L'Atlas alternatif à l'Assemblée nationale
Qui écrit les rapports de Mme Christiane Taubira ? Je découvre ce soir sur Internet le rapport intitulé "Rapport sur les accords de partenariat économique" du 16 juin 2008 (http://www.holambecomores.com/public/IMG/pdf/Rapport_TAUBIRA_APE.pdf), rapport commandé à la députée de Guyane par M. Sarkozy en avril 2008.
Dans la bibliographie du rapport : des livres de Samir Amin, de François-Xavier Verschave et... l'Atlas alternatif coordonné par Frédéric Delorca... Je ne sais si c'est à cette dame, à son attaché parlementaire, ou à quelque administrateur de l'Assemblée nationale que nous devons cette brillante entrée de l'Atlas alternatif dans la bibliographie du Parlement français... J'avais déjà noté que la bibliothèque de Sciences Po réservait à ce livre un bien meilleur accueil que les médias dissidents, voilà qui confirme son succès auprès des institutions de la République... Je devrais peut-être m'en inquiéter... Heureusement qu'Amin et Verschave sont aussi cités. Cela fait partie, je suppose, de l'éclectisme de l'élue radicale-socialiste qui lui assure un succès des cénacles centristes aux cercles anti-impérialistes.
L'Atlas a aussi du succès à Cuba. Je vous en reparlerai.
Hommage à Ian McKenzie
Il y a sans doute plusieurs façons de résister à l'uniformisation capitaliste actuelle. L'anthropologue canadien Ian McKenzie a choisi la sienne en recueillant les dernières traces de la culture en voie de disparition des Penan, une ethnie de chasseurs-cueilleurs du nord de Bornéo.
La TV lui consacrait un reportage ce soir. Ce qu'il fait est bien plus que soutenir moralement quelques milliers d'individus voués à la marginalité, à la folie, à la mort, depuis que les sociétés forestières ont détruit leur cadre de vie. Il sauve leurs mots, leurs gestes, leurs valeurs, une dernière fois, les grave dans le marbre, pour la postérité. Il le fait avec la conscience aigue d'être le porte-voix d'une diversité humaine vouée à fusionner dans le fleuve monotone de la globalisation. Il le fait sans illusion, en portant le terrible fardeau d'être le seul à pouvoir transmettre la mémoire de ce petit peuple sans écriture. C'était la première fois que je voyais un anthropologue parler devant une caméra avec des sanglots dans la voix. Et parler toujours avec des mots justes, sobres, profonds. Il n'y a pas de photo de ce garçon sur le Net, du moins je n'en ai pas trouvé. Cela aussi plaide en sa faveur.
Son site est sur http://www.rimba.com/.
Tiqqun (suite)
Ce soir comme tous les mois, je lisais Paris-Match chez mon coiffeur. Je lisais un article sur Tiqqun. Le gosse de riches de Rueil-Malmaison, élève de l'ESSEC, qui achète des locaux à Paris, une ferme en Corrèze pour créer une communauté alternative. Bref il réalise avec ses potes un rêve que nous avons tous fait à 27 ou 30 ans. Un mien ami dont je parle dans mon bouquin est allé comme ça retaper une maison d'une congrégation religieuse en Ardèche. Sortir du circuit, de l'ordre social. Nous en avons rêvé,ils l'ont fait. Jusque là pas de problème (au fait quelqu'un a-t-il lu la thèse de Bernard Lacroix sur les communautés soixante-huitarde ? Moi pas, mais j'aiemrais bien).
Et puis un beau jour les flics les arrêtent. Pourquoi ? A cause du passage dans le livre de leur chef "L'insurrection qui vient", sur le sabotage des TGV. Au fait - je l'ignorais - mais il parait que leur chef a inspiré le Black Block - preuve que la gauche amerloque continue de lire les Français, je ferme la parenthèse. Cette histoire du passage de "L'insurrection qui vient" m'avait échappé.
Première remarque : ça rend plus compréhensible l'intervention de la police. Et cela prouve aussi qu'on ne peut pas appeler à saboter des trains sans encourir un risque. Ca me rappelle la déclaration de Chomsky selon laquelle la liberté d'expression doit aller jusqu'au point où on dit a quelqu'un qui tient un flingue "appuie sur la gachette", là c'est la limite. Est-ce que "sabotez la SNCF" entre encore dans le champ de la liberté d'expression ou est-ce que cela revient à dire "appuyez sur la gâchette", je n'en sais fichtre rien. Mais il est presque logique qu'ensuite le jour où les TGV ne fonctionnent plus, la police s'intéresse à vous. A leur place, j'aurais sans doute pris le maquis corse au premier TGV arrêté plutôt que d'attendre trois jours que la police débarque.
Reste un problème - je suppose que j'enfonce là des portes ouvertes, tout le monde a dû le dire depuis 10 jours, mais je n'ai pas voulu suivre ça de près - : le mobile. Pourquoi après avoir appelé à saboter des TGV les gars de Tiqqun l'auraient fait ? Pour un coup de pub ? Avantage bien maigre comparé au 25 ans de prison. Il faudrait être idiot. Auraient-ils disjoncté ? L'enfermement dans l'ambiance communautaire leur aurait-il fait perdre le sens de leurs propres intérêts ? C'est douteux.
Alors qui a fait le coup sinon eux ? Un groupe AZF quelconque comme celui que tout le monde a déjà oublié ? Mais pour qui, pour quoi ? Pour obtenir une nouvelle rançon ? Ou alors quelque ami de Sarko comme l'a écrit un commentateur sur ce blog ? Mais pour quoi ? pour entretenir la psychose sécuritaire ? Un peu débile tout de même, d'autant que ça n'entretient rien du tout : les TGV roulent à nouveau, et tout le monde a déjà oublié Tiqqun avec le flot de l'actualité (le duel Royal-Aubry l'a remplacé). Pour qu'il reste une trace au fond de l'hypothalamus de chacun ? Pour que demain on nous fasse accepter une présence plus massive de la police le long des voies, et que la gauche "laxiste" (déjà bien laminée) perde les prochaines élections ? Ca fait quand même beaucoup d'efforts pour pas grand chose. J'ai un peu de mal à croire au complot sarkozyste sur ce coup-là.
Eulex au Kosovo
Le Conseil de sécurité des Nations-Unies a donné son feu vert à l'envoi de la force de police européenne Eulex au Kosovo mais à condition que celle-ci s'inscrive dans le cadre de la résolution 1244 (interprétée par la Serbie comme reconnaissant sa souveraineté sur la province), reste neutre dans le conflit albano-serbe, agisse sous l'autorité directe du Conseil de sécurité (ce qui donne un droit de regard à la Russie et à la Chine) et ne s'inscrive pas dans le cadre du plan d'indépendance de l'administrateur Ahtisaari qui n'a jamais été validé par l'ONU. Du coup c'est maintenant l'entité de Pristina qui juge cette mission contraire à sa constitution et s'y oppose alors que la Serbie l'accepte (http://www.b92.net/eng/news/politics-article.php?yyyy=2008&mm=11&dd=27&nav_id=55328).
Russia Today présente la mission Eulex comme une prise de contrôle des institutions judiciaires du Kosovo par l'Union européenne (c'est-à-dire une recolonisation) - http://www.russiatoday.com/news/news/33861. La question de l'indépendance du Kosovo reste en suspend devant la Cour internationale de justice saisie le 9 octobre dernier par 77 voix contre 6 (les USA et leurs petits alliés proches).
Victoire de Chavez aux élections locales
Deux recensions
Je signale deux recensions de mon livre "10 ans sur la planète résistante" parues récemment.
L'une sur La Lettre volée et BRN :
http://www.lalettrevolee.net/article-24827991.html
L'autre sur Parutions.com :
http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=6&srid=63&ida=10064
On pourrait discuter de leur contenu, mais j'évite de commenter les commentaires... Merci en tout cas à leurs auteurs !
Buchanan sur Medvedev
Tiqqun or not Tiqqun ?
Je voulais vous parler de Tikkun (ou Tiqqun), ce groupe d'anarchistes arrêté pour sabotage terroriste contre la SNCF... Parce qu'un ex journaliste de Libération qui était dans ma promo à Sciences po et qui a gardé une fibre de gauche (c'est rare) a attiré mon attention sur cette organisation en disant : "Leur leader a fait son DEA sous la direction de Boltanski" - ainsi donc Boltanski n'était pas seulement un révisionniste droitier comme le croyaient les bourdieusiens, il était aussi un fabriquant de terroristes. Un des membres de ce groupe habite pas loin d'ici. "France 3" est allée enquêter à la librairie anarchiste du coin - celle qui est ouverte un jour par semaine et où des papys boivent du café au milieu des vieux livres. Ils ont dit : "Nous on ne saboterait pas la SNCF, mais on comprend que des jeunes puissent en venir à ça". En fait il est bien peu probable que ces jeunes situationnistes soient coupables des faits qu'on leur reproche. La ficelle "on a trouvé les coupables, ce sont les philosophes gauchos" est trop grosse pour être crédible. En tout cas ça leur fait une belle pub. Même Agamben les défend. Pourtant le responsable du comité de soutien, qui se dit "républicain" et parle de lutte des classes, n'a pas une très belle plume. Il signe en qualité de "chercheur et journaliste". J'espère que les "terroristes", eux, écrivent mieux. Un journal local ici a interviewé un des types arrêtés : "Je suis papa d'un gamin de 9 mois, je n'ai rien fait. Les policiers ont débarqué, ils ont renversé le lit, m'ont mis nu contre le mur, moi et ma compagne, ils ont vidé les pots de confiture de ma grand mère" (je cite l'interview de mémoire, mais le passage sur le pot de confiture est authentique, je l'ai lu hier soir).
Je voulais écrire là-dessus, un vrai beau petit billet, plein de références précises, mais après tout on me dit assez que je suis un intello - on me l'a répété sur un ton agressif cette semaine. Et c'est vrai. Cessons donc de nous focaliser sur les philosophes bourgeois. Combien d'innocents ont été arrêtés, la même semaine que les gars de Tikkun, à Ramallah, à Bagdad ? Qui connaît leur nom ? qui s'intéresse à leurs pots de confiture ? Et combien de gens sont morts de faim à cause du système capitaliste au même moment ? La Bolivie vient d'être déclarée "libre d'analphabétisme" grâce à la méthode cubaine "Moi aussi je peux". Voilà une nouvelle bien plus importante.
Une mienne amie moscovite m'écrit que Mme Dmitrienko d'Europa (un éditeur dont je ne sais rien, peut-être est-ce Europe publishing house) ne renonce pas à me voir publier chez eux un petit livre sur les suites de la guerre du Caucase. C'est me faire trop d'honneur. Un mien camarade qui a travaillé sur le Nicaragua parle lui de créer près de Paris une "Maison du monde" ou quelque chose dans ce goût là, pour promouvoir le monde multipolaire, la diversité, les échanges alternatifs. Un autre, Vladimir, que les lecteurs de mon dernier livre connaissent, veut lancer un "Appel de Bruxelles n°2". Les idées foisonnent. Il ne manque que le temps, et l'argent pour en faire de bons projets qui touchent vraiment les gens (car la plupart des initiatives restent confinées dans les cercles militants).
Au fait : ça n'a rien à voir mais mon roman a enfin trouvé un éditeur. "Chaque pot a son couvercle", comme disent les grand-mères.