Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Frédéric Delorca

Articles récents

Jean d'Ormesson

22 Septembre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Je n'ai jamais compris cet homme : son nom à particule, son goût pour les dîners mondains, pour les bons mots, pour les institutions, son anti-communisme, son poste au Figaro. Mais dans un monde où Cécile Duflot peut être ministre, toute valeur ancienne est bonne à redécouvrir. C'est d'ailleurs ce que doivent se dire certains médias qui l'invitent à tour de bras : notre société ne produira plus de Jean d'Ormesson.

 

Alors je lis son "Saveur du temps", que j'ai trouvé dans une bibliothèque par hasard. Je découvre un dandy jouisseur qui a bien des mérites : l'humour (l'autodérision même parfois), l'élégance, et surtout l'absence de haine (dans la vie culturelle actuelle, cela devient si rare). Je partage avec lui son intérêt pour Châteaubriand (chez lui cela confine même à la passion, semble-t-il), pour Jerphagnon, pour Plutarque, sa critique (pas trop appuyée, juste ce qu'il faut) du structuralisme et de tous les esprits de système, sa défense déterminée de la littérature (notamment de la littérature classique) contre tout ce qui veut l'anéantir (à commencer par le cinéma). Je m'amuse de ses souvenirs de causeries avec Proust et avec Mauriac, de sa fierté d'être descendant d'un opposant à Louis XIV.

 

Il ne faut jamais mépriser les prêtres du beau langage. Car cette religion-là était utile à nos cerveaux. Et nous savons bien ce que nous devenons tous depuis que nous l'avons perdue.

 

Lire la suite

Un classement qui fera plaisir à mes éditeurs

19 Septembre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Actualité de mes publications

Copie-de-P1010708-copie-1.jpgUn classement qui fera plaisir à mes éditeurs car il fait de moi une victime reconnue du système médiatique (de nos jours il est toujours utile de porter une couronne d'épines sur la tête) : celui (que je découvre par hasard ce soir), qui me place en 10ème position du "Top 150" des intellectuels les moins invités à la télévision publique !

 

1. Jacques Abeille (1 ; 35 ; 35)
2. René Pommier (0 ; 23 ; 34,5)
3. Pierre Legendre (0 ; 21 ; 31,5)
4. Patrick Charaudeau (0 ; 20 ; 30)
5. Jean-François Mattéï (0 ; 19 ; 28,5)
6. Francis Jacques (0 ; 19 ; 28,5)
7. Matthieu Baumier (0 ; 19 ; 28,5)
8. Philippe Zarifian (0 ; 19 ; 28,5)
9. Pierre Lance (1 ; 23 ; 23)
10. Frédéric Delorca (0 ; 15 ; 22,5)
11. Daniel Béresniak (1 ; 22 ; 22)
12. Jean Salem (1 ; 21 ; 21)
13. Mehdi Belhadj Kacem (1 ; 21 ; 21)
14. Eric Werner (0 ; 14 ; 21)
15. Stéphane Ternoise (0 ; 14 ; 21)

etc.

Lire la suite

Ces Français populaires à l'étranger...

19 Septembre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Les Syriens depuis le 16 septembre connaissent tous Chantal Dupille et pensent que c'est un célèbre écrivain français. Voilà ce que j'apprends en regardant le journal (cf ci dessous, minute 2'47) de la télévision officielle syrienne (bon je sens qu'on va me traiter encore de facho parce que je regarde ce genre de truc "interdit" et "politiquement incorrect", mais regarder ne veut pas dire qu'on adhère, sauf pour les cinglés du maccarthysme). Ca me rappelle le temps où les Serbes connaissaient tous Patrick Besson parce que leur gouvernement (ou leur système éditorial) en vantait les écrits très souvent.

 

Dans le même ordre d'idées, les lecteurs de Ria Novosti en Russie pensent sans doute que l'UPR est un grand parti souverainiste.

 

Lire la suite

Bourgeois contre bourgeois

17 Septembre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Un type me disait hier : "La secrétaire générale du Syndicat des travailleurs du sexe, Morgane Merteuil, qui critique les Ni Putes ni Soumises et les Chiennes de Garde en les taxant de 'bourgeoises' fait des passes à 200 euros à Paris, et ne se déplace pas à moins de 100, soit trois fois les tarifs d'il y a 10 ans pour une prostituée moyenne et bien plus que le prix d'une prostituée d'origine immigrée. C'est une bourgeoise dans sa profession".

 

louis-philippeJe ne connais pas ce sujet là, mais je ne suis guère étonné : tous les gens qui ont des positions en pointe, même dissidentes, sur les sujets "sociétaux", sont nécesssairement des petits bourgeois ou des bourgeois. C'est aussi vrai d'ailleurs en matière de grands débats économiques (sauf quelques cas d'exception). Les gens qui bossent beaucoup et gagnent peu ont depuis longtemps renoncé à comprendre. C'est pourquoi un sondage d'aujourd'hui 44 % des gens "ordinaires" pensent que Sarkozy ferait mieux qu'Hollande (et 30 % aussi bien). Ils ne voient même plus le problème que pose le néo-libéralisme militant de l'UMP. Pour eux toutes les idées se valent, et seul celui qui s'agite le plus inspire le plis de confiance.

 

Du coup le gouvernement est voué à faire du bougisme (la conversion au taoïsme n'est pas pour demain) sur des point d détail absurdes. On parle de priver nos gamins d'école tous les jours à 15 h 30 pour les mettre à la charge des garderies des communes qui déjà vont crouler sous le poids des contraintes budgétaires européennes... juste pour le plaisir de les priver de la grasse matinée du mercredi...

 

Mais revenons à nos histoires de bourgeois. L'ennui avec les bourgeois qui prétendent représenter le peuple (par exemple être les secrétaire généraux de syndicats), c'est qu'ils n'ont pas d'idée concrète des problèmes et des réalités des gens, qu'ils les verront à travers des principes abstraits, qu'il ne seront enclins à agir que pour ceux qui leur ressemblent. Les gens ordinaires, eux, ceux qui bossent et ne sont pas payés pour théoriser, resteront avec leurs problèmes concrets qu'aucune médiation ne va replacer dans un ensemble signifiant, et seront de moins ne moins enclins à prendre la chose publique au sérieux, convaincus qu'au fond "l'élite" fait toujours "sa petite cuisine dans son coin".

Lire la suite

L'Occident, la Russie et les agitations salafistes

14 Septembre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Je regardais ce soir sur Russia Today un débat consacré à l'effervescence islamiste des derniers jours dans le monde arabe. Le contributeur de l'Atlas alternatif Vijay Prashad y était convié, ainsi qu'une analyste londonienne, et un représentant d'un lobby américano-syrien. Je me doutais depuis hier que les Russes trop contents de voir se confirmer dans cet événement les sombres prédictions que leur inspiraient les révolutions arabes en 2011 débattrait en long et en large sur les insurrection salafistes. Je fus en revanche plu surpris de voir que cette télévision n'avait pas plus que les Occidentaux le sens du débat démocratique. Le représentant du lobby américain était sans cesse interrompu et ne pouvait développer aucun argument. C'en était grotesque, du Arte ou du France 24 à l'envers.

 

11-septembre-copie-1.jpg

L'attentat contre l'ambassade américaine de Benghazi, les troubles en Egypte, au Yémen, sentent l'action coordonnée par les réseaux salafistes. Les plus conspirationnistes (ceux pour qui Al Qaida est un "junior partner" occasionnel de la CIA) diront qu'il y a peut-être une entente entre les réseaux de droite américains qui ont conçu le film à deux centimes produit contre les musulmans et les radicaux islamistes qui a mis le feu aux poudres. La communauté d'intérêt entre les deux mouvances est en tout cas très nette, sur le dos des "tièdes" comme Obama (dont je persiste à regretter que les "anti-impérialistes" continuent de l'identifier à Bush, voire à le trouver "pire que Bush" comme un article du "Grand soir" le dénonce, tout comme ils inventent le mythe d' "Hollandozy" en France). Il ne leur faut pas de "modérés", ni dans le monde musulman ni en Occident. Y arriveront-ils ? En tout cas la nervosité monte dans les médias. Certains, comme en 2001, commencent à avancer qu'on devrait quand même réprimer un peu le régime saoudien (qu'on reste quand même loin de traiter avec la même sévérité de Bachar-el-Assad. Mais bon, tant que nous aurons besoin des Saoudiens pour faire baisser le cours du pétrole, et modérer le régime l'antisionisme montant du gouvernement égyptien (qui joue une carte difficile et intéressante en ce moment) nul doute que nos propagandiste sauront se taire.

 

Ce jeu compliqué entre salafistes, confréries des Frères musulmans (qui ne sont même pas homogènes entre elles), libéraux pro-occidentaux (comme l'actuel président libyen), amis de l'Iran, vestiges du nationalisme laïque (en Syrie, dans une certaine opposition égyptienne, en Tunisie...), minorités religieuses (chrétiennes notamment, avec toutes les nuances qui les traversent), semble avoir une issue des plus indécises. Beaucoup parlent de l'instabilité de l'Europe dont la monnaie unique pourrait bien voler en éclat, de celle des Etats-Unis au bord du gouffre financier, ou de la Russie au gouvernement affaibli depuis la réélection de Poutine. Mais ce n'est rien à côté du Maghreb et du Machreq où l'on sent que des coups dans tous les sens peuvent être tentés par les divers groupes qui s'affrontent dans chacun des pays. Je ne suis pas particulièrement optimiste sur le degré d'intelligence dont nos gouvernements sauront faire preuve dans cette région du monde (surtout sous la pression des va-t-en-guerre qui agitent nos médias), notamment si cela jusqu'à des interventions ouvertes contre la Syrie, contre l'Iran, ou contre tout autre pays qui basculerait dans un anti-américanisme trop virulent, mais je ne suis pas tout à fait convaincu non plus par le pessimisme russe. Beaucoup de valeurs de progrès sont en péril dans ces pays (et sans doute plus que dans les nôtres), mais pas forcément de la manière que l'on croit. La poussée islamiste peut renforcer leur sens de l'indépendance, ce qui est toujours bon pour la conscience civique. Si elle peut nuire à la condition féminine par exemple (et donc aux hommes par contrecoup) rien n'indique que la vision médiévale d'Al Qaida soit vouée à triompher. Des compromis entre laïcité et islamisme sont possibles au delà de la Méditerranée. Par exemple même dans le giron islamiste des formes de féminisme existent, parfois mal comprises par les Occidentaux. Le pire n'est jamais assuré. Et d'ailleurs la France serait bien inspirée de jouer la carte de  l'optimisme et d'encourager là-bas l'émergence de troisièmes voies partout où c'est possible.

 

En revanche il est certain que nous-mêmes devons, en Europe, nous protéger, redoubler de vigilance à l'égard de la mouvance salafiste (avec tous les moyens répressifs et éducatifs nécessaires, y compris à l'égard des bailleurs de fonds "amis" comme le Qatar), aussi bien d'ailleurs qu'à l'égard de tout fondamentalisme chrétien ou laïciste (je ne dis pas "laïque") qui veut, dans l'opinion publique, réduire l'islamisme à la seule vision d'Al Qaida. Nous le ferons d'autant mieux que nous défendrons avec ardeur nos institutions, sans tomber dans le piège de l'identitarisme occidental. Une ligne qui n'est pas facile à tenir, mais qui est la seule viable.

Lire la suite

Philosophie de la vérité et contestation politique

12 Septembre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Un correspondant me transmettait tantôt un article de Jean Bricmont à propos des listes de dénonciation que rédigent les collégiens "anti-fas", anti-conspirationnistes etc (Jean Bricmont fut autrefois préfacier de l'Atlas alternatif avec lequel j'ai quelques désaccords profonds depuis cinq ans au point que nous n'échangeons plus depuis lors)


Je crois que le fond du problème tient au rapport à la vérité, et à l'historicité de celle-ci.

 

Il y a plusieurs formes d'historicisme : l'un qui se fonde sur la culture, l'autre sur la nature.
 
L'historicisme culturel dit "il n'y a de vrai que ce qui s'impose dans un champ social donné" (la fameuse phrase de Hegel "tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui est rationnel est réel"), ou, du point de vue contestataire "n'est vrai que ce qui est utile au triomphe d'une vérité alternative à celle qui domine aujourd'hui". Cette forme d'historicisme (et de relativisme) contestataire correspond à la position de la plupart des marxistes.
 
Bonobo.jpgDu point de vue de l'historicisme naturel néo-darwinien, la vérité est la connaissance dont l'humain est capable à un certain stade de son évolution naturelle, en interaction avec l'environnement auquel il est confronté. De mon point de vue, l'être humain se doit, individuellement et collectivement, de porter ce degré de connaissance aussi haut qu'il le peut à chaque génération (tout en sachant qu'il y aura toujours des limites à cet effort, limites largement liées à la configuration du cerveau de primate que nous portons en nous, l'irrégularité de sa persévérance, ses capacités d'auto-illusion etc).
 
Cela suppose que l'on ne se laisse aller à aucune facilité :
- On ne doit pas notamment dire des choses idiotes avec d'autres idiots (ou soutenir des idiots) simplement parce que cela servirait à accéder à un système social plus juste : parce que cela implique que le futur système social que l'on contribuera ainsi à instaurer sera fondé sur la bêtise et donc sera injuste. Donc il ne faut pas s'allier avec des conspirationnistes, des gens qui font de l'humour grossier qui fait appel aux instincts les moins raffinés de l'individu, des gens qui émettent des informations non vérifiées etc.
P1020417.jpg- On ne doit pas non plus tirer argument de la bêtise de ses adversaires pour se croire intelligent ou se croire dans le vrai, ce qui est le cas de beaucoup de gens parmi les soi-disant "dissidents" : beaucoup croient qu'ils ont rendu service à la vérité simplement parce qu'ils ont pondu un texte contre un intellectuel médiatique idiot, ou parce qu'ils auront avancé une idée ou un fait qui réfutent un slogan idiot que les médias diffusent. Ce faisant on choisit la facilité. A chaque fois que l'on conteste les mensonges dominants, il faut le faire avec un souci aigu de sa propre éthique (notamment de sa propre indépendance d'esprit), un sens de la nuance, un sens de la cohérence aussi (par exemple ceux qui critiquent l'utilisation de l'incarcération des Pussy Riots doivent aussi être assez honnêtes avec eux mêmes pour réfléchir à tous les aspects de ce qu'ils pensent de l'érotisme dans la société, de ce qu'ils pensent de l'ingérence - ce que ne fait pas Jean Bricmont par exemple car il n'aborde pas beaucoup de problèmes de l'ingérence informelle que créent les rapports entre les peuples au quotidien, par les canaux médiatiques notamment, sa critique de l'ingérence reste au niveau de principes abstraits sur des segments factuels extrêmement partiels). Voilà pourquoi d'ailleurs il faudrait passer moins de temps à critiquer les erreurs ou les mensonges de ses aversaires qu'à réfléchir aux vérités que soi-même on veut proposer au monde et à leur mise en cohérence.
 
Malheureusement la critique du système médiatique (et du système politico-économique que les médias défendent) n'a cessé de perdre en qualité depuis quinze ans, à cause d'Internet notamment. Elle ne satisfait plus aux critères de probité et de vérité que j'énonçais plus haut, et c'est pourquoi je suis de plus en plus en retrait par rapport à ces formes actuelles de contestation.

Lire la suite

La rentrée

8 Septembre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien

Ainsi donc la rentrée s'est effectuée, cette semaine, ou, pour certains une ou deux semaines plus tôt. Sur le plan politique notre pays a retrouvé son rythme de croisière. La faiblesse du nouveau pouvoir socialiste en France face aux forces libérales, déjà visible avant les vacances, a fait à nouveau la "une" des journaux de droite (Le Point, l'Express etc). Mélenchon, requinqué par un long séjour au Venezuela est revenu avec des mots justes contre Hollande lui reprochant notamment de n'avoir pas fait voter par l'assemblée nationale la loi contre les licenciements boursiers déjà adoptée par le Sénat de gauche sous Sarkozy ou à titre symbolique une amnistie des syndicaliste licenciés et d'être allé courtiser le Medef à ses universités d'été.

 

Avec son souci habituel de la présentation didactique des problèmes, il a mis sur la table un certain nombre de dossiers plus ou moins connus du grand public. En premier lieu le référendum du traité de stabilité européen dont il veut faire un cheval de bataille et un objet de mobilisation pour septembre (mais il ne dispose que d'un délai bien court, et l'opinion publique n'agit guère en ce sens : sa pétition n'avance pas). A titre plus anecdotique, il se mobilise pour Julian Assange désormais protégé par le régime latino-américain dont il se sent le plus proche (l'Equateur), ce qui au passage peut lui attirer la sympathie de certains jeunes internautes libertaires pour qui le fondateur de Wikileaks est un héros, ou pour Audrey Pulvar et Arnaud Montebourg, attaqués par la grande presse après la nomination de la première à la direction de la rédaction du magazine bobo "Les Inrockuptibles", ce qui serait d'après lui le résultat d'une manoeuvre du Medef contre son compagnon ministre, principal obstacle, selon Mélenchon, à la droitisation du PS (mais bon je dois dire que je n'entends pas seulement des mots justes chez Monteboug : hier le ministre du travail M. Sapin rappelait que le CDI devait rester la norme en droit du travail, ce qui n'est pas du goût des libéraux). Le bras de fer entre forces de gauche et de droite est donc engagé en France, à l'heure où l'UMP rivalise de néo-libéralisme agressif (ainsi M. Fillon dans sa lutte contre M. Copé pour la direction du parti s'est il lancé dans une diatribe hystérique contre les 35 heures, la paresse des fonctionnaires etc comme l'aime son électorat). La violence de la droite est telle qu'on éprouve une sorte de tendresse pour le centre-gauche même dans son inaction, un peu comme aux Etats-Unis où c'est un mormon fou furieux que les Républicains nomment pour affronter le président démocrate Barack Obama... et qui a des chances de l'emporter selon certains analystes ! Tout cela fait froid dans le dos.

 

Pour ceux qui s'intéressent aux histoires de chapelles, on peut noter que, dans son dernier billet sur son blog, Mélenchon fait l'éloge du site Le Grand Soir de Maxime Vivas (bien implanté en Amérique latine), alors même que les jeunes collégiens qui militent contre l'extrême droite n'ont cessé d'en dénoncer les indulgences pour des réseaux anti-impérialistes peu reluisants. Preuve peut-être que les polémiques sur Internet n'ont finalement guère d'impact sur la grande politique.

 

A l'occasion de cette rentrée aussi les bonnes âmes se sont mobilisées pour les "chanteuses" punk russes de Pussy Riot condamnées à deux ans de "camps" (mais pas au goulag) pour profanation d'église (des chanteuses qui ont ma sympathie, davantage que les Femen ukrainienne qui sont allé scier des croix en solidarité, mais c'est affaire de goût : je n'aime pas le style Femen). La victime collatérale de cette effervescence un peu vaine fut la chanteuse dévôte Mireille Mathieu dont les propos tout en nuance qui ménageaient à la fois le pouvoir russe et les chanteuses a été caricaturé par Kommersant et livré en pâture à la grande presse internationale.

 

Les petites soeurs des pauvres ont aussi lancé beaucoup de cris indignés pour la Syrie. La "bataile d'Alep" a suscité l'enthousiasme des médias occidentaux, sans faire bouger l'intransigeance des Russes. Les Turcs sont montés au créneau, les Iraniens ont mobilisé les non-alignés derrière leur cause (à la faveur d'un hasard du calendrier qui prévoyait une réunion à Téhéran à ce moment-là). Finalement tout semble s'enliser dans une certaines confusion : Alep ne tombe pas comme Benghazi, bien que les insurgés parviennent à tenir le terrain au prix de lourdes pertes. J'ai moi même renoncé à comprendre ce conflit puisque personne n'a la bonté (dans les informations officielles, comme chez les "alternatifs") de me montrer une carte sur laquelle on verrait, dans chaque région du pays, une évaluation des forces en présence de part et d'autre et un descriptif des manoeuvres (offensives ou défensives) dans chaque grande ville (je sais que c'est difficile, dans une guerre civile mais quand même). Dans ce "jeu" beaucoup ont noté que l'Egypte mène une stratégie étrange. Morsi après avoir affaibli les militaires laïques est allé cherché de l'argent en Chine (pas aux Etats-Unis) pour briser la dépense à l'égard de ses bailleurs saoudiens, et a haussé le ton face à Damas. Le Proche-Orient n'a pas fini de surprendre.

 

Heureusement je ne suis pas obligé de décortiquer cela puisque j'ai fermé le blog de l'Atlas alternatif le 6 août, passablement fatigué par le comportement des groupes "alternatifs" (Actualutte, et d'autres "collectifs" croisés cet été). Cette fermeture est d'ailleurs complètement passée inaperçue. Même l'éditeur du livre (qui vient de refuser de réimprimer celui que j'avais écrit sur la résistante Denise Albert qui s'est pourtant très bien vendu à Sevran) ne s'en est pas soucié. Le blog meurt donc de sa belle mort (moins de dix lecteurs par jour hier) dans l'indifférence générale. Je n'ai aucun regret (n'ayant de toute façon plus de temps pour écrire en géopolitique). Je pense que ses billets constituent un beau portrait du monde tel qu'il fut de 2006 à 2012, mais faute de soutiens même moraux (à part le site Marx21.it qui en traduisit beaucoup d'articles) cela ne pouvait durer davantage. Dans un sens c'est une bonne chose que les lecteurs ne se soient pas mobilisés pour le faire traduire dans d'autres langues, lui trouver des contributeurs, l'associer à d'autres collectifs. Cela aurait entretenu en moi artificiellement le doute sur la nécessité de continuer ce blog ou pas. Au moins la loi du silence contre le blog de l'Atlas alternatif a clarifié la necessité d'y mettre un terme, ce qui, au passage me permet aussi de me prémunir de le cheminement politique néfaste de certains des contributeurs du livre qui aurait pu ensuite rejaillir négativement sur mes propres travaux.

 

Cette évolution logiquement réoriente mon esprit dans trois directions : mes recherches en socio-anthropologie sur d'autres blogs, et, sur celui-ci, un travail culturel "de fond" (sur la philosophie, la littérature, l'histoire) ainsi qu'un retour aux thématiques béarnaises (dont je suis pourtant géographiquement éloigné). L'âge avancé de mes parents, la nécessité de faire des bilans une fois passée la quarantaine me conduisent à jeter un regard (peut-être devrais-je dire un "dernier regard") sur ce que fut cette région, sur ce qu'elle a été pendant mon enfance et ce qu'elle est devenue. En ce début de décennie, le département des Pyrénées-Atlantiques vient de passer à gauche. Dans les provinces ce genre de chose a un sens. Je découvre par exemple que Colette Lapléchère, que j'ai rencontrée quand j'avais 21 ans, est devenue chargée de mission au Conseil général. Peut-être devrais-je lui envoyer "La révolution des montagnes". Pau n'est plus la ville que j'ai connue. Maltraitée par une mairie socialiste qui en a laissé mourir le centre-ville, elle va devenir l'enjeu d'une fière bataille en 2014. Le candidat de la droite s'est fait connaître il y a peu. Un ex-préfet jurançonnais. Tout cela va être homérique. Dans dix ans des gens de mon âge occuperont les fauteuils des notables là bas (déjà le candidat UMP qui affronta Bayrou dans sa circonscription est un type que j'ai connu au lycée). Puis viendra la génération suivante, qui portera dans ses yeux une autre vision du Béarn et du monde que nous autres, car eux n'auront jamais parlé avec les gens qui peuplent nos cimetières, ceux qui furent la jeunesse du Béarn dans les années 1920-1930, et avec lesquels mon esprit d'enfant, jadis, avait été en dialogue perpétuel (un dialogue souvent sans mot auxquels ceux qui naquirent après 1980 ne peuvent rien entendre).

 

Ainsi pour moi cette rentrée rime plutôt avec semi-retraite. Et mon vieillissement anticipé est aussi une réponse aux injonctions productivistes de notre époque, au mépris dont la société libérale et consumériste accable les faiblesses et les désirs intimes de tout un chacun. Plus on nous sommera d'agir, de produire, d'être positifs, dévoués à l'ordre collectif, utiles, de marcher au rythme de l'Actualité, de ses slogans ineptes, de ses préjugés moutonniers, plus je répondrai par la lenteur, la rêverie solitaire, l'inertie et l'indifférence.

Lire la suite
Lire la suite