En tant que béarnais, la question du protestantisme a souvent croisé mon parcours évidemment. La trace la plus ancienne de mes interrogations à ce sujet remonte, dans mon journal personnel, au 10 novembre 1986 (j'avais 16 ans) où j'écrivais sur un ton qui se voulait humoristique : "Cet après midi, après deux heures de brasse papillon en maths, j'étais assis à une table du café le Verlaine (à Pau) avec mon camarade Régis et six jeunes filles, dont deux protestantes, ce qui démontre une fois de plus mon extraordinaire tolérance à l'égard des suppôts de Satan qui, il y a quatre siècles, asservissaient le Béarn. A une des deux calvinistes je déclarai que j'aimais bien les protestants et qualifiai mon attitude d' "oecuménique". Celle-ci me rétorqua que l'oecuménisme n'était pas cela. Selon elle, il s'agissait de l'adhésion simultanée à deux religions chrétiennes. J'écoutai religieusement sa thèse, la remerciant de son cours de catéchisme. Naturellement, je savais sa définition erronée et l'assurance avec laquelle elle définissait un concept qu'elle ignorait me fit sourire". J'ai retrouvé ce passage cet été alors que je regardais des vidéos de prédicateurs sur You Tube. Un paragraphe qui montre au passage tout ce que ma personnalité de lycéen arrogant avait de pire. Je n'ai bien sûr gardé aucun souvenir de cette conversation ni des deux camarades de classe auxquelles je fais allusion...
Au grand l'oral de l'ENA en 1992 le journaliste Philippe Meyer m'avait beaucoup cuisiné sur la réforme, et dans cette école à Strabourg je côtoyais de temps à autre un calviniste militant. J'ai cherché dans ce blog en 2011 et en 2012, parfois un peu maladroitement, à cerner les mérites et désavantages de la "petite Genève" constituée à Pau avant l'abjuration d'Henri IV...
J'ai examiné d'un point de vue "anthropologique" la révolution calviniste en Béarn, avec des prohibitions des jeux et de la danse, dignes des talibans de notre époque. J'ai été sensible aux récriminations de Marguerite de Valois, la reine Margot, dans ses mémoires que l'on peut lire sur Gallica contre l'intolérance de cette révolution.
Aujourd'hui je suis devenu assez sceptique sur l'intégrité morale des deux femmes à l'origine de la victoire (provisoire) de la Réforme : Marguerite de Navarre et sa fille Jeanne d'Albret. La première, la Marguerite des Marguerites des poètes de la Pléiade, ne fut pas vraiment protestante mais elle protégea beaucoup de calvinistes dans le clergé local. Ses propos au capitaine Bourdeille relatés dans les Dames Galantes, sur cette tombe (peut-être dans le parc du château de Pau) de Mademoiselle de la Roche (Un bulletin historique et littéraire de la société d'histoire du protestantisme français du siècle dernier accessible sur Gallica précise que c'était une de ses dames, veuve et sans enfant, que la reine de Navarra envoya comme dame d'honneur à la duchesse de Ferrare en 1545 et qui allait être considérée en Italie comme une"créature méchante et de la pire espèce" avant de revenir à Pau pour y mourir) qui vibre quand son ancien amant marche dessus pue le spiritisme et l'occultisme à cent kilomètres (il est vrai que c'était à la mode : le frère de Marguerite de Navarre, François Ier, portait toujours sur lui de la poudre de momie égyptienne et fut fasciné par l'art "isiaque" de Léonard de Vinci). La fille de Marguerite, Jeanne d'Albret, fut moins élégante et plus intègre religieusement, mais sa manière de chanter un cantique à Notre Dame du Bout du Pont quand elle accouche de son fils Henri n'est pas à l'honneur de son calvinisme...
Pour me faire une meilleure opinion sur l'histoire de ma région, je me suis récemment penché dans ce classique de la littérature en langue béarnaise dont je connais l'existence depuis 1991 (cela fait partie des livres qu'on vend bon marché dans les festivals occitanistes) que sont les Psaumes de David traduits par Arnaud de Salette (les cours du Rav Dynovisz sur les psaumes sur You Tube avait excité ma curiosité à ce sujet à l'automne dernier).
Arnaud de Salette, qu'on croit né vers 1540 à Pau, est fils naturel d'un membre du conseil de Navarre, président du Conseil souverain en 1567 (il présida donc l'assemblée extraordinaire qui mit le Béarn en état de guerre contre la France en 1568 pour la défense de Navarrenx), qui l'a cependant reconnu et fait héritier par testament. D'abord avocat puis pasteur, il est reçu au ministère lors du synode de Pau en 1567, la même année que Jean de Liçarrague (1506-1601). La comparaison avec Jean de Liçarrague est intéressante. Puisqu'il est le traducteur du Nouveau Testament en langue basque imprimé sur ordre de la reine de Navarre à La Rochelle en 1571, livre dédicacé à Jeanne d'Albret (le conseil de Navarre lui accorda en 1573 50 écus Soleil - somme importante pour l'époque dit-on - pour cette opération selon l'Histoire de Béarn et Navarre composée par le pasteur de Nay Bordenave). En 1582 il était né à Briscous et pasteur à Labastide-Clairence, village basque du canton de Bidache, parlait français, béarnais et basque, et peut-être ancien prêtre catholique. En tout cas il fut emprisonné pour ses opinions. Il publia aussi le catéchisme de Calvin en baque. En 1874 il ne restait plus que 13 exemplaires connus de son Nouveau Testament dont 6 dans les bibliothèques publiques en Europe.
Salette semble d'un milieu social plus élevé que Liçarrague et plus impliqué dans la vie de cour. Pasteur à Orthez (adjoint d'un certain Solon), professeur à l'académie protestante de cette ville, il s'installe à Lescar avec son académie, à cause d'une épidémie de peste à Orthez, puis muté à Lembeye après de mauvaises fiançailles avec la fille d'un pasteur. Aumônier de la régente Catherine de Bourbon à Pau, il meurt vraisemblablement dans les années 1590. Les psaumes commencés en 1568 (quand Liçarrague traduisait son Nouveau Testament) ne sont publiés qu'en 1583 par un imprimeur montalbanais Louis Rabier installé à Orthez en 1578 et qui réalisa sa dernière impression à Montauban en 1582 d'un livre d'Athénagoras d'Athènes traduit par Michel Béraud (pasteur théologien de l'académie de Montauban qui enseigna aussi à Saumur). Il avait déjà publié les 150 psaumes de David en français à Orléans.
Les psaumes de Salette sont une mise en vers béarnaise pour être chantés sur le modèle de ce que Marot et de Bèze avaient fait en français. Selon Robert Darrigrand, reprenant l'hypothèse de l'abbé Bidache, estime que Salette a pu les traduire directement de l'hébreu. Seulement dix exemplaires sont parvenus à nous (moins encore que du Nouveau Testament en basque de Laçarrague) dont trois étaient en Angleterre et en Suisse.
Les Psaumes sont en hébreu les Téhilim. Selon un texte du Midrash (de l'exégèse, dans la Torah orale Torah SheBe'al Pe), le roi David a demandé que ses Psaumes aient autant d'importance que la Torah de Moïse. Dieu (Hachem) l'aurait refusé, alors que David a divisé son livre en 5 livres pour que cela corresponde aux 5 parties de la Torah. La demande de David selon l'enseignement du Rav Dynovisz aurait permis de faire du judaïsme une religion standard dans laquelle la connexion à Dieu par la prière aurait été fondamentale, sans étude du texte placée au premier plan. David ayant une âme du côté féminin (et de la royauté féminine). Mais ce que David a obtenu c'est que l'on ne puisse être un géant dans la Torah qu'en passant par la prière. Toute réalité se construit à partir de réceptacle et énergie, la Torah est la lumière et la prière en est le réceptacle (comme l'âme et le corps). La prière est le corps. On ne peut donc être homme de Torah sans lecture quotidienne des Psaumes. Dans la Kabbale Moïse représente la tribu de Yesod (celle de la Lune et du fondement de l'arbre de vie), et David celle de Malkuth ou Malchut (la royauté féminine). Déjà la Torah de Moïse cherchait son réceptacle : au début du 2ème livre de la Torah, dans "voici les noms des enfants d'Israël qui sont descendus en Egypte" (Exode 1,1) la fin des mots de cette expression en hébreu donne Tehilim (les Psaumes). David dans ses psaumes a caché des secrets qu'ont approfondi le Zohar et la Kabbale.
Nous allons ici comparer la traduction de quelques psaumes de Salette avec la version française actuelle (nouvelle version Segond révisée 2014) et avec ce qu'en disent les autorités juives. On verra que Salette est souvent plus proche de l'hébreu sur le plan littéral, que de la logique occidentale (française) comme est censé le faire protestantisme par rapport au catholicisme mais que cela ne lui permet pas forcément de rejoindre la visée théologique du point de vue strictement juif de chacune des invocations qu'offrent les Psaumes.
Psaume 2 : "Pourquoi les peuples sont dans l'effervescence, et pourquoi les nations pensent-elles de telles vanités ?" "Pourquoi les nations s'agitent-elles" dans Segond, "Perqué hen brut e tempestejan tas holas gents" : Salette perd la notion de nation sauf si on comprend "gents" comme les nations dans le sens de "droit des gens" et après il parle des peuples mutinés. "Parce que voici que se dressent tous les dirigeants du monde, et tous les conseillers se réunissent dans le secret ensemble pour essayer de s'unir dans un projet contre Hachem et contre son Messie". Segond dit "Les roi de la terre se dressent et les princes se liguent ensemble, contre l'Eternel et contre son Messie". Salette "Les grands rois de la terre se sont levés ensemble et les seigneurs d'un coeur maudit, pour contre Dieu faire la guerre ensemble, et contre Christ son Fils béni". Salette est plus concret ici sur la notion de guerre, mais il en rajoute sur ce Messie "fils de DIeu" qui est absolument absent de l'original juif. Les deux perdent la notion de secret des conseillers.
"Il faut absolument briser ces chaînes" ("brisons leurs liens" écrit Segond, Salette fait juste plus imagé avec des"courroies renforcées") "et on les jettera". "Celui qui est dans le Ciel se mettra à rire" ("se rira de" écrit Salette, et "se moquera" chez Segond). Dans le Talmud, le traité "Avoda Zara" au début du Talmud explique que depuis la destruction du Temple Hachem ne rit plus, et il ne rira à nouveau que pendant la guerre de Gog et Magog, quand Israël sera revenu de l'exil "échappé de l'épée" selon Ezechiel, après le dévoilement du Messie. Pour les commentateur donc le psaume est une vision eschatologique de la guerre de Gog et Magog. Segond perd la dimension du rire que garde Salette.
"Le maître du monde se moquera d'eux et il commencera à leur parler avec colère", en hébreu. Bizarrement Segond écrit ce passage au présent ce qui le vide de toute dimension prophétique. Salette en béarnais le conjugue au futur. "Et il les fera tomber dans une panique inimaginable, elles seront frappées de stupeur" "dans sa fureur il les épouvante" dit Segond, "il les ébranlera" écrit Salette. "Est-ce que vous voulez remettre en cause le fait que j'aie librement choisi mon roi "c'est moi qui ai choisi mon roi" dit Segond (idem chez Salette). Puis le Messie prend la parole : "Et moi je parlerai de la loi" "Et moi, son roi, je conterai tout exprès son saint décret qui jamais ne varie" chez La Salette. "Je publierai le décret de l'Eternel" écrit Segond qui perd complètement le changement de locuteur ! Le mot choisi qui eut vouloir dire décret désigne la loi au dessus de la compréhension humaine. Les nations sont liées par les 7 lois de Noah, et selon le Talmud Dieu en ajoutera 13 aux 7 déjà connues, soit 20 valeur numérique de "keter" couronne qui est la Sephira la plus élevée de l'arbre de vie. Ces 20 sont des têtes de chapitres.
"Du maître du monde qui m'a dit 'tu es mon fils' " (bizarrement Salette ajoute "unique" à mon fils, peut-être pour le rapprocher du credo). Du point de vue juif évidemment pas de référence à Jésus ici. Moïse avait dit d'Israël devant Pharaon au moment de la dixième plaie "Israël est mon fils". Dans le 2ème livre de samuel 7: 14 Hachem dit à David au sujet de son fils qui construira le temple "Je serai son père et il sera mon fils".
"Aujourd'hui je t'ai fait naître" (repris par Salette et Segond) - signe selon les Juifs que cet engendrement est purement métaphorique -. Ce sera le moment où le Messie recevra toute sa force. "Demande moi ce que tu veux, je te le donnerai. Tu veux hériter des peuples, que ton pouvoir s'étende aux extrémités de la Terre, tu l'auras". "Frappe les avec un bâton de fer, pulvérise les comme des pots chez le potier". "Maintenant vous les rois, dit le Messie, prenez garde, vous qui jugez la terre, servez Dieu dans la crainte" (Segond utilise aussi ce mot, Salette dit "en toute révérence". "Et dansez en tremblant"... "Soyez dans l'allégresse en tremblant" dit Segond (Salette fait une longue paraphrase trop constructive "Réjouissez vous d'avoir un tel Seigneur et tremblez devant son excellence". Et pour finir "Embrassez ce qui est pur de peur que Dieu ne se mette en colère, bienheureux ceux qui placent leur confiance en lui" (embrassez le "bar"). "Embrassez le fils de peur qu'il ne se mette en colère" écrit Segond "baisez le fils pour qu'il ne se courrouce pas" écrit Salette. Selon les Juifs, "bar" ne veut dire fils qu'en araméen, mais jamais un mot araméen n'est employé dans les psaumes. Plus haut Dieu dit "ben" pour fils. Chouraqui dit "transparence" et non pas "pur". Le premier psaume comparait les méchants à l'écorce qui vole au vent et les justes au blé sans écorce, et bar peut vouloir dire ici le blé.
On voit que dans ce psaume Salette a le mérite de placer ses verbes au futur ce qui au moins restitue aux versets leur dimension prophétique (par rapport à Segond) et il fait correctement la part entre ce que dit l'Eternel et ce que dit le Messie. Mais il y a une surenchère chrétienne dans les rajouts ("fils unique", mauvaise traduction de "bar" etc) qui conduit à ne pas voir, comme dans Segond, que le psaume annonce une revanche du peuple d'Israël après que les peuples dans le guerre de Gog et Magog se sont entre-détruits.
Psaume 7 : "Il y a quelque chose que j'ai commis sans en avoir la moindre idée, et cette faute je veux maintenant en faire un chant pour Dieu, et cette erreur concerne Kouch fils de Benjamin". Kouch est un fils de Cham, ancêtre des africains et des Egyptiens. De Kouch sortit Nimrod. Les commentateurs disent que Kouch est Saül et qu'il n'a pas voulu l'appeler Nimrod (fondateur de Ninive) en lui disant qu'il vient de Kouch. "Hachem c'est en toi qu ej'ai placé ma confiance, sauve moi de tous ceux qui me poursuivent, de peur qu'ils ne déchirent mon NEFESH, mon âme, comme le ferait un lion". Salette écrit "de peur que leur guidon ne m'atteigne" (le guidon étant le porte-enseigne) "et comme un lion me prenne". "De peur qu'ils ne me déchirent comme un lion" dit Segond...
David parle souvent de son Nefesh (qu'on traduit aussi parfois par psyché, c'est la partie émotionnelle de l'âme, Chouraqui dans sa Bible traduit par "mon être"). Ici la notion est annulée par Segond et Salette.
"Ai-je fait quelque chose qui le mérite ? Est-ce que je me suis comporté d'une manière qui pervertit les valeurs 'avel' ? Moi je n'ai jamais fait de mal à ceux qui me font du bien, et je n'ai jamais fait du bien à ceux qui me veulent du mal".
Salette traduit par "si j'ai consenti à quelque lâcheté, si celui qui en toute amitié demeurait avec moi ou qui à tort était mon ennemi n'a pas trouvé en moi un bon ami" (sic). Segond choisit "s'il y a de la fraude dans mes mains, si j'ai rendu le mal à celui qui vivait en paix avec moi, si j'ai dépouillé sans raison mon ennemi".
D'un point de vue juif David dit qu'il n'a pas eu de perversion de valeur, il n'a pas aimé son ennemi comme Saül qui refusa de tuer le roi d' Amalec (dont un descendant voudra l'extermination des Juifs à l'époque d'Esther) comme Dieu le lui ordonnait (1 Samuel 15:9) pour venger ce qu'Amalec leur avait fait à la sortie de l'Egypte ("celui qui est bon avec ses ennemis sera cruel avec ses amis" allait lui dire Dieu).
Les deux traductions chrétiennes sont aux antipodes de cette problématique. Mais notons que celle de Chouraqui l'est aussi puisqu'il écrit "si j'ai rétribué mon payeur de mal, ou dépouillé on oppresseur gratuitement".
"Hachem lève toi, dans ta colère " (Salette et Segond traduisent de même) "Et enfin accomplis la justice dont tu es toi même la source" ("réveille toi pour moi toi qui as établi le droit" dit Segond, "selon ton jugement" dit Salette, étonnamment concis cette fois).
Les deux traductions manquent le fait que David, prototype de l'homme poursuivi, accusé d'être un faux juif depuis le départ, de par ses origines, a été placé dans cette situation parce qu'il était jugé au niveau des petites erreurs de ses intentions et non de ses actes ou même pensées. Au niveau de l'action avec Bath-Sheba il n'a pas commis de faute. Son intention était de donner une lignée du roi Salomon le plus vite possible pour accélérer le tikkun. Sa seule erreur fut d'avoir fait tuer son mari avant que Dieu le fasse mourir en première ligne au combat. Comme le rappelle un site sur le Net " Technically, Bathsheba was not a married woman since David's troops always gave their wives conditional divorces, lest a soldier be missing in action leaving his wife unable to remarry " ( Talmud, Shabbat 56b ). David n'aurait jamais existé si Hachem n'avait pas pris au sérieux les intentions (David vient d'une inceste d'un père ancêtre des moabites - Lot - avec ses filles mais où l'intention était de survie du groupe, d'un beau père avec sa belle fille prise pour une prostituée - Juda et Tamar - mais où l'intention de Tamar était d'engendrer les rois d'Israël, de sorte que Dieu valorisa la part de bonne intention, et il fit de même avec les femmes de Moab, le peuple qui malgré son ascendance abrahamique ne nourrit pas Israël à la sortie d'Egypte, mais ce sont les seuls hommes qui sont engagés dans l'interdiction d'échange avec Israël car seuls les hommes allèrent au devant des israélites pour leur refuser le pain, comme le leur confirma la pudeur Ruth la moabite). Chaque cadeau que fait Hachem a un prix. Le prix de la bonne intention fut l'enfer pour David. Dieu a instruit David en lui montrant comment dans la moindre des bonnes intentions on peut trouver l'étincelle de divin (ce que devra faire le messie pour reconstruire le monde, la récupération des étincelles dans la kaballe), mais le revers est d'être jugé aux intentions. C'est pourquoi il est jugé même responsable des fautes de Samuel dont il fut victime parce que celles-ci eurent lieu du fait de son existence (d'où la notion de faute non intentionnelle). David veut protéger son nefesh parce qu'il a peur d'en devenir fou (lui et sa lignée messianique).
Cette attention aux intentions propre à l'ère messianique se retrouve dans le célèbre verset 10 de ce psaume "toi qui sondes les coeurs et les reins, Dieu juste" (d'ailleurs Salette ne parle que du coeur et pas du rein).
Psaume 33 : "Que les justes se mettent à chanter Dieu. Seuls ceux qui sont véritablement droits méritent de le louer. Louez Hachem, avec les harpes, le luth, les instruments à dix cordes. Chantons lui un chant nouveau. Mettez y les meilleurs de vos chants et instruments". "La louange convient aux hommes droits" dit Segond, "Car magnifier sa hauteur est aux justes chose belle et aimable" dit Salette. Ici c'est la traduction de Segond qui rend le mieux compte de l'accord entre intériorité et chant que désigne le fait en hébreu que seul le droit peut louer Dieu par le chant. "Hachem aime la bonté, la justice, la bonté d'Hachem remplit le monde" (Segond dit "la bienveillance", "les biens du Seigneur" dit Salette). "Le ciel a été créé avec la parole d'Hachem, tout ce que tu vois ne tient que sur le souffle de sa bouche". La parole de la Torah est ce qui le monde dit le Zohar, et la Torah du fidèle doit être tournée vers lui. "Toute leur armée est faite par son souffle dit Segond "de son souffle il a fait son armée" dit Salette.
"Hachem a réuni les eaux dans l'océan et ce monde est rempli d'eau" (l'eau de la mer et celle qui est sous terre) "Que tous ceux qui vivent sur terre craignent Dieu et tous ceux qui vivent sur terre doivent le craindre" . Le lien nature-spirituel selon le Malbim met en rapport la nature selon ses lois avec la nature selon la providence. L'énergie négative d'un individu se combine aux autres pour détraquer le monde. D'où le fait qu'il faut s'habituer à louer Dieu du plus profond de soi pour empêcher que le monde n'encourage en soi les penchants négatifs.
"Ce qu'il a dit est ce qu'il y a, ce qu'il a ordonné est ce qui restera. Hachem annule les décisions des nations. Il annule les pensées des peuples." ("il renverse le conseil des nations", dit Segond, "il détruit et corrompt ce qui se décide dans la tête des peuples" écrit Salette sur un mode plus clair)
"La seule chose qui restera c'est ce qu'Hachem a décidé.Le projet de son coeur, s'étend sur des générations" "le conseil de l'Eternel subsiste à toujours et les projets de son coeur, de génération en génération" dit Segond "le conseil invariable du Seigneur demeure à jamais, ce qui est agréable à son coeur dure d'âge en âge". Segond là dessus est plus près de l'intention avec la notion de "projet".
Un petit plus donc pour Segondsur ce psaume, même si sa traduction comme celle de Salette ne permet pas de comprendre clairement que le Psaume incite à comprendre la réparation de Dieu sur plusieurs génération, quand la parole portée par l'homme n'est pas assez bonne pour le monde.
Psaume 39 : "En mi medish èo dit : jo prenerèi guarda a tot ço que jo harei etc" (je prenais garde à tout ce que je ferais), chez Segond "je disais : je garderai mes voies de peur de pêcher par ma langue" en hébreu: "Je me suis convaincu de toujours faire attention à mon comportement (mais dans Chouraqi c'est "mes routes"), et de ne pas fauter avec ma bouche, j'ai toujours essayé de faire attention de fermer ma bouche lorsque le méchant devant moi me calomnie" (Salette dit "l'inique"). Il a montré que lorsque, poursuivi par son fils Absalom se leva contre lui (2 Samuel 15) il supporta les reproches du chef du Sanhedrin sans rien dire. "Je suis resté muet" en français, puis "et oui même du bien je me suis tu" écrit Salette, le français dit "éloigné du bonheur" (ce qui n'a rien à voir) les interprètes disent "même si on pourrait penser qu'il serait bon de répondre". Salette ici fait un effort supplémentaire par rapport à la Bible de Segond, mais rate quand même le sens juif. "Mon coeur était chaud" en traduction littérale de l'hébreu, "je sentis à mon coeur une grande chaleur" chez Salette, "mon coeur brûlait au dedans de moi" en français (Salette est plus près de l'hébreu). Le Talmud dit que les reproches contre David à propos de Bethsabée glaçaient le sang dans ses veines, mais qu'il se retenait de répondre pour ne pas leur enlever une place une place dans le monde futur (car celui qui fait honte en public à quelqu'un n'a pas de place au monde futur). "Mes pensées étaient pleines de feu" chez Salette comme dans l'hébreu ("dans mon gémissement un feu s'allumait" dit Segond). "Il n'y en a qu'un seul à qui je vais parler Hachem" (Salette "A Dieu ma langue a dit ceci", Segond "Et la parole est venue sur ma langue") : "Dieu, je t'en supplie aide moi à connaître que je suis un mortel" ("connaitre ma fin" dit Segond, "montre moi ma mort" dit Salette). "Aide moi à le ressentir et aide moi à comprendre que ma vie est mesurée" - "quelle est la mesure de mes jours" chez Segond, "que je sache le contenu de mes années" : ici Segond est plus éloigné du texte hébreu où il ne s'agit pas de contenu mais les 2 perdent le "aide moi à le ressentir"... "Aide moi à comprendre à quel point je ne suis pas indispensable ("je reconnaîtrai combien je suis fragile" chez Segond, le vers n'existe pas chez Salette). "Et en vérité combien l'homme devrait se rendre compte que son existence n'est que vanité" - Segond dit "Oui, tout homme debout n'est qu'un souffle"." Certes tout homme est toute vanité" chez Salette (plus près de l'hébreu) "Un homme avance dans l'obscurité" "il passe comme l'ombre" dit Salette "l'homme se promène comme une ombre" dit Segond. Les traductions ensuite se rejoignent sur l'idée que l'homme amasse au profit de quelqu'un d'autre. "Et je n'ai en vérité qu'une seule demande, tout ce que j'attends de toi, sauve moi de la faute, et ne me laisse pas devenir comme eux une ordure" ("ne m'expose pas au déshonneur de l'insensé" dit Segond "et ne pas m'abandonner à la joie folle de ceux qui n'ont aucun entendement" dit Salette très loin de l'original).
"Aide moi à vivre que je suis mortel". La date de la fin de sa vie l'obsédait au point qu'il a forcé Hachem à lui dire qu'il mourrait un jour de Sabbat et, tous les sabbats il se scotchait à la Torah pour que l'ange de la mort ne puisse pas le prendre, ce qu'il fera à ses 70 ans quand la chute d'un arbre put le distraire de son étude. Pourquoi était-il obsédé par le jour de sa mort ? David avait toujours été refusé par ce monde parce que son âme était trop spéciale ou parce qu'il était chargé de préparer le tikkun du monde (cf Ari Ha'Kadosh/Isaac Louria). C'est pourquoi il ressentait la vanité de sa vie. Il était prisonnier des klippot (les écorces négatives du monde). Il est dit éternel et plus présent dans le monde depuis 3 000 ans que les prophètes.
Malade pendant six mois après l'affaire de Bath-Sheva quand Dieu l'a frappé et quand tout le monde s'est ligué contre lui.Selon le Sforno (1470-1550) David était un admoni, un rouquin aux yeux pleins de sang (Samuel I, Chap.16, verset 12), né avec une nature qui a effrayé Samuel et exerçait une fonction de roi qui lui interdisait de garder le silence (il aurait dû couper des têtes). Mais comme il était d'essence royale, par delà l'extériorité de la fonction, il pouvait se taire. Donc il n'est rien en tant que David, mais devant Dieu par son essence il est éternel.
Il me semble que sur ce Psaume Salette est souvent plus littéral que Segond, mais manque un peu ce besoin qu'a David de méditer sur la durée de ses jours, et donc manque cette forme de récupération de son essence royale que marquent son choix du silence et son face à face avec la mort.
Il y a donc dans l'ensemble quelques points sur lesquels Salette fait mieux que Segond dans sa traduction, mais d'autres sur lesquels il est plus simple. Beaucoup, à cause de l'arrière plan chrétien, s'éloignent de la connotation eschatologique purement juive que porte le texte hébreu. On peut se demander pourquoi il y a eu un retour aux Psaumes chez les calvinistes de la Renaissance, pourquoi ce succès des psautiers dans la liturgie. Mais je ne connais pas assez bien l'histoire du protestantisme pour répondre à cette question.