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Le blog de Frédéric Delorca

Luttes de classes musicales

29 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

A Soukhoumi, le 12 décembre, après le contrôle de l'élection présidentielle, les observateurs russes au restaurant le soir se sont mis à danser, puis en fin de repas à chanter. Leila qui était avec nous a dit "Les hommes dansent comme chez nous en Algérie".



A la fin les jeunes filles du bar en avaient marre des chants traditionnels et ont contre-attaqué en mettant à fond un remix russe de Heartbreak hotel de CC Catch.



Cette musique me rappelait mes 17 ans... A l'époque CC Catch pour un petit béarnais comme moi, créait une sorte de lien imaginaire avec la jeunesse d'Allemagne et de Scandinavie (je peux le dire aujourd'hui qu'un magazine suédois à grand tirage qui sortira début janvier vient de me citer longuement sur 4 pages). La connaître faisait plus chic que de citer Sandra et Modern Talking qui, tout allemands qu'ils étaient eux aussi, étaient beaucoup plus connus en France. Cela faisait partie de ces fenêtres ouvertes sur le monde, qui promettait tant de choses à notre jeunesse... Vous vous souvenez de "Cause you are young ?"


 
Les fenêtres ouvertes au monde l'étaient par des femmes... On pouvait écouter ça au coeur de vacances solitaires, vivre par procuration un futur, une découverte du monde.

Les Russes, eux, n'ont pas connu ça. A l'époque la pop music leur était interdite. A leur sujet l'Ouest chantait des chansons sur le rideau de fer ("the iron curtain") comme Nikita d'Elton John, ou Brick de Fake.


Du coup, ce sont les jeunes Russes ou les jeunes Abkhazes de 25 ans d'aujourd'hui qui considèrent l'Italo-disco ou la german disco à peine remixée comme la musique de leur génération... D'ailleurs sur la route entre Soukhoumi et Sotchi le 13 au soir dans le bus, la TV diffusait des clips vidéos d'Abba et de Boney M.

 

A Moscou le 14 décembre Jean-Louis qui est un petit bourgeois communiste sans doute élevé dans le jazz (voire, quelle horreur ! dans la musique classique) me montrait un fac-similé du Figaro. "Oui, ils ont beaucoup de fausses versions de produits occidentaux ici, dis-je. Notamment en musique les remix de popmusic".

"- Musique ? Tu veux dire le bruit qu'on entend depuis deux jours autour de nous ?"

Bon allez. Ecoutons un peu de Miko Mission pour nous consoler (le clip a été visiblement composé par un type très jeune avec des images de manga, mais dans un esprit romantique qui allait avec cette musique et notre adolescence).





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News sur Yahoo aujourd'hui

29 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien

Oh mon Dieu ! Coralie a disparu (je ne sais pas dans quelle région) ! quelle horreur ! où peut-elle être ? que lui est il arrivé ? Oh mon Dieu ! Un Anglais a été exécuté par ces barbares de Chinois ! Oh mon Dieu on essaie encore de faire sauter nos avions aux Etats-Unis ! Oh mon Dieu ! la grippe A ! Oh mon Dieu ! on en veut à ma santé ! on en veut à l'humanité ! oh la la ! qu'est ce que j'ai peur ! Et tous ces gens avec des voiles sur la tête ! et tous ces problèmes de la planète ! oh la la ! que fait la police ? que font MM. Sarkozy et Obama ? Oh la la !

Et c'est tous les jours comme ça depuis si longtemps...

Combien de millions de gens chlorophormés par cet abrutissement collectif ?
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La pertinence de ce qu'on écrit

28 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Abkhazie

don_quichote300.jpgDans un monde où les plus grands médias sont aussi les plus grands menteurs et où les livres qui se vendent le mieux sont souvent les plus faux et les plus ridicules, quand il n'y a plus d'autorité académique ou administrative à laquelle on puisse se fier, il devient très difficile d'apprécier la valeur de ce que soi-même on produit. On ne peut s'en remettre qu'à quelques indices intuitifs.

Par exemple quand cet après-midi Claudine Pôlet me demande très aimablement  l'autorisation de publier mon article "L'Otan à la conquête de l'Arctique" dans le bulletin trimestriel du Comité Surveillance Otan, je sais que c'est un signe que je n'ai pas travaillé pour rien, car, quoique son collectif belge soit de taille réduite, je n'ignore pas que ce sont des gens très au fait de l'actualité, et qui, depuis la guerre du Kosovo ont un regard très affuté sur la géopolitique eurasienne. Mon travail (qui en synthétisait d'autres, notamment un article de mondialisation.ca que je cite en référence) leur est utile pour avancer et ce sont des gens qui sont dans le vrai. Tant pis à la limite si les masses ne les suivent pas. Qu'au moins les éclaireurs demeurent informés.

Un autre signe du fait que mon travail suit une bonne orientation : depuis mon retour d'Abkhazie, j'essaie de faire un livre sur mon voyage là bas comme me le demande mon éditeur. Je sais que mon séjour à Soukhoumi a été un peu trop court pour faire un ouvrage complet et donc je vais compléter mon journal de voyage par une seconde partie (comme je l'avais fait sur la Transnistrie) Je vais utiliser dans cette seconde partie des échanges que j'ai à travers Facebook avec 3 femmes qui vivent en Abkhazie (1 arménienne et 2 abkhazes)
 
L'une d'elles j'ai réussi à la voir en chair et en os dans des conditions un peu rocambolesques à Soukhoumi pendant quelques minutes - elle s'appelle G.
 
Je vais interviewer les trois via Skype et enregistrer ce qu'elles diront (elles m'ont déjà dit pas mal de trucs par mail). Après, je verrai si dans cette fameuse seconde partie du livre, je restitue leurs interviews brut de décoffrage sous un titre du genre "paroles de femmes d'Abkhazie" ou si j'en fais une synthèse sous forme d'article.
 
Comme je proposais à G de l'interroger le 8 janvier prochain, voici ce qu'elle m'a répondu (ci dessous). Je trouve que les précautions qu'elle prend avant l'interview en disent long, une fois de plus sur la responsabilité que nous avons, mon éditeur en tant qu'éditeur indépendant et moi en tant qu'auteur indépendant, à l'égard de peuples qui, au terme de conflits meurtriers, ont toujours été victimes de la désinformation de la part des grands médias occidentaux (désinformation liée au manque de temps pour enquêter sur place, ou à des biais idéologiques parce que ces peuples ont la malchance de se battre contre des pays qui sont nos alliés). Dès que nous allons vers eux, nous nous trouvons dans la position d'être pratiquement les seuls "médias" occidentaux (même si nous sommes des "micro-médias") en situation d'être en prise avec un aspect du réel que les autres n'ont pas voulu voir. Je trouve que cela charge notre rôle d'une bien grave responsabilité. Nous n'avons pas le droit de décevoir ces gens que les autres médias ne veulent pas entendre.
 
"Dear F,

8 th january sounds ok. Before we start our communication there is something I'd like to tell you. You wrote to me that you are writing a artice about your trip to Abkhazia. In this connection I'd like to share my thoughts and experience in reading some articles about Abkhazia . I hope you will not be offeneded if I say that almost all western media is pro georgian, either they do not know our history and are unable to reflect the present and past situation. I do know if this is your first time in Abkhazia and what exactly you want to know from me. I will be more than happy to help you if the article you are going to wirte will be fair. If not , than , sorry I will not be of assistance.

All the best.

G"

Voilà en tout cas pour moi encore un signe que sur le dossier abkhaze je ne travaille pas pour rien, et tant pis si le livre ne se vend pas, si personne ne s'y intéresse. Il y aura eu au moins là un geste, quelque chose, qui me plaçait dans le vrai, dans un registre d'existence plus juste et plus profond que le suivi grégaire des préoccupations des lecteurs ordinaires de la grande presse

On peut en dire autant de Diana Johnstone (quels que soient mes désaccords avec elle et avec son style de militantisme) : sa "Croisade des Fous" qui est un livre d'une richesse étonnante sur la guerre de Yougoslavie restera un livre de référence. Même si le Temps des Cerises ne se donne plus la peine de l'imprimer, même si moins de 500 personnes en France l'auront lu, Diana Johnstone aura fait pour son époque oeuvre plus utile que tous les BH Lévy et tous les Finkilekraut avec leurs tonnes de bestsellers.

Je ne prétends pas du tout écrire le "Croisade des Fous" de l'Abkhazie. Ca n'aurait pas grand sens de composer un ouvrage érudit sur le sort cruel d'un petit peuple de 200 000 personnes. J'aurais presque le sentiment de m'offrir un plaisir d'entomologiste sans rapport avec l'importance réelle de ce pays pour le destin de l'humanité. Un peu comme ce linguiste qui après l'attaque géorgienne contre les Ossètes du Sud se passionna sur un mode monomaniaque pour la défense de ce peuple microscopique en leur consacrant un site hyper-documenté qui absorbait ses jours et ses nuits tout en refusant d'élargir le sujet en créant des coopérations avec des sites comme celui de l'Atlas alternatif. Parler trop des souffrances d'un pays minuscule peut constituer une insulte à celles des grands. Les Abkhazes ne méritent peut-être pas un Fools'crusade, mais un journal de voyage qui sonne juste, qui dit quelque chose de vrai sur leur histoire ancienne ou récente et sur leur vision de l'avenir, contre l'océan de désinformation que Géorgiens et Occidentaux diffusent sur eux, sur Wikipedia notamment, oui, je crois que cela en vaut la peine.
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Quelques mots d'un diplomate cubain

24 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Discussion avec un diplomate cubain lundi soir. Il me disait : "J'ai été à Moscou de 1987 à 1991. J'ai vu leur système effondrer."
Moi : "L'effondrement est-il dû à la résistance des conservateurs aux réformes comme le prétend Gorbatchev ?
Lui - Non, c'est Gorbatchev qui a planifié l'effondrement de l'URSS, avec Reagan et Thatcher. D'ailleurs après ce sont les cadres du Parti, ses proches, qui ont acheté les actions des usines privatisées.
- Mais il n'y a pas eu de résistance des ouvriers pour défendre les acquis du socialisme. Des cadres de la CGT dans les années 1990 me disaient que les syndicats russes n'avaient aucun sens de la lutte des classes.
- C'est vrai. C'était un pays très fermé. Les ouvriers russes ne savaient rien de l'Occident. Ils ont donc eu un capitalisme avec une des mafias les plus dures. A Cuba on connaît bien le capitalisme. On sait que si nous laissons sombrer le système socialiste, ce n'est pas le capitalisme civilisé des Suédois que nous aurons, mais le plus dur : celui du reste des Antilles".

Sur l'ignorance des Russes à propos de l'Occident, je peux en témoigner au vu de ce que j'ai vu en Transnistrie.

Avec ce diplomate nous avons aussi parlé de la condition des Noirs, des femmes, et des homosexuels à Cuba. C'était une discussion des plus intéressantes. "Comme disait le Che, à l'impérialisme il ne faut rien lâcher, même pas un petit peu" a dit le diplomate.

Nous parlions aussi du groupe d'amitié France-Cuba à l'Assemblée nationale, ceux qui le font fonctionner, ceux qui le freinent. Le lobbying de Reporter sans frontières dans cette assemblée. Nous avons même évoqué la maladie de Fidel Castro qui naguère était secrète, mais ne l'est plus semble-t-il. Et aussi les gens de Tchernobyl soignés à La Havane : "Ca a coûté une fortune à notre système de santé. Les cancers ne se soignent pas comme des rhumes".
fidel-castro.jpg
On spécule dans mon entourage sur les chances qu'a le Venezuela de tenir face aux nouveaux assauts de l'impérialisme étatsunien, le Venezuela, et avec lui le Nicaragua, l'Equateur, la Bolivie (les élections à Caracs sont pour 2012 je crois). Déjà la gauche molle chilienne est vaincue par la droite, quid des autres pays ? L'avenir de l'Amérique latine est des plus incertains. Une nouvelle crise financière aux Etats-Unis, pourrait faire reculer encore l'oncle Sam, et, peut-être, faire basculer le Mexique à gauche (même si la gauche mexicaine est assez modérée). Les effets de domino sont possibles dans un sens comme dans l'autre.
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Ouvrage sur le métier

21 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien

Je m'étais engagé à ne plus publier d'ouvrage, mais je dois faire une petite exception à cet engagement pendant quelques mois car j'ai deux livres de commande à terminer.

Le premier est mon journal de voyage en Abkhazie que mon éditeur veut avoir dans ses collections. Le deuxième est un livre sur une résistante de la banlieue nord de Paris, que je co-signerai avec deux autres personnes. A cela devrait s'ajouter la publication chez L'Harmattan sous mon nom d'état civil d'une petite réflexion sur la contingence de l'histoire.

Bien évidemment ne vous attendez pas à ce qu'aucun média ou site Internet en parle. Et, comme je n'ai nullement l'intention d'aller implorer les journalistes, vous n'aurez des renseignements sur ces livres que sur ce blog.mon-bureau.jpg

 

Nous réfléchissons également, toujours dans la banlieue nord de Paris, avec quelques amis, à la création d'une sorte d'association d'éducation populaire et de mobilisation contre le Zeitsgeist néocolonialiste qui domine notre monde. Tout cela se fera hors d'Internet et des réseaux éditoriaux, mais aura peut-être un plus d'ancrage dans le réel, qui sait, que ce flux de bruit, d'articles inconsistants et de paperasse en tout genre qui innonde chaque jour les ondes, les écrans, les kiosques à journaux. Si le sujet vous intéresse faites me le savoir.

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Chante-t-on encore l'Internationale en Chine ?

19 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Apparemment oui...

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De retour d'Abkhazie

14 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Abkhazie

Me voilà de retour d'Abkhazie où j'ai fait du contrôle électoral avec plusieurs dizaines d'observateurs de différentes nationalités. Je voulais vous livrer en exclusivité deux photos - une photo du petit comité restreint de journalistes (dont moi) qui avons pu interviewer le président de la République Bagapch qui a été réelu (je suis juste à côté de lui), et une photo de dessins d'enfants. Mais je garde l'exclusivité de tout ça pour mon bouquin de récit de voyage sur cet Etat autoproclamé.
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Pour vous faire une idée de ce pays, imaginez un petit territoire sous les palmiers et les eucalyptus, en partie montagneux, qui a été bombardé pendant des semaines en 1992 et où partout les maisons détruites, les fenêtres cassées, les toits défoncés seraient restés intacts parce qu'il n'y a pas d'argent et aussi parce que beaucoup de géorgiens ont abandonné leurs maisons dans cette guerre civile (un pays qui a failli connaître à nouveau ce cauchemar en 2008, car Saakachvili devait au départ l'attaquer plutôt que l'Ossétie du Sud). Une ambiance assez surréaliste. Les écoles sont tapissées de dessins d'enfants qui évoquent la guerre, les terres sont encore collectivisées car ce peuple caucasien (déjà hostile à la propriété privée avant la révolution bolchévique) refuse les investissements étrangers (même dans les banques, les services, il n'y a pas là bas d'équivalent au trust Shériff de Transnistrie).

A suivre donc...


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L'espoir

7 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La gauche

Jeudi prochain si tout va bien je partirai pour l'Abkhazie (mission de contrôle électoral pour la présidentielle). J'ai prévenu que je ne cautionnerai pas l'indépendance de l'Abkhazie pour autant. L'Abkhazie, une "côte d'azur en guerre" come ils disent dans Le Figaro. J'espère qu'il s'agit là de mon dernier voyage politique. Ce genre d'expédition cause beaucoup d'ennuis (l'obtention des visas, les ordres et contre ordres sur la composition des délégations) et ne sert à rien. Une ou deux personnes dont mon éditeur sont contentes que j'y aille. Mais c'est mon dernier périple de cette sorte.

De même je vais espacer mes contacts avec les intellos parisiens révolutionnaires distingués de la mouvance du Temps des Cerises qui me fatiguent aussi.

Je préfère le réel : ma commune de la banlieue nord dont je n'ai plus de droit de vous parler - devoir de réserve oblige. Savez vous ce que j'y fais ? J'y interviewe une vieille résistante communiste pour écrire un livre dessus. Et surtout : j'encourage l'émergence d'actions associatives solides dans les milieux populaires (notamment ceux d'origine immigrée - là bas on appelle ça du terme moche "les communautés"). Dans des jeux politiques locaux aussi bloqués qu'au niveau national, l'espoir véritable est là : dans la capacité des citoyens, surtout des plus jeunes, à créer des associations artistiques, sportives, des associations de coopération avec le Tiers-Monde, de soutien à la Palestine etc, de fédérer toutes ces initiatives, de les faire converger sur des bases politiques novatrices, c'est ainsi que nous aurons des peuples et des leaders à même de changer la donne.

Un lecteur de ce site m'a accusé de vouloir ratisser des voix d'immigrés au profit de la vieille classe politique. Rien n'est plus faux. Je crois que dans les communes les institutions doivent être au service de l'émancipation des consciences et non l'inverse. Quand je parle d'alliance entre petite bourgeoisie de gauche et classes populaires issues de l'immigration, je ne songe à aucune inféodation. Il faut une relève complète au système actuel paralysé.
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Restos du coeur et minarets

5 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

"Les restos du coeur font salle comble cette année, ça me remue rien que de le dire" me disait une responsable locale de cette association cette semaine. Au même moment on débat de l'identité nationale, on interdit les minarets en Suisse, et "Ni putes ni soumises" propose aux municipalités des spectacles clé-en-main pour diviser les couches populaires issues de l'immigration autour du droit des femmes. Un ami m'écrivait hier : "Toutes ces affaires "islamiques" manipulées ont du bon : il semblerait d'après ce que je suis sur les différentes organisations implantées en banlieues, que même les organisations musulmanes les moins "sociales" et donc les plus "identitaires", comme celle-ci, comprennent désormais, à l'image de Tariq Ramadan se référant ouvertement au marxisme, que ces campagnes de stigmatisation style antisémitisme des années 1930 ne sont qu'un écran de fumée visant à éviter le débat sur la crise économique, la crise sociale et la crise du capitalisme. On peut donc remercier les Besson, Sarko et extrême droite suisse pour l'excellent cours de marxisme réel qu'ils donnent aux populations de nos banlieues, toutes origines confondues ...Ce qui ne veut pas dire qu'ils n'arment pas en même temps une future extrême droite dure ("blanche" par exemple sioniste ou "islamo-identitaire") qui leur servira de gros bras lors de la phase dure de la lutte des classes qui se profile à l'horizon."

Pour la lutte des classes "dure" qui s'annonce je ne sais pas trop. Je me méfie toujours du wishful thinking et des eschatologies.Je traduis en ce moment pour un bouquin un texte d'un marxiste argentin qui annonce une nouvelle apocalypse financière pour 2010. Je suis un anti-finaliste (et pour cette raison un peu marxien, mais très peu marxiste). En éthique je deviens kantien (et d'autant plus que je vieillis). On doit agir selon les impératifs qu'on se donne, marqués du sceau de l'inconditionné, et de l'universel, et pas en fonction d'un Grand Soir téléologique et théologique, puéril et dépourvu de tout intérêt. Mais pour ce qui est du jeu entre le social et l'identitaire il crève en effet les yeux. Et tant mieux si les gens ne tombent pas dans ce piège grossier.
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Esthétique réac, Cohn Bendit, Chavez

2 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Cela m'attriste toujours. Quand je tombe sur un livre bien écrit, plein d'idées, et que je découvre que son auteur appartient à la droite de la droite, à cette mouvance un peu bizarre qui s'est formée autour d'Alain de Benoist et d'autres. Je me demande alors ce que je peux faire de ce genre de livre, comment en parler. C'est le cas de Ludovic Maubreuil, qui a son blog à quelques clics d'ici. Son bouquin "Le cinéma de se rend pas" publié chez un petit éditeur de ma contrée d'origine n'est pas mauvais dutout. Je lis les 40 premières pages, je suis d'accord avec tout. J'apprécie surtout la précision du style. Son descriptif des techniques de mise en scène de l'érotisme dans le cinéma contemporain est un modèle du genre. Ce qu'il dit du rapport du cinéma classique au style X est intéressant, quoique le présupposé de départ soit aux antipodes de Julien Servois que j'aime beaucoup aussi (mais il faudrait parvenir à faire dialoguer les deux approches entre elles pour voir à quoi cela mènerait).

Je me dis : "C'est lui qui se fourvoie, parce qu'on ne peut pas clamer son amour de Bunuel comme le fait ce type à longueur de pages et fricoter avec l'extrême droite". C'est un argument évidemment que les benoistiens ne peuvent pas entendre parce qu'ils sont tellement dans une "fin de l'histoire" postmoderne, qu'ils sont convaincus que Bunuel et Franco ont des choses à se dire outretombe. Mais non, je sais ce qui est à droite de la droite dans son texte, même si ça ne ressort jamais de son vocabulaire. C'est que justement il n'est pas du bord de Servois. Il défend une mystique de l'érotisme à la Marzano, au fond, alors que je suis sans doute davantage prêt à suivre Servois dans sa banalisation de la sexualité. En fait nous sommes au seuil du Styx. Le libéralisme a ouvert la voie d'une instrumentalisation de la sexualité à des fins consuméristes. Servois relève le défi en prétendant pouvoir tourner cet acquis vers autre chose. Notez que c'était déjà la position de Marx à l'égard de toutes les autres transformations causées par le capitalisme libéral. Maubreuil lui reste sur la berge, regarde avec nostalgie vers le passé. C'est ce qui fait de lui un réac. Tous ces gens gardent une peur du progrès, c'est leur trait caractéristique, une méfiance à l'égard de l'homme. Ouf, ça y est, je suis sauvé, je retrouve ce qui m'oppose à son esthétique. Mais cela ne m'a pas sauté aux yeux tout de suite. Parce que personne aujourd'hui ne peut être révolutionnaire spontanément, honnêtement, sans crainte. Personne n'est prêt à s'embarquer sur le Styx. Personne n'est sûr de pouvoir détourner le Styx vers des cieux plus cléments comme Staline l'était de détourner les fleuves sibériens.

Non content d'avoir mieux compris aujourd'hui le dur cheminement qui peut me distinguer des réacs, j'ai aussi mieux saisi la philosophie de tous ces gens qui crachent sur la démocratie à longueur de journée. Je veux dire les chouchous de nos medias. Ce matin en lisant que Cohn-Bendit voulait faire revoter les Suisses sur l'affaire des minarets j'ai sursauté. J'y ai vu une caricature de ce qu'avait été la position des oui-ouiste à l'égard des différents référendums sur l'Europe - le mépris de la souveraineté populaire. Quand Cohn-Bendit dit "la démocratie directe ne doit pas être le prétexte pour s’en prendre à une communauté et la blesser", je dois reconnaître qu'il a raison. Je n'accepte pas un référendum contre les musulmans, pas plus que contre les homosexuels, contre les types qui portent des bottes rouges, contre les gens qui veulent quitter la planète à tout prix etc. Mais alors quoi, si je suis prêt à faire invalider un référendum qui me semble totalitaire parce qu'attentatoire à la dignité d'une minorité, pourquoi serais-je hostile à la remise en cause des résultats d'autres référendums, sur d'autres sujets ? Mais dans l'embarras par Maubreuil, je le suis aussi par Cohn-Bendit. Me voilà bien.

Le serai-je aussi par Chavez ? Il nous annonce la création d'une cinquième internationale socialiste. On aimerait y croire. Mais malgré toute la sympathie que j'éprouve pour les initiatives "bolivariennes" du gouvernement de Caracas, je reste un peu sceptique. Il y a un risque que la cinquième ne fonctionne pas mieux que la quatrième, dont le bilan est à mes yeux risible. Elle sera sans doute moins dogmatique que les deux précédentes en tout cas, du moins si c'est le Venezuela qui les inspire. Peut-être un atout, qui sait...

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