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Le blog de Frédéric Delorca

Paru dans BRN : "Les cowboys et les Andins"

31 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Je publie ci-dessous mon article paru dans le mensuel Bastille-République-Nations du 28 mai 2008  (amisbrn@yahoo.fr)  (le titre est l'oeuvre du journal) à propos du Vème sommet Union européenne-Amérique latine et Caraibes :

Les cow-boys et les Andins

Le cinquième sommet Union européenne - Amérique latine et Caraïbes (UE-ALC), s’est déroulé du 13 au 16 mai dans la capitale du Pérou, Lima, plus précisément au cœur du quartier bunkérisé de la bibliothèque et du Musée de la Nation. Pas moins de 85 000 soldats et policiers avaient été mobilisés pour l’occasion. Quand la fine-fleur de l’eurocratie se déplace dans le Nouveau monde, la première règle qui semble s’imposer est de se placer à l’abri du monde réel. C’est en tout cas ce à quoi a veillé le président péruvien Alan García, un social-démocrate libre-échangiste qui fut élu en 2006 face à un souverainiste en jouant sur le thème de la peur du bolivarisme.

Ainsi, les chefs d’Etat et de gouvernement (53 au total, un record en partie dû à l’élargissement récent de l’UE), et les responsables de la Commission européenne n’auront pas vu la grève des mineurs et des travailleurs sociaux péruviens (des « radicaux », des « ratés », des « chouineurs » selon le Premier ministre hôte, Jorge del Castillo) déclenchée en guise de bienvenue aux visiteurs étrangers ; ni le contre-sommet (« sommet des peuples ») organisé par les mouvements sociaux latino-américains au même moment. Du coup, ils n’auront pas croisé non plus… les journalistes. Ceux-ci, entravés par le dispositif policier et les contretemps de l’organisation, n’eurent finalement qu’un très faible accès au travail des délégations. Mieux – ou pire : lors de la conférence de presse du Premier ministre de l’ex-puissance coloniale, José-Luis Zapatero, les journalistes latino-américains furent invités à quitter la salle sous prétexte de mise en ordre des chaises… et remplacés dans l’intervalle par des confrères espagnols triés sur le volet. L’organisation des travaux à huis clos se sera finalement imposée comme la solution optimale. Et tant pis pour la médiatisation.

Il est vrai qu’en Amérique du sud, les peuples ont parfois tendance à porter au pouvoir des adversaires affirmés de la globalisation, qui viennent jusque dans les rencontres entre chefs d’Etat se faire protester contre l’ordre des choses. Quelques mois plus tôt, en novembre 2007, lors du 17ème sommet ibéro-américain, le président vénézuélien Hugo Chavez avait eu une prise de bec mémorable avec le roi d’Espagne devant les caméras. Il menaçait de récidiver, ayant, la semaine précédente, qualifié Angela Merkel de représentante « de la droite allemande qui a soutenu Adolf Hitler », pour conclure : « Madame la chancelière, vous pouvez aller au ... », interrompant sa phrase d’un air entendu. Celle-ci avait en effet appelé les dirigeants latino-américains à prendre leurs distances avec Caracas. A Lima, le Vénézuélien et l’Allemande se sont finalement salués chaleureusement devant les caméras.

Le président García avait d’ailleurs dû reconnaître qu’il n’y avait pas de dispositif pour empêcher son homologue de Caracas de s’exprimer. Même la venue de Carla Bruni, épouse du président français, avec promesse de séance de photo au Machu Picchu, le tout annoncé par la presse péruvienne comme la principale attraction du sommet, n’allait pas suffire à museler les contestataires. Du reste, le couple Sarkozy s’est décommandé, tout comme Gordon Brown et Silvio Berlusconi. François Fillon avait certes été dépêché, mais le forfait de l’hôte de l’Elysée a provoqué un certain dépit parmi les dirigeants sud-américains. Une occasion manquée, ont regretté certains sous couvert d’anonymat, pour rétablir des liens d’amitié qui se sont distendus ces dernières années.

Le sommet devait être consacré à deux axes majeurs : « pauvreté, inégalités et inclusion », et « développement durable : environnement, changement climatique et énergie ». Des intitulés pompeux, mais sans grandes conséquences. Les choses sérieuses, la partie strictement économique, relevaient plutôt du forum des milieux d’affaires réuni en parallèle le 15 mai. A défaut d’un engagement ferme à augmenter l’aide au développement, qui stagne à 0,7 % du PIB pour l’ensemble de l’Union, la Commission européenne apportait sa friandise environnementale : un plan baptisé Euroclima contre le changement climatique, abondé à hauteur de 5 millions d’euros pour l’Amérique latine. Au fil des tables rondes, la nouvelle marotte de l’UE, les biocarburants, a aussi été évoquée : Bruxelles veut porter leur part dans les transports à 5,75% en 2010, et 10% en 2020. Une telle perspective qui peut séduire le Brésil, largement engagé dans l’aventure en partenariat avec les Etats-Unis, effraie les pays andins qui voient leurs paysans planter du grain pour faire rouler les voitures européennes au lieu de nourrir leur population pauvre. Il n’est guère surprenant, dès lors, que les récentes émeutes de la faim dans le monde aient quelque peu contribué à éclipser ce volet des négociations. A la demande notamment du représentant cubain, les chefs d’Etat auront même consenti à inclure dans la déclaration finale une mention de l’urgence à aider « les pays les plus vulnérables et les populations affectées par les prix élevés des denrées alimentaires ».

Au total, la tonalité de la presse internationale faisait écho à l’atmosphère « apaisée » du sommet. La radio institutionnelle allemande, Deutsche Welle concluait le 18 mai sur un « Happy end », en passant sous silence les propositions abandonnées en cours de route, telles que celle, présentée par Hugo Chavez, de créer un fond d’aide pour les pays victimes de la flambée des prix des denrées alimentaires, celle de son homologue bolivien Evo Morales en vue de délivrer des prêts sans intérêts aux populations démunies, ou encore celle de l’équatorien Rafael Correa pour empêcher la surexploitation du pétrole en Amazonie. Il est vrai que de compromis en déclarations qui n’engagent à rien, tout le monde a fini par obtenir un motif de satisfaction dans cette grand’messe – même La Havane a décroché une condamnation unanime en bonne et due forme de l’embargo étatsunien imposé à Cuba.

Le thème du libre échange, quant à lui, avait été soigneusement relégué en marge du sommet, dans des échanges de vues bilatéraux. C’est que les enjeux sont de taille et les points de vue difficiles à concilier. Si l’on agrège les vingt-sept pays-membres, l’Union européenne est le deuxième partenaire économique de la région Amérique latine/Caraïbes. Le volume des échanges bilatéraux s’élève à quelque 160 milliards d’euros par an. En 2007, environ 14% des exportations latino-américaines étaient destinées à l’UE. Les firmes de l’UE représentent la première source d’investissement dans de nombreux pays latino-américains. Les stocks d’investissements européens dans la région s’élèvent à quelque 400 milliards d’euros, soit environ 12% des investissements directs à l’étrangers totaux des Vingt-sept. Pour beaucoup de pays du sous-continent, les échanges avec l’Europe sont un moyen d’échapper à l’emprise du grand voisin yankee.

Or, si le libre-échange est acquis dans le cadre d’accords d’association avec la Chili et le Mexique, le bât blesse avec certains pays de la Communauté andine des Nations (CAN). Les représentants « bolivariens » d’Equateur et de Bolivie rejettent toujours le projet qui dort dans les tiroirs de Bruxelles. Ils lui reprochent de contenir des clauses en matière de propriété intellectuelle, d’interdiction des nationalisations, et de régime des investissements étrangers qui menacent la souveraineté des peuples. Le président paraguayen nouvellement élu, Fernando Lugo, a lui aussi insisté sur la nécessité de défendre l’indépendance des nations. A défaut de consensus andin, Javier Solana se consolera par la signature probable à court terme d’un accord bilatéral avec la Colombie, sur le modèle de celui que cette dernière a déjà paraphé avec Washington, voire d’un traité de libre-échange avec le Pérou… N’est-ce pas là ce que le Hongrois Rákosi nommait jadis « la tactique du salami » ? Plus que jamais cow-boy de l’UE, le Haut-représentant Solana, avant d’arriver à Lima, avait surtout fait le crochet par Bogota pour soutenir le président colombien, dont les liens avec les paramilitaires sont connus, dans son combat contre les guérilleros des FARC.

Avec les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay), les négociations sont au point mort depuis 2004 pour cause de désaccord sur les subventions et des barrières douanières agricoles. Leur reprise dépend de l’issue du « cycle de Doha » (les négociations engagées depuis 2001 dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce) – c’est en tout cas ce qu’a indiqué à Lima le commissaire européen Peter Mandelson. Le sujet est donc renvoyé à des discussions ultérieures.

Bien loin du sommet officiel, mais au même moment et dans la même ville, le « Tribunal permanent des peuples », présidé par le chanoine belge François Houtart, a symboliquement condamné le système d’exploitation économique dans lequel sont inscrites les relations UE-Amérique latine, et notamment l’action de 26 multinationales européennes. Le 19 mai, l’ONG britannique Christian Aid publiait un rapport selon lequel les grands groupes des pays développés volent aux pays latino-américains quelque 50 milliards de dollars d’impôts chaque année. Le nouveau système fiscal bolivien y est cité en exemple, le Pérou d’Alan García blâmé pour son laxisme. Peut-être un thème de discussion pour le prochain sommet ALC-UE, qui se tiendra à Madrid en 2010 ?

FREDERIC DELORCA



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Le fantôme de la liberté

31 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Je regardais hier en DVD Le fantôme de la liberté, de Luis Buñuel, qui est un chef d'oeuvre de cinéma surréaliste. Dans les premières scènes du film, un résistant espagnol devant le peloton d'exécution napoléonien s'écrie "A bas la Liberté". On sait que la France au début du XIX ème siècle a mis toute l'Europe en position de devoir crier "A bas la liberté" si elle voulait défendre sa propre liberté, car la liberté française venait légitimer les massacres et l'oppression impériale. A Alcañiz qui est le chef-lieu de l'arrondissement aragonais dont à la fois Buñuel et ma famille paternelle étaient originaires, sur la place centrale, il y a un monument aux martyrs de la résistance à Napoléon. A cause de l'impérialisme français, en Espagne, les partisans de la Liberté ont pu passer pour le "parti de l'étranger". La liberté ne s'exporte pas dans des convois militaires.

Un homme qui a pu à bon droit s'exclamer "A bas la liberté !" ou "A bas la démocratie !" ces derniers temps, c'est Norman Finkielstein, un célèbre professeur américain, très critique de l’occupation israélienne, de l’instrumentalisation du génocide juif par Israël et par le lobby juif américain, s’est vu refuser l’entrée en Israël, il y a huit jours à sa descente d’avion, après avoir subi un interrogatoire de plusieurs heures et avoir été sequestré dans une cellule de l’aéroport pendant 24 H (je renvoie aux débats qu'il y a avait eu sur les travaux de cet historien en 2002, et aux critiques justifiées dont Vidal du Monde Diplomatique avait l'objet à ce sujet). Après cette expulsion manu militari, Finkielstein serait en droit de se dire que si Israël est le paradigme de la liberté et de la démocratie au Proche-Orient, cette liberté-là ne vaut pas mieux que celle des oppresseurs napoléoniens en Espagne.


A propos d'Israël, j'ai reçu cette semaine, comme beaucoup je suppose car le texte traîne sur plusieurs sites, un texte sur le travail de l'historien Shlomo Sand. Celui-ci démontre que les Juifs séfarades sont les descendants de Berbères convertis au judaïsme pendant l'antiquité (il y en eut beaucoup, tout comme beaucoup d'Arabes, ainsi qu'en porte la trace le Coran), tandis que ceux d'Europe centrale et orientale seraient descendants des Khazars, des Slaves païens eux aussi convertis. Les descendants génétiques des Juifs de Judée romaine seraient ainsi les Palestiniens car, selon cet historien, les Juifs n'auraient pas fui massivement leurs terres après les persécutions de Titus et la destruction du Temple. Même les Juifs du bassin méditerranéen seraient des Juifs convertis, et, toute cette histoire de "diaspora" juive serait largement une construction du nationalisme sioniste à la fin du XIX ème siècle.

La thèse a le mérite de briser le mythe passablement raciste d'un peuple qui serait resté "ethniquement pur" pendant deux millénaires. Toute l'historiographie du XIX ème siècle si souvent substantialiste et ethniciste car solidaire de projets idéologiques nationalistes, dans tous les pays d'Europe, a été battue en brèche (voyez par exemple comment en ce moment Christian Goudineau au Collège de France démonte le mythe de l'homogénéité gauloise ou celte). Il est bon qu'elle le soit aussi en Israël.

Est-elle pour autant fondée ? N'étant pas historien, je ne puis le dire. Disons qu'elle me surprend quand même, parce qu'on m'avait toujours appris que, malgré l'attractivité indéniable du judaïsme dans le Bassin méditerranéen à partir disons du II ème siècle av. JC, et son choix effectif du prosélytisme, la conversion restait très dure à vivre dans le cadre politique de l'empire romain (à cause surtout des règles d'organisation de la vie, de nourriture etc, incompatibles avec les règles civiques de l'Empire), ce qui explique que seul le christianisme ait pu convertir massivement des païens à l'héritage abrahamique, en balançant par dessus bord, via Paul de Tarse, la loi mosaïque. Donc en tout cas il y a peu de chance que les communautés juives de d'Asie mineure, d'Achaïe, d'Italie et de Gaule aient été des païens convertis. Le judaïsme a-t-il pu se développer plus facilement en Afrique, dans des régions moins directement soumises à l'Empire romain (donc pas l'Afrique romaine autour de Carthage mais plus à l'intérieur des terres) ou hors du champ de l'Empire romain dans certaines tribus slaves ? Je ne sais pas, il faudrait y regarder de plus près. La thèse de Shlomo Sand semble un peu trop extrême pour être vraie, mais disons qu'elle équilibre utilement celle, elle aussi extrême et pourtant dominante, de l'homogénéité de la diaspora pendant 2 000 ans.

En tout cas il est sain de voir cette thèse se développer en Israël et trouver sa place dans le débat. Elle rappelle aussi les travaux d'Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman qui montraient que le judaïsme et l'Ancien Testament étaient une création intellectuelle assez récente (le réplique du régime politique de Juda aux conquêtes assyriennes), tandis que Moïse, et le règne de Salomon qui n'ont laissé aucune trace archéologique sont probablement des mythes.

Ces voix dissidentes dans l'historiographie s'élèvent aussi, souvent, sur le plan politique pour demander que la société israëlienne s'ouvre aux autochtones arabes, et aux immigrés. Bref pour remettre en cause le projet sioniste. Tout cela est très encourageant et il faut souhaiter que ce ne soit pas tué dans l'oeuf  par les logiques militaristes à l'oeuvre dans cette zone.

Les combattants de la liberté ne sont pas tous voués à l'échec. Cette semaine les communistes et maoïstes népalais sont parvenus à transformer leur pays en une fière République. On redoutait une réaction de la droite monarchiste, elle n'a pas eu lieu (nul doute que celle-ci s'arrangera pour "droitiser" la République dans les années qui viennent, comme en France autrefois, mais pour l'heure la victoire est dans le camp de la gauche). Des milliers de combattants en ont payé le prix pendant des années face à une répression féroce. Cette fois, ils ont gagné.

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Un peu d'histoire

25 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

Une correspondante me transmet ce matin avec enthousiasme la vidéo ci-dessous (il y en a d'autres de la même historienne sur dailymoion). Je ne suis pas un inconditionnel des thèses d'Annie Lacroix-Riz dont certaines analyses méritent au moins des nuances (par exemple sur la guerre d'Espagne lorsqu'elle laisse entendre que tout l'appareil productif était entre les mains de l'étranger, comme si le capital basque et catalan ne comptait pour rien). Son analyse courageuse et pénétrante du rôle du capital financier dans l'histoire des années 1930 mérite néanmoins qu'on lui accorde une attention certaine.


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Fin de semaine

24 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Contrairement à ce que j'avais anticipé, mon interview de Carlos Ouédrago ne suscite aucun commentaire favorable, notamment chez les militants tiers-mondistes ou anti-impérialistes auxquels j'ai adressé les vidéos. Peut-être n'ont-ils pas eu le temps de les visionner. Mais je suppose qu'ils ne réagiront pas. Cette interview sort trop du cadre associatif dans lequel ils travaillent. Je n'ai eu que quelques remarques de dames sur les grandes mains de Carlos et sur ma voix à l'accent méridional. Rien de très politique. A propos de méridionalité, il faudra que je discute un jour sur ce blog de la question de savoir si les Français méridionaux sont des colonisés ou pas. J'attendrai peut-être qu'un de mes livres en préparation soit publié.

Cet après-midi, en surfant sur le net, je tombe sur ce titre dans B92 : "Fiat urges Serbia to follow European path". En Europe ce sont les stars du showbiz qui appellent à voter pour l'Europe. En Europe de l'Est ce sont directement les patrons des grands groupes. Le pouvoir de l'argent s'y dit plus directement. Il est vrai que les stars du showbiz y sont moins politiquement correctes que chez nous. Marija Serifovic qui a remporté le concours de l'Eurovision l'an dernier avec Molitva a donné un concert pour le candidat du parti radical à la présidentielle. Je crois me souvenir aussi qu'en 2003 un chanteuse à succès avait été arrêtée après l'assassinat du premier ministre. D'ailleurs l'Eurovision ce soir est diffusée depuis Belgrade. Voilà qui doit coûter bien cher à ce pays.

Cette histoire d'Eurovision est toujours amusante. Dans les pays de l'Est elle fait toujours ressortir des aspects auquel l'Ouest ne s'attendrait pas. L'an dernier, les votes s'étaient prêtés à une véritable analyse géopolitique, les Turcs votant pour les Bosniaques, les Serbes pour les Russes, les votes des diverses diasporas basées en Autriche faisant des arbitrage. Et la nomination de Marija Serifovic avait fait ressurgir des propos homophobes en Serbie (car on l'accusait, car dans les Balkans c'est une accusation, de lesbianisme - peut être d'ailleurs est-ce la raison pour laquelle elle a soutenu le Parti radical, allez savoir). A propos de lesbianisme, la presse transnistrienne fait ses choux gras de la répression d'une gay pride à Chisinau (Moldavie). On pourrait faire un inventaire des gay pride réprimées en Europe de l'Est.



En feuilletant la presse alternative, j'observe aussi qu'Europalestine donne la parole à Georges Corm sur la situation libanaise - les médias occidentaux ayant annoncé un premier pas vers le compromis institutionnel dans ce pays. J'entends toujours dire du bien des analyses de Corm et je veux bien croire qu'elles sont plus fiables que celles de Thierry Meyssan. en parlant du Proche-orient, je vais m'atteler bientôt pour Parutions. com au CR d'un entretien donné par le résistant Georges Habbache avant sa mort.

D'un continent l'autre : une petite vidéo sur l'Amérique latine - pardon, Suramerica...


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Interview de Carlos Ouédrago

21 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Interviews-reportages vidéos réalisés par FD

Comme je l'annonçais depuis quelque temps, j'ai pu, le 19 mai dernier (lundi), interviewer le conteur-comédien-metteur en scène burkinabé Carlos Ouédrago, qui donne en ce moment un spectacle remarquable intitulé "Thomas Sankara : La lutte en marche" (encore deux représentations au Théatre du Nord-Ouest à Paris : les 4 et 8 juin à 19 h, précipitez-vous pour y assister !).

Mon opinion sur certains thèmes évoqués par Carlos n'est pas tout à fait la même que la sienne (sur Cheikh Anta Diop par exemple), mais je n'ai pas voulu faire une interview contradictoire. Je voulais surtout mettre en valeur le travail et le point de vue de Carlos, qui se nourrit d'une réflexion politique puissante et d'une culture considérable, sur le passé de l'Afrique notamment. Carlos ressaisit l'héritage anti-impérialiste de Sankara dans une pensée indépendante, courageuse, et généreuse.

Chacun retirera ce qui lui plaira de cette interview. Ce que je retiens pour ma part, c'est l'intérêt pour chaque continent de penser une rupture avec le capitalisme importé d'Occident, et la nécessité que cette rupture démocratique, solidaire, soit conçue à partir d'une réappropriation culturelle et politique par chaque peuple de son identité et de son histoire, sans alignement sur des modèles pré-définis. Dans cette perspective, le travail de Carlos est très utile pour les Africains. Il l'est aussi pour les Européens et pour les peuples des autres continents dont la vision de l'Afrique est biaisée par l'idéologie dominante, et qui, par leur refus de savoir, se rendent complices de l'ère du mensonge et de l'aliénation qui fait de nous tous des consommateurs égoïstes et imbéciles.

Je dois préciser que si l'interview s'est terminée sur l'histoire, et sur le rôle de Christiane Taubira en France en ce qui concerne la mémoire de l'esclavage, j'ai demandé ensuite hors caméra si Taubira, qui est une "insider" du système impérialiste, était vraiment un modèle, ou s'il ne fallait pas se situer en dehors du système pour le combattre, Carlos a répondu qu'il fallait attaquer le système à la fois de l'intérieur et de l'extérieur. J'ai repris la caméra pour enregistrer cette mise au point, mais un problème technique m'a empêché de sauvegarder ce passage. En conclusion ultime, Carlos insistait sur le fait que, selon lui, le capitalisme, qui mène à la catastrophe, disparaîtra prochainement. Voici son interview.

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"La Raison politique en Islam"

21 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Je viens de publier sur Parutions.com un compte-rendu de La Raison Politique en Islam de Mohammed Abed al-Jabri. Ce texte peut être lu sur http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=91&ida=9355.

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Les obsessions de l'Immonde

19 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Hier j'ouvre le site du Monde (L'Immonde, comme l'appelait De Gaulle), et tombe, une fois de plus sur une chronique antibolivarienne intitulée "Chavez-Lula, le match est joué" qui félicite Lula, et condamne Chavez. Un article stupide, mesquin, perdu dans des ratiocinations, comme le soi-disant centre-gauche européen les aime tant. Apologie de la voie centriste, refus de toute forme de socialisme. Surtout que rien ne change. Surtout que personne ne tente rien. Administrons tranquillement le capitalisme. Il faut parfois admettre que l'on n'a plus rien en commun avec ses concitoyens, admettre qu'on n'a rien en commun avec ceux qui écrivent dans Le Monde, et avec ceux qui le lisent. Tous ces bons administrateurs "prudents", frileux, insensibles au sort du plus grand nombre, au crime permanent commis contre le plus grand nombre.

Chavez, lui, malgré ses maladresses folkloriques, a toujours des mots forts. La semaine dernière encore contre Merkel dont il a rappelé qu'elle était l'héritière d'une droite allemande qui a porté Hitler au pouvoir. Une évidence simple, mais que tout le monde oublie après des années passées à entendre décrire le "totalitarisme" nazi comme un Mal métaphysique qui serait tombé du ciel. Je dois écrire demain un article sur le sommet ALC-UE de Lima pour BRN. J'y dirai quelques mots de la voyoucratie des multinationales en Amérique latine, que couvrent les ridicules fanfaronnades pro-Lula de M. Le Boucher, et les imprécations anti-Chavez des technostructures de nos "démocraties occidentales".
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Ajde Jano

13 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Peuples d'Europe et UE

Un petit hommage à nos amis serbes qui ont donné une grosse majorité relative aux pro-européens aux élections législatives de dimanche, ce qui rend furieux plusieurs activistes dans la diaspora semble-t-il, et dans l'électorat du Kosovo où le parti radical fut majoritaire (n'étant pas serbe moi-même, et respectueux des choix des peuples, je me garderai d'émettre le moindre jugement). Il semble cependant que la formation d'un gouvernement majoritaire reste problématique tant autour du parti présidentiel, qu'autour du parti radical...


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Discussions sur le socialisme

12 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La gauche

En ces jours fériés où les gens traînent devant leurs écrans d'ordinateurs, je reçois des mails intéressants sur la position Turcs et des Arabes à l'égard de l'impérialisme anglais il y a cent ans, et aussi... sur le socialisme (en partie à cause des discussions sur la "révolution" de mai 68). Notamment nous avons assisté à un débat entre Birino et Jean-Michel Vernochet sur la question de savoir ce qu'est le socialisme, s'il existait un socialisme non marxiste, si l'Allemagne nazie par exemple ou la Suède socialdémocrate étaient ou non des systèmes socialistes, Birino défendant que seule la socialisation complète des moyens de production justifiait l'emploi du terme socialiste : de sorte que, selon lui, même la Chine ne se dit plus "socialiste" mais "sur le chemin du socialisme" à cause des privatisations qu'elle a dû consentir. 



Je me suis permis d'introduire la question suivante (qui n'est pas purement scolastique)dans ce débat :

"-------- Question naïve :"avec un secteur privé", qu'entend-on par là ? Le maintien en Pologne d'un droit de propriété privée dans l'agriculture (et même en URSS avec les lopins de terre individuels), le fait que même dans les systèmes les plus collectivistes (même l'Albanie d'Enver Hodja) on restait propriétaire formellement des biens meubles de son domicile sont-ils des éléments de nature à établir que les systèmes en question n'étaient pas socialistes ? Autrement dit une collectivisation totale des biens est elle possible, et, dans le cas contraire, à partir de quel pourcentage de collectivisation peut-on dire qu'on bascule dans un système socialiste ? On me répondra peut-être qu'il s'agit de collectivisation des "biens de production" et non de consommation, mais jusqu'à quel point les biens de consommation ne peuvent-ils pas se transformer en biens de production : l'individu qu'on considère comme propriétaire de son ordinateur à son domicile, peut ensuite l'utiliser pour produire, commercialiser sa production, faire un petit business clandestin (je pense à Cuba où beaucoup de biens privés mais aussi publics sont utilisés clandestinement pour nourrir un système économique capitaliste informel occulte). Par delà la naïveté de cette question, je veux pointer ici un problème soulevé par Bertrand Russel dans les années 1930, dans son bouquin sur l'histoire des idées au XIX ème siècle. Il reproche aux marxistes de n'avoir pas bien vu qu'un ouvrier ou a fortiori un petit employé sont, sous un certain points de vue, des acteurs sociaux qui ont intérêt à la révolution parce qu'ils sont économiquement exploités, mais aussi, sous un autre point de vue, des acteurs qui ont intérêt à la conservation du système capitaliste en place pour diverses raisons (sécurité personnelle, chances d'ascension sociale des enfants, faits que dans sa propre famille il peut avoir des gens qui sont soldats ou flics). Est-ce que, à l'inverse, dans un système très fortement collectivisé les gens ne gardent pas, d'un certains points de vue, toujours une part de "propriété privée", dans les faits et dans leur imaginaire, de sorte qu'au fond ils restent toujours des capitalistes individualistes en puissance, et que, au fond, les régimes socialistes restent toujours des systèmes sociaux-démocrates ? Si l'on raisonne ainsi, on arrive à la conclusion que le problème n'est pas seulement celui des superstructures idéologiques (et de l'intelligentsia), mais de l'individualisme humain (qui existait même avant la modernité : voir par exemple les travaux de Veyne sur le capitalisme romain, on peut même se demander s'il n'y a pas des germes d'individualisme dans le communisme des chasseurs cueilleurs). A partir de quel seuil de disparition de la propriété privée (et aussi de disparition de l'individualisme) peut-on assurer que le système est "socialiste" ?"

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Cuando sali de Cuba

11 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Edgar observe dans un commentaire à mon précédent post sur la virtualisation du politique qu'un blog est comme un journal intime. Je le suis tout à fait sur ce chemin là. Un journal intime, et non un acte politique. Le blog de l'Atlas alternatif est un site politique plus qu'un blog car c'est un site collectif d'info (qui aurait pris la forme d'un site si nous avions eu un bon webmaster). Mais les blogs personnels sont des journaux, et non des actes politiques. Ils peuvent éclairer le contexte subjectif, imaginaire, d'une action politique, mais pas s'y substituer.

Ce matin j'ai retrouvé sur un blog une vidéo d'une vieille chanson qui passait sur les ondes de la radio espagnole dans les années 1970 : "Cuando sali de Cuba". J'avais 7 ou 8 ans quand je l'ai entendue pour la première fois, au cours des vacances que je passais à l'occasion en Espagne où vivait une partie de la famille de mon père (la partie qui n'avait pas fui en 1939). Cette chanson m'avait marqué. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que j'en comprenais facilement le refrain : "Quand je suis parti de Cuba j'ai laissé ma vie et mon amour". J'ai entendu à nouveau cette chanson, par hasard, sur une radio madrilène en 1995. Je travaillais alors à l'ambassade de France. J'avais assisté à un congrès d'Izquierda unida sous passeport diplomatique. J'avais vu tout un amphithéatre, et notamment toutes les délégations des gouvernements du Tiers Monde (y compris les alliés de l'Occident) applaudir à tout rompre le nom du Parti communiste de Cuba, à l'heure où le Parti communiste français, lui, ne voulait plus entendre parler de Castro - au fait avez vous vu ce documentaire consacré à Marchais sur Arte qui montre le vieux lion cubain rendant visite à son alter égo de Champigny abandonné de tous, cette même année 1995 ?

"Cuba hurts" me disait mon correspondant anarchiste serbe en 2002 quand une campagne de signature fut lancée contre la répression des dissidents. Cuba a toujours fait mal, pour des tas de raisons. Tous les espoirs placés en ce pays. Cette résistance héroïque, sans pétrole, sans électricité, aux pires heures de la "globalisation libérale", et qui inspira tant d'admiration dans le Tiers-Monde. Elle peine les anarchistes et les trotskistes qui regrettent l'enfermement bureaucratique et répressif. Pourtant même Chomsky y va. Personne ne sait comment ce pays aurait résisté au rouleau compresseur américain sans la bureaucratie et sans la répression. Cuba a sauvé la révolution de Chavez, comme elle a contribué au renversement de l'apartheid en Afrique. Tout cela est à mettre à son crédit. Rémy Herrera a écrit de belles choses sur tous ces descendants d'esclaves attachés à l'égalité, et qui ne veulent pas voir revenir chez eux le lobby mafieux du rhum Baccardi.

Donc en Espagne, il y avait  "Cuando sali de Cuba", qui, semble-t-il, était une chanson cubaine à l'origine. Reprise avec les paillettes des plateaux TV, elle avait presque des relents de colonialisme... Car pour l'Espagne Cuba ce n'est pas seulement Castro. "Cuba hurts" pas seulement à cause des problèmes de la révolution. Mon arrière grand père fit la guerre à Cuba en 1898 et fut prisonnier de guerre de l'armée états-unienne pendant des années. Le joyau de la couronne espagnole. "Mas vale barcos sin honra que honra sin barcos". Dans les années 1920, les villages espagnols étaient remplis de cercles d'anciens combattants de Cuba, les "habaneros". Des gens souvent très à gauche, pacifistes, future base de la République dans les années 1930. Dans les années 1950, les barbudos autour de Castro ont reçu leur formation militaire d'un ancien commandant républicain espagnol, Bayo. La boucle était bouclée. Mais Cuba hurts quand même.





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Discussions sur la Résistance irakienne (suite)

10 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Pour continuer sur la résistance irakienne, je livre ci joint la réaction de Bruno Drweski (qui a codirigé  "Irak : la parole à la résistance"‏ ) à une note de l'European Strategic intelligence and security center (un « think tank » qui affirme inscrire «son action dans le contexte du renforcement du lien transatlantique ».
- cette note figure au bas du texte).

F. Delorca

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Ce texte ci-bas des services spéciaux est intéressant car il pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses :
 
1/ Est-ce que les auteurs de ce texte sont aveugles au point de croire ce qu'ils écrivent ici, ou est-ce écrit en direction d'un public à désinformer (comme de coutume) ?
 
2/ A aucun moment dans ce texte, il n'est question de la résistance armée irakienne. Comme si elle avait cessé d'exister comme par enchantement. Tout est ramené à "Al qaida" ...dont on connait les géniteurs. ...et aux chefs tribaux, dont on n'oublie que beaucoup sont en relations régulières soit avec les militaires irakiens (résistants), soit avec les baasistes, soit avec les résistants islamistes (pas al qaida), soit avec l'Association des oulémas musulmans, elle aussi conscience morale de la résitance. Or, toutes ces forces combattent l'occupation tout en acceptant des accords tactiques ici ou là contre par exemple cet "al qaida" créée par le pompier-pyromane US. Et cela les Irakiens le savent.
 
3/ On parle de l'Iran comme s'il était monolithique et qu'il n'y existait pas différents services et partis politiques. En conséquence, on ne mentionne même pas que les "plus protégés" par les pouvoirs de Téhéran sont les membres des brigades Badr et du SCRI, les opposants à l'armée du Mahdi justement.
 
4/ On néglige le fait que Sadr représente historiquement l'orientation chiite pro-arabe par rapport aux partis plus pro-persans. Qu'il y ait là aussi des alliances tactiques, comme dans le cas des autres résistants armés aux occupants (les "sunnites" ...qui ont dans leurs rangs beaucoup de chiites), passe inaperçu.
 
5/ On néglige aussi de mentionner que si Sadr a des appuis dans les classes populaires, c'est pour deux raisons :
- Son père a développé toute une "théologie économique islamique" opposée au capitalisme et à l'économie usuraire, y compris en dénonçant le clergé chiite enrichi grâce aux dons des pèlerins des lieux saints chiites (dont beaucoup de membres de ce clergé étaient iraniens)
- les cadres de l'armée du Mehdi et son proche entourage, sont pour la plupart issus de familles qui étaient au départ liés au Parti communiste irakien et qui ont rompu avec lui lorsque sa direction est devenue a/un parti nationaliste kurde de fait, puis, b/un parti de l'étranger et des USA. Il reste donc dans ce sud chiite là, un fond communiste (comme d'ailleurs au Liban, les anciens bastions du PC libanais sont aujourd'hui largement ceux du Hezbollah ; ...mais au Liban, le PCL coopère avec le Hezbollah!). Ce fond marxiste se manifeste sur le projet socio-politique de Sadr, ce qui explique qu'il reste, en principe, favorable à un Irak unifié et non confessionnel, socialement populaire. Et qu'il condamne au moins formellement tout conflit avec les sunnites (même s'il ne contrôle pas bien ses troupes ! ...ou qu'il s'est laissé manipulé ?).
 
6/ On néglige de constater que les multiples cessez-le-feu qu'a décrétés Sadr étaient en partie dus au fait que son armée du Mehdi qui s'est formée assez spontanément, dans la haine de l'occupant et des dignitaires chiites conservateurs, a vu entrer en masse des éléments troubles, criminels, cherchant à faire main basse sur les oléoducs et les droits de passage, ou liés à des services sans doute iraniens (l'un n'empêchant pas l'autre). Et que ces cessez-le-feu (mais aussi les négociations qu'il mène en alternance avec les USA, les pro-Badr et les divers services iraniens ont pour objet entre autre de dépister qui est qui dans ses propres rangs, et de lancer des épurations). Les Iraniens ayant un esprit au moins aussi perçant ( et "persan" ! sic !) que lui, on peut se demander qui intriguera le mieux dans ce jeu.
 
7/ Il est clair que l'Iran cherche à déserrer l'étau US à la fois sur ses frontières occidentales et orientales en jouant à terme contre les occupants ...mais aussi pour empêcher la reconstitution d'un Irak arabe et nationaliste sans doute. A-t-il la force de lutter en Irak contre deux adversaires en même temps ?
 
Toute la question est donc de savoir si, en tant qu'anti-impérialistes, nous devons soutenir n'importe quel adversaire des occupants, nationalistes arabes, baasistes, islamistes, Iraniens, etc. le plus fort étant le mieux, quelqu'il soit ? Une vraie question.

Et si les Iraniens vont s'entêter à rêver d'un Irak qui serait "ni-ni", ni US ni arabe ? Ou, si le réalisme aidant, ils ne parviendront pas à dépasser leurs rancoeurs datant de la guerre Iran-Irak, en soutenant l'unité nationale des Irakiens patriotes de toutes obédience (donc y compris les baasistes, les laics et les islamistes sunnites ? Rêvons !) ...comme essaie de le faire la Syrie. Et dans ce jeu, le Hezbollah sera-t-il l'intermédiaire entre Syrie et Iran et aussi entre sunnites et chiites opposés à l'occupation ? Ou n'y parviendra-t-il pas ? C'est d'ailleurs aussi sous cet angle que certains voient le conflit actuel au Liban, comme une conséquence de rapports qui se seraient distandus sur la ligne Hezbollah-Syrie-Iran. Le Hezbollah cherchant à contrôler l'aéroport de Beyrouth pour se rendre moins dépendant du transit syrien.
 
Mais, quoiqu'il en soit, les Irakiens ne veulent plus des occupants, dans leur immense majorité, et leurs divergences internes n'y changeront rien, même si elles peuvent retarder la libération. Et cela les USA ne veulent pas le voir, ou font semblant de ne pas le voir et cherchent à ce que les peuples ne le voient pas.
 
L'expérience historique tend à prouver que, lors des décolonisations armées, tôt ou tard, un groupe prend le dessus sur un autre en éliminant ses concurrents, mais parce qu'il a su se montrer le plus ferme à l'égard des envahisseurs (communistes chinois vs. Kouomintang, communistes vietnamiens contre kouomintang vietnamien, FLN contre MNA, nassériens vs communistes et frères musulmans, bolcheviks vs mencheviks et autres socialistes au moment des interventions étrangères dans la guerre civile russe, Hamas vs Fatah, Hezbollah vs milices claniques, etc.). De mon point de vue, il semble donc que le meilleur groupe irakien sera celui qui parviendra à réaliser l'unité dans le combat (armé et politique) contre les occupants, mais aussi en éliminant les plus tièdes, les plus opportunistes et les plus incompétents. Et de cela nous n'avons pas le droit de nous mêler.

Bruno Drweski

Irak 2008
* NOTE D'ANALYSE DU 11 AVRIL 2008 DE L'EUROPEAN STRATEGIC INTELLIGENCE & SECURITY CENTER 
LE PROCHAIN DÉFI EN IRAK : DÉJOUER L'INFLUENCE DE PLUS EN PLUS MARQUÉE DE L'IRAN
Introduction
La présentation du Général David Petraeus devant le Congrès, le lundi 7 avril, était supposée apporter aux législateurs américains des preuves irréfutables que la stratégie des renforts (« surge ») avait porté ses fruits. Elle a été assombrie par la nouvelle du conflit entre chiites, qui a révélé le renforcement de l'emprise de l'Iran sur le destin de l'Irak.
En quelques semaines à peine, la nature du problème en Irak a pris une tout autre tournure. On pourrait en effet qualifier de réussite la canalisation des efforts américains pour brider les tribus sunnites du pays. La province d'al-Anbar dans l'ouest de l'Irak a été amenée sous contrôle, dans la foulée d'une stratégie mêlant une présence plus zélée des troupes américaines sur place, une attention renouvelée à la sécurité des civils sunnites et une stratégie consistant à récupérer les milices sunnites pour lutter contre Al-Qaïda.
Malheureusement, ces progrès ne suffiront pas à garantir une stabilité de longue durée en Irak. La clé de l'avenir de cette société se trouve dans la capacité du gouvernement central à contrôler la majorité chiite du pays. Les événements des dernières semaines ont révélé la vraie nature de la stratégie iranienne en Irak et laissent supposer les conditions d'une bataille que les Etats-Unis risquent de ne pas remporter dans les prochains mois et années en l'absence de volonté politique ou du soutien de l'opinion. Comme l'a déclaré un Marine américain stationné en Irak : « Si l'Iran ne dépensait qu'un millier de dollars pour chaque million que nous dépensons, elle pourrait encore sortir gagnante. Le temps joue en sa faveur ».
L'analyse qui suit (1) résume les progrès accomplis jusqu'à présent grâce à la stratégie de l'opération « surge », (2) révèle les menaces de cellules dormantes contre le gouvernement irakien qui ont soudainement été activées ces dernières semaines et (3) évoque les perspectives pour surmonter ces menaces, compte tenu des restrictions d'objectif dans lesquelles l'armée américaine et le gouvernement irakien doivent opérer.
La stratégie de l'opération « surge » et ses résultats
Le résultat le plus audacieux de l'opération « surge » a été de détruire et/ou déloger les forces « d'Al-Qaïda en Irak » des grandes régions d'Irak, notamment dans la province d'al-Anbar et plusieurs villages situés au nord et au nord-ouest de Bagdad. La plupart des brigades de combat supplémentaires déployées dans le cadre de l'opération « surge » ont été affectées à prendre le contrôle et à maintenir une présence dans les villages qui n'avaient précédemment été tenues que temporairement par les unités de Marines et avaient invariablement tendance à retomber sous le contrôle d'Al-Qaïda et de ses groupes affiliés après le départ des Marines.
L'opération « surge » a définitivement mis un terme à la présence continue d'Al-Qaïda dans les régions précitées. Outre le déploiement de troupes de combat supplémentaires, l'armée américaine a consenti un effort financier pour acheter la loyauté des milices tribales sunnites. Le système tribal sunnite avait été affaibli par la présence d'Al-Qaïda, qui oeuvrait dans leurs régions en usant des moyens les plus brutaux imaginables et s'est attiré la haine grandissante de la population locale.
L'organisation militaire tribale sunnite conjointe, connue actuellement sous la dénomination générique de « Sons of Iraq » (« Fils de l'Irak »), comprend quelque 90 000 combattants qui sont effectivement employés par les Etats-Unis, et s'est révélée une force fiable et stabilisatrice. Grâce à ces milices, mises en place au printemps 2007, les attaques anti-américaines (qui sont passées de 1300 incidents par mois à l'automne 2006 à moins de 200 à l'été 2007) ont diminué de façon spectaculaire et ces progrès se sont suffisamment maintenus pour permettre des sérieuses avancées dans le domaine de la reconstruction.
L'avantage supplémentaire de cette stratégie a été de redonner confiance et foi aux chefs tribaux sunnites et aux populations sous leur contrôle par rapport à l'activité politique de Bagdad. De grandes portions de la population sunnite irakienne ont repris espoir de jouer un véritable rôle dans l'avenir de l'Irak et ont largement surmonté leur crainte de voir leurs intérêts systématiquement menacés, comme ça a été le cas pendant les deux premières années de l'occupation américaine.
Cependant, les avancées qui ont été faites en 2007 n'ont pas atteint la région névralgique de Mossoul, située près de la frontière syrienne. Al-Qaïda reste présent et opérationnel dans cette région, où il continue à trouver un soutien solide auprès de la population sunnite. Cette situation s'explique en partie par le fait que les tribus sunnites de la région sont confrontées à ce qu'elles considèrent comme une menace pour leur existence, les Kurdes. Ces derniers ont repeuplé la région au cours de ces deux dernières années et réclament depuis longtemps de gouverner la ville de Mossoul et sa voisine Kirkouk, qui sont les régions urbaines les plus importantes à proximité des champs de pétrole du nord de l'Irak.
Dans les années 1990, Saddam Hussein a contrôlé une politique d'épuration ethnique à Mossoul et Kirkouk, lors de laquelle les familles kurdes ont été systématiquement chassées de chez elles et envoyées comme réfugiées dans la chaîne de montagnes du nord de l'Irak, sous contrôle kurde. Le retour de ces réfugiés ces dernières années a déclenché des tensions ethniques critiques entre les communautés arabes et kurdes de Mossoul et Kirkouk. Al-Qaïda est parvenu à exploiter ces tensions pour s'imposer dans la communauté arabe de ces villes. En outre, la proximité de ces régions urbaines avec la frontière syrienne a permis à Al-Qaïda de profiter d'arrivées massives et régulières d'armes et de djihadistes pour renforcer leurs rangs et leurs moyens.
La bataille pour Mossoul et Kirkouk devait représenter la dernière phase de l'opération « surge ». Malheureusement, les possibilités de remporter cette bataille ont beaucoup diminué dernièrement, compte tenu du fait qu'il faut assigner un nombre toujours plus important de forces irakiennes et américaines à résoudre les problèmes que posent les milices chiites soutenues par les Iraniens situées à Bagdad et à Bassora.

La menace montante
Alors que les Etats-Unis étaient en train de combattre Al-Qaïda à l'ouest de l'Irak, « l'Armée du Mahdi » de Moqtada al-Sadr renforçait ses effectifs et étendait son pouvoir destaudis de Bagdad à la ville portuaire stratégique de Bassora, où elle acquis un pouvoir grandissant sur des parties importantes du commerce irakien. (La plupart des exportations pétrolières du pays et des importations civiles transitent par Bassora et le port pétrolier voisin d'Umm Qasr).
Après un revers important en 2005, Moqtada al-Sadr a déclaré une « trêve », qui lui a permis de faire passer ses forces militaires de 2000 hommes légèrement armés issus des quartiers les plus pauvres de Bagdad à une force bien organisée, qui comprend à présent quelque 60 000 hommes bien armés et bien rémunérés, opérant dans de vastes communautés au sud de l'Irak. La milice du Mahdi bénéficie d'un soutien considérable de l'Iran, qui aide à financer et à équiper ses principales brigades et est connu pour offrir un entraînement spécialisé à quelques-unes de ses unités de commando.
Cette aide, fournie directement par la force « al-Qods » de la Garde révolutionnaire iranienne (al-Qods fait référence au Dôme du Rocher de Jérusalem), a renforcé de façon spectaculaire l'efficacité des attaques des milices antiaméricaines dans au moins deux domaines. En premier lieu, les attaques contre les lignes américaines de communication et de fourniture de service sont devenues beaucoup plus meurtrières après que les « engins explosifs improvisés », mieux connus sous le nom de bombes artisanales, ont été remplacés par des armes anti-blindage sophistiquées appelées mines « EFP ». Il s'agit de projectifs en cuivre en fusion qui peuvent pénétrer un blindage renforcé et dont le ratio de mort (kill-ratio) est très nettement supérieur à celui des bombes artisanales qui étaient utilisées auparavant.
En outre, les unités de commando bien entraînées ont appris à utiliser les tirs de mortier et tirs de roquette simples avec beaucoup plus de précision qu'auparavant. La capacité des milices à abattre un nombre de plus en plus important d'hélicoptères américains et à tirer des coups précis sur la zone verte de Bagdad occupée par les Américains, tout en échappant aux ripostes, a confirmé qu'il existe des commandos hautement entraînés don't les actions visent à soutenir les objectifs politiques de l'Armée du Mahdi et combattent des cibles américaines qui étaient précédemment considérées comme relativement sûres.
À l'instar des Moudjahidines afghans, les milices chiites irakiennes qui tiraient d'une manière sporadique en comptant davantage sur la chance que sur l'entraînement, le font désormais d'une manière systématique et précise, ce qui a un effet négatif sur le moral des troupes et augmente considérablement les risques auxquels l'armée américaine est exposée tant à Bagdad que dans des zones clés situées au sud sur les rives du Tigre et de l'Euphrate.
Pendant la trêve qui a eu lieu pendant ces dix-huit derniers mois, l'Armée du Mahdi a également étendu son emprise sur des secteurs critiques de l'économie irakienne. Avec des pratiques similaires, à de nombreux égards, à celles de la mafia, les milices sont parvenues à vendre leur protection à un nombre sans cesse accru d'entreprises, en se focalisant principalement sur les commerces d'import-export situés à Bassora. Cette activité a généré sur place une source importante de revenus supplémentaires pour les coffres d'al-Sadr, grâce notamment au bon vieux racket. Ces activités, associées à l'incursion réussie du groupe dans l'activité politique, sont parvenues à conférer à Moqtada al-Sadr un mélange de légitimité politique et de puissance brute que l'on pourrait bientôt comparer à celles qu'a acquises le Hezbollah au Liban ou le Hamas dans la bande de Gaza.
Au cours des dernières semaines, le gouvernement central irakien a tenté en vain de braver cette menace grandissante. Il craint que la milice d'al-Sadr ne devienne sous peu un Etat dans l'État, ayant le pouvoir d'influencer la plupart des décisions importantes du gouvernement irakien et d'exercer un chantage efficace sur le reste du pays comme le Hezbollah l'a fait au Liban ces dernières années. Moqtada al-Sadr s'est réfugié en Iran. Quiconque aurait douté du contrôle réel de Téhéran sur ce mouvement n'a eu qu'à observer la semaine dernière la délégation de parlementaires irakiens qui s'est rendue en Iran pour négocier un cessez-le-feu avec le commandant de la force d'al-Qods.
La force al-Qods est un noyau militaire iranien secret et très efficace auquel Téhéran confie des opérations sensibles de la plus haute importance. Qassem Suleimani passe généralement pour le leader actuel de la force avec qui les membres du Parlement irakien sont allés discuter des conditions de paix, alors que l'offensive du Premier ministre Nouri al-Maliki contre l'Armée du Mahdi, manifestement, s'essoufflait. La force serait née peu après la prise de pouvoir de l'Iran par les forces révolutionnaires islamiques, le 16 janvier 1979. L'unité était le service de renseignement du Corps de garde des révolutionnaires islamiques. D'après l'ancien agent de la CIA, Robert Baer, la force d'al-Qods est très proche du Président Ahmadinejad et d'autres mollahs conservateurs qui composent le Conseil du gouvernement
iranien.
La milice de l'Armée du Mahdi qui, de toute évidence, est devenue le principal relais opérationnel de la force al-Qods dans le théâtre irakien des opérations, représente, aux yeux du Pentagone, la plus grande menace pour la sécurité de l'Irak, allant jusqu'à supplanter Al-Qaïda en Irak comme « accélérateur potentiel de violence sectaire auto-entretenue le plus redoutable. » L'ascension de l'Armée du Mahdi au-devant de la scène a profité de l'incapacité des dirigeants américains et irakiens à faire face au mouvement alors qu'il n'était qu'à ses débuts, pendant les deux premières années d'occupation. En 2004, après un certain nombre d'opérations militaires probantes contre les milices du Mahdi, l'armée américaine a déclaré avoir vaincu la menace représentée par al-Sadr et ses partisans. Cette évaluation a sousestimé la vraie nature de la menace de ce mouvement.
La capacité de l'Armée du Mahdi à surmonter l'adversité tire son origine de l'attrait religieux exercé par ce mouvement sur les populations urbaines les moins instruites d'Irak et du soutien constant et à long terme fourni par l'Iran, qui investit dans le mouvement, dans l'espoir qu'il s'établisse en Irak aussi solidement que le Hezbollah ne l'a fait au Liban. Le pouvoir d'attraction religieux du mouvement se reflète dans le nom même de la milice : le Mahdi, dans l'interprétation chiite, fait référence au 12e imam, qui est pour la première fois apparu au VIIe siècle et est censé réapparaître, comme le Messie, dans une période de grand bouleversement, afin d'accomplir les prophéties du « jour de la résurrection», en rétablissant la droiture de l'islam et en transformant le monde entier en une société islamique parfaite et juste.
Quand il a créé sa milice en 2003, Moqtada al-Sadr a accusé les Etats-Unis d'avoir eu vent du retour imminent du 12e imam et d'avoir envahi l'Irak dans l'objectif précis de le trouver et le supprimer avant qu'il ne puisse réaliser la prophétie. Sa milice a donc été créée afin de protéger l'imam contre les envahisseurs américains. Les Etats-Unis n'ont jamais imaginé être confrontés à ce type de mouvement en Irak. Ils n'avaient pas non plus prévu la rapidité à laquelle un tel mouvement pourrait s'étendre, se retrouver au centre de l'attention et trouver du soutien dans les quartiers les plus pauvres d'Irak. Mais avec l'aide de l'Iran et une stratégie qui a permis au mouvement de jouer des replis stratégiques à chaque fois qu'il était menacé, le mouvement a survécu, s'est renforcé et s'est solidement installé dans les bazars de Bagdad et de Bassora, au point qu'il représente actuellement la menace la plus tangible à long terme pour la stabilité de l'Irak.
Options et contre-mesures
Compte tenu de la nature de la menace et du changement d'attitude des Etats-Unis en Irak, les possibilités de lutter contre l'influence de plus en plus prononcée de l'Armée du Mahdi sont limitées. Dans sa présentation devant la Commission des forces armées de la Chambre, le Général Petraeus a proposé le premier retrait des troupes américaines depuis le début de l'opération « surge ». Cette réduction des forces de combat en Irak cadre avec la logique de l'opération « surge » (dont l'objectif était de stimuler temporairement les moyens militaires, principalement pour prendre le contrôle d'endroits stratégiques, précédemment contrôlés par Al-Qaïda, de façon à ce que les milices sunnites puissent prendre la relève de la sécurité dans l'Ouest de l'Irak).
La manoeuvre reflète également la stratégie globale des Etats-Unis en Irak, que l'on peut décrire comme une tentative de transférer les principales opérations de combat sur le terrain aux unités irakiennes. Cette démarche vise à réorienter progressivement les objectifs de la mission des troupes américaines, qui était d'aboutir à un partenariat avec les unités de combat irakiennes alors que l'autorité gouvernementale est confrontée à des défis majeurs, pour fournir désormais un soutien logistique et aérien.

La récente offensive du Premier ministre al-Maliki contre l'Armée du Mahdi à Bassora a été entravée par la désertion de plus d'un millier de troupes gouvernementales irakiennes. La plupart des forces américaines a évité de participer activement à une offensive sur le terrain à Bassora, où il n'y a pas de contrôle de la coalition depuis le retrait des forces britanniques, l'année dernière. Pourtant, l'appui aérien fourni par la Force aérienne américaine a eu des effets importants sur le nombre de batailles et a joué un rôle déterminant en convainquant des éléments de l'Armée du Mahdi de faire une trêve. En définitive, l'offensive du gouvernement irakien n'est cependant pas parvenue à démanteler l'Armée du Mahdi dans la région et a essuyé plusieurs revers importants sur d'autres fronts. Les attaques contre des oléoducs et les tirs de roquette concluants dans la zone verte ont été des signes inquiétants que l'Armée du Mahdi pouvait se battre sur plusieurs fronts en Irak et nuire gravement au sens de la mission et de la morale américaines.
Avec des candidats démocrates à la Maison-Blanche qui promettent un retrait rapide d'Irak, la présence américaine dans ce pays ne devrait pas se prolonger et le gouvernement irakien doit faire face à la perspective d'une diminution considérable du soutien qu'il reçoit des Etats-Unis dès janvier 2009. Bien que le résultat des élections américaines soit loin d'être joué et qu'aucun prétendant à la Présidence démocrate n'ait non plus promis de retrait total, il est clair pour la plupart des commandants en Irak que tout retrait significatif de troupes limiterait la capacité militaire américaine à participer activement, à l'avenir, à des opérations stratégiques sur le terrain.

Les estimations varient quant au niveau des forces requis pour simplement maintenir un contrôle sur les terrains d'aviation irakiens, les infrastructures de production et d'exportation pétrolière, la zone verte et les principales conduites d'alimentation. Plusieurs commandants sur le terrain ont prévenu qu'une réduction importante des forces américaines en dessous de la barre des 100 000 augmenterait la pression sur les troupes américaines et les employés civils restés en Irak et obligerait les Etats-Unis à adopter une position uniquement défensive.
Le prix à payer pour l'Iran afin de maintenir les tirs de roquette sur la zone verte, de propager l'utilisation des mines « EFP » le long des conduites d'alimentation américaines et de renforcer l'emprise de l'Armée du Mahdi sur les régions stratégiques de Bagdad et Bassora, serait minime comparé au prix à payer par les Etats-Unis pour maintenir à long terme une presence efficace dans la region. L'impression qu'il est impossible de gagner la guerre d'une manière decisive à bref délai contribuerait à demoraliser davantage les forcesaméricaines. La dynamique et l'initiative des forces américaines seraient perdues au profit de la milice rebelle chiite et le contrôle sur l'avenir du pays serait effectivement cédé aux décideurs de Téhéran.
Les Etats-Unis et sa coalition en déclin d'alliés commencent tout à coup à tomber à court d'options pour répliquer à la politique iranienne de « libanisation » de l'Irak, qui utilise de plus en plus l'Armée du Mahdi comme mandataire à plusieurs niveaux (politique, social et militaire) pour priver le gouvernement central du contrôle sur les zones capitales du territoire irakien, en rançonnant des secteurs importants de l'économie et en faisant varier les niveaux de violence au gré de Téhéran.
Il ne reste que deux possibilités. L'option A, qui est la plus probable, compte tenu des contraintes auxquelles les Etats-Unis sont soumis pour mener cette guerre, est de continuer à apporter le même niveau de soutien au gouvernement central irakien pour affronter la milice du Mahdi et d'espérer que tout se passera au mieux. Diverses tentatives pourraient être tentées pour racheter les armes des militants de l'Armée du Mahdi et offrir au groupe des possibilités de réintégrer l'activité politique en contrepartie d'une trêve sporadique. Dans le cadre de cette stratégie, on tenterait de relancer les négociations avec Téhéran, dans lesquelles les gouvernements américain et irakien n'auraient pas grand-chose à offrir, si ce n'est des concessions permanentes et, en définitive, accepter le contrôle grandissant de l'Iran sur l'avenir de l'Irak. L'espoir, dans ce cas de figure, serait que l'Iran trouve un intérêt à voir un Irak plus stable à ses portes et qu'il soit disposé à réduire son soutien à la violence, en échange d'une influence accrue sur les activités politiques du pays. Alors que cette situation bouleverserait l'équilibre stratégique dans la région et ne garantirait en aucun cas une paix à long terme, elle pourrait néanmoins offrir un compromis politique qui permettrait à Washington de se désengager de la région, si c'est ce que l'opinion américaine souhaite. L'option A tablerait sur un niveau de bonne volonté de l'Iran supérieur à celui qu'il a pu démontrer jusqu'à présent et pourrait finalement aboutir à un retrait américain d'Irak humiliant et précipité.
L'option B impliquerait un engagement américain à part entière pour un clan dans le conflit entre chiites, qui soit égal sinon supérieur à sa mobilisation récente contre Al-Qaïda dans les provinces occidentales de l'Irak et s'accompagne d'une série de mesures politiques et militaires visant à mettre Téhéran sur la défensive et obligeant ce régime à se désengager d'Irak ou à faire face à des représailles directes contre ses unités de la Garde révolutionnaire et la force d'élite al-Qods. L'option B nécessiterait une volonté de Washington d'intensifier le conflit, comme il l'a fait quand il a négocié son retrait du Vietnam. Cette sinistre comparaison ne présage, bien entendu, rien de bon, mais face à une alternative sombre et humiliante ou éventuellement à une provocation de l'Iran faisant une erreur d'appréciation sur la réaction de l'opinion américaine, les Etats-Unis pourraient examiner les options visant à réduire l'influence de l'Iran en Irak.
Cette stratégie comporterait des risques de taille et réclamerait beaucoup plus de préparation que ce n'a été le cas lors de la dernière tentative avortée de démanteler l'Armée du Mahdi de ses bases, dans les taudis de Bagdad et Bassora. Cette stratégie passerait par une opération de renseignements complète et prolongée visant à infiltrer l'Armée du Mahdi, en mettant sur écoute ses lignes de communication avec l'Iran et en isolant ses bastions à Bassora et Bagdad, des bases de soutien potentielles situées dans les villages disséminés aux bords des routes entre ces deux centres urbains, le long des rives du Tigre et de l'Euphrate. L'initiative d'infiltrer l'Armée du Mahdi pendant un certain temps serait coûteuse, demanderait un temps considérable et ne porterait ses fruits que si elle aboutit à une opération décisive, qu'elle jouit du soutien de l'opinion américaine et qu'elle peut montrer de véritables résultats. Pour se préparer à une telle opération, les Etats-Unis devraient réunir suffisamment de preuves du rôle direct de l'Iran dans le massacre de soldats américains en Irak, de façon à rendre crédible la menace de représailles directes contre l'Iran.
Par ailleurs, à la suite d'une offensive décisive contre l'Armée du Mahdi, le gouvernement irakien doit avoir à sa disposition un cadre de chefs militaires bien entraînés et d'administrateurs, prêts à reprendre le contrôle des zones qui sont actuellement aux mains des milices et avoir des plans concrets pour apporter des améliorations efficaces et mesurables aux conditions de vie des populations concernées. Selon des représentants expérimentés impliqués dans le conflit, une telle opération prendrait six à huit mois de préparation et devrait pouvoir compter sur un niveau de confiance meilleur qu'aujourd'hui entre les forces américaines et les forces du gouvernement irakien. Son succès dépendrait en outre de l'adhésion de l'opinion américaine à soutenir une escalade éventuelle du conflit impliquant des cibles en Iran. Aucune de ces conditions ne semble remplie pour l'instant.

Conclusion
Sans une erreur d'appréciation grossière de la part de l'Iran, les Etats-Unis risquent de rester bloqués dans une situation où ils pourraient, malgré leur écrasante suprématie militaire, voir leurs récentes avancées sur le terrain anéanties par les milices chiites contrôlées par les Iraniens. Jusqu'à présent, Téhéran a été très attentif à limiter sa guerre par procuration contre les Etats-Unis à des engagements de bas niveau qui sont tenables à long terme, à peu de frais, et qui, pourtant, ne parviennent pas à pousser l'opinion américaine à soutenir une politique de représailles directes.
 
Si Téhéran devait à l'avenir faire une erreur de jugement, il serait bon que les Etats-Unis aient un plan pour exploiter toute possibilité de réduire considérablement l'influence de l'Iran sur l'Irak. Faute de quoi, les Etats-Unis et leurs alliés irakiens continueront à se trouver devant un conflit ardu et pénible dans lequel Téhéran conserve en permanence l'initiative et risque de continuer à étendre son influence au fil du temps.
 
Michael SOUSSAN, Directeur du Bureau de l'ESISC à New York - Copyright © ESISC 2008 

 
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La virtualisation du politique

8 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Une dame en province qui se bat courageusement pour créer une entreprise de teeshirts militants sur lesquels s'afficherait la demande du droit à l'information pour le peuple a reçu hier le mail suivant d'un bloggeur :

Ne militer qu'avec des écrits qui ne dépassent pas les limites d'un village, voire un canton, même physiquement, n'a pas de réelle importance, alors que le net peut toucher un vaste public.
Le parcours, les actes sont louables mais la méthode est simpliste, voire enfantine, amateuriste et non productive pour éclairer et faire changer les mentalités de ce monde, faire ouvrir les yeux. L'internet c'est les yeux du monde qui touche beaucoup plus de cortex...
Bon courage, isolé... 


Voilà bien à quoi mène la virtualisation de la politique par la blogosphère : plutôt que de tenter de convaincre leurs voisins de pallier, beaucoup de gens préfèrent se lancer à l'assaut de la nuée "Internet, les ordinateur, le monde à nos pieds". Théatre d'ombres, théatre des égos.

A la soirée de l'Appel franco-arabe avant hier, il y avait aussi des bloggeurs... qui à la sortie n'ont parlé qu'aux deux ou trois personnes qu'ils connaissaient... puis se sont hâtés de retrouver leur ordinateur, chez eux. Avec Internet la politique n'est plus dans la Cité. Elle est logée dans l'irréel. Elle n'est plus nulle part.
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"Irak : la Résistance a la parole"‏ présenté par l'Appel franco-arabe

7 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Conférences vidéos de résistants

Hier soir (6 mai 2008) à l'espace AGECA à Paris avait lieu la présentation de l'ouvrage "Irak : la Résistance a la parole"‏ (éditions le Temps des Cerises) par l'Appel franco-arabe. Voici quelques images des interventions - par ordre d'apparition dans cette vidéo : Yves Vargas, René Lacroix, Francis Combes, Sliman Doggui, Le Dissident, Toufik Helali, Gilles Munier.



 
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