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Le blog de Frédéric Delorca

Au delà d'Attac

29 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La gauche

La publication récente d'une thèse (pas très passionnante) sur Attac m'a donné l'occasion de rédiger un petit compte rendu sur Parutions.com que je livre à votre réflexion sur http://parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=94&ida=8206.

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Une polémique autour de Bricmont/Chomsky

23 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Publié dans Libération le 21 mai :

Dans La vraie histoire du site Tout sauf Sarkozy
Par Jean-Yves CAMUS, lundi 21 mai 2007.

"Il existe, à droite du FN, une mouvance groupusculaire glauque qui peut se reconnaître à la fois dans les écrits de son propre camp, dans ceux d'un disciple de Noam Chomsky comme Jean Bricmont et de nationalistes arabes comme René Naba. Cela peut s'appeler la nébuleuse «rouge-verte-brune» et cela existe depuis plus de trente ans. Cela n'est nullement la gauche. " 

Précision de Bricmont censée paraître sous forme de droit de réponse :

"Je ne sais pas quelle notion de "nébuleuse" permet à Jean-Yves Camus de m'associer, avec Noam Chomsky, que je connais bien, et René Naba, que je n'ai pas l'honneur de connaître, à "une mouvance groupusculaire glauque", "à droite du FN" qui se reconnaîtrait dans mes écrits. Mes textes politiques sont en libre circulation sur internet. La question de savoir si je suis associé à X ou Y sur tel ou tel site m'intéresse autant que de savoir si, dans une vie antérieure, j'ai fréquenté des trotskystes en Espagne en 1936. Mon petit article repris par le site "Tout sauf Sarkozy", ainsi que par d'autres sites, essayait de convaincre les électeurs d'extrême gauche de voter pour Royal, en concluant: "La « gauche de gauche » doit utiliser le 1er mai pour lancer une gigantesque mobilisation contre Sarkozy, non pas en effrayant les gens par des discours radicaux, comme elle aime tant le faire, mais en expliquant patiemment que sa politique non seulement ne va pas sauver la France, mais, au contraire, va en faire le dernier pays à subir l’expérience amère d’une thérapie de choc et d’un alignement sur Washington qui sont peu à peu rejetés partout ailleurs." Si être opposé à l'impérialisme américain et au colonialisme israélien revient à être "à droite du FN", alors il faut bien constater que la majorité de l'humanité est "à droite du FN". La victoire de
Sarkozy-Kouchner ne fera d'ailleurs qu'isoler la France et accentuer son déclin, dont l'un des symptômes est que la moindre tentative de débat politique y risque d'être prise dans les rêts d'une police de la pensée, se livrant à des amalgames absurdes, mais qui peuvent néanmoins être publiés dans des journaux qui se veulent sérieux. "

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Le mur des médias...

16 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Le mur des médias a parfois des failles. Peu de temps après la publication de mon article sur l'Atlas alternatif dans l'Humanité Dimanche un journaliste d'RMC a laissé un message sur mon répondeur. Manque de chance je ne l'ai rappelé que trop tard. Il avait déjà bouclé son reportage. Il voulait avoir mon avis sur la politique étrangère de Nicolas Sarkozy.

Cela dit je suppose qu'après m'avoir laissé parler trente secondes sur RMC on m'aurait définitivement interdit d'antenne sur toutes les autres radios. Mais bon, nous avons une fois de plus la preuve que le verrouillage ne fonctionne qu'à 90 %... pas 100 %...

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Les tenir en respect...

16 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Nous autres qui nous sommes fermement opposés au bombardement de Belgrade en 1999 (*) et aux calmonies sur la Yougoslavie de Milosevic (je veux dire nous autres les 1 % d'esprits de gauche sincèrement révulsés par ce que l'OTAN a osé faire dans les Balkans), gardons une forme de solidarité entre nous. Même si nous ne nous voyons guère, nous réagissons à l'unisson aux grandes mobilisations émotivo-totalitaires de notre époque, et continuons de porter un regard critique sur ce qu'il se passe sur les bords du Danube (dont le reste de l'opinion publique française se moque éperdument).

Je n'ai donc pas été surpris de recevoir avant-hier le mail suivant de Marc-Antoine Coppo :

" Soulagement à Washington, Bruxelles et dans les médias bien-pensants : le spectre de Slobodan Milosevic est retourné dans son cercueil.

Après plusieurs mois d'atermoiements et l'inquiétante élection d'un proche de Vojislav Seselj à la présidence de la Chambre des députés, les choses se sont finalement arrangées en Serbie : les gentils démocrates pro-européens se sont enfin entendus pour former un gouvernement de bric et de broc, et renvoyer les affreux ultra-nationalistes pro-russes dans l'opposition. La normalisation se poursuit. Ouf, on respire !  "

La première phrase fait allusion à l'exclamation du présentateur du journal de France Culture " Milosevic n'est pas mort !" lors de la proclamation des derniers résultats électoraux à Belgrade.

Les humiliations à l'encontre de la Serbie se multiplient à longueur d'années dans l'indifférence générale. Voilà six mois que ce pays n'avait pas de gouvernement tout simplement parce que l'Union européenne s'évertuait à empêcher la formation d'une coalition entre le parti de Kostunica et celui de Seselj. L'UE étant habituée à gouverner dans un mépris souverain à l'égard des peuples à l'intérieur de ses frontières, agit de même à l'extérieur. Elle diabolise donc tout ce qui n'entre pas dans son mode de pensée : le Hamas en Palestine, le nationalisme serbe. Mais qu'espère-t-elle obtenir de la sorte à part précisément exaspérer les peuples et radicaliser toujours davantage les mouvements auxquels elle s'oppose ? 

Comme le disait je ne sais plus qui à propos de la Palestine : "Vous n'avez pas voulu négocier avec Arafat et vous avez maintenant en face de vous le Hamas ; vous ne voulez pas négocier avec le Hamas, et vous aurez en face de vous le Djihad islamique ; vous ne voudrez pas négocier avec le Djohad islamique, et vous aurez en face de vous Al Qaida ". De le même manière on peut affirmer à propos de la Serbie : "Vous n'avez pas voulu laisser le parti socialiste gouverner la Serbie, et vous avez aujourd'hui l'extrême-droite serbe qui devance les autres partis politiques. Vous voulez empêcher l'extrême droite de gouverner avec Kostunica, et demain c'est une nouvelle guerre que vous aurez dans les Balkans"

Que l'on me comprenne bien. Je n'ai jamais eu une grande sympathie pour le Parti socialiste serbe qui avait ses défauts, et je n'en ai pas pour l'extrême-droite. Mais on ne gouverne pas dans l'hystérie moralisatrice. Quand un peuple soutient une tendance politique, il faut en premier lieu analyser froidement le phénomène (pas le diaboliser), en second lieu respecter les choix de ce peuple et voir ce que l'on peut faire avec cela pour éviter que ce ne soit pire. Mais l'Union européenne qui pourtant se gargarise du mot "respect" agit exactement à rebours. On diabolise et on réprime d'abord, on réfléchit ensuite.

Le seul peuple des Balkans auquel est reconnu - et chez qui est même encouragé - le droit à être gouverné par des extrémistes nationalistes est le peuple albanais du Kosovo dont nombre de dirigeants, ex chefs de l'UCK responsables de nombreux crimes de guerre, n'ont jamais été inquiétés par le Tribunal pénal international. Et, comme l'Union européenne aime récompenser le vice, elle leur promet l'indépendance en prime.

Je prépare un bouquin de souvenirs sur le combat anti-OTAN de 1999. Je vous tiendrai au courant.

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(*) Rappelez vous que Claude Lanzman a  qualifié ce scandale "d'Affaire Dreyfus du XX ème siècle"

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A propos de deux "CR" de Nicolas Plagne

16 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Jean Bricmont le rappelait encore lundi dans le cadre de l'émission que Daniel Mermet consacrait à Noam Chomsky : un intellectuel doit démêler le sens des thématiques dominantes à partir d'un point de vue indépendant. Voilà qui n'est pas très facile à notre époque où l'invective et le cliché remplacent souvent le débat.

Il faut malgré tout tenir le cap.

Dans le cadre de ses critiques de livres sur Parutions.com, Nicolas Plagne s'est essayé à l'exercice "chomskyen" sur deux sujets sensibles dans les débats : la manière dont notre époque traite le thème du nazisme http://parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=92&ida=8138, et la façon dont s'est construite la culture juive http://parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=91&ida=8165.

Je pense qu'en bon intellectuel de gauche libre il a raison de tenter ce genre d'analyse et de questionner le consensus mou qui laisse à l'extrême droite le monopole de la critique.

J'observe que l'ouvrage d'Esther Benbassa, directrice de recherche à l'EHESS, interviewée sur oumma.com (http://www.oumma.com/spip.php?article2045&var_recherche=benbassa) est également salué comme "une bouffée d’air pur" (http://www.oumma.com/spip.php?article2417). Il parait que Régis Debray l'a soutenu aussi dans le Nouvel Observateur - il a coutume par ailleurs de citer souvent Benbassa.

N'ayant lu aucun des deux bouquins en cause, je réserve pour l'instant mon avis à leur sujet.

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L'Humanité Dimanche

10 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

J'ai attiré l'attention de la rédaction de l'Humanité Dimanche il y a quelques mois sur l'existence de l'Atlas alternatif. Ils m'ont donc accordé de publier une tribune libre à ce sujet qui vient de paraître. J'essaie d'y expliquer l'urgence qu'il y a à penser les alternatives au système mondial actuel en des termes globaux, ce qui implique que les gens s'investissent davantage dans la politique étrangère et se saisissent d'outils du type "état du monde alternatif" comme celui que nous avons fait l'an dernier.

 

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Quand Jean-Paul Fitoussi rejoint Jean Bricmont

10 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Un extrai de l'interview de Jean-Paul Fitoussi (grand ponte de Sciences Po et de l'OFCE) lue dans Le Monde hier :

"Question Torvus : La France a-t-elle réellement besoin de "réformes structurelles" : le diagnostic d'une France en déclin est-il fondé ?

Réponse JPF : Ce sont deux questions distinctes. Le diagnostic d'une France en déclin n'est pas fondé. En tout cas, tout dépend par rapport à quoi on mesure ce déclin. On peut parler d'un déclin relatif de la France par rapport à la Chine, ou par rapport aux Etats-Unis, mais en aucun cas on ne peut parler d'un déclin de la France par rapport à la zone euro. Depuis dix ans, la croissance française a été en moyenne supérieure à la croissance des pays de la zone euro. Donc s'il fallait parler de déclin, on dirait que c'est la zone euro qui a décliné relativement par rapport au reste du monde, et que la France a mieux résisté que les grands pays de la zone euro. Cette histoire de déclin est en réalité fondée sur une arithmétique fausse : si la Chine se développe, par définition, cela implique le déclin relatif par rapport à la Chine de tous les autres pays du monde, y compris les Etats-Unis. Donc ce qui est objectivement une bonne nouvelle, à savoir le développement de la Chine et la sortie de l'état de pauvreté de centaines de millions d'habitants, peut être analysé comme étant une mauvaise nouvelle en raison de cette arithmétique du déclin relatif.

L'idée même de déclin est donc une fausse bonne idée, si je puis dire. Car il faut savoir ce que l'on veut. Si l'on souhaite que l'Afrique se développe, c'est que l'on accepte implicitement l'idée d'un déclin relatif, par rapport à l'Afrique, des autres pays de la planète. Donc je m'inscris en faux contre l'idée du déclin de la France. "

http://www.lemonde.fr/web/chat/0,46-0@2-3208,55-904744@51-884461@45-1,0.html

A rapprocher de l'article de Jean Bricmont ci-dessous.

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Business is business

8 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Dernières lignes du blog de Michel Onfray sur http://michelonfray.blogs.nouvelobs.com/ le 7 mai :

PS : Ce blog paraîtra sous le titre Tout un Léviathan à la rentrée de septembre 2007 aux éditions Galilée. Le livre sera augmenté d’une introduction, des commentaires de l’intronisation du nouveau Président, des législatives, de la formation du premier gouvernement et d’une conclusion générale.

 

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Entre-deux-tours

4 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Personnellement je n'ai pas voté au premier tour, et ne voterai pas au second. Comme Jacques Rancière, je pense que la démocratie véritable doit reposer sur le tirage au sort (ce qui suppose une très bonne éducation des citoyens, et un sens civique élevé de tous) et non sur le suffrage universel.

L'élection de Nicolas Sarkozy dimanche prochain paraît de plus en plus probable.

On en connaît les raisons : l'extrême gauche française n'a pas su s'unir (ce qu'on sentait venir depuis tres longtemps), le parti socialiste est lamentable (il se dote d'une candidate inconsistante et droitière) et le peuple français n'a aucune compréhension profonde de la politique (ils se rendent en masse aux urnes pour plebisciter les candidats du système qu'ils avaient condamné dans leur référendum de 2005, et ils choisissent la candidate socialiste pour défendre le front anti-sarkozy au second tour alors que tous les sondages indiquent que pour ce faire c'est F. Bayrou le bon candidat, le candidat du vote utile)

Le résultat est que Nicolas Sarkozy a réalisé un bon score au premier tour (il a fait 25 % dans les quartiers populaires ex communistes) et a toutes les chances de son côté pour le second. Personnellement je ne crois pas qu'il y aura de "3 eme tour social", car les forces de gauche en France qui ont fait beaucoup pour sauver une flamme altermondialiste depuis 7 ans sont essouflées faute d'avoir rencontré un soutien populaire actif autrement que dans des feux de pailles (le réferendum de 2005, le CPE)

Bref la France paraît mûre pour une cure de néolibéralisme "décomplexé", avec un temps de décallage par rapport à ses voisins européens (Angleterre,Espagne, Italie). Paradoxalement, c'est vers l'Allemagne, pays où l'extreme gauche s'est unifiée et où le peuple a refusé une majorité claire à Merkel pour son programme ultralibéral, que s'est déplacé le "Volksgeist" de la gauche - pour parler comme Hegel...

Je ne suis pas absolument certain que Nicolas Sarkozy sera aussi dangereux qu'on le dit. Le pouvoir pourrait bien l'assagir. Même en politique étrangère, il n'est pas exclut qu'il ne soit pas autant le "candidat des Etats-Unis" comme on le dit, car il devra composer avec des secteurs de l'UMP (Alliot Marie) et de l'appareil d'Etat (le Quai d'Orsay) qui ne sont pas des inconditionnels de George W Bush. D'ailleurs son discours s'est infléchi depuis le ralliement des villepinistes : il a même assuré Hosni Moubarak du fait que la politique française au Proche-Orient ne changera pas (il est vrai que déjà sous Jacques Chirac cette politique fut très pro-américaine, au Liban notamment).

Le train de la libéralisation et de la marchandisation va s'accélérer en France, c'est certain. La force du lien social, la qualité de l'éducation, des politiques de santé publique, etc. s'en ressentiront. Mais ce ne sera sans doute pas un cataclysme, tout comme le berlusconisme ne fut pas en Italie la catastrophe fasciste que certains annonçaient (ces excès de langage et de jugement ne font que discréditer les alternatives progressistes).

Reste à la gauche française à réfléchir profondément à son rapport au néo-libéralisme. Il est clair que depuis 25 ans, elle ne sait qu'en accompagner le mouvement sans proposer de véritable alterative (même Lutte ouvrière affichait un programme purement réformiste dans sa campagne). La traversée du désert de la gauche sous Nicolas Sarkozy peut-elle préparer un modèle de réforme sociale plus radical que ce qui a été envisagé dans les années 2000 (y compris dans les rangs des "altermondialistes" ?). On aimerait le croire...

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A propos du "déclinisme"

4 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Voici un petit texte de Jean Bricmont avant le second tour de l'élection présidentielle.

Je me souviens qu'au tournant des années 80, il y avait une blague en URSS dans les années 1980 : le monde entier est devenu communiste et soviétique. A la radio, on apprend  que le dernier rempart du capitalisme, les Etats-Unis, viennent de céder, et qu'ils deviennent à leur tour une république populaire.

Tout le monde à Moscou fait la fête sauf un homme : le ministre l'agriculture d'URSS qui se lamente dans son bureau "A qui allons nous acheter notre blé maintenant ?"

Le dernier texte de JB sans le savoir inverse la blague : le monde entier est devenu comme les Etats-Unis. On se demande alors : où va-t-on trouver le pétrole et les immigrés clandestins ?

FD

 
La grande illusion

Deux tiers des Français pensent que la France décline et c’est sans doute principalement pour cela que Sarkozy sera le prochain président de la République. De plus, la principale façon dont les médias ont préparé son accession à la présidence, c’est par une propagande incessante, depuis des années, sur le thème du déclin de la France, ainsi que sur celui, relié, de la sécurité.

Il y a plusieurs façon de réagir à ce sentiment ; l’une est de montrer que les statistiques utilisées pour « prouver » ce déclin sont très sélectives (voir, par exemple, La désinformation économique joue un rôle majeur dans l’élection française ; par Mark Weisbrot, http://www.cepr.net/index.php?option=com_content&task=view&id=1158&Itemid=163). Mais on peut également répondre en se demandant quelles solutions les déclinistes ont à proposer.

Ceux-ci mélangent habilement deux problèmes : le déclin de la France par rapport aux pays émergeants, surtout en Asie, et celui de la France par rapport à d’autres pays industrialisés, principalement les États-Unis et l’Angleterre. La première forme de « déclin » est une très bonne chose : elle signifie seulement qu’une partie du Tiers Monde se développe. Mais, comme ils savent très bien qu’il est difficile d’imiter la Chine et l’Inde, les déclinistes proposent d’imiter le modèle anglo-saxon, qui est supposé éviter le déclin par une série de mesures de flexibilisation du travail, de destruction des acquis sociaux et des services publics, de mesures sécuritaires  et de réarmement moral.

Envisageons donc la situation de leur pays favori, les États-Unis. Ceux-ci ont dépensé des centaines de milliards de dollars pour envahir l’Irak ; ils y ont eu des milliers de morts,  des dizaines de milliers de blessés, et ils y sont complètement coincés ; ils ne peuvent pas gagner, parce qu’ils ont réussi à se mettre à dos l’immense majorité des Irakiens, et ils ne peuvent pas s’en aller, parce que ce serait la fin de leur empire. Donc, ils vont s’enliser en Irak pendant de nombreuses années, y perdre encore plus d’hommes, d’argent et de prestige, tout en causant des souffrances inouïes et inutiles au peuple irakien. Et pourquoi sont-ils allés en Irak ? Entre autres, à cause de manipulations de l’opinion sur la question des armes de destruction massive. Ils ont des services de renseignement qui espionnent le monde entier, une presse « libre » avec des moyens gigantesques, des universités regorgeant de spécialistes sur tous les conflits et problèmes de la planète. Malgré tout cela, ils n’ont pas été capables de comprendre des choses élémentaires, que même un enfant voyageant aux Moyen-Orient pouvait comprendre, à savoir qu’ils y sont détestés principalement à cause de leur soutien à Israël, et que toute intervention de leur part dans la région provoquerait un rejet massif. Si ce mélange d’incapacité, d’ignorance et d’arrogance n’est pas le symptôme d’une  société en déclin, alors je ne sais pas très bien ce qui pourrait en être un. La France, par contre, qui avait encore en 2003 une élite « vieillissante, dépassée, inadaptée au monde etc. », mais capable de penser, ne s’est pas engagée dans cette folie.

Mais ce n’est pas tout : le reste du monde, et la France en particulier, est sans cesse supposé « imiter les États-Unis ». Bien ; imaginons que, par un coup de baguette magique, le reste du monde imite réellement les États-Unis. D’où viendraient alors le pétrole et les autres matières premières que les États-Unis importent en abondance et sans lesquels leur société ne pourrait pas survivre très longtemps ? D’où viendraient les travailleurs immigrés, souvent « clandestins », c’est-à-dire privés de droits, ou les produits importés à bas prix (et non payés, c’est-à-dire financés par des déficits croissants), qui permettent aux travaileurs ayant perdu leurs emplois industriels de maintenir plus ou moins leur niveau de vie ? D’où viendraient finalement les cerveaux que les États-Unis pillent au reste du monde, parce qu’attirer par des haut salaires des gens déjà formés coûte beaucoup moins cher que financer un véritable sytème d’éducation de masse ?

Le fait est que le modèle américain est inimitable, parce que sa simple survie suppose l’existence d’un monde extérieur aux États-Unis, et qui ne leur ressemble pas. Il est vrai que la situation est assez semblable en Europe, mais c’est précisément notre degré de proximité du « modèle américain » qui est la meilleure mesure de notre déclin. De plus, la France n’a pas la puissance de l’Amérique et a encore moins qu’eux la possibilité de maintenir temporairement une situation intenable à long terme.

Faire le choix de Sarkozy, c’est faire le choix d’une imitation accélérée du modèle américain, c’est-à-dire le choix du véritable déclin.

 
Jean Bricmont

 

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