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Le blog de Frédéric Delorca

Esthétique réac, Cohn Bendit, Chavez

2 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Cela m'attriste toujours. Quand je tombe sur un livre bien écrit, plein d'idées, et que je découvre que son auteur appartient à la droite de la droite, à cette mouvance un peu bizarre qui s'est formée autour d'Alain de Benoist et d'autres. Je me demande alors ce que je peux faire de ce genre de livre, comment en parler. C'est le cas de Ludovic Maubreuil, qui a son blog à quelques clics d'ici. Son bouquin "Le cinéma de se rend pas" publié chez un petit éditeur de ma contrée d'origine n'est pas mauvais dutout. Je lis les 40 premières pages, je suis d'accord avec tout. J'apprécie surtout la précision du style. Son descriptif des techniques de mise en scène de l'érotisme dans le cinéma contemporain est un modèle du genre. Ce qu'il dit du rapport du cinéma classique au style X est intéressant, quoique le présupposé de départ soit aux antipodes de Julien Servois que j'aime beaucoup aussi (mais il faudrait parvenir à faire dialoguer les deux approches entre elles pour voir à quoi cela mènerait).

Je me dis : "C'est lui qui se fourvoie, parce qu'on ne peut pas clamer son amour de Bunuel comme le fait ce type à longueur de pages et fricoter avec l'extrême droite". C'est un argument évidemment que les benoistiens ne peuvent pas entendre parce qu'ils sont tellement dans une "fin de l'histoire" postmoderne, qu'ils sont convaincus que Bunuel et Franco ont des choses à se dire outretombe. Mais non, je sais ce qui est à droite de la droite dans son texte, même si ça ne ressort jamais de son vocabulaire. C'est que justement il n'est pas du bord de Servois. Il défend une mystique de l'érotisme à la Marzano, au fond, alors que je suis sans doute davantage prêt à suivre Servois dans sa banalisation de la sexualité. En fait nous sommes au seuil du Styx. Le libéralisme a ouvert la voie d'une instrumentalisation de la sexualité à des fins consuméristes. Servois relève le défi en prétendant pouvoir tourner cet acquis vers autre chose. Notez que c'était déjà la position de Marx à l'égard de toutes les autres transformations causées par le capitalisme libéral. Maubreuil lui reste sur la berge, regarde avec nostalgie vers le passé. C'est ce qui fait de lui un réac. Tous ces gens gardent une peur du progrès, c'est leur trait caractéristique, une méfiance à l'égard de l'homme. Ouf, ça y est, je suis sauvé, je retrouve ce qui m'oppose à son esthétique. Mais cela ne m'a pas sauté aux yeux tout de suite. Parce que personne aujourd'hui ne peut être révolutionnaire spontanément, honnêtement, sans crainte. Personne n'est prêt à s'embarquer sur le Styx. Personne n'est sûr de pouvoir détourner le Styx vers des cieux plus cléments comme Staline l'était de détourner les fleuves sibériens.

Non content d'avoir mieux compris aujourd'hui le dur cheminement qui peut me distinguer des réacs, j'ai aussi mieux saisi la philosophie de tous ces gens qui crachent sur la démocratie à longueur de journée. Je veux dire les chouchous de nos medias. Ce matin en lisant que Cohn-Bendit voulait faire revoter les Suisses sur l'affaire des minarets j'ai sursauté. J'y ai vu une caricature de ce qu'avait été la position des oui-ouiste à l'égard des différents référendums sur l'Europe - le mépris de la souveraineté populaire. Quand Cohn-Bendit dit "la démocratie directe ne doit pas être le prétexte pour s’en prendre à une communauté et la blesser", je dois reconnaître qu'il a raison. Je n'accepte pas un référendum contre les musulmans, pas plus que contre les homosexuels, contre les types qui portent des bottes rouges, contre les gens qui veulent quitter la planète à tout prix etc. Mais alors quoi, si je suis prêt à faire invalider un référendum qui me semble totalitaire parce qu'attentatoire à la dignité d'une minorité, pourquoi serais-je hostile à la remise en cause des résultats d'autres référendums, sur d'autres sujets ? Mais dans l'embarras par Maubreuil, je le suis aussi par Cohn-Bendit. Me voilà bien.

Le serai-je aussi par Chavez ? Il nous annonce la création d'une cinquième internationale socialiste. On aimerait y croire. Mais malgré toute la sympathie que j'éprouve pour les initiatives "bolivariennes" du gouvernement de Caracas, je reste un peu sceptique. Il y a un risque que la cinquième ne fonctionne pas mieux que la quatrième, dont le bilan est à mes yeux risible. Elle sera sans doute moins dogmatique que les deux précédentes en tout cas, du moins si c'est le Venezuela qui les inspire. Peut-être un atout, qui sait...

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