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Le blog de Frédéric Delorca

Des options politiques qui vieillissent

30 Mars 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

sangria.jpgJe prenais un verre ce soir avec un belge antiimpérialiste que j'ai cité dans 12 ans chez les Résistants. C'est un milieu qui a vieilli et mal vieilli dans la mesure où il n'a pas de stratégies. Les gens qui le composent se connaissent mal les uns les autres, n'ont que des clichés les uns sur les autres, évaluent mal leur place dans la société, le fonctionnement de la société elle-même (notamment celui d'Internet dans tout ça) et ne savent pas quoi faire sauf défendre un principe de non-ingérence un peu abstrait, un vieil idéal du non-alignement du tiers-monde qui ne parle pas aux nouvelles générations et qui est assez court pour répondre par exemple aux questions posées par les printemps arabes. Au fond c'est un petit monde très tourné vers le passé. En général ils détestent Mélenchon, ne veulent pas prendre en marche le train de la progression du Front de Gauche, s'enferment dans des postures moralisatrices. On les sent toujours en attente d'une autre force, plus proche de leur vision du monde, mais ils ne la voient poindre nulle part. Parfois ils mettent un petit grain de fierté personnelle (de snobbisme même) à se sentir plus proches sur certains points de la droite que du centre-gauche (ils disent du bien du Figaro par exemple) mais c'est une sorte de coquetterie, la manifestation raffinée de leur dépit (car bien sûr ils seraient bien incapables d'aller négocier quoi que ce soit avec un parti de droite). Ca ne veut rien dire.

 

Ils reprochent à Mélenchon d'être trop modéré sur l'ingérence (alors pourtant que son engagement là dessus lui vaut déjà de vertes critiques du système), d'être mitterrandien, de vouloir siphonner ce qu'il reste du PCF (alors pourtant que le Front de Gauche a fait reconquérir des sièges au PCF aux cantonales, et sauvera son groupe de députés, et que Mélenchon sur bien des points est beaucoup plus audacieux et incisif que le PC). Ce sont des repoches aigris de gens voués à des dérives groupusculaires. Je ne parle pas ici de TOUS les anti-impérialistes belges (d'ailleurs je sais que dans la mouvance d'Aden à Bruxelles notamment il existe d'ardents sympathisants de Mélenchon), ni a fortiori de tous les anti-impérialistes européens. Seulement de certaines franges que j'ai connues et que, depuis longtemps, je ne vois embrayer sur rien de constructif. Je ne suis plus sur les mêmes chemins que ces cercles là.

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Une candidate du libre amour en Espagne

30 Mars 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les rapports hommes-femmes

Soledad S** (j'anonymise pour les moteurs de recherche) aurait pu être Balance comme moi. Manque de chance elle est vierge... Elle est née le 18 septembre 1972 (deux ans après moi), sous la dictature de Francisco Franco. Elle habite Ciudadela (Citadèle), une ville de 30 000 habitants, capitale, de l'Ile de Minorque, aux Baléares. Elle y dirige un Parti, qui n'a obtenu que 80 voix dans cette ville plutôt de droite (bien que l'île soit restée républicaine jusqu'en 39) aux élections municipales de 2011. P1000173

 

republica-espanolaEn 2011 justement, Mme S** avait publié une affiche électorale montrant ses deux seins nus volumineux (qui ne l'empêchent pas de faire du tir à l'arc) empoignés par deux mains viriles avec le slogan "deux grands arguments". Cela l'avait faite connaître de toute l'Espagne. Elle participe à des concours de poésie et récits érotiques du magasin de sextoys de sa ville tenu par une copine à elle. Elle aime "Le Dernier Samouraï" avec Tom Cruise et "Not afraid" d'Eminem. Elle défend les minorités mais écrit en castillan pas en catalan dont elle n'a pas l'air d'aimer le nationalisme. Elle a  des tas d'idées sur l'aménagement du territoire, le vivre-ensemble, la protection des animaux. Elle ne veut pas d'enfants parce qu'elle a peur d'être une mauvaise mère. Ses "fils" sont son chien et son chat...

 

Mme S** est très à gauche. Récemment, sur Facebook, elle soutenait le projet de grève générale et dénonçait le silence des médias sur les conflits sociaux qui ont émaillé le mandat de Zapatero. Elle avait été choquée de voir que le "Front de gauche" espagnol, Izquierda Unida, ne l'a pas plus soutenue que cela dans la publication de son affiche et même a tenu selon elle une position puritaine "droitière".

 

Mme S** tient un discours très pacifiste, pour l'intégration universelle des êtres humains dans un même amour unificateur. Sa page Facebook met en exergue des citations du Mahatma Gandhi et de Bertrand Russell. Comme beaucoup de femmes pacifistes elle estime que la femme peut sauver le monde, qu'elle est sacrée, qu'elle porte en elle quelque chose de divin. Elle s'intéresse à la théorie marxiste du matriarcat de feu la commmuniste américaine Evelyn Reed. Comme beaucoup de pacifistes aussi, elle est restée très catholique, mais catholique "critique", hostile au pape, désespérée de voir des chrétiens embrigader des mineurs dans des milices armées en Ouganda. Elle parle peu des pays étrangers n'ayant peut-être pas beaucoup voyagé, sauf quand il s'agit d'évoquer la faim dans le monde.

 

Voilà. Ce personnage n'est peut-être pas très important et n'a sans doute guère d'avenir dans le paysage politique espagnol. Elle est cependant représentative de certains courants qui circulent un peu partout. Ce mélange catho-marxiste-écolo-païen-jouisseur-moralisateur (défenseur d'une morale du vivre ensemble et de la résistance face aux technostructures qui le compromettent), cette religiosité plus affective que dogmatique qui se mêle à l'activisme politique au risque de le rendre un peu brumeux, on le rencontre chez beaucoup de femmes qui cependant n'osent pas toutes s'engager dans des partis politiques ou se présenter à des élections pour promouvoir leur "espérance". Je suis un sceptique devant le choix manifesté là de créer son propre parti, qui ne fait que 80 voix. Tentation puriste si répandue en Europe : on ne s'agrège pas à ce qui existe - on préfère créer son propre truc en se disant que les autres auront reçu "la lumière" et vous rejoindront spontanément. Symptôme d'une forme de narcissisme politique peut-être, de fermeture au monde, de refus du sens du concret. Il y a des tas de petits groupes en France comme ça aussi, qui poussent l'autisme jusqu'à ne même pas répondre aux mails lorsque des tiers s'adressent à eux pour en savoir plus sur leur compte. Aujourd'hui Facebook permet de croiser la connaissance des choix idéologiques des personnalités publiques comme cette femme, avec leurs goûts privés. On mesure ainsi leur degré d'adhésion aux modes, le type de culture qui les habite.

 

On peut se demander ce que révèle le choix de passer des soirées dans des concours de nouvelles érotiques plutôt qu'à élever des enfants. Choix de rester tourné vers sa propre enfance (qu'elle manifeste de temps en temps en évoquant des anecdotes de ses 7 ou 8 ans sur Facebook ) ? Manque de confiance en soi ? Lien avec sa profession (qui n'est pas conue) ? Cumul de malchances ? D'autres hypothèses peut-être. Je n'ai pas d'avis arrêté sur la procréation. Beaucoup de femmes disent avoir une "horloge biologique" (horloge dont l'heure butoir est presque atteinte pour cette dame) et disent ne pas se sentir "complètement femmes" si elles ne procréent pas. Mais c'est en France, pas en Espagne où le taux de fécondité est bien moindre. On ne sait jamais qui est dans un conditionnement négatif - la femme qui s'autopersuade qu'il lui faut une enfant, ou celle qui est convaincue qu'il vaut bien mieux qu'elle n'en ait pas. Le schéma social dominant en France pousse vers le premier modèle, celui d'Espagne encourage le second. A Rome on ne pouvait intégrer le Sénat si l'on n'était pas père de famille. En France aujourd'hui beaucoup de femmes élues mettent en avant le fait qu'elles ont des enfants pour montrer leur capacité à prendre en charge la vie d'autrui et donc celle de la cité, de s'ouvrir à une altérité concrète pas seulement intellectuelle. Le thème de l'articulation difficile entre liberté de disposer de son corps et contraintes de la procréation ne date pas d'hier.

 

En tout cas voilà, on là sous les yeux l'illustration d'une option politique de gauche de notre temps, et quelques éléments sur la manière dont elle s'incarne dans un individu donné. C'est un cas-type transposable mutatis mutandis à beaucoup d'autres femmes qui essaient de penser "un autre monde possible" de nos jours, même s'il présente aussi d'aussi des éléments d'idiosyncrasie non généralisables.

 

Je suis frappé de voir que ni en Espagne ni dans d'autres pays européens le genre d'aspiration qu'il exprime (pour une meilleure disposition de son corps, pour une meilleure intégration sociale par ce biais), n'a pas de "répondant" dans les grands partis politiques classiques. Il n'y a pas véritablement de programme dans le paysage mainstream pour répondre à cette aspiration. Or on ne peut pas assurer que l'aspiration en elle-même soit totalement infondée, ou si elle l'est, il faut dire pourquoi et expliquer comment on peut en détourner ceux qui la portent. La réponse que la classe politique espagnole lui a apportée (et qu'apporterait aussi la classe politique française) - "ne montre pas tes seins sur une affiche, ce n'est pas bien !" - est un peu courte.

 

 

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Les familles bourgeoises sont (toujours aussi) chiantes

29 Mars 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

DSCN1137.JPGJe dînais dans une pizzeria des quartiers cathos de Paris. A une table voisine, une maman moche, et un papa du même acabit s'évertuaient à répondre du mieux qu'ils pouvaient aux 10 000 questions qui venaient à l'esprit de leur fillette de 4 ans. "C'est quoi la date de naissance de mamie ?" "c'est quoi la date de naissance de ta mamie à toi ? " "et de l'autre ?" etc. La mère était infiniment appliquée pour répondre, et, quand elle ne le pouvait pas, pour expliquer pourquoi elle ne pouvait pas répondre et conseiller à sa fille de "demander à mamie qui saura mieux que moi". Un peu comme si ses réponses avaient vraiment une importance cruciale, un peu comme s'il s'agissait pour la maman d'un examen scolaire ou quelque chose dans ce genre.

 

Voilà à quoi mène la sacralisation des enfants aujourd'hui. A 4 ans on croit qu'ils en ont 26, on écoute religieusement leur avis, on prend garde à tout leur expliquer. Je ne crois pas que cela leur rende service, d'autant que cela neutralise en eux un certain sens de la légèreté et du délire, un sens du jeu qui leur serait bien utile en grandissant pour innover et contourner certaines dictatures sociales. Je crois que je serais mille fois plus déprimé si j'avais eu un mère comme celle que j'entendais ce soir.

 

PS : Fidèle à notre engagement d'égayer ce blog avec des chansons pour en assainir l'ambiance, je vous propose après Gecegece, Patsy Kensit

 

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Jean Zin, Michel Clouscard, la critique du post-féminisme

29 Mars 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les rapports hommes-femmes

Je n'ai toujours pas lu Clouscard, dont je ne suis pas sûr - d'après les synthèses que je trouve ici ou là - qu'il apporte grand chose de vraiment essentiel à la critique du capitalisme "séducteur". Je n'aime pas beaucoup non plus la critique qu'en fait Jean Zin lui reprochant de manquer de sens "dialectique" (tout ce verbiage marxiste appartient à la scholastic view, il faut aborder l'homme à partir de ses déterminations animales, et pas d'un sens de l'Histoire assise sur une "dialectique" magique et métaphysique).

 

Je trouve cependant ce passage très lucide : "Il est assez effrayant de constater comme la moindre déviation de la pensée semble pouvoir faire basculer à droite les plus révolutionnaires, passant du communisme au communautarisme ou de la contestation de l'ordre établi à un prétendu ordre naturel sinon religieux. Il y a une indéniable proximité des extrêmes par l'imaginaire de l'insurrection et du sacrifice, du volontarisme et de l'unité supposée du peuple, par la fascination du coup de force et l'héroïsation de l'existence. S'il est un peu rapide d'identifier le sexo-gauchisme au (néo)fascisme, on ne peut nier des passerelles mais, paradoxalement le néo-fascisme répressif serait plutôt, dans les faits, du côté de ceux qui dénoncent la libération sexuelle..."

 

Très juste aussi cette phrase : "alors que la nécessité va se faire de plus en plus sentir de remettre au premier plan les questions de survie et de production, il ne faudrait pas que ce soit au détriment d'une liberté qui nous est vitale mais en retrouvant une solidarité sociale tout aussi vitale".

 

Tirer le signal d'alarme contre le retour de l'ordre moral à l'extrême gauche est utile, mais il vaut mieux le faire à partir d'une praxis (pour parler comme Marx) - qui parmi ces auteurs de billets sur le Net a monté une association pour changer concrètement le vécu sexuel des gens ? qui propose des réformes politiques effectives ? - plutôt qu'en se complaisant dans l'invocation incantatoire de la "dialectique" .

 

P1000651-copie-1.jpg

Je lis ce matin une critique amusante du "salopisme". L'article n'est pas vraiment d'un très haut niveau (cf des problèmes de style comme la faute grammaticale sur "se tourne vers l’Etat pour lui exiger ces nouveaux numerus clausus", ou son sousentendu grossier selon lequel Dumézil aurait défilé "en uniforme sous des symboles aryens" sic, ce genre de détail en dit long sur la qualité de pensée de l'auteur), et cède à beaucoup de facilités. C'est un texte à maints égards nihiliste, qui ne propose en soi aucune voie réelle d'émancipation (critiquant aussi bien le dating, que le couple bourgeois etc), mais qui présente néanmoins l'intérêt de rattacher le salopisme "postféministe" à la précarité des femmes de formation littéraire vouées à une certaine insignifiance professionnelle, laquelle les attache à des fixations fétichistes victimaires complètement destructrices pour ce fameux "lien social" que j'évoquais dans mon précédent post.

 

Il est clair que le postféminisme façon "FEMEN" ukrainiennes avec leur "nudité hostile" comme dit l'auteur de ce billet promet plus d'anomie que de construction réellement utile à la société humaine. Mais, pour le coup, je rejoindrais bien Zin là-dessus, au mot "dialectique" près. Avec un peu plus de "sens dialectique", on peut penser que beaucoup de femmes à travers le postféminisme apprennent quelque chose de nouveau, de leur rapport à soi et à autrui (notamment à l'autre sexe), qui peut être "dialectiquement" utile à quelque chose, sauf si c'est "peu dialectiquement" rejeté en bloc par la génération qui suit... (c'est la limite de la dialectique - à quoi fut "dialectiquement" utile par exemple l'expérience communiste médiéval du Bahrein disparue de tous les livres d'histoires, et d'autres expériences encore plus confidentielles ?).

 

Ce qui est frappant en tout cas c'est que tous les adversaires du capitalisme peinent à définir ce que serait une sexualité libre souhaitable ou à peu près satisfaisante. Le concept manque singulièrement de contenu. Peut-être par manque de réflexion profonde sur la nature humaine, au sens darwinien du terme.

 

 


 

  ps : dans la série "postféminisme capitaliste", je trouve cette annonce sur FB (bien sûr c'est provençal...)

 

Mettez vos maris, conjoints, fiancés, amants au placard le temps d’une soirée entre filles. Moi Prénom vendeuse à domicile chez Miss Toysy, je viens vous faire le show et vous présenter mes sextoys « spécial girl », mes cosmétiques glissants et ma lingerie sexy à faire grimper un escargot sur le toit de l’immeuble !!
Promis vous ne serez pas déçu... ambiance, convivialité et choix assuré. Les prix quant à eux sont plus que raisonnables !
Les sexshop c’est beurk et ca pue, les sites internet c’est froid et c’est l’arnaque... par contre une réunion à domicile avec Miss Toysy c’est marrant, on s’amuse et on découvre plein de sextoys, de cosmétiques qui glissent et de la super lingerie très sexy (vous ne serez pas déçu).
J’organise des réunions à domicile . Je viens accompagnée de ma valise du bonheur (huiles de massage gourmandes, accessoires coquins, lingerie, sextoys …).
Autour d’un verre à l’heure de l’apéro ou d’un café je fais ma démonstration. On peut goûter, sentir, toucher …
Contactez-moi. A bientôt chez vous... !
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Nietzsche et la gauche, le sexe crée-t-il du lien social, l'éros-scopique etc.

27 Mars 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Un ami m'envoie un texte d'un certain Schiffter qui veut montrer que Nietzsche était de droite à partir du traitement de la question juive par cet auteur. C'est affligeant !

 

Le débat sur la lecture gauchiste de Nietzsche existe depuis 50 ans, voire plus (avec des thèses intéressantes comme celle de Derrida selon laquelle tout auteur - y compris Marx, Nietzsche, et Heidegger - peuvent faire l'objet d'une lecture légitime de droite comme de gauche).

Bien sûr que Nietzsche était de droite (il le disait lui-même), et tous les gauchistes qui se sont réclamés de lui le savent. Bien sûr que des gens qui comme Liliana Cavani vont le dépeindre Nietzsche comme un socialiste pacifiste dans Au delà du bien et du mal .

Mais il y a 36 façons de le démontrer. Celle que choisit Schifter, qui se fonde sur la question juive, et sur un seul extrait de la Généaologie de la Morale est COMPLEMENT NULLE !!! Car précisément la question juive est celle sur laquelle Nietzsche est le plus ambigu. Celle de la modernité rationaliste aussi (qui, effectivement dans l'esprit de Nietzsche est liée à la question juive). Sait-on que le livre le Gai savoir de Nietzsche est dédié à Voltaire ? Et que le moustachu faisait un vibrant éloge de Spinoza ? qu'il a critiqué l'antisémitisme comme la forme la plus stupide de l'esprit allemand contemporain ?

Nietzsche écrit beaucoup pour rire. Et la façon dont il écrit sur le judaïsme (qui est en fait son angle d'attaque contre le christianisme), comme quand il aborde le sujet des femmes ou des philosophes, est généralement conçue pour faire sourire le lecteur. Mais ces attaques cachent mal en réalité l'immense admiration et fascination qu'il ressent pour les membres de ces trois catégories. Il stimule notre gaité (notre gai savoir) avec ses bons mots, joue sur des gammes très subtiles de l'amour et de la haine. Et, franchement, il faut que notre époque soit devenue bien barbare pour ne pas comprendre ce jeu stylistique !

elephantIl paraît que ce M. Schiffter appelle à voter François Hollande, le candidat qui peine à finir ses phrases tant son discours est creux. C'est en effet un candidat du niveau de ses démonstrations.

 

topMais évoquons plutôt un sujet plus léger et de saison qui plus est... J'étais dans une boulangerie tantôt. Une dame mûre en robe légère est entrée. Un homme jeune à la caisse l'a regardée sans pouvoir cacher pendant une fraction de seconde quelque concupiscence. Fut-ce réciproque ? on ne le saura pas tant les femmes ont un art pour dissimuler leurs affects. témoin de la scène, j'ai repensé à Alexandra Kollontaï et me suis demandé si l'application du slogan de la révolution russe "faire l'amour comme on boit un verre d'eau" pourrait contribuer à renforcer le lien social. J'ai des doutes. Car si la fille avait couché avec le jeune homme, de deux choses l'une : soit il n'y aurait pas eu de sentiment et les deux seraient restés parfaitement indifférent l'un à l'égard de l'autre comme avant, soit des projections affectives se seraient greffées dessus, et là s'ouvre la voie aux petites violences (jalousies, dilemmes par rapports aux partenaires tiers actuels ou potentiels, aux enfants etc) qui est le lot des amants "ordinaires"...

 

On peut donc nourrir quelques doutes légitimes à ce sujet, sauf à subsumer strictement les rapports physiques sous un principe politique supérieur comme je l'ai fait dans un de mes livres, mais qui le peut ?

 

En recherchant sur le Net la référence du slogan ci-dessus, je tombe sur ce compte-rendu d'une étude (anonyme, semble-t-il) sur les effets sexuels de la révolution bolchévique en Russie. Bien que j'aie lu plusieurs ouvrages sur le sujet, du très enthousiaste "La révolution sexuelle" de Wilhelm Reich au très sceptique "La vie sexuelle en URSS" de Mikhaïl Stern (un sexologue passé à l'Ouest dans les années 70), je n'ai jamais réussi à me faire une "religion" sur ce sujet. Parce que Reich était visiblement trop utopiste, et Stern visiblement trop négatif comme tous les thérapeutes qui ne voient que des sujets en souffrance (je pense qu'un sexologue en France aujourd'hui, s'il devait se valoriser auprès d'une puissance étrangère, trouverait des réalités bien plus tristes à décrire encore que celles qui affleuraient sous la plume de Steiner).

 

A l'évidence c'est un sujet complexe. Devant un substrat dans le fonctionnement naturel de l'espèce qui la prédispose à l'insatisfaction chronique en la matière, pour des raisons d'ailleurs assez différentes chez les hommes et chez les femmes (et d'ailleurs, en vérité, il semble qu'un peu toutes les espèces sont vouées à des dysfonctionnements sexuels de toutes sortes, l'évolution darwinienne provoquant plus de dissymétries et de dysharmonies qu'autre chose,) la question concernant toutes les sociétés humaines est de savoir quel degré de mauvais fonctionnement est tolérable, ce qui est pour le moins délicat à déterminer. Pour revenir à cette étude, je ne comprends pas bien le lien qu'elle dessine entre sexualité communautaire et inceste. Elle semble procéder par faisceau d'indices (parce que dans une nouvelle de Kollontaï et dans le home soviétique il y a un fantasme d'inceste, alors il existe une présomption générale...), mais ce n'est pas très convaincant. L'artifice rhétorique (comme il y en a tant dans la littérature psychanalytique) conduit ensuite à conclure que, du coup, le collectivisme amoureux de la première période révolutionnaire rejoignait l'ascétisme stalinien dans une même "communion" au fantasme de l'inceste, mais tout cela est pour le moins tiré par les cheveux.

 

La démonstration de l'anonyme ("Radu Clit") vise plutôt à mettre en valeur par effet de contraste (quoiqu'avec beaucoup de réticences) l'autre révolution, individualiste celle-là, conduite en Occident après 68 - mais dont il faudrait non seulement souligner les dérives en termes de procès pour harcèlement sexuel comme le fait l'auteur (tiens au fait vous avez vu ? DSK fait encore le "une") mais aussi son déplacement dans le domaine scopique pour le meilleur et pour le pire (en route vers la totale désincarnation des pratiques, pour le plus grand profit des entreprises capitalistes qui disséminent le voyeurisme érotique dans tout leur dispositif de consommation - tiens au fait on me dit de lire Clouscard, vous en pensez quoi vous ?).

 

 

 

 

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Identités linguistiques et ethnicité : Bourdieu, Michel Tremblay, Yamina Benguigui

27 Mars 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Je me souviens de Bourdieu au Collège de France disant que les nations n'étaient que des inventions de grammairiens et de faiseurs de dictionnaires. "Que ce ne soient que des inventions de petits bourgeois c'est plutôt rassurant non ?" demandait-il, en se fondant sur "Imagined communities" de Benedict Anderson. Propos très marxiste au fond. Depuis lors les néo-darwiniens nous expliquent (Naturalisme versus constructivisme ? Paris, Editions de l'EHESS, 2007 p. 213-240) que les rassemblement des groupes par identités linguistiques sont probablement inscrits dans nos gènes et répondent à un avantage en termes de sélection naturelle. Je ne sais qui a raison qui a tort.

Je repensais à cela en songeant à Michel Tremblay et son histoire de femmes prolétaires de Montréal attachées aux français. Difficile de savoir quels sont les ressorts d'un attachement à la langue. Pourquoi est-ce que je trouve ravissant d'entendre chanter en turc ? Pourquoi est-ce que mon très jeune fils a un plaisir de jouer avec les mots, comme je l'ai toujours eu, alors que d'autres disent n'avoir jamais éprouvé ça ? Quel plaisir le cerveau trouve-t-il à aimer les mots ?

 

93-memoire.jpgParfois on valorise excessivement les identités culturelles (autour des mots, des pratiques gestuelles, culinaires, musicales) des groupes humains. J'avais été choqué il y a deux ans par le film 9/3 Mémoire d'un territoire sorti en 2008 consacré par Yamina Benguigui à la Seine-Saint-denis, et qui n'abordait ce département qu'à travers les histoires des "communautés" (espagnole, maghrébine etc). C'était un documentaire bien peu recommandable dont le territoire en réalité était complètement absent - cette Seine-Saint-Denis qui est en vérité si diverse du point de vue de même des paysages quand on se déplace du vieux pays franc autour de Tremblay (ce qu'on appelle le "vieux pays de France) jusqu'à Bagnolet ou de Clichy à Bondy).

 

Le film de Benguigui ne disait rien non plus des bretons, des auvergnats, des basques. Mémoire tronquée.

 

Moi quand je suis dans le "93 je ne vois pas d'abord des Arabes, des Noirs, des Européens ou des Asiatiques, des fils de Portugais ou de Guinéns. Je vois des femmes qui ont des poussettes, des mecs qui conduisent des voitures cabossées, des collégiens qui attendent le bus, des retraités qui promènent leur chien, des gens qui font la queue à la boulangerie. Je vois des tonnes de pratiques quotidiennes "fonctionnelles" qui ont elles aussi une histoire (comme les paysages), une mémoire, mais une mémoire qui n'a rien à voir avec celle des "commmunautés". Je comprends que Mme Benguigui, pour décrocher des récompenses auprès des bobos de Paris, avait besoin de réduire le "93" à un "patchwork de cultures", mais ce réductionnisme à la mode est encore une forme de perversion des rapports humains...

 

 

PS : pour la personne qui a tapé hier "galaxie Dieudonné Drweski" sur Google pour arriver sur ce blog, deux galaxies qui attirent certains jeunes du 93 (pour rester dans le sujet de Benguigui), deux galaxies auxquelles je n appartiens pas (dont une que je désapprouve plus que l'autre), je suis à sa disposition pour lui livrer mon point de vue là-dessus.

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Combats anciens, combats modernes

26 Mars 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Hier l'écrivain québecquois MIchel Tremblay à la radio racontait magnifiquement mené par les femmes de son pays volontairement pour franciser les expressions anglaises et maintenir leur particularisme à où les hommes auraient facilement cédé à l'anglicisation, parmi le prolétariat de Montréal à tout le moins. Il mentionnait aussi le combat des femmes plus subi que fut celui de la procréation : ces deux siècles où les femmes sous la férule catholique enfantaient vingt fois dans leur vie, sans quoi les québecquois seraient une minorité bien inférieure aujourd'hui.

 

Les femmes ont mené des combats, avec des mots, avec des enfants, les hommes avec des sabres, fusil, combats parfois sublimés dans le combat d'idées (je vous renvoie ici à Nietzsche) mais le geste reste le même.

 

Aujourd'hui quand les Turcs laissent une jeune femme inciter dans la langue des sultans une amante délaissée à recouvrer l'espoir, quand nous autres Français décidons que le vrai combat c'est "la lutte contre le chômage", quand un libraire me confie avec passion son bonheur de regarder des photos de filles nues, quand Mme Badinter recommande aux femmes intégralement voilées de partir au Qatar ou en Afghanistan (j'ai lu ça dans un journal tantôt), ce sont d'autres types de combats qui se font jour. Des combats non plus pour des grandes épopées nationales ou religieuses, mais pour des notions de justice ou d'efficacité, pour des styles de vie etc. Ces combats un peu disparates ne se valent pas. Certains sont carrément erronnés sur la forme comme sur le fond. D'autre simplement futiles comparés à d'autres qui sont plus importants.

 

Est-ce que les anciens combats, ceux qui étaient portés par les grandes épopées collectives, ont définitivement disparu ? Je ne le crois pas. Les grandes entreprises nationales et religieuses sont toujours susceptibles de ressurgir, même sous nos latitudes. Compte tenu de l'ampeur des moyens de destruction dont nous disposons mieux vaut les garder refoulés, je pense, et orienter les passions humaines vers d'autres fins.

 

Pour ceux que le combat pour la justice sociale intéresse, je recommande la lecture de l'article de Laurent Dauré de l'Acrimed sur le fondateur de Free... Capitalisme et proxénétisme... Lisez-le !

 

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Assainissons l'ambiance de ce blog, Gecegece

26 Mars 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien

Bon, ce blog a besoin d'un peu d'oxygène, on y respire mal. Donc replaçons les choses dans leur juste optique. Je ne suis pas un "analyste des relations internationales" (bien que je passe beaucoup de temps à lire des articles pour le blog de l'Atlas alternatif), ni un militant dévoué, du point de vue de diplômes j'en ai dans divers domaines (droit, philo, socio etc), et d'assez haut niveau, mais ce n'est pas vraiment non plus ce qui me caractérise (bien qu'il faille souvent citer ses diplômes pour ne pas être trop vite méprisé). Je crois que je suis juste un philosophaillon écrivaillon qui a fait voeu d'écriture, de style et d'honnêteté dans sa vie, sans être tout à fait sûr d'avoir poussé ces trois objectifs bien loin, mais tant pis.

Cette petite précision doit nous inciter à assainir l'ambiance de ce blog et le remttre sur de bons rails. Ce n'est pas un blog d'expert ni un blog militant, c'est un blog de recherche personnelle (ce qui explique d'ailleurs qu'il se déploie comme un long monologue sans vraiment inspirer de commentaire aux lecteurs, et sans être cité nulle part). Prenons les choses comme elles sont. Ce n'est pas non plus un blog de promotion de mes livres (puisque les promos que j'y ai faites n'ont servi à rien, pas même à pérenniser mes chances de continuer à publier).

Blog de création, ce blog doit être un blog libre, parfaitement indifférent aux avis des uns et des autres. Bien sûr cette liberté, dans la société totalitaire où nous vivons, est extrèmement relative. Par exemple, je ne peux pas exprimer ici toute la haine que pourrait m'inspirer telle personne, telle collectivité, telle institution, comme le faisaient jadis les surréalistes par exemple : on peut parfois cracher des haines hyperboliques, outrancières, comiques à force d'exagération, comme cela se trouve sous la plume de tant de polémistes. Les lois (sur la diffamation, l'insulte publique, l'atteinte à l'image etc) sont là pour punir quiconque attaque quelqu'un ou quoi que ce soit, et, même si vous n'enfreignez pas la loi, des petits mercenaires de la délation vous surveillent pour passer des coups de fil en douce des mails à tel ou tel. Les surréalistes n'avaient pas ce problème. Plus on les attaquait meilleur c'était pour eux, parce que de toute façon il existait une vraie culture de la dissidence dans l'intelligentsia, et des quartiers d'artistes vraiment humains (Montparnasse, Montmartre) pour les accueillir, ce qui bien sûr n'existe plus du tout !

Donc puisqu'on ne crache pas de haine hyperbolique, professons de l'amour démesuré, voilà, ça on ne nous l'interdira quand même pas. Ce soir, ce sera la marque de notre grande liberté d'aujourd'hui. Un grand élan d'amour débridé à cette chanson, à la langue qu'elle porte, aux accords musicaux qu'elle fait entendre. Elle est parfaite. Et je m'autorise à la faire entendre à la fin de dizaine, de centaines de mes billets si cela me chante. Le groupe s'appelle Gecegece. Il est turc.


Lyrics :

Rana dur gitme (Rana, ne t’en va pas)
Rana bak böyle (Regarde Rana)
Gitmez bu işler (Les choses ne vont pas)
Bırak artık üzme kendini.(Arrête d'être triste - üzme)

Kibrit kutusundaki (Dans la boîte d'allumettes)

isimsiz bir, numara gibi,(Comme un numéro sans nom),

Bak şimdiden, unuttun gitti. (Regarde déjà, il est oublié, c'est parti)

Saçlarını kestir kısacik, (Coupe tes cheveux - Saçlarını - courts)
Odanın şeklini değiştir (Réaménage - değiştir - ta chambre).
Çık dışarı, görsün şehir...(Sors,laisse toi regarder la ville - şehir)
Aslında bu çok zevkli bir iştir (En fait - Aslında -, c'est un travail très agréable - zevkli)

Saçlarını dik yukarıya, (Fixe tes cheveux avec du gel)
Biraz ufkunu geliştir. (Elargis ton horizon)
Çık dışarı, görsün şehir,(Sors dehors, laisse toi regarder la ville)
İstersen bize gel, (Si tu veux viens chez nous)
Bira da getir (Apporte aussi de la bière)


Rana bak şimdi (Regarde maintenant Rana)
deniz ne kadar mavi (Comme elle est bleue - mavi - la mer)
Islanmaktan korkma (N’aie pas peur de te mouiller)
okyanuslara bırak kendini (Laisse toi t’emporter par l'océan - okyanuslara.)

On se croirait sur les bords du Bosphore, non ? Oui, je suis d'accord avec vous : ce qui fait l'immense grandeur de cette chanson c'est qu'elle est joyeuse, douce et light, "sympa" comme on dit dans notre vocabulaire orwellien, complètement incluse à notre univers musical, avec cette splendide chanteuse qui pourrait être lombarde, et cependant, les accords orientaux sont là, les gestes de la chanteuse aussi (traîtresse !) dass sprechen kein Westlich, cette langue, langue de conquérants,  de guerriers des steppes à cheval, et loyaux serviteurs du Prophète, de cet empire qui fit trembler nos aïeux, et dont le recueillement dans le sourire attendrissant de cette chanteuse, ne paraît être qu'une étrange marque de coquetterie. Quand l'histoire de l'empire ottoman s'abaisse à déboucher sur une chanson de midinette (et bien sûr une bonne chanson de midinette, avec de très bon sons, du style), comme quand les grandes épopées de nos ancêtres, français, espagnols, anglais etc, s'achèvent sur un éloge final de la dernière recette de guacamole aux crevettes, je ne suis pas enclin à y voir une capitulation nihiliste de l'humanité, mais plutôt un petit soupir élégant et un dernier "contrat de confiance" avec la vie, moins flamboyant que par le passé, mais d'autant plus méritant que chacun sait bien qu'au fond l'histoire n'a que trop duré...

Il y a tout ça dans cette chanson...

Et en prime : "Duymadin mi?"

Sen bunları hiç bilmedin. (Tu ne les as jamais connus)
Hatta belki hissetmedin. (Peut-être que tu ne le ressentais même pas)
Gerçekten mi istemedin? (Tu ne le voulais pas vraiment ?)
Nasıl oldu da sevmedin? (Comment n'as tu pas aimé)
 
...
Duymadın mı (N'as tu pas entendu ?)
Ağladığımı? (Je pleure ?)
Duymadın mı (N'as-tu pas entendu ?)
Bağırdığımı? (Je crie)

Bırak burada kalsın sesim. (Laisse ça, ici ma voix)
Yeterince buruk kalbim. (Assez de mauvais coeur)
Nasıl da hiç fark etmedin? (Comment as-tu remarqué)
Ben defalarca denedim. (J'ai essayé plusieurs fois)
Hıı hıı

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