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Poésie donetskienne
Voilà qui m'apprendra à laisser mon téléphone portable au fond d'un tiroir (non, en fait j'ai bien l'intention de l'y laisser jusqu'à la fin du mois) : je tombe cet après midi sur un message déposé sur mon répondeur hier de... BBC Afrique... La journaliste me demande mon avis sur le convoi humanitaire russe à destination du Donbass...
Bon, je suppose que le sujet a un peu trop vieilli pour qu'il soit utile que je la rappelle (24 heures dans le milieu des médias c'est énorme...).
A part ça, mon camarade avec qui je vais écrire le livre sur la République populaire de Donetsk est arrivé dans le Donbass hier soir. Il m'écrit ce matin : "Cher Frédéric, Ce petit mail pour te confirmer que je suis bien arrivé sur le terrain des combats. Je suis entré ce matin à l’aube dans Dontesk (la nuit passée, à cause des bombardements sur la route, cela n’a pas été possible : mon chauffeur n’a pas voulu et nous nous sommes arrêtés dans une bourgade à quelques kilomètres de la ville). Un de mes contacts à Donetsk, pro-russe, est un poète ukrainien assez connu ici ; il parle très bien le français (sa femme réside d’ailleurs à Paris où ils ont un appartement). Il se bat avec les mots mais aussi avec les armes (il s’est enrôlé dans une milice, malgré son âge – il a plus de soixante ans)."
J'aime l'idée qu'il y ait des poètes dans l'armée de Donetsk. Je ne sais pas pourquoi ça m'a fait penser aux images de cette vidéo sur l'Abkhazie à la minute 2'35.
Pierre-Henri Gouyon sur l'inné et l'acquis
Vous savez que je suis un lecteur attentif de la psychologie évolutionniste et un adversaire du constructivisme intégral. Voici une conférence qui permet de préciser un peu les concepts de la génétique.
Article publié dans "Courrier du Maghreb et de l'Orient"
YÉMEN – « L’autre » guerre entre sunnites et chiites… Aux portes du royaume saoudien
par Frédéric Delorca
Les projecteurs de l’actualité internationale, en ce moment, sont braqués sur la création d’un califat intégriste sunnite au nord-ouest de l’Irak (l’États islamique – EI) et la mobilisation des milices chiites qu’elle suscite en réaction à Bagdad et dans le sud du pays. Mais un conflit entre chiites et sunnites a connu un regain de violence récemment, au sud du royaume saoudien, en République du Yémen.
Le 23 juillet dernier, le président yéménite Abed Rabbu Mansour Hadi effectuait une visite surprise à Amran, à 72 km au nord de la capitale, Sanaa, et annonçait le déblocage de 23 millions de dollars pour la reconstruction des installations urbaines ravagées par les récents affrontements entre Ansar Allah (les combattants du mouvement houthiste, chiites, en conflit permanent, depuis de nombreuses années, avec le gouvernement corrompu et totalitaire de Sanaa) et la 310ème brigade blindée contrôlée et dirigée par un membre du parti Islah (principal parti d’opposition, lié aux Frères musulmans sunnites), unité d’une armée régulière yéménite elle-même en proie à la guerre des chefs. Les combats ont aussi provoqué la fuite d’une centaine de familles qui s’ajoutent au demi-million de personnes déplacées à l’intérieur du Yémen depuis 2004.
Un jour sans fin
Il paraît qu'il y a une super Lune ce soir. Le ciel est nuageux. Je ne la verrai donc pas. Tant mieux.
Arte ce soir diffusait "Le jour sans fin" ("Le jour de la marmotte"). Une comédie à coloration métaphysique : un type est coincé dans un coin perdu de Pennsylvanie, et condamné à revivre sans cesse le même jour.
Moi aussi je suis entré dans un jour de la marmotte depuis 8 mois (bientôt le temps d'une gestation) en ce sens que je n'ai plus aucun contrôle sur ce qui m'arrive. Toutes les pédales ont lâché, je ne peux plus rien anticiper des réactions des gens à mon égard, je ne décide pas vraiment ce que je fais, ce que je dis, et je vois bien que les propos que m'adressent les gens, en bien comme en mal, ne me sont pas vraiment destinés et ne dépendent pas vraiment de ce que moi-même je leur dis.
Une médium (et maître de reiki) vendeuse de fromage dans un supermarché (ça n'empêche pas, et ça va même plutôt ensemble sembe-t-il) du côté d'Aubagne me disait, lors de la dernière soirée de lune noire : "Il te suffit de te laisser porter". Bigre ! Mais ça n'a jamais été ma philosophie ça, ma bonne dame ! Moi je m'suis fait tout seul. Fils d'ouvrier, grandes écoles, blabla... Tsst tsst ! cause toujours mon bon ami ! la Lune a changé de place. Maintenant tu n'as plus ton mot à dire. Supporte ta migraine et laisse le volant aux autres... ou aux Autres...
Souvenirs plotiniens
Quand j'étais étudiant à la Sorbonne (Paris IV), en licence de philo, en 1991, je me sentais à la fois auréolé du double prestige d'avoir été lauréat en philo du concours général des lycées, et étudiant en cursus parallèle à Sciences Po (ce qui était rare à l'époque), et, en même temps, un peu idiot du village dans cette fac, moi, qui étais très branché "philosophie contemporaine" (Hegel, Nietzsche, Heidegger), surtout lorsque je côtoyais des gens qui traitaient des sujets particulièrement exotiques...
J'avais notamment été sonné quand j'avais croisé un petit mec grassouillet aux cheveux raides qui m'avait dit qu'il comptait faire sa maîtrise sur Plotin (je ne me souviens plus exactement sur quel aspect du plotinisme). Il me paraissait proprement fou d'avoir envie de traiter pareil sujet. Pour moi (et pour la vulgate de l'époque) Plotin était une sorte de forme abâtardie (et rifidifiée avec ses "hypostases") du platonisme, suspendue un peu au dessus de rien (puisque cela n'annonçait même pas le christianisme), une branche morte, tardive, un peu folklorique avec ses croyances dans la magie, son végétarisme ascétique etc. Ni Hegel, ni Nietzsche, ni Heidegger n'en avaient (à ma connaissance) rien dit de bon, donc ça ne méritait pas qu'on s'y attarde (je pense que j'aurais pensé la même chose de la cohorte des philosophes que cite Diogène Laërce et qui ont fait le délice des méditations solitaires du présent blog depuis cinq ans...). Donc le type qui se lançait dans une maîtrise là dessus me semblait d'une audace folle, et cela m'impressionnait beaucoup (ne serait-ce d'ailleurs que parce que cela supposait de bien maîtriser le grec ancien).
Aujourd'hui je suis intrigué de lire des petites lignes sur la théorie de la puissance chez Plotin et ses similitudes avec le shivaïsme du Cachemire. J'y perçois une familiarité avec tout mon fonctionnement intime, mes valeurs, ma façon d'être, sans même avaler des livres entiers là dessus (à quoi bon ?). Tout revient tout le temps, finalement...
Prohodos-epistrophe
Je lisais ce matin un texte universitaire très intéressant sur le double mouvement prohodos-epistrophe (dispersion de l'Un, reconcentration) chez Plotin. Le chercheur mettait l'accent sur les points communs entre ce monisme idéaliste néo-platonicien et celui du shivaïsme du Cachemire (dont bien sûr je n'avais jamais entendu parler). Il est amusant de voir que la notion plotinienne au fond est très accessible, intuitivement, pour quiconque a pratiqué Heidegger dans sa jeunesse (avec sa problématique du "retrait de l'être").
Dans les années 80, Heidegger était un ersatz de spiritualisme et de mysticisme. Sa présence comblait un vide intellectuel dans l'école républicaine rationaliste française. S'il disparaît aujourd'hui au profit de l'étude de l'empirisme anglo-saxon, je ne suis pas sûr que ce soit un gain réel pour la formation des ados de notre époque.
J'ai appris aussi que le shivaïsme offre une variante "féminine" (tantrique) fondée sur l'Un comme pouvoir plutôt que comme pureté immobile (qui est sa vision "masculine" dans les Upanishad). On reconnaît là le langage de la filiation Héraclite-Hegel-Nietzsche.
Also sprach Ganesh
Que celles et ceux qui ont trahi mes combats cet été ne me recontactent plus jamais. Qu'ils aient au moins la décence d'aller se murer dans leur trou à rats.
Jupiter
Souvenir des écrits de Nietzsche sur la solitude. Souvenir de la fascination de Deleuze pour l'art japonais de l'épure. Contrairement à ce que soutiennent les "coach" et thérapeutes en tout genre, la vie n'a pas pour but de "devenir ce qu'on est". La vie n'a tout simplement aucun but, et c'est cette absence de but qui devrait nous la rendre très légère à vivre.
Journée de samedi dans une solitude complète à terminer l'écriture d'un livre (j'en suis à 94 pages A4) dont je n'attends strictement rien (je pense le faire paraître chez Edilivres, complètement incognito). Puis pour faire plaisir à Pierre Piccinin qui partira pour Donetsk lundi, je vais tenter d'écrire les premiers chapitres de ses chroniques de terrain sur l'Ukraine qui paraîtront sans doute chez l'Harmattan. Ces écrits politiques me paraissent moins fondamentaux que tout ce que je fais d'inutile loin des regards.
Je songe beaucoup à cette image de Caton d'Utique dans Lucain renonçant à visiter le sanctuaire d'Amon en Egypte (où Alexandre le Grand avait consulté l'oracle, marrant comme les philosophes se définissent souvent par opposition à Alexandre, pensez à Diogène) parce que, disait-il, "Jupiter est en moi", de sorte qu'il n'y avait pas besoin d'aller le consulter en plein désert. Cela rappelle bien sûr ce passage de l'Evangile où Jésus fait scandale en disant que le temple de Salomon n'a aucune valeur car Dieu peut le détruire d'une pichenette, aucune valeur à côté de la présence de Dieu en nous. Si l'on agit en politique, si l'on tente de faire connaître la vérité, si l'on fait de l'art, si l'on écrit, si l'on aide son prochain, c'est pour manifester le Jupiter qui est en nous. Mais cette théophanie ne doit être qu'un élément accessoire d'une présence en soi d'une force qui doit être à elle-même son propre but.
Si cette présence n'est pas suffisamment tangible il existe des techniques pour mieux l'éprouver en soi. Mais l'action (l'écriture, le combat etc) ne doit être qu'un attribut secondaire de la présence, pas un succédané.