Où sont les chevènementistes ?
Nous sommes le 30 août à la veille du bombardement de la Syrie par une coalition américano-française (heureusement pour les Britanniques ceux-ci ont encore un zeste de démocratie dans leur système politique).
Deux forces à gauche seulement (compte tenu du système présidentiel, et si j'exclus les groupuscules) peuvent s'opposer à la honte qu'inflige M. Hollande à notre pays sur ce dossier : le Front de Gauche et les chevènementistes. JL Mélenchon a pris ses responsabilités et a condamné (en des termes moyennement justes mais tout de même forts) l'agression qui se prépare. Que font les chevènementistes ? Avez-vous entendu une déclaration dans leur bouche ? Les blogs de JP Chevènement et MF Bechtel sont muets depuis le mois de juillet. Est-ce normal à la veille d'une telle échéance ?
Sociologie
Jamila montre ses photos, son enfance de ZUP en ZUP, Bordeaux, le Creusot, Autun. Toujours entourée de Maghrébins, ne serait-ce que sa très pesante famille (ses nombreux frères et soeurs). Sur un de ses clichés, on la voit à cinq ans en salle de classe avec un blondinet, son premier amoureux. Jamila en rupture avec son milieu d'origine, séduite par quelques petits bons élèves "souchiens" des classes où elle évoluait. Elle même entravée dans son ascension sociale par la nécessité de s'occuper des petits frères des petites soeurs, de leurs problèmes multiples... A 35 ans, mère rangée, presque bourgeoise, elle veut se donner une seconde chance, découvre l'ars erotica dans des cafés parisiens avec un amant breton, elle qui aurait pu finir voilée comme certaines de ses soeurs (et cela s'est joué à peu). Rien n'est simple pour elle, et tout est hautement respectable. Elle m'explique dans l'école de sa ville de banlieue de nombreuses jeunes instits font l'amour avec leurs mecs dans leur salle de classe à la tombée du soir... Tiens donc...
Je repense à la fille ivoirienne dont j'avais parlé dans ces pages il y a quelques années, qui n'avait jamais rêvé que de coucher avec des blancs et qui en avait épousé un. A cette phrase fétiche des Indigènes de la République qu'ils ont piquée à Spivak je crois (recherchez tout ça dans mon blog, je ne fais que ressasser des thèmes que je développais déjà lorsque j'étais à Brossevile) : l'imaginaire colonial c'est vouloir soustraire une femme de couleur à des hommes de couleur.
Elles font quoi ces filles en rupture avec leur milieu d'origine ? Elles trahissent leur famille ou elles s'élèvent à l'universel ? Qu'ai-je fait moi en quittant le Béarn et la classe ouvrière. Béarn aux monuments blanchi qui s'est trahi lui-même en se faisant bobo, hispanisant et cliché pour touristes, comme Paris, comme tout ce monde "mondialisé".
Mardi soir il y avait une fanfare de marins devant la mairie d'un arrondissement UMP de la capitale pour l'anniversaire de la Libération. Bien que ne connaissant personne, je me suis hissé jusqu'au premier étage et j'ai bu deux coupes de champagnes au milieu des amiraux honoraires courbés sur leur canne, tous toujours aussi grossièrement ardents à l'heure de se jeter sur le buffet. Il faut croire que l'idée de retrouver des miettes du vieux Paris réac, celui de Chirac et Tibéri m'intriguait.
Non au bombardement de la Syrie
Voilà longtemps que les interventionnistes criminels Sarkzoy, Juppé, Fabius et Hollande, alliés à Cameron, Kerry,Mc Cain, Rice, Obama etc veulent intervenir militairement en Syrie. Aujourd'hui ils ont trouvé un prétexte pour le faire.
En tant qu'humble citoyen qui suit les questions internaionales depuis 15 ans, j'appelle, comme en 1999 lors de l'attaque contre la République fédérale de Yougoslavie, comme en 2002, à la veille de l'invasion de l'Irak, et comme en 2011 lors de la guerre en Libye, les forces de gauche à se mobiliser résolument contre le projet de bombardement contre la Syrie. Que les syndicats, les partis politiques, le monde associatif se mobilisent non pas du bout des lèvres comme ils ont parfois tendance à le faire, mais ardemment contre cette action impériale. J'irai marcher dans toute manifestation que cette mouvance organisera.
Peu importe que les Occidentaux planifient des "frappes limitées" ou une invasion complète du pays. Le monde que nous voulons n'est pas celui des coalitions armées qui donnent des leçons et imposent leur ordre. Honte au gouvernement socialiste (mais venant de ce cher François Hollande ce n'est pas du tout surprenant) qui nous entraîne, une fois de plus, dans cet engrenage !
Le passé devenu ridicule
Quand en 1968 Romain Gary au milieu des événements de mai et de leur ivresse spécifique (cf "Chien blanc") dans le Quartier latin, prend une bombe aérosol et écrit sur un mur des slogans de sa jeunesse des années 30 du genre "Libérez Teruel", il le fait sans état d'âme, sans honte. Aujourd'hui j'éprouve une gêne à témoigner des rêves et des réalités des années 1970 ou 80, comme si l'écoulement du temps avait rendu le passé ridicule. Pourquoi ? A cause de l'absolutisme du présent, de la dictature totalitaire de l'actualité ?
Piété filiale
Il y a dans la Vie de Pompée de Plutarque une scène un peu ridicule pour le goût de notre époque, où Caton qui siège dans un tribunal où Pompée fait une plaidoirie illégale (qu'il ne pouvait faire en tant que consul). Caton se bouche les oreilles pendant tout le discours. Plutarque commente avec une sorte de tendresse "Caton était ainsi en toute circonstance". Cette pietas filiale est le moteur de la vie intellectuelle. Plutarque l'a éprouvée pour Caton, et les auteurs français qui écrivirent de la Renaissance au XIXe siècle l'épruvèrent pour Plutarque, et par ricochet pour Caton, comme d'autres aujourd'hui en éprouvent pour Bourdieu ou Chomsky.