Ukraine en 2014.
Diana Johnstone dans Counterpunch intitule son article "Ding Dong la Sorcière est morte", qualifiant Trump de "magicien d'Oz".
La manière dont Clinton en fin de campagne s'affichait avec Beyoncé et Jay Z, après avoir eu le soutien de Lady Gaga et Madonna lui donnerait raison...
Et qu'on ne vienne pas nous dire que Trump a eu moins de voix que Clinton. C'était arrivé aussi à GW Bush en 2000. Et surtout, n'oublions pas que les libertariens plus à droite que lui lui ont piqué des voix tout en étant d'accord avec une partie de son programme. Et sans les campagnes de diffamation menées par tous les grands médias (il n'avait que Fox News avec lui) Trump aurait fait beaucoup mieux. Donc sa victoire n'est pas volée.
La belle victoire de M. Trump
Bien que je ne partage pas un certain nombre de ses idées (sur la légalisation du port d'armes, sur l'assurance médicale etc), je salue la victoire électorale claire, nette et précise de M. Trump (dont j'ai déjà dit du bien ici et ici notamment), laquelle va apporter un ballon d'oxygène à la démocratie américaine et constitue un meilleur gage de pacification des relations internationales que les projets de la diabolique Mme Clinton. J'espère que cette dernière fera l'objet des poursuites pénales annoncées par son adversaire républicain pendant la campagne du fait des nombreuses forfaitures dont elle s'est rendue coupable. Sa défaite, comme celle des adversaires du Brexit il y a quelques mois, est celle du système médiatique et financier international tout entier qui musèle les peuples depuis trop longtemps, mais je doute que ce système délirant, drogué au mensonge et à l'imposture, se remette en cause... Il est à craindre au contraire qu'il mette beaucoup de bâtons dans les roues de M. Trump, lequel va sans doute peiner à former une équipe performante après avoir été lâché par une bonne part de l'Establishment républicain. Pourvu que les néo-conservateurs n'en profitent pas pour lui remettre le grappin dessus !
Formons des voeux néanmoins pour que la défaite de Mme Clinton augure d'un rapprochement américano-russe, d'une diminution des tensions au Proche-Orient et autour de la Chine, peut-être aussi de la fin du traité de libre-échange transatlantique et du réveil des peuples d'Europe, à l'exemple des peuples américain et britannique, contre la pensée unique dominante.
Nareen Shammo à Rome
La journaliste yézidie Nareen Shammo était invitée le 30 octobre denier par le parti radical non violent transnational et transparti à Rome à parler du génocide des yézidis. Je ne sais pas ce qu'est cette organisation. Selon son post sur Facebook, elle a souligné que les femmes dans les camps ont toujours besoin d'un soutien psychologique urgent, elle a aussi plaidé pour les yézidis réfugiés en Turquie et en Grèce et pour les chrétiens victimes de Daech (Etat islamique).
Ce parti est l'ancien Parti radical du "cicciolino Panella" comme l'appelait la star du X italo-hongroise des années 1980... de vieux souvenirs... Il faudrait que des organisations plus importantes en France accueillent aussi Nareen pour des conférences.
Les djihadistes en ce moment retiennent 400 femmes yazidies comme boucliers humains à Tal Afar (Talafer) à l'ouest de Mossoul. L'hiver approche pour les réfugiés dans les camps, et le retour dans les villages où ils ont vécu même s'ils ont été libérés par Daech n'est pas à l'ordre du jour (dans une ville comme la bourgade kurde Sinjar-Shingal, 20 000 habitants en 2008, qui avait été le lieu de tournage du film "L'exorciste" de William Friedkin, en 1973, des musulmans sunnites ont en 2014 aidé Daech à liquider les hommes yézidis et à déporter leurs femmes).
Si vous voulez aider les femmes yézidies ex esclaves de Daech, n'hésitez pas à me contacter.
La question de la paix avec Daech
J'ai déjà dit à propos du débat Badiou-Onfray que je désapprouve l'athéisme d'Onfray, et depuis 20 ans je n'ai guère de sympathie pour sa philosophie très manichéenne, et superficielle qui procure du "ready made" à des gens qui n'ont pas envie de se confronter à toute la difficulté et à tout le charme des grands philosophes à lire dans le texte. Je perdrais mon temps à décrire toutes les caricatures de Nietzsche, de Kant, de Spinoza qu'il a pu produire et tout le mal qu'il a fait à l'intelligence dans notre pays en faisant croire aux gens que philosopher c'était cela (mais c'est en somme moins de mal sans doute que celui provoqué par les vrais savants qui se sont repliés dans leur tour d'ivoire en renonçant à faire de la vulgarisation, et aussi que la politique de nos gouvernants qui fait que dans nos écoles un enfant de CE1 ou de CE2 passe plus de temps à dessiner et jouer au basket qu'à apprendre à lire et écrire).
Mais penser c'est débattre, et on ne peut laisser sans débat et sans réplique les propos des gens que les merdias nous présentent comme des grands penseurs.
Alors oui il faut débattre de la proposition d'Onfray sur la possibilité d'une paix avec Daech, et il faut en débattre rationnellement, c'est-à-dire sans prendre en compte l'hypothèse que les forces divines peuvent demain entraîner en une seconde l'effondrement de Daech, celui de l'Occident, celui des deux, ou encore une réforme idéologique profonde de l'Occident comme de Daech. Parce que, même si l'on croit que le monde invisible ou son auteur a ce pouvoir-là, nul croyant (sous réserver d'une révélation prophétique avérée) ne peut prétendre être avoir la certitude qu'il sera mis en oeuvre. Donc nous devons aussi penser avec nos moyens humains, au moins en tant que partie (modeste) du job à faire.
Il faut en débattre, parce que la question d'Onfray est trop absente de l'univers de pensée totalitaire (et puéril) occidental : celui de la discussion avec l'ennemi, qui est au fondement de la notion même de diplomatie. Ici la question est profonde car il s'agit de discuter avec un ennemi qui veut explicitement notre destruction, alors que nos ennemis récents - Milosevic, Saddam Hussein, Poutine - n'étaient que d'anciens alliés un peu trop turbulents qui restaient disposés à adhérer à au moins une partie de nos valeurs et dépendaient idéologiquement de nous.
J'ai pour ma part défendu (voir mes livres) la non-ingérence face à ces "ennemis là" au nom de la souveraineté des Etats sur laquelle repose le droit international contre le droit humanitaire (Onfray, lui, qui ne croit pas en la légitimité des Etats, en tant que libertaire, n'est d'ailleurs pas légitime à s'opposer à l'ingérence).
J'ai en revanche soutenu dans la guerre du Mali le principe de la coopération internationale qui est compatible avec la souveraineté des Etats puisqu'elle suppose que le gouvernement concerné sollicite une aide, sans être trop regardant sur les conditions dans lesquelles le gouvernement malien (à l'issue du putsch) a pu recourir au soutien français. Et d'ailleurs cette guerre a effectivement libéré le nord du Mali du joug d'Ansar Eddine et d'AQMI (même si l'action de guérilla sporadique y perdure). En vertu de ce principe j'approuve aussi le soutien russe au gouvernement légal syrien.
Notre intervention militaire contre Daech est illégale en Syrie (alors qu'elle est légale en Irak...). Nous devons donc en principe la condamner. Elle ne serait légale que si elle était sollicitée par le gouvernement syrien.
Je ne vois donc pas pourquoi Onfray dans la vidéo ci-dessous suggère que nous devrions négocier avec Daech l'arrêt de nos bombardements contre la fin du terrorisme. Si notre action est illégale nous devons y mettre fin, c'est un devoir moral, ça ne se négocie pas.
Il est d'ailleurs amusant qu'Onfray laisse entendre que nous devions demander à Erdogan ou au Qatar de jouer les intermédiaires pour négocier la paix avec Daech, alors qu'il s'insurge contre la mainmise de ces pays sur notre classe politique...
Maintenant supposons (pure politique fiction) que Paris (en rompant avec Washington) se réconcilie avec Moscou, ou que (c'est déjà moins de la fiction), Trump étant élu à la Maison Blanche, tout le bloc occidental s'allie à la Russie contre Daech et qu'Assad demande donc officiellement aux avions français de bombarder Raqqa, notre politique de bombardement deviendrait-elle pour autant opportune ?
Elle pourrait être un gage de paix avec la Russie, mais je la considèrerais néanmoins inopportune. Je ne suis pas convaincu que l'apport militaire de la France à l'éradication de Daech soit décisif. Nos moyens sont modestes et nous provoquons sans doute plus de victimes civiles que de dégâts dans les rangs des islamistes. Comme gage de bonne volonté à l'égard de Moscou, nous pouvons nous engager à avoir une attitude positive sur la crise ukrainienne, sur la Crimée, sur la coopération économique, sur la question du bouclier antimissile, etc. Ce seraient là des signes de bonne volonté plus utiles que l'envoi de bombardiers, l'aviation russe étant déjà pourvue en moyens suffisants pour mener ses propres opérations en partenariat avec l'armée arabe syrienne, voire avec les combattants kurdes, tout comme les Etats-Unis sont pourvus de moyens suffisants en Irak avec l'aide des Kurdes, des Turcs et du gouvernement de Bagdad.
Dans le cas de figure où nous refuserions une aide militaire sollicitée par Damas, je ne crois pas non plus que nous aurions à négocier cela avec Daech. Ce refus correspondrait à nos intérêts tout simplement. Il apaiserait probablement l'ardeur de Daech à se venger contre nous, mais il n'y a pas lieu de négocier cette affaire.
On nous objectera que le refus d'aider Damas diminuerait notre influence au Proche-Orient et nous priverait d'une place à la table des négociations régionales le jour où les puissances se réuniront pour règler la question palestinienne. Tout d'abord cette négociation régional n'est pas près d'avoir lieu compte tenu du refus israélien, et rien n'indique que dans le cadre d'une négociation globale avec la Russie incluant les sources de conflit en Europe de l'Est, nous ne pourrions pas proposer notre bienveillance en Ukraine contre une influence maintenue sur la question palestinienne. En outre notre position au Proche-Orient peut être renforcée différemment, par une politique de coopération renforcée avec le Liban par exemple.
Nous pouvons aussi mettre en valeur notre rôle presque exclusif dans la lutte anti-islamiste en Afrique dans l'intérêt du monde pour demander à titre de compensation d'avoir aussi un mot à dire au Proche-Orient ou en Extrême-Orient (cela, il est vrai, supposerait que l'on soit un peu plus malin dans la gestion des effets de notre fiasco libyen).
Restent deux questions. La première que pose la journaliste en cours de débat : si Daech continuait à attaquer la France malgré le retrait de son engagement en Irak et en Syrie, devrions nous négocier ? Onfray répond sur la question des moeurs : selon lui nous ne devons pas modifier notre "art de vivre" et nos valeurs sous la pression terroriste. Il a raison : selon moi nous devrons un jour réformer nos moeurs, mais ce doit être déconnecté du chantage de Daech. Il se pourrait aussi que Daech poursuive les attentats en posant d'autres conditions que la réforme morale ou religieuse. A priori il n'y a aucune raison de négocier quoi que ce soit lorsque, nous étant nous même exonérés de toute faute en cessant de bombarder l'Irak et la Syrie, nous nous contentons de défendre notre territoire. Nous serions alors en situation de légitime défense pure et simple.
Enfin, on peut se demander : après avoir laissé les Etats-Unis et la Russie agir seuls en Irak et en Syrie (comme le font les Allemands), si nous devrions approuvé une éventuelle négociation entre Moscou et Daech ou entre Washington et Daech en cas d'échec de leur entreprise d'éradication territoriale. On voit qu'à ce degré, la question ne concernerait plus la France que d'une manière extrêmement indirecte. Probablement à ce moment-là la question d'un donnant-donnant entre les grandes puissances et Daech pourrait-elle être posée et mériterait-elle peut-être une approbation. Mais on voit bien que ce thème ne viendrait qu'en bout de processus. Il me semble en tout cas qu'au jour d'aujourd'hui le thème de la négociation avancé par Onfray est sans objet. Nous devons stopper de façon unilatérale l'intervention militaire en Syrie et en Irak, et rester fermes sur la défense des intérêts français à l'intérieur de nos frontières, et ces deux principes n'ont pas à être négociés.
Des nouvelles de la guerre froide...
Paul Craig Roberts (dont j'ai parlé parfois sur ce blog et dans mon livre sur mon engagement) existe encore et attire l'attention des internautes ici sur le fait que la Russie considère désormais l'OTAN comme une menace depuis qu'Obama s'obstine à installer un dispositif anti-missile (en fait lanceur de missiles) à sa frontière. Il s'inquiète du risque de guerre. Pepe Escobar (un autre vétéran des débats géopolitiques des années 2000) est plus rassurant : en cas de guerre nucléaire les Russes sont protégés, Washington le sait, et en Syrie H. Clinton ne pourra pas imposer sa no-fly zone où la Russie a déjà la sienne. L'Espagne menace de ne pas laisser les navires de guerre russes en partance pour la Syrie faire une halte à Ceuta, mais au fond, tout cela ne serait que du bluff... sauf si H. Clinton tente le "regime change " à Moscou, comme l'en accuse Diana Johnstone dans "Counterpunch".
En Bosnie les Serbes font marche arrière après leur référendum pour le 9 janvier fête nationale. Le chef du FSB russe (les services secrets) Nikolai Patrushev en visite à Belgrade offre une collaboration au ministère de l'intérieur serbe. Chacun avance ses pièces. C'est le jeu d'échecs mondial.
Si vous n'avez pas connu les charmes de la guerre froide du XXe siècle, vous allez les découvrir maintenant...
Situation confuse au Vénézuela après que la cour constitutionnelle ait invalidé la première collecte de signatures pour l'éviction de Maduro. Le Parlement de droite lance un procès en trahison contre le président mais l'armée ne suit pas, les menaces de violences dans la rue sont dans les deux camps, le pape offre ses bons offices. Malgré l'inflation, une grande partie du peuple reste mobilisée derrière le chavisme. Une résistance qui compte.
Allez, pour finir la palme de l'ignominie imbécile revient cette semaine à Boris Johnson, ministre des affaires étrangères britannique, pour sa sortie dans The Independent que les yéménites et tous les défenseurs de l'éthique apprécieront à sa juste mesure : "Si nous ne vendons pas d'armes à l'Arabie Saoudite, quelqu'un d'autre le fera à notre place".