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Le blog de Frédéric Delorca

Bailando

29 Novembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

J'intervenais hier sur la Côte d'Azur dans un colloque organisé par le département de danse d'une université régionale dont la plupart des membres sont des danseurs et chorégraphes qui essaient de théoriser leur activité. Les professionnels d'une activité qui se mettent à la théorie sont généralement très appliqués à adopter le vocabulaire dominant des autres disciplines mais aussi souvent frustrés par les limites de l'apport de ces disciplines appliqué à leur domaie de pratique, et donc toujours ouverts à de nouveaux apports théoriques pour combler ce manque. C'est ce qui m'a permis de placer dans cet espace mes théories liées à la psychologie évolutionniste. Ma thèse selon laquelle la culture n'est qu'un sous-ensemble de la nature, et le mot qu'on applique finalement à la partie des interactions et représentations naturelles les plus complexes et les plus difficiles à expliquer par la seule méthode des sciences naturelles ordinaires a intéressé, bien que l'auditoire fût loin de pouvoir en tirer toutes les conséquences (seule une partie était prête à accepter l'idée que les singes dansent aussi, par exemple, mais une partie c'est déjà bien. On m'a invité à revenir ce qui est bon signe.

Dans la journée j'avais assisté à des sessions de recherche appliquée, notamment une dans laquelle un directeur de département chorégraphique déployait toutes ses installations techniques (informatiques) pour "capter" la présence sensorielle du danseur au delà de son enveloppe charnelle et la faire exister dans l'espace simultanément à sa performance.

L'idée est intéressante (c'est presque de la métaphysique appliquée, ou du Eric Olson appliqué, bien que le théoricien n'eût pas du tout ce genre de référence en tête), mais il est étonnant de constater que des gens consacrent des mois, des années de leur vie à cela, en balançant du Spinoza et du Deleuze pour le justifier (d'ailleurs pourquoi depuis quarante ans tout le monde est il resté sur ce vocabulaire et ces références, y compris chez les plus jeune ? n'est-ce pas le signe d'une "panne" intellectuelle de la philosophie française ?).

Quel rôle ces gens jouent-ils dans la société ? J'ai songé à ces prêtres que toutes les sociétés ont nourris pour remplir des rituels, c'est à dire des actes quotidiens de préservation d'un ordre symbolique. Maintenant que l'ordre (religieux) de nos valeurs s'est inversé, que l'innovation a remplacé la préservation comme dogme qui fonde l'ordre social, les nouveaux prêtres (ou une partie des nouveaux prêtres car il y a plusieurs congragations) sont cette caste de théoriciens qui branchent des percepteurs sensoriels sur le corps de leurs danseuses, ou tentent de faire de la peinture en équilibre au dessus du vide ou que sais je encore. Toutes sortes d'organismes nationaux et régionaux les paient pour cela, ils courent d'un colloque à l'autre, pour exposer leur activité et les conséquences théoriques qu'ils en tirent. Le profit cognitif (et même le gain philosophique) de leur activité est faible mais ils participent d'un rituel, et à ce titre, confortent la solidité symbolique d'une société qui veut se penser comme perpétuellement en mouvement, en recherche, en création, autant que les sociétés anciennes se voulaient attachées à la conservation de ce que Dieu ou les dieux leur avaient donné.
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Le Guernika sans Picasso et revue de presse

25 Novembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Revue de presse

En 2005 Bricmont avait qualifié Foulloujah en Irak de "Guernika sans Picasso" pour souligner combien dans le monde actuel les pires crimes pouvaient être commis dans l'indifférence et même l'ignorance générales. L'article http://www.rebelion.org/noticia.php?id=95588 sur les bébés difformes qui naissent dans cette ville à cause des armes américaines qui ...y ont été utilisées ne fait que confirmer cette triste réalité. Si vous ne lisez pas l'espagnol, utilisez le traducteur Altavista. Un jour vos enfants vous demanderont ce que vous avez fait pour dénoncer les crimes américains en Irak.

A part cela notons en vrac des articles intéressants sur les divisions du monde arabe révélées par le dernier match de foot Algérie-Egypte, et un non moins intéressant article de Ian Hamel sur le dernier livre d'Esther Benbassa "Comment peut-on être juif après Gaza ?"

A noter aussi (parce que nous commémorons les 30 ans de la chute de Pol Pot), cet article de Pilger sur les liens entre l'Occident et les Khmers rouges et le rôle libérateur (toujours minimisé) des communistes vietnamiens au Cambodge.

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Blogs, définition d'une juste voix, communautarismes, cohésion globale

24 Novembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

J'ai reçu depuis avant-hier divers courriers me reprochant ma décision de suspendre les activités de ce blog. Certains m'ont fait remarquer, à juste titre, que si les blogs enferment auteurs et lecteurs dans le virtuel, supprimer son blog ne fera pas revenir les gens dans le réel pour autant, et laissera plus de latitude à d'autres blogs, moins justes (même si personne ne peut prétendre avoir le "ton juste" par excellence).

J'avoue que je suis sensible à leur argument, et j'admets qu'un abandon pur et simple serait par trop égoïste.

Faire de la politique sur la place publique, définir une position et en témoigner, est un art difficile.Je vous ai parlé il y a quelques mois d'une amie qui dirige un asile d'aliénés (ça ne s'appelle plus comme ça mais peu importe). Elle m'écrivait encore récemment qu'elle ne comprenait rien à la politique même si elle en subissait les conséquences chaque jour en termes de réduction des crédits pour son intitutions et pour le soin des malades. Je ne comprends pas qu'on puisse se vanter de refuser la politique. Car c'est une facilité. En revanche je conçois qu'on la trouve compliquée. Car c'est en effet un exercice délicat. Les questions ne sont jamais simples. On ne peut pas se contenter de dénoncer les crimes qu'on constate chaque jour. Il faut imaginer des alternatives, et concevoir des moyens pour que ces alternatives entraînent "un peu moins de crimes" que le système auquel on s'oppose (la politique n'a rien à voir avec des solutions idéales).

Trouver le ton juste pour des alternatives réellement défendables, ou du moins essayer, est un devoir auquel il est trop facile de se dérober. Et il faut le faire sur Internet aussi, parce que là aussi se rencontrent des errements auxquels il faut savoir résister. Et donc à cause de ça je reprends ce blog.

Ce soir je lisais sur Facebook un commentaire d'un garçon qui disait "Il y a vieil adage algérien qui dit que "Si tu es vraiment détesté, tu le resteras même si tu te tremps dans du miel". Il vaut mieux que Tariq Ramadan cesse de tenter de se faire passer pour une sorte de "fourest compatible"!". C'était une réaction à une citation de Khaled Satour : "Faire montre, donner des gages, voilà d’ailleurs à quoi Tariq Ramadan s’est appliqué sans cesse : il adore la culture et la littérature françaises, il est un défenseur de la laïcité, il aime la France, il voudrait même devenir français. Autant d’aveux qui lui furent arrachés dans un climat de discussion de comptoir tournant parfois à l’interrogatoire de garde à vue où les sommations pleuvaient sur lui de toutes parts. Aura-t-il pour autant convaincu ses détracteurs ? Ne sait-il pas, depuis si longtemps, que ses assauts d’honorabilité télévisuels s’apparentent à l’épreuve de Sisyphe et que son incontestable talent de débatteur ne lui fera jamais remporter que des victoires médiatiques sans lendemain ?"

Je sais que la question de la compromission médiatique est très sérieuse (aussi sérieuse que celle de la compromission internautique). Mais je ne comprends pas la formulation de Satour. Reproche-t-il à Ramadan d'afficher son intérêt pour la culture française ? Personnellement je ne trouve pas que Ramadan se montre "fourest compatible", et il a raison de ne pas se lancer dans des stratégies de rupture stériles. S'il aime la culture française ce n'est pas une honte, et il aurait tort de le renier. Toussaint Louverture aussi a aimé la culture française dans ce qu'elle a de potentiellement universel. Je l'ai aimée aussi bien qu'elle ait interdit à une moitié de ma famille de parler l'occitan et ait placé une autre moitié dans des camps de concentration en 1939 (des réfugiés espagnols) - je précise cela pour ceux qui seraient un peu trop tentés de m'envoyer au diable du fait que j'aurais moins subi les effets négatifs de l'impérialisme français qu'eux. Il est bon de savoir être soi même tout en étant ouvert aux autres, y compris à ses persécuteurs. C'est un signe de force morale. Je vois beaucoup de gens parmi les intellectuels issus de l'immigration postcoloniale (on ne sait plus comment nommer cette catégorie sociale) refuser agressivement l'universalisme. Ce n'est pas la bonne approche. Bien sûr l'universalisme abstrait ne vaut rien, mais dire que seules les femmes violées peuvent dire quelque chose de pertinent sur le viol, seul les noirs issus de famille d'esclaves peuvent parler de la traite etc tout cela n'a pas de sens, et ne mènera à rien. De même que ne mène à rien par exemple cette indignation sélective d'un collectif musulman contre des exécutions d'Ouïgours et de Tibétains en oubliant bizarrement (et dans une logique bien communautariste) de citer aussi les Hans qui ont été exécutés, comme si eux n'étaient pas aussi dignes de solidarité (voir l'intéressant prolongement de cette réflexion sur le blog de Bernard Fischer en terme de vision du rapport entre Chinois et Musulmans). Et voilà le genre de propos qu'il faut tenir sur un blog pour contribuer à garder ce qu'on considère comme un juste cap, et un ton juste, dans le combat anti-impérialiste.

J'aurais beaucoup de choses à vous dire en ce moment car ce que je vis au jour le jour est très riche. C'est une des raisons lesquelles d'ailleurs je voulais abandonner ce blog, mais ne le puis. Il y a tous ces paradoxes des identités postcoloniales que j'affronte dans la ville ou je travaille.

Il y a tous ces gens d'origine maghrébine qui me parlent de leurs aïeux morts pour la France et rappellent qu'à cause de cela ils sont "plus français que Sarkozy". Il y a ce responsable d'une association de "hip hop" (ça existe encore) dont je ne connais pas l'origine culturelle (probablement l'Afrique subsaharienne) mais qui rêve de mener une action de coopération avec le Maroc. Quand je lui dis "Nous on voudrait organiser quelque chose sur l'Algérie". Il me répond : "ah oui, l'Algérie, oui pourquoi pas ? j'avoue que nous on a pensé au Maroc principalement à cause des publicités pour le tourisme". N'y a t il pas là une perversion de l'élan de solidarité par le capitalisme ?

Personnellement je n'apprécie guère la coopération nord-sud telle qu'elle existe (car c'est de la charité, et de la charité intéressée). C'est pourquoi je vais peut-être faire prochainement la recension du livre "En finir avec la dépendance à l’aide" de Yash Tandon (http://www.cetim.ch/fr/publications_details.php?pid=172). Mais je dois reconnaître qu'elle est actuellement un moyen essentiel d'initier les jeunes à l'internationalisme et de défragmenter leur imaginaire. Dans l'action concrète on ne peut faire l'économie d'un investissement dans cette dimension. C'est d'ailleurs ce que font aussi les Cubains, qui eux ont inventé semble-t-il une coopération vraiment altruiste, non condescendante, puisqu'ils lui consacrent une part très substantielle de leurs faibles ressources économiques. L'ambassadeur cubain Orlando Requeijo que j'ai rencontré il y a peu décrivait avec lyrisme ces centaines de pauvres descendus des montagnes en Haïti pour se faire soigner à l'hôpital cubain bien que les médias de droite sur les radios privés accusassent les chirurgiens cubains d'être des bouchers et de "casser le marché de la santé".

 

Et l'espace d'action pour la coopération est infini. Une dame hier qui mène un projet dans l'Est du Sénégal parlait de ces contrées horribles où il fait 48 degrés à l'ombre, où des mouches "pisseuses" infligent sur la peau des brûlures au cinquième degré, où seulement 150 enfants sur 500 ont accès à l'école, où les savoirs sont si déstructurés que les lits sont bancals parce qu'on ne sait pas mesurer les planches, et personne ne sait changer une rustine. D'un point de vue philosophique le sens de la vie de cette partie là de l'humanité - et ils sont des centaines de millions - pose autant de questions que celui du type qui a vécu 25 ans dans un état diagnostiqué à tort comme comateux, alors qu'il était conscient de tout mais ne pouvait rien exprimer. Or aucun système politique digne de ce nom ne devrait légitimement ignorer ce "poids mort" de l'humanité, toute cette masse de gens qui vivent dans un état pire que celui de nos bêtes, et ce à quelques kilomètres seulement des quartiers très riches de Dakkar. Des hommes comme Hugo Chavez ont fait de ces pauvres, de ces sans-voix, la boussole de leur politique, au niveau national, mais aussi international (il s'intéresse d'ailleurs de plus en plus à l'Afrique à cause de cela). Tout politicien digne de ce nom devrait faire de même. Et plutôt que de placer le soldat Shalit (voyez la glorieuse visite de Kouchner à sa famille au mépris de celle de Salah Hamouri) ou le bien être de nos banques au centre de leurs préoccupations, c'est à la reconstruction de la cohésion de notre humanité que nos gouvernants devraient travailler en priorité. C'est sur ce critère là que toute la réflexion devrait s'articuler.

Mais comme nous en sommes loin, et comme les idées restent confuses ! La lectrice de ce blog Catherine attirait mon attention avant hier sur le texte d'un Russe en faveur d'une réorientation de nos économies libérales(http://globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=16200). La semaine dernière je recevais une délégation chinoise qui voulait copier le système de protection sociale français, mais ils prônaient aussi dans le même temps la privatisation de la gestion des parcs d'activité industrielle au nom du "pragmatisme". Chez beaucoup la cohérence semble très difficile à tenir.

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Fermeture du blog

22 Novembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

L'activité de ce blog est suspendue sine die. Je remercie celles et ceux qui l'ont lu, commenté et soutenu depuis sa date de création le 21 octobre 2006.

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Recalibrage de mes activités

20 Novembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Je m'en excuse auprès des lecteurs de ce blog qui le consultent pour avoir des informations générales sur le monde, mais ce site est censé aussi informer les lecteurs du devenir de mes petits livres et de mon itinéraire.

Je fais donc le point ce soir (ou ce matin, puisqu'il est presqu'1 heure du matin), de retour d'une séance de signatures à laquelle presque personne n'est venu (malgré 50 promesses de visites sur Facebook). Je vais recalibrer mes activités en format très réduit et souterrain. J'ai envoyé à mon éditeur mes deux derniers manuscrits (qu'il ne publiera pas avant longtemps de toute façon, compte tenu de la faible affluence des lecteurs vers mes livres) et renonce pour longtemps à ce travail d'écriture auquel j'avais presque failli croire lors de la publication de "La révolution des montagnes". J'écrirai peut-être à l'occasion sous forme de livre un petit compte rendu de voyage en Abkhazie s'il est confirmé que je m'y rende prochainement (mais ce n'est pas sûr), et rien de plus (seuls ces petits travaux de journaliste sont appréciés par les lecteurs à cause de leur contenu informatif mais je les trouve personnellement assez dépourvus d'intérêt à la longue). De même je continuerai à l'échelle artisanale mon activité anti-impérialiste à Brosseville. Mais très modestement, et avec beaucoup de scepticisme (vu tous les biais que je découvre dans les stratégies et tactiques des groupes de "résistants"). Conséquence de mon recalibrage d'activité à un niveau très humble et invisible, le présent blog devrait prochainement se tarir, de sorte que j'invite d'ores-et-déjà ses rares lecteurs à l'éliminer de leurs signets et se reporter sur des sites plus utiles.

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