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Le blog de Frédéric Delorca

Veille de départ

27 Juin 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Période assez intéressante. Je publierai à la rentrée un petit pamphlet au Temps des Cerises, et m'apprête à partir en voyage en Transnistrie lundi avec le Dissident et Mick Collins. J'en suis ravi car le sujet m'intéresse : à l'heure où se négocie l'indépendance du Kosovo, nous avons là un Etat structuré, homogène, qui peut prétendre aux mêmes prérogatives que ce que Washington veut faire de l'Etat albanais de Serbie. L'association russe Trans-European Dialogue nous invite à y constater la situation et notamment la protection des droits sociaux (car cette enclave a conservé un fort héritage soviétique). Certains disent d'elle que c'est la "Cuba de l'Europe". Par delà les rumeurs occidentales malveillantes sur son compte, je voudrais voir comment les gens y vivent.

Le député socialiste polonais, candidat à l'élection présidentielle en 2000, Piotr Ikonowicz sera de la partie avec un cinéaste paraît-il. Il y aura aussi des Allemands.  Tous cela sera sans doute très instructif, et je me prépare à écrire de longues pages sur le sujet.

Je suis particulièrement content de prendre l'avion Paris-Varsovie (nous retrouverons le Dissident en Pologne avant de rejoindre Odessa) avec le dramaturge états-unien Mick Collins. C'est un homme formidable, résistant anti-impérialiste de toujours qui rend en ce moment des services inestimables à l'Atlas alternatif et, à 63 ans, fait preuve d'un dynamisme que ses cadets français n'ont pas. J'espère que nos témoignages sur la vie à Tiraspol aideront à comprendre des aspects méconnus de la réalité européenne.

Affaire à suivre...

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Philosophie bourgeoise

14 Juin 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Dialogue avec un ex-prof de philo devenu bureaucrate aujourd'hui. Nous parlions du film sur Vergès, et du combat de Jamila Bouhired.

Lui : "Mais c'est horrrrrrrrible. Elle a commis des attentats qui ont tué des gens !!!

Moi - Parfois la violence se justifie face à une situation coloniale intolérable.

Lui (rigolard, arrogant) - Mais tout ça pour ça, pour ce qu'est devenu l'Algérie !

Moi - Oui, elle est devenue un client du FMI, mais peut-être justement parce qu'il n'y avait pas assez de Jamila Bouhired dans ce pays !

Lui - Alors si le choix c'est entre le fanatisme et la corruption moi je dis joker !".

En écoutant parler ce pauvre homme, encroûté dans son train train quotidien, j'ai compris pourquoi je devais me défier de la philosophie, ou du moins de l'usage que notre époque en fait. Passe encore qu'il confonde adhésion au FMI et corruption (l'adhésion au FMI c'est la compromission avec le néo-colonialisme, une réalité différente de la corruption). Mais le pire était ce raccourci incroyable entre résistance armée au colonialisme et fanatisme.

"Fanatique" pourquoi ? parce qu'elle tuait, dans les discothèques, des bourgeois européens insouciants qui jouissaient en tout inconscience du système colonial sur le dos de son peuple ? parce que l'être humain civil est par nature un innocent même s'il se complaît dans sa fatuité sotte, et cautionne par ce comportement les systèmes sociaux les plus horribles ?

"Fanatique", en vérité, parce que cette femme avait des certitudes, parce qu'elle a poussé le sens de la dignité jusqu'à tuer, voilà ce que lui reprochait en fait le bureaucrate, qui lui-même se définit comme un "tiède". Dans la tiédeur rampante de cet homme, celle qui le fait tous les jours ployer devant des chefs médiocres, et adhérer aux pires absurdités du système dominant (dans son boulot, en politique), se glisse une arrogance qui en aggrave l'abjection : celle du philosophe (ou de l'ex-philosophe) qui se croit supérieur, parce que lui a le sens du doute, ce que ces "fanatiques" sont censés ne pas avoir.

Je le dis toujours : la guerre du Kosovo fut mon école politique. Au début, en juillet 1998, j'étais moi aussi un bureaucrate, et je me prétendais philosophe. Et, contre mon correspondant serbe qui proclamait que la Serbie ne commettait pas de génocide au Kosovo et que tout cela n'était qu'une manipulation des grandes puissances contre son pays, j'objectais, moi aussi, le principe arrogant du doute. Skeptomai. Mais j'ai très vite compris qu'il fallait aussi savoir trancher, hiérarchiser les arguments, les témoignages, et placer certaines valeurs, comme la vérité, la dignité humaine, la justice, le courage au centre de tout, et au dessus du doute.

Je n'ai plus supporté ensuite, tous ces pauvres ignares qui, parce qu'ils lisaient Le Monde chez eux le soir, se croyaient supérieurs aux autres, et, devant mes convictions anti-systèmes s'exclamaient : "que diable as-tu fait de ton doute philosophique !". Ces gens déshonoraient la philosophie. Qu'on relise la Vie de Dion ou celle de Caton d'Utique de Plutarque. Et l'on verra comment les vrais philosophes placèrent les valeurs supérieures de l'humanité au dessus du doute.

Jamila Bouhired s'inscrivait dans leur lignée, dans le sillage de Socrate. Et mon bureaucrate arrogant stupide, avec son doute de pacotille adapté aux intérêts de sa caste, est dans le camp de ceux qui fournissent la ciguë.

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Laure Adler et Gilles Châtelet

13 Juin 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Lu dans Libération du 12 juin, le compte-rendu du procès d'Antoine Lubrina, ex-instituteur à Fleury-Mérogis, membre fu PCF, président du Rassemblement des Auditeurs Contre la Casse de France-Culture, accusé par Laure Adler (ex directrice de France Culture) de l'avoir représentée en caricature portant sur une pancarte l'écriteau "Vivre et penser comme des porcs" (http://www.liberation.fr/forums/forum.php?Forum=621). Libé explique que la docte directrice n'avait jamais entendu parler de ce brillant essai du regretté Gilles Chatelet et a pris la caricature pour une insulte ad hominem. L'ACRIMED soutient le combat d'Antoine Lubrina - un habitué des procès pour les causes de gauche http://www.conflits.org/document1584.html#ftn5 - contre l'entreprise de sabotage de la radio du Service public, France Culture - entreprise dont Laure Adler, selon lui n'aurait été qu'une exécutante (www.acrimed.org/article2377.html et http://www.broguiere.com/culture/chronique.htm).

Voilà en tout cas l'occasion de rappeler l'oeuvre de l'impertinent mathématicien trop tôt disparu. Bizarrement le journal Libération complimente au passage l'essai de Châtelet qu'il qualifie de "féroce et réjouissant"  en omettant qu'il fait partie de la cible de ce livre...

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Charles Barron / Connie Mack

11 Juin 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les Stazinis

J’apprends toujours beaucoup sur notre monde en rédigeant les nouvelles du blog de l’Atlas alternatif. Hier j’ai découvert d’existence de Charles Barron, conseiller municipal démocrate du 42 ème district de New York, et son débat bref mais intense avec le député républicain de Floride Connie Mack, l'homme du lobby des millionnaires cubains de Miami sur Fox News (repris sur You tube). Il suffisait de regarder la tête de ces deux hommes pour voir lequel des deux était le plus honnête. Et, bien sûr, cela se confirmait en les entendant. J’ai découvert sans grande surprise que le député de Miami avait été à l’initiative de tout ce qui, au cours des quinze dernières années, en matière de dispositif légal imposé par les USA, avait pu nuire au peuple cubain et à l’émancipation des peuples d’Amérique latine.

Je me suis renseigné du coup sur Charles Barron. J’ai appris qu’il avait été membre des Black Panthers. J’avoue ne pas connaître grand-chose à ce mouvement, bien que le Temps des Cerises, si je me souviens bien, leur a consacré un bouquin. Je me souviens que Diana Johnstone en avait connu certains militants, et n’en disait pas que tu mal. Romain Gary aussi (un gaulliste pourtant) les traite avec une certaine sympathie, je crois, dans Chien Blanc, alors que l’histoire officielle passe son temps à stigmatiser leur « extrémisme ». Depuis ma jeunesse je n’entendais jamais parler que de « repentis » de ce mouvement. Avec Charles Barron nous avons au moins un homme qui essaie de faire quelque chose de constructif sans renier son credo anti-impérialiste de jeunesse. Pas étonnant donc que les textes qui parlent de lui sur Internet l’accusent de toutes sortes de maux, à commencer par le « racialisme » - certains parlent surtout de racisme.

J’observe tout d’abord qu’il ne doit pas être facile de faire de la politique en tant que noir aux Etats-Unis, même aujourd’hui, et même quand on est un « oncle Tom » - ainsi les appelait Mugabe – comme Collin Powell ou Condolezza Rice. Il doit falloir se faire une bonne autosuggestion quotidienne pour se dire qu’on est à sa place, qu’on est malgré tout fidèle à ses ancêtres, que les Etats-Unis peuvent devenir un jour, sans révolution de ses structures, un pays réellement multiracial, un pays qui pourra cesser d’avoir 50 % de Noirs dans sa population carcérale, et qui cessera d’opprimer les Noirs d’Amérique du Sud et d’Afrique. Ce doit être d’autant plus dur quand on a face à soi en permanence des Connie Mack qui, comme le dit Barron dans le débat, incarne la « suprématie de l’homme blanc » avec la pire des arrogances, et une horrible mauvaise foi.

On m’objectera peut-être qu’un engagement universaliste à gauche ne devrait pas prendre en compte la spécificité des couleurs de peau, le racialisme étant l’anti-chambre d’une dérive vers l’extrême-droite. Mais ce serait faire preuve d’un irréalisme complet. On ne peut pas faire comme si les gens n’avaient pas de couleur, ni comme si un député noir valait un député blanc dans l’imaginaire des gens ordinaires. Le communisme soviétique a échoué à éradiquer le racisme de sa sphère d’influence à force de l’ignorer et de le noyer dans un internationalisme artificiel. Pour affronter le problème des discriminations raciales, comme des discriminations de genre, il faut commencer par les intégrer comme des données identitaires importantes du débat politique. Et, même si les militants de la cause noire, comme les militants du féminisme, dérapent parfois dans le communautarisme, on ne peut pas en tirer argument pour nier cette dimension objective des rapports humains dans le débat politique.

Puisque nous parlions du Venezuela dans cet article, j’observe que la révolution bolivarienne elle-même a décidé de prendre en charge cette thématique. Je crois me souvenir qu’il y a quelques mois un article de la revue du MRAP abordait cette question : Chavez, en jouant de son propre métissage, se pose en défenseur des gens de couleur. Je ne crois pas qu’on doive l’en blâmer. Le réalisme l’y oblige. Il ne peut pas faire comme si les gens les plus opprimés de son pays n’étaient pas en même temps les plus colorés.

A part cette question du racialisme, on reproche à Barron ses accointances avec Mugabe et Castro. Mugabe et Castro sont sur la scène mondiale dans la même position d’un Charles Barron face à un Connie Mack sur la scène de Fox News. Ils jouent une partie inégale face à un joueur malhonnête (le système politico-économique issu de la révolution capitaliste occidentale) qui a tous les atouts dans sa manche. On peut facilement ensuite leur reprocher leurs faux pas. C’est comme si l’on organisait une course entre un homme à pied et un homme à cheval et si l’on reprochait au premier de chanceler après avoir franchi la ligne d’arrivée. Moi, je trouve que l’alliance entre Barron, Castro et Mugabe – qui n’est d’ailleurs sans doute pas une alliance solide, forgée à coups de dollars comme l’en accuse Connie Mack – a quelque chose de profondément respectable, au milieu du cynisme de ce monde, quels que soient les défauts respectifs de ces trois hommes et des politiques qu’ils incarnent.

J’observe au passage que nous n’avons pas, nous, en France, des élus qui ont conquis de haute lutte des districts miséreux, composés d’underdogs, de laissés-pour-compte basanés, et qui portent une voix anti-impérialiste dans les grands médias. Aux Etats-Unis il y a Charles Barron, en Grande-Bretagne George Galloway. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, que je garde pour une autre fois.

Pour terminer je voudrais signaler aussi à quel point nous ignorons l’histoire des dominés, la façon dont ils l’ont vécue, la manière dont ils la racontent. J’en ai pris conscience davantage encore samedi dernier en allant voir le très bon film de Barbet Schroeder sur Me Vergès. Le film parle abondamment de Jamila Bouhired (qui fut l’épouse de Me Vergès), ce qu’elle a représenté pour les indépendantistes algériens, pour les Palestiniens, pour tout le Tiers-monde en révolte au tournant des années 1960. J’avoue ne jamais en avoir entendu parler auparavant. Il est vrai que j’ai grandi dans la culture bourgeoise de Sciences Po et des médias. Mais j’ai regardé sur Internet. Les mentions de ce nom y sont des plus rares. J’ai regardé le livre d’Annie Cohen-Solal sur la vie de Sartre. Elle y détaille sur trois pages le procès du réseau Janson (dont Barbet Schroeder ne dit rien), fait référence au rôle qu’y tint Vergès, mais ne cite le nom de Jamila Bouhired qu’une fois en passant dans la liste de condamnés à mort sans un mot sur le symbole qu’elle a représenté.

Cette ignorance de l’histoire des peuples colonisés devrait inciter tout le monde (et notamment les dominants) à la plus grande modestie à leur de se prononcer sur les grands problèmes de notre temps…

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Crossroad

8 Juin 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Je suis tout à fait bluffé en ce moment par l'arrogance des gens de droite et du centre (y compris l'aile droite de parti socialiste) à l'égard des forces de gauche. C'est un mélange de méchanceté, de conformisme, de lâcheté, de malhonnêteté et de bêtise qui fait froid dans le dos. Mélenchon sur son blog se plaint d'être maltraité par l'aile droite de son parti, mais en vérité c'est tout ce que notre pays compte d'imbéciles de droite qui se déchaîne en ce moment, fort du soutien de notre cher peuple versatile qui s'apprête à accorder une chambre bleue-horizon à l'UMP.

La foi de tous ces gens dans ce système prédateur du capitalisme, dans son exploitation des hommes et de la nature, dans les guerres qu'il provoque, serait touchante et risible s'il n'y allait pas de notre survie collective, et notamment de celle de millions de gens dépourvus de tout. Les plus risibles sont ceux qui crachent leur mépris sur un Chavez, un Nasrallah, et sur les peuples qui ont placé leur confiance en ces hommes. A la différence des léninistes dogmatiques d'autrefois nous n'avons hélas plus la certitude eschatologiques que tous ces abrutis cyniques et suffisants seront balayés par le Sens de l'Histoire. Avec Chomsky nous pouvons seulement dire que le jeu est ouvert. L'homo sapiens peut collectivement prendre cette canaille comme modèle, l'imiter, adopter ses valeurs de mépris et de compétition égoïste, ou, au contraire, faire le choix (toujours difficile, exigeant) de l'égalité et de l'intérêt collectif. Le jeu est ouvert et il le sera toujours, même si temporairement une époque peur sembler favoriser une option et la suivante une autre. Il sera ouvert, mais, sans cesse, avec une tendance lourde qui privilégiera les cyniques conservateurs : parce que c'est le choix de la paresse intellectuelle, le choix que tout un chacun a toujours mille raisons de privilégier, du plus pauvre au plus riche - le plus pauvre parce qu'il n'a plus la force de penser en termes politiques, le plus riche parce qu'il n'en a pas besoin... C'est à chacun d'oeuvrer, pour que ça ne dérive pas davantage, pour que le Parti de la paresse intellectuelle, du mensonge, de l'arrogance et du mépris ne marque pas davantage de points.

Un défi terrible à relever, en vérité...

Puisque rien n'est écrit d'avance, puisque l'Histoire ne garantira rien, cela fait peser sur tout le monde une responsabilité éthique bigrement lourde.
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