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François Hollande et la Syrie
François Hollande est en Russie. Poutine réitère son offre de l'aider au Mali, en échange Hollande se montre plus compréhensif sur la perspective d'une issue politique (c'est-à-dire d'un compromis avec Assad) en Syrie.
Du coup, ça rue dans les brancard dans une partie de l'Armée syrienne libre. Voyez cette vidéo très instructive :
Il est probable que la France soit dans le double-langage en Syrie car au même moment on apprend que l'Union européenne assouplit le cadre légal qui empêche les livraisons d'armes à l'opposition armée et le secrétaire d'Etat Kerry annonce qu'il va doubler l'aide non militaire à l'opposition, et le lobby favorable à l'armement de l'opposition, comme le sénateur de Floride Marco Rubio devant un think tank pro-israélien, et le député démocrate Eliot Engel sur ABC, s'agite pour faire avancer cette cause. Le lobby néo-cons ne limite d'ailleurs pas son agressivité à la Syrie, puisque le président de la commission des affaires étrangères démocrate au Sénat Robert Menendez (D-NJ) et le sénateur républicain Lindsey Graham veulent faire passer une résolution indiquant que si Israël attaque l'Iran à titre d'autodéfense, les Etats-Unis se joindront à leur opération militaire...
Dans l'affaire syrienne on voit bien que l'Occident est piégé. Ou il soutient la rébellion et il approfondit la logique de confrontation avec l'axe chiite (Iran-Irak-Syrie), en menaçant au passage les puissances continentales qui soutiennent ce dernier (Chine-Russie), ou il ne le fait pas, et, sur le terrain, comme on le voit bien dans cette vidéo et dans le livre de Picchinin, ils favorisent la radicalisation dans un sens islamiste de l'insurrection (déjà en 2012 Al-Nosra malgré ses soutiens wahabbites passait pour plus honnête que l'ASL parce que moins empêtrée dans ses négociations avec l'Ouest).
Sociologie des ex-maos : Jean-Marc Rouillan au Havre
On parlait à l'occasion du décès d'Oscar Niemeyer en décembre du Volcan au Havre. Il semble toujours tenu par la CGT si l'on en croit le journal local, qui, hier, interviewait Jean-Marc Rouillan, ancien responsable d'Action Directe, qui s'y exprimera le 5 mars prochain. Cette visite suscite l'indignation du sous-préfet et du député-maire UMP, alors que selon l'intéressé celui-ci a pu parler librement au centre culturel contemporain de Barcelone et dans divers théâtres français sans susciter de polémique. Il interviendra en marge de la représentation de la pièce de théâtre d'Angela Dematté "J'avais un beau ballon rouge" sur la vie de Mara Cagol, épouse du fondateur et idéologue des Brigades Rouges en Italie (pour info Romane Bohringer et son père Richard Bohringer jouent dans la pièce qui a reçu de nombreux prix, cela fait un peu penser au film "Bonjour la nuit", avec Maia Sansa).
A propos de Rouillan, un ex-mao de sa génération resté proche du NPA écrit sur sa page Facebook : "Il évolue finalement comme pas mal d'anciens maos ( je ne parle pas de ceux qui font maintenant allégeance aux propriétaires du Monde) même s'il était de culture plus libertaire à l'origine. Jean Marc et ses copains faisaient des braquages pour imprimer des textes et les diffuser dans l’Espagne franquiste . Outre les classiques situationnistes comme le pamphlet de la misère, en milieu étudiant, il y avait des textes conseillistes et luxembourgistes, ainsi que le droit à la paresse de Lafargue, le gendre de Marx. Action Directe fut crée à partir d'un noyau libertaire et d'anciens de la gauche prolétarienne ayant refusés l’auto dissolution du groupe par Benny Levy, le secrétaire de Sartre et Gesmar. Je connaissais Toulouse vers les années 1976 77, et les copains objecteurs là bas me parlaient du flop de Benny Levy pour expliquer sur le terrain aux militants les raisons du sabordage de la GP. Ces militants rejoindront les GARY crées après l'assassinat de Salvator Puig Antich. La plupart des personnes qui rejoindront Rouillan étaient des filles ou fils de résistants et plus particulièrement liés à la FTP MOI. Je tiens aussi à préciser que nous vivions le début du chômage de masse et la fin des années utopiques liées à 68. Les copains qui, comme moi ; n'avaient pas de diplôme et qui refusaient l'horizon de l'enfermement dans l'usine réagissaient d'une manière plus viscérale . Ce sont les paysans du Larzac qui m'ont sauvé de ce qui fut finalement une impasse. Cela est une autre histoire . Toutefois Rouillan et ses potes restent des Camrades avec un grand C"
Cela me rappelle qu'un de mes oncles, fils de républicain espagnol, était lié aux maoïstes dans les années 1970, notamment au FRAP, vu que le PCE les avait laissés tomber.
"Le confort intellectuel" de Marcel Aymé
On trouvera cela surprenant de la part d'un admirateur de George Sand comme moi (du moins de l'autobiographie de George Sand à défaut d'aimer ses romans), mais je n'ai pas peur de rechercher la vérité à travers lalecture d'auteurs opposés et incompatibles entre eux.
Je lis donc ce soir "Le confort intellectuel" de Marcel Aymé. Il y a une thèse très forte dans son ouvrage : le romantisme du XIXème siècle (jusque dans ses déclinaisons dans Baudelaire) et le culte de la poésie ont perverti la bourgeoisie au point non seulement de nourrir en elle une sympathie pour les idéologies qui veulent sa destruction comme le communisme, mais encore de lui faire perdre le sens du réel.
Vous savez que dans "Eloge de la liberté" je me confronte à la question du romantisme et de ses formes les plus populaires présentes dans la culture de masse des années 1980, sur le rôle qu'il a joué dans mon engagement en Yougoslavie.
Je ne suis pas du tout du genre à rechercher le statu quo, et j'ai souvent salué notamment ce que le romantisme révolutionnaire (mâtiné il est vrai de beaucoup de réalisme bureaucratique) a pu apporter à un petit pays comme Cuba en terme de dignité humaine et de progrès social.
Mais en bon chomskyen adepte du cartésianisme (et contributeur du Cahier de l'Herne sur Chomsky, je me dois de le rappeler ici pour que mes nouveaux lecteurs aient une vision un peu complète de mes travaux), je me défie aussi de toutes les facilités intellectuelles, et de tous les "fashionable nonsenses" qui font stagner l'humanité dans des rêveries stériles. Je ne sais pas trop si aujourd'hui le romantisme travaille encore notre monde, si, par exemple, on le trouve dans l'islamisme ou dans le chavisme (je suppose que oui). Mais nul n'ignore qu'il apporta à l'humanité du bien (la révolution de 1848), comme du mal (le nationalisme allemand).
Une des forces du livre de Marcel Aymé est de montrer le romantisme (et le goût de la poésie) à l'oeuvre dans l'évolution concrète d'une famille bourgeoise de province. Une autre est de rappeler que cette révolution littéraire aurait pu être tuée dans l'oeuf, comme celle des "Précieuses" et du "roman fleuve" au XVIIe siècle. Marcel Aymé ne fut pas le premier ni le dernier à instruire le procès de cette tendance de l'histoire occidentale. Il y apporte en tout cas une pièce très importante.
"Le Travail pornographique " de Mathieu Trachman
Pour info, Parutions.com vient de publier mon compte-rendu du livre du sociologue Mathieu Trachman "Le Travail pornographique - Enquête sur la production de fantasmes" ici.
"L'ordre et la morale" de Mathieu Kassovitz
Vu ce soir en DVD "L'ordre et la morale", un bon film, très prenant, très bien fait, auquel je reconnais notamment la vertu de rendre hommage aux hommes de terrains, à ceux qui font l'histoire au péril de leur vie, alors que les politiciens et les intellectuels se contentent de commenter, ou de récupérer les fruits de leur action (félicitons notamment Mathieu Kassovitz de ne pas sombrer dans un antimilitarisme sommaire, trop répandu à l'extrême gauche, et d'avoir su rendre hommages aux valeurs du soldat, même s'il est plus dur à l'égard de l'armée de terre que de la gendarmerie, l'effort de réalisme et de respect de la chose militaire tranche notamment avec la bouffonnerie d'un film comme "Indigènes" hélas bien mieux récompensé par la profession). Qui plus est ce film a eu le mérite de me rappeler le temps (dans les années 84-88, mais ce temps n'a jamais vraiment cessé) où je débordais de sympathie pour la cause kanake et suivais très assidument les "événements de Nouvelle-Calédonie", comme on disait alors.
Bien sûr comme beaucoup de contestataires (et vous savez que j'en ai connus quelques uns, et de très près) Kassovitz a le défaut de prendre un peu trop de libertés avec la complexité du réel, et de manipuler à son tour tout en prétendant dénoncer les manipulations des puissants, et ce souvent au mépris des faits authentiques. Sans doute idéalise-t-il un peu trop Legorjus (au point d'en travestir la personnalité), et les preneurs d'otage Kanak (au point de mentir d'ailleur sur des éléments humainement importants comme le mode d'exécution de quatre gendarmes tués). Mais ce sont là des licences artistiques qu'il faut accorder à un artiste passionné qui suit son chemin propre, et utilise l'histoire au service de ses interrogations personnelles. Mais il faut admettre une bonne fois pour toute que le cinéma en particulier, et l'audiovisuel en général, ne sont pas de bons vecteurs de vérité. La vérité ce sont toujours des dossiers, avec des pièces écrites à charge et à décharge (pour autant que le réel puisse trouver son chemin dans l'écriture), et des cerveaux qui tentent des synthèses plus ou moins justes. L'image véhicule un lyrisme qui lui est propre, elle a besoin de lyrisme. Il faut laisser les créateurs suivre une inspiration personnelle à travers le langage audiovisuel, aller voir leurs films (quel dommage que le public et les médias aient largement boycotté ce film) sans jamais confondre l'artiste avec l'historien, voilà tout.
Quant à Mathieu Kassovitz j'espère qu'il reprendra bientôt la voie de la fiction, qui, à mon sens, est la voie la plus noble pour faire entendre la vérité dans l'art.
Réforme cantonale : le redécoupage technocratico-féministe
Encore une mesure qui tourne délibérément le dos à deux siècles d'histoire de notre pays au nom d'une conjugaison d'impératifs technocratiques et de combat pour la révolution des rapports entre les "genres" : le nombre de cantons en France va être divisé par deux pour permettre la mise en place d'un scrutin binominal paritaire, c'est à dire l'élection systématique d'un homme et d'une femme comme "conseillers départementaux", nouveau nom des conseillers généraux. Un délire de plus qui va nécessiter des redécoupages aventureux d'entités territoriales qui existent depuis le consulat.
Evidemment un scrutin proportionnel départemental aurait mieux valu si l'on voulait valoriser les grandes villes et servir la cause de l'engagement politique des femmes (quitte ensuite à ce qu'on attribue dans chaque canton rural à un maire élu la fonction de conseiller consultatif : cela au moins eût maintenu une réalité physique aux entités cantonales sans coûter plus cher à la République). C'est au nom de l'attachement à la proportionnelleque le PC s'est abstenu au Sénat (les radicaux ne prenant pas part au vote), ce qui a fait échouer le vote en première lecture. Il a bien fait.
La base technocratique projet avait été posée par la droite, puis teintée de féminisme par la gauche à l'issue d'états généraux de la démocratie locale dont personne n'a entendu parler. Le projet est en débat cette semaine à l'assemblée nationale.
En pratique la création d'un binôme égalitaire de deux élus sur un même territoire laisse sceptique : qui gérera quels dossiers ? Et si les deux ne s'entendent plus ? Quelle légitimité si l'un est vice-président du Département et pas l'autre ?
Dans mon département c'est l'occasion de rallumer la guerre entre Basques et Béarnais. Le canton basque de Saint-Palais, à l'issue de la publication d'une simulation dans le journal La République des Pyrénées du 22 janvier dernier s'insurge à l'idée de pouvoir fusionner avec Iholdy (basque), mais aussi avec les cantons béarnais de Sauveterre-de-Béarn et Navarrenx. Mëme crainte de regroupement dans les deux cantons de Soule (Mauléon et Tardets).
Histoire locale, morale et politique, questions diverses
Quelques séries de questions que je me pose aujourd'hui et que je vous pose :
- Vous êtes vous demandé déjà qui vivait à l'endroit où vous habitez il y a cent ans, quel était le paysage dehors à ce moment-là ? ce qu'on y faisait ? Les fous se prennent plus souvent pour des réincarnations de Napoléon ou d'un pharaon, pas de l'arrière grand père d'un voisin. Est-ce qu'on se soucie de l'histoire d'un lieu auquel on est étranger ? Dès lors est-il utile qu'un journal municipal de banlieue parle chaque mois de l'histoire d'une ville dont la moitié de la population vivait ailleurs dix ans plus tôt ? est-il légitime et utile que l'Agence nationale de la rénovation urbaine ait une ligne de crédit pour l'histoire des HLM ? Les gens ont-ils besoin de ça ? L'histoire locale est-elle un moyen de donner des lettres de noblesse au vécu ordinaire des gens ou juste une façon de combler l'insuffisance du "grand récit national" (sa crise, en quelque sorte) et de tous les autres grands récits ?
- Questions autour de ce mot d'un ami tantôt : "je lis actuellement un ouvrage d'Henri Chambre (jésuite) sur le marxisme en Union soviétique (sa thèse principale : le poids majeur de la superstructure et de l'idéologie dans un système issu d'une "philosophie" mettant l'accent sur l'infrastructure économique). C intéressant de voir les répercussions de la transposition du marxisme dans une société donnée : disparition de la propriété privée au profit du concept de propriété individuelle, disparition de toute référence directe à la morale dans le code pénal : la responsabilité y étant exclusivement légale et sociale (où le juste et le bien cèdent le pas devant le socialement utile ou néfaste)..."
L'argument selon lequel le soviétisme a aboli le sens moral des russes et les a rendus utilitaristes est très répandu chez les anticommunistes, et j'y ai remarqué un fond de vérité quand je suis alléeen russie. Mais il est toujours dur de savoir si les causalités sont politiques ou anthropologiques. A propos de la Russie, on peut aussi soutenir qu'un pays de serfs jusqu'en 1880, qui a connu tant de guerres (avec le phénomène des veuves qui élèvent leurs enfants seules dans le dépit et la nécessité) ne peut pas se forger de grandes morales familiales bien ancrées et bien transmises. Il faudrait comparer cela avec Cuba par exemple. En tout cas évidemment je conçois qu'on se demande (sans jamais pouvoir trouver de réponse claire) quelle part un système politique peut jouer dans la disparition d'une morale, directement,ou indirectement par les guerres civiles qu'il provoque (je pense notamment à la Chine, où là aussi l'utilitarisme est roi, d'où la nécessité de retourner parfois à de vieilles morales confucéennes plus désintéressées). Le moralisme assumé du républicanisme français, lui, limite peut-être le risque de la dérive utilitaire, mais le moralisme produit aussi de l'anti-moralisme réactionnel, source d'anomie. Et puis les réacs façon Bernanos diraient que le moralisme républicain est un moralisme au rabais parce qu'il valorise les combines plus que l'héroïsme, à la différence de la sainte monarchie traditionnelle. Y a-t-il une morale politique qui puisse vraiment le sortir de l'utilitarisme sans l'asservir à du pharisianisme ?
Au fait en parlant des réacs vous avez vu comme on essaie de nous vendre en ce moment l'idée d'un retour de la monarchie en Libye ?Les années 60 dans le monde arabe avec leur élan socialiste sont vraiment mortes. Cela dit je veux bien croire que les monarchies sont plus inoffensives aujourd'hui qu'hier parce qu'elles ne sont plus solidaires des féodalités locales (encore que, en Libye, cela tende à revenir). Mais bon, une monarchie vaut mieux qu'une dictature clanique qui surfait sur l'héritage de la rhétorique socialiste pour imposer un règne du n'importe quoi (la libéralisation arbitraire de l'économie sans les garde-fous de l'Etat de droit).
- Gérard Filoche, de l'aile gauche du PS, pleure sur la mort annoncée de l'inspection du travail sous la forme d'une réforme vendue à Sapin par le haut fonctionnaire social libéral directeur du travail qui était déjà en poste sous Sarkozy. Comment diffuser cette idée ? Autre nouvelle : Julian Assange croit échapper à l'encerclement londonien en se faisant élire député en Australie. N'est-ce pas tout de même un peu naïf ? Mais il est vrai que ce garçon n'a pas 10 000 cartes à jouer... ni la protection active de Correa (brillamment réélu en Equateur) ni les frappes dans le dos amicales mais inutiles de Mélenchon ne peuvent le sortir de sa sourcière...
Bon allez assez de questions pour aujourd'hui. Je ferme la boutique jusqu'à demain.
"La Bataille d’Alep" de Pierre Piccinin da Prata
A propos de la guerre en Syrie, on peut lire sur Parutions.com mon compte-rendu du livre-témoignage de Pierre Piccinin da Prata, publié chez L'Harmattan, en ligne ICI.