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Histoire des lieux (suite) : Soroca
Soroca la moldave n'est pas en Transnistrie. Tant mieux. J'ai vu assez d'endroits tragiques en Europe de l'Est : Varsovie, Belgrade. Des endroits où il se trouve des gens pour vous raconter : ce quartier fut brûlé par les SS, cette discothèque était une synagogue. Je ne sais pas ce que les nazis ont fait à Tiraspol ou à Bendery. Et je n'ai pas envie de voir Berlin, la Berlin bobo d'aujourd'hui après avoir lu le récit des viols de 1945. J'aurais vu Soroca, puis j'aurais lu quelques années plus tard, la description que Malaparte (dans "Kaputt") fait de ce bordel de prostituées juives en 1941 (en faitun bordel de jeunes filles ordinaires réquisitionnées pour "servir" aux soldats). Ce bordel qu'il a visité deux jours avant que les filles ne soient fusillées. J'aurais regretté d'avoir vu Soroca sans avoir lu ce passage. Et si je l'avais lu avant de voir Soroca, je me serais senti impuissant, comme je me sens souvent faible face aux rescapés des grandes tragédies de l'histoire.
Je sais c'est difficile à comprendre. Peu importe. En tout cas je suis las des lieux chargés de tragédie. Donc tant mieux si j'ai échappé à Soroca (qui n'est qu'à quelques kilomètres de la Transnistrie en amont du Dniestr).
On n'est jamais assez juste à l'égard de l'histoire des lieux. Surtout nous, Français, dont les lieux sont depuis presque un siècle moins tragiques que partout ailleurs. Tenez là à l'instant je pense au tableau "Massacre en Corée" de Picasso dont j'ai découvert l'existence par hasard ce matin. Tableau de 1941. Qui rend justice à l'histoire des lieux de Corée ?
L'Europe de l'Est n'a rien su faire de ses tragédies, sauf les renvoyer à la tronche des autres. En 2002, elle a soutenu la croisade de Bush. Histoire d'exporter les destructions endurées dans les années 1940 plus à l'Est, en Irak... Drôle de façon d'enterrer le passé. Rumsfeld appelait ça "la Nouvelle Europe". Une nouveauté qui se construit sur autant de cadavres, même pas sur des cadavres, sur du vide, le vide abomindable qu'a laissé leur disparition silencieuse, sans fleur ni couronne et même sans sépulture, voilà qui ne dit rien qui vaille. Il fallait être Rumsfeld pour vouloir faire des cadavres avec des cadavres, avec une telle bonne conscience. Et il fallait être con et lâche comme notre grande presse pour regretter que Chirac ne soit pas de cette fête macabre. Le néant qui hante l'histoire récente de l'Europe de l'Est est effrayant. Il fallait être Kusturica pour trouver à en rire. Je comprends mieux ce soir pourquoi le Caucase m'a paru mille fois plus peuplé que la Transnistrie, mille fois plus vrai. En Transnistrie, il n'y avait que des ouvriers et des fonctionnaires soviétiques (c'est à dire Russes, Ukrainiens, Kazakhs etc) venus occuper du vide avec leur travail. Il y a trop de vide dans ces coins là. Trop de balles et d'éclats d'obus dans la terre. Plus encore que dans notre Picardie. Trop de fantômes en vérité. Des fantômes sans noms. Ce sont des pays qui vous glacent le sang.
Au fait, encore un mot sur le bordel de Soroca. Il devrait passionner tous les gens qui s'intéressent au féminisme, et à ce qui réfléchissent sur les métiers de prostitution. On ne réfléchit jamais assez aux bordels de campagne..
Le fou du roi des milieux financiers
(Bon ce garçon en avril 2012 annonçait un cac40 à 2000 en décembre et il s'est planté, mais il doit avoir raison sur "the dark side of the moon" même s'il oublie peut-être quelques facteurs)
Un grand moment d'ouverture au débat et de discussion rationnelle
Michel Onfray et Michael Paraire. Comment peut-on sortir le débat intellectuel des pièges de l'égo ?
Habitus de classe et diplomatie révolutionnaire
Il y a quelque chose d'étrange, je l'admets, dans le fait qu'aux deux premières ambassadrices de l'histoire on ait reproché leurs dépenses somptuaires (pourtant habituelles dans ce milieu), et spécialement leur investissement dans les robes. Ce fut le cas pour Alexandra Kollontai, la Russe, en 1926, et pour Rosika Schwimmer, la Hongroise, en 1918. C'est du moins ce qui ressort de publications occidentales des années 1920. Il se peut que j'accorde trop de crédit à ces publications mais je ne leur trouve pour l'instant pas de démenti circonstancié dans le camp opposé.
La question m'intéresse, parce que je trouve étrange que l'historiographie récente la dissimule. Pour moi il n'est pas anormal que des diplomates (femmes ou hommes) des années 1910-1920 aient gardé des éléments de leur "habitus de classe" (so to speak). Et il est possible que, à la base de cet habitus (qui peut ensuite évoluer vers d'autres imaginaires), des détermations génétiques aient poussé les femmes à aimer un peu trop les robes et les hommes un peu trop les chevaux, ce qui pourrait se discuter sur le terrain des sciences sociales et des sciences naturelles. Je ne vois pas pourquoi l'idéologie conduirait à occulter ce fait (si ce fait est vraiment confirmé, car je ne le trouve pas non plus dans les fiches biographiques de Rosika Schwimmer sur Internet).
Elle m'intéresse aussi parce qu'il y a là tout le problème de rapport de femmes aux révolutions menées dans des imaginaires patriarcaux, un peu comme celui que pose le livre de Roudinesco sur l'histoire de Théroigne de Méricourt en 1789-1793. La difficulté est flagrante pour Alexandra Kollontaï. C'est moins clair pour Rosika Schwimmer, qui n'était pas révolutionnaire (quoiqu'indubitablement pacifiste, suffragette et pacifiste). A-t-elle été suspendue de ses fonctions par la révolution soviétique de Bela Kun à Budapest ? Pas de réponse claire sur Wikipedia. Il faudrait reconstituer le puzzle.
La difficulté de discuter sur les faits
Discussion avec une militante socialiste belge ce soir à propos d'Alexandra Kollontaï sur Facebook :
"Elle : Alexandra Kollontai était punk, une affranchie aussi
Moi - Non se faire livrer des manteaux de pelisse achetés rue de la pompe à Paris aux frais de l'Etat soviétique quand le peuple russe crevait de faim c'est pas punk du tout.
Elle : - Et en plus tu es mysogyne, classe ! Non mais je rêve !
- Non, ruiner un peuple qui creve de faim, qu on soit femme ou mec c'est pas punk
- N'importe quoi ! elle n'a pas ruiné la Russie, elle a participé à son rayonnement !
- Ce que je dis est vrai j'ai toutes les archives.
- Elle a contribué à l'émancipation des femmes. Elle a fait avancer la condition des femmes russes.
- En 1917 oui. Mais en 25 elle a mal tourné.
- C'est quand elle était ambassadrice ?
- Mais je suis d'accord sur le fait qu'en 17 elle avait raison
- Elle n'a pas ruiné la russie, la seule a échapper à la mort des cadres communistes, par son intelligence et son talent.
- Elle a perdu son poste à Oslo à cause de ses dépenses somptuaires, c'est indécent. Tu dirais quoi si l'ambassadeur d'Ethiopie à Bruxelles était viré pour excès de dépenses somptuaires ?
- Je dirai que tu es démago, poujadiste et calomnieux - attaquer la personnalité sur des rumeurs c'est pas digne.
- J'ai photocopié les archives du centre Marguerite Duras à paris, je suis inattaquable sur le sujet. Che Guevara lui refusait d'avoir une voiture avec chauffeur.
- Je ne t'attaque pas. Tu es inattaquable. Tu sais tout. Tu lis tout.
- Pas du tout ce sont des journaux d'époque.
- Ce n'est pas plus fiable que d'autres sources. Si tu te bases sur Minute, Libé ou le Figaro tu peux avoir des lectures différentes.
- Tu crois qu'on l'a rappelée à Moscou pourquoi ? 3 fois ils ont hésité à la rappeler. Mais à la longue ils en ont eu marre.
- Parce qu'elle a été l'objet d'une campagne de diffamation.
- Mais non, tous les gens qui la croisaient disaient qu'elle avait des tenues sompteuses. C'était une aristocrate.
- Bon je ne suis pas à cours d'argument mais je vois qu'ils ne servent à rien. Tu continues à te baser sur les rumeurs et les coupures de journaux pour asseoir ta vérité historique. Dans deux minutes tu vas me ressortir ton diplome et ton intelligence
- Tu sais que lorsqu'elle harrangait les marins communistes à Sebastipol, ceux ci qui répliquaient "hourra madame" et non "hourra tovaritch" parce qu'elle était si élégante qu'ils retrouvaient à son égard le vieux respect des serfs ? Je te cite des faits, pas des diplômes.
- Les faits de mes couilles, ils sont tronqués. Il n'y a pas de vérité historique.
- Elle était fille d'aristo, élevée dans la soie. C'est un fait objectif."
On a dans cette discussion tous les méfaits du relativisme, et de l'utilisation des disqualifications subjectives pour éviter d'examiner sérieusement les arguments présentés.
Caracas : risque de coup d'Etat écarté mais la vigilance reste de mise
M. Lemoine dans le Diplo sur le Venezuela : « Quatre sièges régionaux du PSUV ont été incendiés le 15 avril, plusieurs centres médicaux et leurs médecins cubains ont été pris d’assaut, des radios communautaires ont été attaquées, quatre militants chavistes ont été tués (les affrontements post-électoraux ont fait sept morts au total). Dans un climat de tension rappelant les semaines qui ont précédé le coup d’Etat du 11 avril 2002, un concert de casseroles — le fameux cacerolazo — a résonné pendant une heure dans les quartiers bourgeois de Caracas tandis que la Garde nationale, à coups de gaz lacrymogènes, dispersait des milliers de manifestants.
M. Capriles continuant à appeler ses partisans à descendre dans la rue, se dirige-t-on vers une recrudescence d’actions destinées à créer un climat de déstabilisation et d’ingouvernabilité ? Le 26 mars dernier, trois députés de droite, MM. Ricardo Sánchez (suppléant de Mme María Corina Machado), Andres Avelino (suppléant de M. Edgar Zambrano) et Carlos Vargas (suppléant de M. Rodolfo Rodríguez), ont retiré leur appui à M. Capriles en dénonçant l’existence d’un plan élaboré par la MUD pour rejeter les résultats émis par le CNE lors de l’élection du 14 avril et orchestrer une période de violence dans le pays. »
L'ex-président brésilien Lula, chouchou des médias occidentaux face à Chavez, déclare à propos du refus des USA de reconnaître la victoire de Maduro : "Quand on occupe des fonctions présidentielles il y a des choses qu’on ne peut pas dire, par diplomatie, mais aujoud’hui je peux les dire : de temps en temps les États-Unis s’ingèrent dans les élection organisées dans un autre pays. Ils devraient s’occuper de leurs affaires et nous laisser choisir notre destin."
Un Français à Caracas lui pense que désormais le risque de coup d'Etat est écarté, certains partisans de Capriles, jusque là séduits par son look consensuel et presque "luliste", se seraient démarqués de ses nouvelles velléités putschistes. Ouf ! Mais la vigilance reste de mise.
Au passage je note que la position de la France sur l'élection de Maduro est particulièrement laconique est obscure, typiquement hollandienne :
"Le Conseil national électoral, autorité compétente en la matière, a proclamé le 16 avril la victoire de M. Nicolás Maduro à l’issue du scrutin présidentiel organisé le 14 avril au Venezuela. La France prend acte de cette proclamation.
De violents incidents ont éclaté à Caracas et dans plusieurs villes. Il est important que le dialogue et le respect de l’ordre institutionnel prévalent."
La France "prend acte de la proclamation", c'est le minimim minimorum de la reconnaîssance du nouveau président...
Réchauffement climatique selon Vincent Courtillot
On reparle du réchauffement climatique ? Je ne connais pas ce M. Courtillot, je connais mal la climatologie. Donc je me garderai de conclure sur le fait de savoir s'il a complètement raison ou pas. Mais son propos est rempli de bon sens.
Inquiet pour la petite Venise
Je m'inquiète pour la révolution vénézuélienne. 50,7 % c'est trop juste pour défendre une révolution. Les manifestations de contestation des résultats, les rumeurs de contacts directs entre Capriles et la hiérarchie militaire. Le Grand Soir a tort de dessiner une analogie avec la France car le rôle de l'armée n'y est pas comparable.Maduro a évoqué ouvertement le risque d'un coup d'Etat, Correa aussi. Un blog du Monde aujourd'hui présentait Maduro comme l'homme de Cuba face à un establishment militaire plus patriote (et évoque même un flicage de l'armée par Cuba). Les USA hésitent à reconnaître Maduro, une marche au centre de Caracas est prévue par l'opposition factieuse demain. Le risque de guerre civile ou de coup de force est bien réel. La Venezuela (la "petite Venise" en Espagnol) me préoccupe beaucoup ce soir.
ps : Quelqu'un me demande sur FB si je pense qu'il y a eu de la fraude électorale. Je n'en ai pas la moindre idée - apparemment Capriles n'est pas très content que les militaires aient tenu les bureaux de vote, mais j'ai vu un blog mainstream dire que les militaires ont empeché certains électeurs de voter Maduro parce que Maduro était le chaviste "des cubains" et pas de l'armée... Difficile de savoir s'il y a eu de la fraude organisée. J'ai tendance à penser en tout cas que s'ils ont fraudé, ils auraient dû s'attribuer 52 ou 53 % comme Ahmadinejad. On ne peut pas défendre une révolution avec 50,7. Cela sent le début de la fin du chavisme. L'impérialisme et la droite ont peut-être déjà gagné la partie.