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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #divers histoire tag

Condition des femmes musulmanes en Egypte jadis

22 Novembre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire, #Les rapports hommes-femmes

Les femmes en Egypte dans les années 1910 (extrait de  En Egypte : choses vues / E. L. Butcher ; traduit de l'anglais, par Lugné-Philipon p. 52) :

" Les Mahométans riches et instruits d'Egypte n'infligent point aux femmes une réclusion absolue, sinon en Egypte même. On peut voir arriver à la gare du Caire un essaim de femmes voilées jusqu'aux yeux et conduites, telles des prisonnières, jusqu'à leur wagon par l'être infortuné et grotesque dont la mutilation est rendue nécessaire par le système qui régit la vie de famille musulmane. Les femmes ne doivent regarder aucune personne se trouvant sur le quai de la gare ; elles doivent, à plus forte raison, s'abstenir d'adresser la parole à qui que ce soit. On les enferme à clef dans leur wagon, puis on les mène, sous bonne escorte, du wagon au bateau à vapeur.

Le matin suivant, ces femmes viennent prendre place à la table commune des passagers de première classe ; elles ont dépouillé le voile qui les enveloppait, elles sont nu-tête, elles portent un costume de voyage à la dernière mode de Paris, elles se prélassent dans des fauteuils pliants de la meilleure marque, elles lisent les romans français nouveaux. Tant qu'elles seront loin de leur pays, elles

poseront pour des Européennes et afficheront une grande liberté d'allure, mais quand le bateau les ramène en Egypte, elles retrouvent les mêmes geôliers, les mêmes voiles qui les attendent, et elles rejoignent le Caire dans le même équipage qu'au départ.

S'il arrive que vous rendiez visite, dans un harem, à une dame entourée de ses amies, et que son mari entre à l'improviste (il est vrai que d'habitude il se fait annoncer), vous pourrez voir les visiteuses indigènes se mettre à genoux sur le parquet et tirer leur jupe jusque sur la tête, de peur que l'intrus ne puisse apercevoir tant soit peu leur visage. Bien mieux, on a vu une femme indigène de là classe la plus pauvre relever sa robe par-dessus la tête en rencontrant un Européen ; elle avait conscience d'agir selon les lois de la bienséance, et elle ignorait avec candeur et sérénité ce fait qu'elle exposait ainsi la plus grande partie de son corps."

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Napoléon, Rancé, Sartre...

22 Novembre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures, #Divers histoire

Le film de Ridley Scott sur Napoléon que je n'ai pas encore vu suscitait toutes sortes de débats sur l'Empereur dans le Figaro hier. Jean Dutourd dans "La Chose écrite" avait rendu hommage au style littéraire de l'empereur en en faisant la racine d'une famille stylistique en soi dans laquelle il classait aussi bien Stendhal que George Sand et même Roger Vailland au XXe siècle, tandis que la monarchie avait le sien qui allait selon lui de Chateaubriand à Louis Aragon (par delà les clivages politiques). Une façon en quelque sorte de faire comme si la littérature pouvait se comparer aux styles mobiliers.

J'ai jeté un oeil sur ce que Gallica propose  des oeuvres complètes de l'empereur. J'ouvre le tome 4, au hasard. Un communiqué militaire après la victoire de Friedland en 1807 qui fait l'inventaire des pertes adverses (par milliers). Il ajoute "Après de tels événemens on ne peut s'epêcher de sourire quand on entend parler de la grande expédition anglaise et de la nouvelle frénésie qui s'est emparée du soir de Suède". Lisez aussi la page suivante (251) sur l'estime mutuelle que Français et Russes se portaient.

A rebours je passe au tome 3 pour le 13 mars 1802 : "Rome, Naples, l'Etrurie sont rendues au repos et aux arts de la paix.

Lucques, sous une constitution qui a réuni les esprits et étouffé les haines, a retrouvé le calme et l'indépendance.

La Ligurie a posé dans le silence des partis les principes de son organisation , et Gènes voit rentrer dans son port le commerce et les richesses.

La république des Sept-Iles est encore, ainsi que l'Helvétie, en proie à l'anarchie; mais d'accord avec la France, l'empereur de Russie y fait passer les troupes qu'il avait à Naples, pour y reporter les seuls Liens qui manquent à ces heureuses contrées, la tranquillité, le règne des lois, et l'oubli des haines et des factions.

Ainsi, d'une extrémité à l'autre, l'Europe voit le calme renaître sur le continent et sur les mers, et son bonheur s'asseoir sur l'union des grandes puissances et sur la foi des traités."

Jean Dutourd disait que Napoléon fut le seul écrivain qui écrivait sur le monde au moment même où il le modifiait. Le seul qui eût ce pouvoir là. C'est une remarque assez juste.

A part delà je ne lis que des textes de vieillards ou sur des vieillards. Avant hier c'était la Vie de Rancé de Chateaubriand, que bien sûr je recommande à tout le monde, texte profond sur la vie ascétique, sur la spiritualité de l'époque de Louis XIV qui fut aussi un visage important de ce que fut la civilisation française. Il n'y a que les cinéastes imbéciles subventionnés par l'Etat qui croient que la France du Roi Soleil n'était que danses, mignardises et parties de jambes en l'air sous les dorures de Versailles. Ces gens ne comprendront jamais rien à ce que fut leur pays.

Et puis j'ai aussi jeté un oeil aux derniers chapitres du livre d'Annie Cohen-Solal sur Sartre. Le temps du maoïsme, et ses dernières années, aveugles dans le face-à-face avec Benny Lévy. Vous savez qu'il y a un an je m'étais penché sur le maoïsme français avec des lunettes chrétiennes, et notamment avec celles de Clavel (ce qui était une façon de revenir sur ce sujet ) l'âge mûr, sachant qu'auparavant je ne l'avais observé qu'avec le regard de Monsieur Tout le Monde). Je l'avais regardé comme on dissèque une hérésie. Les hérésies ont beau être fausses, elles pointent parfois vers des vérités, et surtout suscitent des modes de vie intéressants. J'en retrouve la preuve dans les mots de Cohen-Solal sur la fraternité que Sartre trouva pour la première fois chez les "maos". J'avais deux ou trois ans, quand le maoïsme atteignit son apogée dans notre hexagone, je n'en ai donc rien connu, Pourtant je ne pense pas qu'on puisse réfléchir aux idées de gauche sans se pencher sur ce qui s'est joué dans cette expérience. J'en ai un peu parlé aussi dans mon livre sur Cuba dans lequel j'interroge le contenu religieux des révolutions, notamment celui du castrisme.

Il vaut mieux passer son temps à lire ces vieilleries qu'à regarder les news à la TV ou les imbécilités politiques de YouTube et des réseaux sociaux.

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Michel Collon chez Rémy Watremez

31 Octobre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire, #Débats chez les "résistants", #Peuples d'Europe et UE

Il m'est arrivé notamment pendant la crise sanitaire de regarder sur You Tube "Juste Milieu" la chaîne de Rémy Watremez. Ce n'est pas à proprement parler une chaîne d'information alternative, plutôt de divertissement, équivalent dans l'ordre contestataire de ce qu'est par exemple "Le Quotidien" du côté des mainstream. Il y a quatre jours le Youtubeur interviewait Michel Collon, l'homme que je surnommais "Le Missionnaire" dans mon livre "L'ingérence de l'OTAN en Serbie" où j'évoque notamment mes échanges avec lui à l'époque.

Je n'ai pas tout écouté, seulement la façon dont le journaliste belge présentait son itinéraire. C'est amusant la façon dont un homme de 77 ans résumé son engagement devant un youtubeur de 29... Le jeune ne connaît pas vraiment le contexte politique des années 1990-2000. Donc le vieil homme peut aisément présenter les choses comme cela l'arrange. Dans un sens il n'a pas le choix : il ne dispose que de 5 minutes. Mais la synthèse, la cristallisation, produisent un effet curieux. Comme si tout était naturel, linéaire. Collon était fils de bourgeois, mais il a découvert la gauche, l'usine, puis "Manufacturing consent", puis la propagande de guerre, et puis il y a eu Internet, et l'altermondialisme etc... La jeunesse gobe ces mots comme elle lirait un livre d'histoire. Tout cela est finalement bien abstrait.

Le récit gomme tout ce qui n'allait pas de soi. Les coups de poignards, contre les ennemis, mais aussi contre les alliés, et surtout contre la vérité, à chaque étape - c'est embêtant de la part de gens qui s'érigent en professionnels de la lutte contre le mensonge. De vrais "saint Jean de la Croix" du combat pour la vérité (pour reprendre le mot de Sartre qui comparaît Fidel Castro à ce mystique). En réalité tout est bien plus complexe, mais qui se soucie de la complexité ? La complexité est dans les livres. Il faut aller les trouver chez des éditeurs confidentiels, les livres sont longs à lire.

Moi qui suis aussi un ancêtre (quoique plus jeune que Collon), astreint à ce titre au devoir de mémoire, je n'ai pas oublié. Ce qu'était la République fédérale de Yougoslavie à l'été 2000 quand Michel Collon organisait des visites à Belgrade alors que les opposants (de gauche et de droite) étaient en tôle. L'histoire de la création du portail Internet qui n'a jamais vu le jour au début des années 2000 voulez-vous que je vous la raconte ? Et la façon dont Taddei cooptait les opposants légitimes (Collon-Bricmont) pour l'émission "Ce soir où jamais" à l'époque où le socialisme de Chavez était à la mode ? Chaque fois qu'un opposant crée son petit "business de la vérité" et joue des coudes pour être reconnu, il en écrase une vingtaine d'autres, mais surtout, il écrase aussi beaucoup d'aspects de la vérité qui auraient gagné à être compris et qui auraient dû être portés par ceux qui ont glissé dans l'oubli. Je ne parle pas de moi : je n'avais pas la "gnaque" pour devenir un porte-drapeau, mais de beaucoup de gens de trente ou quarante ans plus jeunes que Collon auxquels celui-ci n'a pas fait la courte-échelle, qu'il a utilisés pour vendre ses cassettes, ses livres, et qui ont pâti de ne pas avoir plus d'espace pour s'exprimer et devenir à leur tour de bons journalistes alternatifs.

Problème des égos. Problèmes des idéologies aussi. Collon me hérisse à chaque fois qu'il affirme que les guerres impériales sont faites pour le pétrole. Il ose le répéter aujourd'hui à propos de la Palestine. On sait pourtant que l'ampleur du problème est plus vaste. Elle est spirituelle. Mais parler de pétrole simplifie le débat, comme lorsque les gens à l'époque du Covid croyaient avoir atteint le sommet de l'esprit critique quand ils disaient "c'est une question de pognon". Raisonner de la sorte arrange bien tout le monde.

Allez, je vous montre ce qui fut malgré tout le meilleur côté de Collon à mes yeux : Les damnés du Kosovo. Car avec ce film là, tourné quelques années après l'entrée de la KFOR dans la province serbe, il avait quand même le grand mérite de traiter un sujet qui n'intéressait plus personne dans les grands médias : la persécution des minorités non albanaises.

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La complexité politique de la Croatie

28 Octobre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Peuples d'Europe et UE, #Christianisme, #La gauche, #La droite, #Divers histoire

Le journal croate Narod (Le Peuple) est comme Valeurs Actuelles en France : avec lui on n'est jamais assez proches de l' "identité chrétienne de l'Europe" et des intérêts de la bourgeoisie, ni assez anti-immigré, anti-palestinien, anti-russe, etc. Je les rejoins sur leur hostilité (au moins de façade) au Nouvel ordre mondial, aux lobbys sociétaux etc, je m'en éloigne sur bien d'autres points.

Le lire m'instruit toujours, moi qui fus, dans les années 1999-2000 très hostile à la propagande antiserbe de l'OTAN (voyez ce livre), très favorable aussi à l'idéal yougoslaviste finissant (quoique Milosevic en eût fait quelque chose d'aussi cynique que Mitterrand de l'Union de la Gauche, mais bon Milosevic était acculé là où Mitterrand ne l'était pas...). J'ai comme beaucoup d'anti-OTAN été à juste titre détesté l'expulsion des Serbes de Krajina par les Croates en 1995, mais j'ai aussi fait mon pèlerinage à Medjugorje (qui n'est pas en Croatie, mais dans la partie croate de la Bosnie, et j'ai traversé presque tout le pays pour m'y rendre) d'où j'ai tiré une impression pourrait-on dire... contrastée (il faudrait que j'en parle un jour dans un livre).

Mais revenons à Narod. Ce quotidien qui met un point d'honneur à se tenir à équidistance du communisme et du nazisme des oustachis, s'étranglait du fait que dans le village natal de du premier président de l'indépendance croate F. Tudjman, Veliko Trgovišće, l'office du tourisme envisage d'inclure dans l'Allée des grands hommes en cours de construction un monument au maréchal Tito (natif de Croatie), héros de la résistance, leader des Non-Alignés, et dictateur communiste de 1944 à 1980.

Narod y voit la preuve que la Croatie est un pays "sans repères" intellectuels. Il cite un communiqué de l'Association croate des journalistes et publicistes. (HNiP), présidée par Krešimir Čokolić qui rappelle que Tito avait poussé Nasser à faire la guerre à Israël, et que des restes de ce parti-pris pro-arabe imprègnerait la société croate. Ce communiqué déplore aussi que "la persistance du problème du soutien au culte de Tito dans les médias et dans la société a récemment été attestée par une situation désagréable similaire lorsque le Parlement croate n'a pas pu mettre en œuvre une coopération militaire avec l'Ukraine (sur la question de la formation de l'armée ukrainienne en Croatie)".

Voilà un passage intéressant sur la complexité de la Croatie. En politique, rien n'est jamais si simple qu'il y paraît. Rappelons que début octobre, le journal serbe Politika avait souligné les liens entre nationalisme croate et communisme. "Après la formation de la première Yougoslavie, écrivait Milan Tchetnik, le Komintern a ouvertement et programmatiquement préconisé la destruction de l’État slave du sud nouvellement créé et la création d’une Croatie souveraine, c’est-à-dire la réalisation du rêve chauvin de l’idéologie de droite et l’expulsion ultérieure des Serbes.(...) En juillet 1932, le Komintern de Moscou confia la « tâche » au Parti communiste de Yougoslavie de conclure des « accords de combat » avec les nationalistes anti-yougoslaves. La direction du « Groupe des révolutionnaires nationaux croates » dirigé par G. Dimitrov, et la principale force du Groupe était censée être les partisans des Oustachis et du Parti paysan croate (selon l'étude de Branislav Gligorijević : Komintern - Question yougoslave et serbe, 1992) (...) En 1971 (lors du Printemps croate),  le chef de l'émigration oustachi, le Dr Branko Jelić, « avait des contacts avec la direction du parti communiste croate », mais aussi : « On a également appris que la direction du parti croate envisageait de séparer la Croatie. de Yougoslavie et la placer sous la protection de l'URSS- et qui voulaient des bases militaires navales sur l'Adriatique" (Andrej Jakopović, Attitude de J.B. Tito envers le Printemps croate /maspok, op. author./, Osijek 2021)."

Tout cela n'était pas sans lien avec l'attitude ambiguë de Tito avec l'Eglise catholique (qui a aussi milité contre le yougoslavisme dans l'entre-deux-guerres). Il fut en 1971 "le premier dirigeant communiste, à se jeter aux pieds du pape romain Montini (Paul VI) le 29 mars. "bien que les plus hauts fonctionnaires de l'URSS aient également rendu visite au pape, bien qu'à titre privé" (P. Radosavljević : Relations entre la Yougoslavie et le Saint-Siège 1963-1978)."  D'ailleurs on a appris récemment, avec la publication du livre Čudesni život Josipa Broza Tita (La vie miraculeuse de Josip Broz Tito) de Žarko Petan que Tito a demandé, contre l'avis de son entourage, les derniers sacrements à un prêtre catholique slovène juste avant sa mort et ce serait la raison pour laquelle il n'y a pas d'étoile rouge sur sa tombe. 

Milovan Djilas ancien compagnon d'armes de Tito raconta que, de retour des funérailles du résistant slovène Boris Kidrič en 1953, dans le train bleu à destination de Belgrade, Đilas a abordé avec moquerie le sujet de l'au-delà. Tito l'interrompit brusquement : "N'en parle pas ! Qui sait ce que c'est !" Et quand ils ont brûlé le corps de l'économiste Edvard Kardelj (né en Slovénie) en 1979, Tito a déclaré qu'ils auraient dû l'enterrer selon la vieille manière chrétienne (ce en quoi il s'était montré plus rigoureux que beaucoup de chrétiens actuels qui acceptent la crémation).

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Les palombes de la Saint-Luc

18 Octobre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Béarn, #Divers histoire, #Souvenirs d'enfance et de jeunesse

"Saint Luc lou gran truc" disait-on autrefois dans les Landes, mais aussi en Béarn. Le 18 octobre, c'est le jour du pic de passage des palombes.

Le Mémorial des Pyrénées du 25 octobre 1895 en parlait :

"La campagne se poursuit pour nos chasseurs, comme toujours, avec des chances diverses, mais un écart considérable existe pour tous entre les prises actuellement faites et celles de période correspondante de l’an dernier. Cependant, le passage semble devoir bientôt prendre fin ; les froids sont arrivés. les grues ont commencé leur migration et les meilleures chasses n’ont pas encore la moitié de leur contingent habituel de palombes. La semaine dernière la majeure partie des vols sont passés avec les vents du nord, à perte de vue et en rangs serrés. Jeudi et vendredi jour de la Saint-Luc, ils se sont succédé sans interruption, mais sauf pour quelques chasses exceptionnellement situées, ces palombes passaient sans paraître voir les appeaux.

« Mauvaise campagne ; les palombes ne veulent pas poser » ; tel est le langage que tiennent tous les chasseurs de la contrée. Est-ce l’abondance des glands qui rend la chasse difficile? Il est certain que la faim est un des éléments qui manquent cette année au succès de la chasse au filet. D’un autre côté, la plupart des chasseurs ont débuté sans avoir pu remplacer les appeaux que la maladie leur avait enlevés, et c’est là, croyons-nous, la cause la plus commune de l’insuccès relatif de la campagne.

Le roi palombe, à l’occasion du grand truc, est, dit-on, passé hier sur nos chasses, au milieu de ses bataillons; mais il n’a certainement pas entraîné à sa suite toute son armée; espérons que la réserve, une réserve sérieuse, reste encore à venir, et qu’en dépit d’un mauvais début, il y aura des palombes pour tous."

Même constat 17 ans plus tard, le 28 octobre 1912 : " Les petits oiseaux ont terminé leur passage le long de I’Adour : les alouettes leur ont succédé. Il y a eu d'assez bonnes prises. Quant aux palombes, on les voit passer, c’est tout : elles dédaignent ou négligent de s’arrêter. "

"La palombe vaut la peine qu'on la tire, lisait-on dans L'Avenir d'Arcachon 1906, c'est un mets succulent que certains amateurs mangent comme la bécasse avec une rôtie au rhum. En la préparant, on trouve parfois des glands dans son gésier, comme on rencontre des grains de genièvre dans les grives de l'Aveyron ; et le gland est un fruit salutaire puisqu'on en fait un certain café. "

Pour ma part je la dégustais dans une sauce au vin au restaurant dans mon enfance, avec des cèpes à la persillade.

Il y avait autrefois des foire de la Saint-Luc de Brionne en Normandie jusqu'à Lourdes en Bigorre. On y mangeait peut-être aussi des palombes. C'était du temps où elles n'envahissaient pas nos jardins urbains...

A propos de chasse au pigeon ramier, je tombe sur cet amusant article du Mémorial des Pyrénées du 14 février 1845, compte-rendu d'un procès aux Assises de Pau :

" Si la chasse a ses douceurs', elle à bien aussi ses dangers, surtout depuis cette malencontreuse loi du 12 mai 1844, qui est destinée à éterniser la querelle des braconniers et des gendarmes. Le dimanche, 20 octobre dernier, était jour de loisir pour les gens de Làas, canton de Navarrenx , et le beau bois de Làas devait foisonner de palombes ce jour-là. Une partie de chasse était convenue entre Larrieu père, Larrieu fils, Jean Bartholou fils, François Crampe! et François Hounloun ; et dès l'aube du jour ces cinq paysans de Làas étaient postés à la palombière, sorte de cabane aérienne, au- dessus de' laquelle s’agite une palombe-appeau, qui attire, les palombes voyageuses. Nos chasseurs attendaient les palombes; ce furent; les gendarmes qui arrivèrent. Roussel, l’un d’eux, demanda aux délinquans le permis de chasse ; ils répondirent qu’ils n’en avaient pas. Ceci était croyable. Roussel demanda leur nom ; ils répondirent qu'ils n’en avaient pas. Ceci paraissait peu vraisemblable. Et comme les chasseurs étaient perchés sur l’arbre de la palombière, Roussel grimpe au haut de l’arbre. Ils se dispersent comme des oiseaux et disparaissent dans les branches ; l’un d’eux , cependant, Larrieu père, plus intrépide que ses compagnons, s’élance comme un écureuil , saisit le gendarme à la jambe, disant : « Veux-in tomber sur les pieds ou sur la tête ? — Ce serait « une lâcheté indigne de vous, » répondit le gendarme avec sang-froid et sans s’effrayer du terrible dilemme.— Ce mot presqu’héroïque  désarma Larrieu père. Le gendarme , descend ; tous les chasseurs le suivent; une fois au bas de l’arbre, les gendarmes somment les délinquans de dire leur nom ou de se rendre devant le maire de leur commune. Les chasseurs s’y refusent. Une mêlée s’engage , et le gendarme Roussel reçoit à la tête plusieurs blessures qui l'ont retenu au lit 17 jours. Ces faits n’ont pas paru au  jury réunir les caractères du crime de rébellion. Les cinq accusés ont été acquittés."

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L'Education nationale coule

8 Octobre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous, #Divers histoire, #Le quotidien

J'en ai fait le constat dans l'enseignement public pour l'école primaire et le collège. Je le vérifie hélas encore pour le lycée où mon fils vient d'entrer - et qui est pourtant le meilleur établissement de la ville, dit-on.

Les enseignants ont le niveau des employés de la Poste de ma jeunesse. Le prof d'histoire de mon rejeton multiplie les bévues personnelles depuis le début de l'année. Il enseigne à sa classe que les religions monothéistes ont une conception cyclique de l'histoire (ce qui est en réalité le cas des religions polythéistes seulement), que Claude était le troisième empereur romain (pas de chance, c'était le quatrième...), qu'il y a des religions "abrahamaniques" (sic - et quand je fais corriger cela par mon fils en écrivant "abrahamiques", le prof lui compte ça comme une erreur). Et encore, je ne tombe sur ces erreurs que par hasard, il y en a mille autres qui doivent passer sous mon radar et dont mon fils n'aura même pas conscience et qu'il traînera dans ses bagages pendant des années.

Et cela ne fait que s'ajouter aux biais idéologiques du côté "woke, féministe, post-colonial" etc du système, qui fait, par exemple, que les jeunes n'ont aucune idée de l'originalité (originalité scandaleuse à maints égards) qu'a constituée l'invention de la démocratie à Athènes. A force qu'on leur rabâche que, de toute façon, les femmes, les esclaves et les étrangers ne siégeaient pas à l'Assemblée, ils finissent par se dire que cela ne différait pas beaucoup de la démocratie représentative parlementaire actuelle, et, du coup, s'interdisent de comprendre les débats passionnés qu'a suscités pendant des siècles en philosophie politique la réflexion sur le précédent athénien. Ils ne se donnent même pas la peine de réfléchir à tous les aspects en termes d'organisation, toutes les révolutions mentales, et tous les dangers, que représentait un système où les plus pauvres rédigent les lois, et peuvent être magistrats.

A quoi bon de toute façon comprendre le passé puisqu'il est censé n'être qu'une pâle ébauche du "fantastique" présent à partir duquel nous jugeons de tout ? Quel marécage de bêtise !

Et je ne parle même pas, bien sûr, du fait qu'il faut continuer à faire de la grammaire en seconde, parce qu'à part le bourrage de crâne avec des concepts abstraits sur les structures des phrases, les mécanismes fondamentaux n'ont jamais été enseignés avant, etc.

J'ai perdu l'espoir d'avoir la moindre possibilité de dialoguer avec la jeune génération le jour où les vieux de celle de mes parents auront tous disparu (ma génération a plus de points culturels communs avec les gens nés dans les années 1940, et même avec ceux nés 150 ans plus tôt qu'avec celle qui vient). Et, bien sûr, je sais que mes écrits ne seront jamais lus ni compris par ceux qui viendront après moi. Tout inculte et maladroit que je sois par rapport aux gens de mon âge qui ont fait de plus belles carrières professorales ou littéraires que moi, je participe d'un univers lettré qui plane à des kilomètres au dessus de la tête des enfants que nous formate en ce moment l'Education nationale. Je suis une fin de race, et, si j'ai la malchance de vivre vieux, je serai plus isolé que le roi Lear dans ce nouveau monde de décérébrés et de machines que le système antéchristique nous prépare.

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Après la disparition de la République du Haut Karabakh

5 Octobre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Peuples d'Europe et UE, #Colonialisme-impérialisme, #Christianisme, #Divers histoire, #Vatican

A l'heure où le Haut Karabakh/Artsakh vaincu par le gouvernement de Bakou se dépeuple à grande vitesse dans le silence médiatique (cf la remarque de Mel Gibson à ce sujet), le bien nommé Evgeny Satanovski, politologue russe (le 30 septembre) expliquait que le premier ministre arménien pro-américain Nikol Pashinian veut expulser la Russie de la Transcaucasie. Le président azerbaïdjanais Aliev promet de respecter les droits les des Arméniens du Karabakh, mais vu la violence de son action ce mois-ci, beaucoup doutent de sa sincérité.

Milan Cetnik dans le journal serbe Politika aujourd'hui compare l'annexion du Haut Karabakh au nettoyage ethnique de la Krajina serbe par les Croates en 1995. "L’idéologue extrêmement sensible et moraliste du mondialisme, qui promeut et défend les droits menacés des chiens et le statut des pervers sexuels, écrit-il (...), a regardé en silence la nouvelle scène biblique de l’expulsion, avec quelques remarques humanitaires bon marché." Il blâme aussi le silence du Pape François : "Les prétendus vicaires du Christ sur terre n'ont pas été affectés par le fait que le royaume d'Arménie, créé six siècles avant la naissance du Fils de Dieu, est déjà devenu le premier État chrétien de l'univers en l'an 301 selon le calendrier de Jésus." Puis il rappelle l'histoire : "Le mal s'est produit dans les années 1980, sous l'URSS, précisément à cause du Karabakh, et en janvier 1990, deux cent mille Arméniens, peuple indigène, ont été expulsés de la capitale azérie, Bakou(*). Elle s'est poursuivie en Moldavie à cause de la Transnistrie, en Géorgie à trois reprises (Abkhazie, Ossétie du Sud, Adjarie), dans les Balkans à six reprises (guerres de Slovénie, de Croatie-Krajina, de Bosnie, du Kosovo-Metohian, de Presevo-Bujanovac et de Macédoine), et de nouveau dans le Caucase (deux fois en Tchétchénie et encore une fois en Ossétie du Sud), se situant actuellement dans les steppes ukrainiennes boueuses et ensanglantées".

Pour lui, le Vatican et les communistes (qui avaient voulu que la Krajina soit croate et l'Artsakh azéri) ont fait finalement cause commune au XXe siècle sur les Balkans et le Caucase, avec la bénédiction ultime de l'Occident. Cetnik apporte d'ailleurs des éléments intéressants sur l'investissement communiste en Croatie dès 1940 et sur le projet de la direction du PC Croate en 1971 voulait détacher la Croatie de la Yougoslavie pour la mettre sous la protection de Moscou (cf Jakopovic, 2021), et Gorbatchev dès 1991 incitait Milosevic à accepter l'indépendance croate. Pour lui, Krajina et Artsakh furent finalement les dupes de leur russophilie.

Il est vrai que les Russes n'ont pas vraiment défendu les intérêts des Arméniens, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais les gesticulations de Pashinian/Pachinian maintenant à Grenade en Espagne aux côtés d'un Zelensky de plus en plus discrédité (y compris aux yeux de ses alliés, notamment polonais, et en Ukraine même, même Courrier International en parle) et de von der Layen, tout comme sa ratification des statuts de la Cour pénale internationale, n'est pas fait pour arranger la cause arménienne. Et le point de vue de Cetnik en Serbie ne reflète pas celui de Belgrade qui officiellement soutient l'intégrité des frontières de l'Azerbaïdjan comme Bakou soutient celle de la Serbie.

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(*) Les Azéris ont aussi été expulsés d'Arménie, la Communauté de l'Azarbaïdjan occidental s'est chargée de le rappeler à von der Layen et Macron aujourd'hui....

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La générale de l'Armée du Salut à Cuba en 1993

8 Août 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire, #1950-75 : Auteurs et personnalités, #Christianisme

Un passage comme il y en aura quelques uns dans mon livre sur Cuba. Je trouve cela dans le Bulletin hebdomadaire de l'Armée du Salut du 30 mai 1993, sous le titre "La générale Eva Burrows rencontre le Président Fidel Castro. Une visite exceptionnelle qui confirme l’esprit d’ouverture de cette fin de siècle." :

"La rencontre de la Générale avec le Président Fidel Castro, lors de sa récente visite à Cuba, constitue un événement historique. C’est la première fois, en effet, que le Président de cet état marxiste entrait en contact avec un chef international de l’Armée du Salut. La rencontre eut lieu à 22 h 30, juste six heures avant le départ de la Générale, et dura deux heures. La Générale parla des récents développements de l’Armée du Salut autour du monde. Le Président montra un intérêt particulier pour l’extension de notre œuvre en Russie.

Il a une étonnante compréhension de l’histoire théologique et ecclésiastique, discutant des thèmes tels que l’enfer, la rédemption, les persécutions religieuses et la foi en Dieu. Minuit était passé lorsque la Générale et les officiers qui l’accompagnaient quittèrent le bureau du Président, non sans avoir prié pour lui et pour son peuple."

L'article ajoute aussi sous une photo : "La Générale a la joie de retrouver l’ambassadeur du Zimbabwe à Cuba et son épouse Mme Midze. L’ambassadeur est un ancien élève des écoles de l’Armée du Salut dans son pays, où à enseigné Eva Burrows. "

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Retour à Montmartre

11 Mai 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XIXe siècle - Auteurs et personnalités, #Christianisme, #Divers histoire

Je trouve ceci sous la plume de Richard Khaitzine (dont j'ai déjà parlé ici) dans le bulletin 62 de la Société d'histoire et d'archéologie Le Vieux Montmartre (1997) :

"Pourquoi élever une église nommée Sacré-Coeur ? Pour comprendre, il nous faut revenir à l'année 1672. A cette époque, une religieuse visitandine de Paray-le-Monial, Marguerite-Marie Alacoque répandit la dévotion au Sacré-Coeur du Christ, à la suite d'une apparition dont elle aurait bénéficié. Ce culte devint public sous l'impulsion de Marie Leclzinska, en 1765. La France fut consacrée au Sacré-Coeur par Louis XVI, en 1792. Le symbole, un coeur surmonté d'une croix, en fut porté, cousu sur leur veste, par les Chouans.

L'érection du Sacré-Coeur sur la Butte Montmartre se fit à l'instigation d'une organisation connue sous le nom de Hiéron du Val d'Or de Paray-le-Monial. Le fondateur de cette organisation fut un jésuite, le Père Drevon, lequel prêchait le retour du Christ et son règne social. A ce premier fondateur vint se joindre un Basque espagnol, le baron de Sarachaga (1840-1918). Alexis de Sarachaga fonda le Musée-Bibliothèque de Paray-leMonial avec l'aide du Baron Félix d'Alcantara, du Docteur Henri Favre et de sa fille Mme Bessonet-Favre. Ces deux dernières personnalités étaient membres des cercles ésotériques parisiens.

Sous la direction du Baron de Sarachaga, le Hiéron adopta une ligne philosophique empreinte de la pensée gnostique et cette orientation explique l'étrange symbolisme de la basilique montmartroise. Il faut croire que les autorités ecclésiastiques n'en furent pas dupes car le baron, persécuté, fut contraint de se retirer à Marseille.

La dévotion au Sacré-Coeur n'était pas neuve, et déjà, dans l'antiquité, un culte lui était rendu, ainsi qu'en témoigne une amulette égyptienne conservée au musée de Rennes. L'image du cœur rayonnant est également omniprésente chez les Templiers, elle est visible dans les commanderies d'Angleterre et sur les murs du donjon de Chinon. Il s'agit d'un culte très ancien, celui du Coeur du ciel, autrement dit le Soleil. Par conséquent, du moins à l'origine, le mouvement de Paray-le-Monial n'était nullement inféodé au Vatican. Il se rattachait à la Gnose, à une connaissance de nature métaphysique et ésotérique, un courant souterrain qui traversa toutes les époques, et dont nous verrons qu'il eut de singuliers prolongements, à la fin du XIXème siècle, à Montmartre."

Khaitzine attribue dans un numéro de l'année suivante tout simplement la construction de Montmartre à Fulcanelli, ce qu'il démontre à partir d'une symbolique du sein allaitant qu'il juge alchimique, mais laissons cela pour l'instant.

Je suis tombé sur ce passage parce qu'il parle du Hiéron du Val d'Or. Or un de mes correspondants a attiré il y a peu mon attention sur un livre, en forme de roman (mais dans les milieux ésotériques les romans font souvent "passer" des vérités) d'un certain Morris Leblanc (pseudonyme) dont les préfaciers font état d'un "groupe d'hermétistes sulpiciens rattaché au Hiéron du Val d'Or, ou disons à une société clandestine chrétienne entretenant - par voie de réminiscences polaires - un lien profond avec l'Ordre ésotérique fondé par le Baron de Sarachaga (1840-1918)". Un certain Jean Parvulesco (1928-2010), panthéiste roumain, aurait eu accès à certains savoirs secrets de ce groupe dont des éléments sur "la nature atlantéenne de l'Arche d'Alliance" (sic).

J'ai connu un médium très branché sur les aspects ésotériques de Montmartre... On y revient donc par des voies sinueuses... A noter que le médium Reynald Roussel explique dans une vidéo de 2021 que c'est la stigmatisée Edith Royer (1841-1924) qui a choisi l'emplacement du Sacré Coeur en voyant une grand croix bleue au dessus de sa calèche le soir où elle cherchait le lieu adéquat en communication avec Jésus (il dit le tenir de lectures et de prêtres).

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Angélique et le Roy

9 Avril 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Cinéma, #Le monde autour de nous, #Les rapports hommes-femmes, #Grundlegung zur Metaphysik, #Divers histoire, #Souvenirs d'enfance et de jeunesse, #Colonialisme-impérialisme

Je regardais tantôt, en déjeunant, sur Paramount TV, un morceau d' "Angélique et le Roy", charmant petit film des années 1960 qui rappelle le temps où la France avait encore une culture sûre d'elle, qu'elle mettait même en scène dans ses bleuettes pour caissières de Prisunic.

On ne se torturait point l'esprit, en ce temps là, avec le "wokisme"(une idéologie qui n'a cependant pas que des défauts, même si elle en a beaucoup). On mettait en avant un féminisme de pacotille, qui servait plus à jouer avec le mâle qu'à le haïr. Et bien sûr il y avait alors un dedans et un dehors : dehors se trouvait le barbare - cet ambassadeur de Perse qui n'est bon qu'à violer. Les frontière entre les deux comme entre le haut et le bas étaient très claires, et, de ce fait, on pouvait s'amuser à tenter (mais tenter seulement) de les transgresser parfois.

L'ouvrier devait rêver (mais rêver seulement , en salle obscure) de marquisat. "Vous me trouverez à la cour, dont je suis" lance la marquise à l'ambassadeur après qu'il eût tenté de jouer avec elle. Dont je suis, dont vous n'êtes pas... et dont le téléspectateur n'est pas non plus.

Le film ne dit rien de la France de Louis XIV, et tout du regard que la bourgeoisie parisienne (ou parisianisée) des années 1960 portait sur elle, ou ce qu'il pouvait en rester à son époque... dans cette France qui se voulait encore un peu au dessus du monde...

Cette bourgeoisie qui commandait encore au pays en 1980 et 1990 n'était bien sûr pas disposée à m'intégrer en son sein. J'ai eu beau avoir ses diplômes, je n'ai jamais maîtrisé ses codes (ses manières, son accent), ni sa tournure d'esprit.

Il n'y a par exemple jamais eu la moindre familiarité entre moi et les lieux de la noblesse du bassin parisien comme Reims, Versailles ou Senlis, lieux dans lesquels nos bons bourgeois projetaient leur imaginaire (je suis un homme des périphéries, voyez ce livre, comme l'amusant et chaotique Juan Branco qui disait il y a cinq jours avoir défendu face à Mélenchon la grandeur de Louis XIV, mais lui a grandi à Paris et dans les jupons occultistes de Catherine Deneuve... pas moi).

Qu'aujourd'hui cette bourgeoisie en ait enfanté une autre qui a vendu l'âme de la France à l'empire américain et à son élite sataniste et globaliste est son problème plus que le mien. Asselineau a beau agiter les grigris eurasiatiques pour rompre cet envoûtement, ce n'est pas par cette voie qu'il arrachera sa terre au purgatoire.

La bourgeoisie des années 1960 avait préparé le chemin, non seulement en s'apprêtant à voter pour Giscard et Mitterrand dix ans plus tard, mais déjà en méprisant le christianisme et les racines spirituelles profondes de l'hexagone. Dans Angélique on vénère les richesses matérielles, les belles robes, le sexe de la femme que les nobles se disputent... et l'on cherche des substances alchimiques pour acquérir des pouvoirs magiques.

Comme dans Pif Gadget (alors communiste), Dieu est absent.

Aujourd'hui Pif Gadget interviewe Macron. Si la Marquise des Anges reprenait vie, elle aurait maintenant les traits d'un "transgenre" amoureux de notre président, dans un monde sans frontière (plus de haut, plus de bas, plus de nous et plus d'eux, plus de mâles ni de femelles, plus de bien plus de mal), et sans l'artifice de l'élégance versaillaise, même une élégance kitsch, pour dissimuler la chute du pays.

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Péguy de Romain Rolland

6 Janvier 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures, #1910 à 1935 - Auteurs et personnalités, #La gauche, #La droite, #Christianisme, #Peuples d'Europe et UE, #Divers histoire

Du temps où j’œuvrais à Brosseville, une époque où je faisais tout de travers, je m'intéressais à Romain Rolland, mais au Romain Rolland jeune, panthéiste et hindouïsant de la première moitié de sa vie. Et un certain Plagne, ami du Dissident internationaliste, avait essayé de m'initier à Péguy. Mais c'était le mauvais intermédiaire, je n'avais pas accroché. Introduit différemment, il y a trois mois, par le journal de Claudel, à Péguy via un Romain Rolland au seuil de la mort, je perçois les choses différemment et saisis tout sous un angle nouveau. La gauche socialiste française de 1900 était-elle le vrai visage du christianisme, et donc la fille de Clovis plus que la Réaction catholique ? Peut-être... Leroux en 1845 l'eut sans doute par avance certifié, lui qui voyait le vrai visage religieux de la France dans les soldats de l'an I. Souvenez-vous de Lanzmann disant (à la conférence « Après l’émotion la réflexion politique », Fondation Marc Bloch, 29 mai 1999) que l'injustice faite aux Serbes était une nouvelle affaire Dreyfus. Parfois un combat pour la justice exorcise plus de démons dans une nation qu'une défense pharisienne du dogme.

Romain Rolland me fait voir le visage condamnable de Jaurès à travers son influence sur le ministère Combes en 1904 et l'interdiction des congrégations. Là-dessus Péguy avait raison.  Fut-il aussi perspicace dans son emportement contre l'Allemagne à partir de la crise de Tanger de 1905 (un emportement que bien sûr Jaurès ne partageait pas) ? Rolland est circonspect, lui qui avec son Jean-Christophe fut toujours le pont avec l'Outre-Rhin. Il rappelle ce point : Péguy défendait qu'il y avait quatre grandes civilisations au service de l'humanité - celle des Juifs, celle des Grecs, la civilisation chrétienne et la civilisation française. Et pour lui les trois dernières étaient maintenant les trois dernières étaient menacées par l'Allemagne. Rolland souligne qu'au moins le diagnostic sur la menace sur la civilisation est avéré depuis la guerre russo-japonaise de 1904 en laquelle il voit la première guerre d'extermination.

Alors que nous nous affrontons sévèrement cet hiver avec l'Allemagne sur la question de l'énergie - verbalement du moins sur les plateaux médiatiques, mais pas assez par le canal diplomatique car Macron n'ose pas parler - il est bon de réfléchir aux erreurs de Péguy sur le sujet. A-t-il exagéré la barbarie germanique ? Sans doute. Cela dit que la France fût une nouvelle Grèce, Nietzsche lui-même l'admettait sur le plan culturel (à défaut d'en soutenir la République, et le philosémitisme, comme Péguy le faisait). Et si Péguy a sans doute tort de construire excessivement son patriotisme contre l'Allemagne (qui, cependant, était en effet menaçante après 1905, Rolland le reconnaît), ce travail de réflexion sur la civilisation française lui permettait de réfléchir sans cesse au génie français - une réflexion aujourd'hui interdite par le wokisme, et dévoyée par l'extrême droite. Je suis très frappé de voir que Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc il est prêt à fonder, par la voix de Jeanne, contre le pape, une Eglise nouvelle sur la base des seules vertus des saints français et du peuple du bassin parisien, en proclamant que eux, à la différence de St Pierre, n'auraient jamais abandonné Jésus après son arrestation. Rolland affirme que Péguy eût fondé cette Eglise s'il n'était mort en 1914.

Simple divagation de normalien ? Voire... Rolland rappelle qu'une femme de ménage d'une prof de lettres appréciait plus Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc que sa patronne, qu'il y avait une affinité particulière entre le style de Péguy et le petit peuple dont il était issu, donc peut-être au niveau de la pensée aussi...

Le rapport de Péguy à la terre de l'Orléanais et de Chartres nous interroge. Car il n'en fait pas un simple musée à la gloire de la royauté destituée des Bourbons déchus. Avec excès parfois (car il avait hélas un tempérament trop sanguin comme le mien) mais avant tout avec une inspiration visiblement transcendante (qui l'enflammait pendant des jours), cet auteur avait le mérite de sortir de ce terreau là d'autres vertus, une autre France, une France ensemble chrétienne et socialiste et toute entière tournée vers la Justice et la Vérité. Il y a là un défi intellectuel, spirituel et affectif autrement plus intéressant que la bien-pensance identitaire bourgeoise à laquelle s'est toujours résumé (et se résume encore) le catholicisme de droite auquel Péguy, révolutionnaire, ne s'est jamais rallié.

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La vie parlementaire selon Barthou

1 Janvier 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #1910 à 1935 - Auteurs et personnalités, #Divers histoire, #Béarn

Tout système politique engendre des comportements, des façons d'être au quotidien, des réalités anthropologiques nouvelles.

A l'heure où un mien collègue s'essaie au rôle de député sur les bancs de la NUPES à l'Assemblée nationale française, je découvrais hier un livre de mon compatriote béarnais (à qui mon école primaire et mon lycée durent leur nom) cet ouvrage inattendu paru en 1923 "Le Politique", qui est une sorte de crypto-anthropologie (car c'est typiquement littéraire, mais tout de même Barthou s'est lancé dans son écriture après une introduction sur l'éthologie animale, donc l'inspiration scientifique n'est pas absente) de cette réalité étrange créée par la République dans notre pays : le parlementarisme.

On y apprend (p. 81) que "je demande à ce que", y est employé depuis belle lurette, et aussi (p. 111 et suiv) deux ou trois choses sur les épouses des hommes politiques. Mais je suppose que Barthou a écrit des choses plus importantes dans sa vie.

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Quelques considérations sur les Valois

6 Novembre 2022 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Renaissance - Auteurs et personnalités, #Grundlegung zur Metaphysik, #Béarn, #Divers histoire, #Les rapports hommes-femmes

Vous savez que sur ce blog on s'intéresse un peu à la descendance des rois de France auxquels beaucoup de mystiques ont prêté un destin eschatologique surnaturel qui ne s'est pas à ce jour vérifié, ce qui m'a conduit à m'intéresser à l'alchimiste Pierre Dujols qui disait être le frère du dernier héritier légitime des Valois, et bien sûr à la soeur du premier souverain de la dynastie des Valois, le grand François Ier, constructeur de Chambord, Marguerite de Navarre, personnage qui a marqué ma région natale, et qui a intrigué beaucoup des ésotéristes comme Gaston Leroux et Richard Khaitzine.

Je peine à cerner ce personnage, notamment l'univers spirituel dans lequel elle évoluait. Les protestant lui savent gré d'avoir ouvert la voie à la Réforme (d'ailleurs sa fille, la mère du futur Henri IV, transforma Pau en "petite Genève"), les catholiques le lui reprochent, comme le Marquis de la Franquerie et pensent même que son penchant hérétique causa bien des malheurs à son frère et à sa lignée.

A vrai dire, la question est un peu complexe. Patricia Lojkine dans son dernier livre sur cette reine montre que les choses furent assez complexes. Avec toutes les charges ecclésiastiques qu'elle avait comme duchesse puis comme reine du Béarn, et surtout comme soeur du très chrétien roi de France, elle ne pouvait pas aisément pencher du côté de la Réforme quand bien même elle l'eût voulu. Et de toute façon, il me semble que son pèlerinage à la Sainte-Baume en janvier 1516 avec son frère et sa mère, et la protection que sa famille accordait à des intellectuels très attachés à la dévotion de Marie-Madeleine comme Lefèvre d'Etaples ou François de Moulins de Rochefort, paraissent exclure.

Et d'ailleurs, il faut aller plus loin. Il faut interroger plus en profondeur le rapport de Marguerite de Navarre au culte de Marie-Madeleine, ce qu'elle a voulu dire, dans la nouvelle 32 de son Heptaméron allégorique de la sainte repentante quand elle y mêle le peintre alchimiste Perreal.

Et il faut s'interroger sur le rapport de cette reine au spiritisme. J'ai évoqué cette scène narrée par Brantôme de la reine de Navarre à Pau en 1549 passant sur la tombe de la jeune Mlle de La Roche et sentant son cadavre se mouvoir. En septembre 2020 j'ai interrogé Bibliothécaire assistante spécialisée au Domaine du Château de Pau qui m'a répondu que Raymond Ritter, auteur de l’ouvrage « Le château de Pau » (Honoré Champion, 1919), rapporte également cette anecdote mais en précisant que les protagonistes se trouvent dans l’église de Pau. En effet l’ancienne église Saint-Martin, détruite en 1884, se trouvait en face du château, à quelques pas. Une étude archéologique et historique de l’édifice a été réalisé par Louis Lacaze qui indique que des pierres tombales (près de 90) formaient le sol de l’église, cependant la plupart étaient illisibles. De même on sait qu’un cimetière existait à l’est de l’édifice avant la construction du Parlement de Navarre. Les fouilles de la cour en 2014 et les diverses études des jardins n’ont pas fait mention de sépultures dans l’enceinte du château de Pau.

J'ai interrogé Mme Lojkine qui m'a expliqué qu'elle ne connaissait pas cette anecdote, mais qu'il en est d’autres rapportées par le même Brantôme concernant la curiosité de Marguerite pour le moment où l’âme quitte le corps (elle aurait observé une domestique pour guetter son dernier souffle)...

Si tout le monde s'accorde à voir chez Marguerite de Navarre un modèle de vertu (à part quelques indulgences pour les incartades charnelles de son frère), il y a plus d'une bizarrerie dans sa spiritualité, et je ne dis encore rien de la protection constante qu'elle accorda au proto-libertinage de Pocque et Quintin.

J'étais le 21 octobre dernier dans la cathédrale où elle est enterrée, comme je m'y étais déjà rendu dix ans plus tôt. A ma grande surprise j'ai pu constater qu'on ne peut plus approcher du tombeau comme auparavant. Peut-être l'évêque redoutait-il que le néo-féminisme autour de la reine n'attire les foules en ce lieu retiré.

Quant à François Ier, le roi chevalier, n'avait-il pas quelque rapport avec la "religion primordiale" ? Je passe sur les travaux de Didier Coilhac sur l'architecture occulte de Chambord et surtout sur ses conclusions hasardeuses sur une arche d'alliance enfouie vers laquelle celle-ci pointerait secrètement, pour simplement revenir à Pierre Dujols, ses "Nobles Ecrits" récemment réédités par le Mercure Dauphinois. Celui-ci a le sentiment que François Ier méritait son titre de chevalier là où beaucoup de souverains après lui l'usurpèrent, mais il prête à la chevalerie occidentale une sorte de spiritualité non-chrétien qui serait pratiquement dérivée du soufisme oriental (et d'une certaine façon, symbiotique avec le savoir des Templiers et de la première maçonnerie).

La clé du problème tient bien sûr à ce culte de l'amour courtois qui anime la chevalerie, culte que j'ai étudié pour la première fois dans mes jeunes années (en 1987) à travers Denis de Rougemont qui y voyait une hérésie dangereuse née chez les manichéens, transmise aux cathares et abâtardie par le roman du XIXe siècle et l'amour-passion hollywoodien. Il faut revenir à toute cette thématique, pour savoir dans quelle mesure les Valois en furent les héritiers.

Dujols se prévaut de Gabriele Rossetti "Il Mistero del Amor platonico del Mediovo" dont Etienne-Jean Delécluze (1781-1863), auteur de Dante Alighieri ou la poésie amoureuse, se fit le porte-parole en France. Dans cette école de pensée on prétend que Diotime de Mégare, grande prêtresse de Mantinée, aurait initié Socrate à la Religion d'Amour, religion qui "aurait fait son apparition en Italie et en France avec l'entrée des Isiaques et des Philosophes dans la ville de Rome" (p. 75). Pour mémoire, le premier isiacum de Rome remonte à la dictature de Sylla. Marsile Ficin le néo-platonicien florentin écrit dans un de ses ouvrages : "Que le Saint-Esprit, amour divin qui nous a été soufflé par Diotime, nous éclaire l'intelligence". Dans son Histoire de France Henri Martin fait remonter la chevalerie au druidisme, druides qui sont héritiers de Pythagore. Grasset d'Orcet, initié par Eliphas Lévi, fait remonter la Table ronde à Enée de Troie. Le Graal est "le vase païen du feu sacré" (p. 89), le gardal égyptien devenu grasal en provençal. Eugène Aroux (1793-1859) a bien développé nous dit Pujols la mystique de la chevalerie mais eut le tort de la relier à la noblesse de France, lien qui fut accidentel et non essentiel, d'ailleurs la chevalerie n'était pas héréditaire alors que la noblesse l'était. Souvent le chevalier était de petite noblesse (Fauriel, Cours de littérature provençale) et le mysticisme maçonnique qui l'animait avait plus sa place dans les couvents (cf Sur la Route Sociale de Lebey). Goerres a bien comparé, nous dit Pujols, les rites de chevalerie à ceux des païens.

J'ai parcouru le livre d'Aroux (qui était chrétien de stricte observance) "Les mystères de la chevalerie et de l'amour platonique". Sa thèse sur Dante albigeois (les Albigeois, les Fils de la Veuve, qui classaient Innocent III, Dominique et Grégoire V parmi les démons - comme Dante dépeindra St Dominique en Minos - , et Pierre Damien, François d'Assise, Saint-Bernard, le Tasse, Robert Guiscard et Godefroy de Bouillon parmi leurs saints). Dante, dit-il, a vu dans Salomon l'organisateur de sa massénie, et c'est dans la littérature que le catharisme perdurait. Aroux en trouve la preuve dans la symbolique du Roman de Jauffré (roman provençal des années 1200, dont le héros est un fils d'un chevalier de la Table ronde), le Roman de Fierabras, Aucassin et Nicolette et Tristan de Léonois.

J'ai jeté aussi un coup d'oeil au travail d'André Lebey, qui dit des choses intéressantes sur une ville qui m'est chère, Troyes (p. 55), "une des cités les plus religieuses de France", où fut fondé l'Ordre du Temple, et où le couvent Notre Dame aux Nonnains "qui passa toujours pour abriter une survivance des cultes du paganisme en même temps que certaines pratiques des prêtresses druidiques", de sorte que beaucoup de couvents champenois allaient adhérer à la franc-maçonnerie... On comprend que Dujols ait apprécié son républicanisme franc-maçon, et sa relecture des traditions spirituelles à la lumière de cette foi, mais cela nous éloigne tout de même un peu trop de la chevalerie et des Valois.

Il faudrait plutôt peut-être méditer un peu plus, comme nous y invite Delécluze, sur cette figure qu'est la Femme comme médiatrice entre Dieu et les hommes, à travers la figure de Béatrice chez Dante, Diotime pour Socrate et Platon, Sainte Monique pour Augustin.

Le fait que François Ier portait sur lui de la poudre de momie, et son amitié pour l'initié Léonard de Vinci plaident pour une adhésion possible du roi à des traditions secrètes. Sa condamnation de l'alchimie est ambiguë.

Mais peut-être les alchimistes ont-ils trop tendance, par principe, à tirer la chevalerie et les Valois vers l'hérésie, comme Aroux tirait trop Dante (et l'ensemble du platonisme) vers la Gnose et le catharisme.  Concernant Aroux, c'est en tout cas ce qu'écrivait le romancier André Thérive dans la Revue hebdomadaire du 2 juillet 1921 (p. 85 et suiv.).

Sur la question de la succession des Valois, je ne crois pas du tout que l'ancêtre d'Antoine Dujols, Guillaume Dujol qui aurait été vers 1720 soi-disant adopté par des paysans du Cantal, soit un descendant caché des Vallois, comme l'avait d'ailleurs mis en doute cet article de 1885.

Il faudra revenir un peu sur tout cela ultérieurement...

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Est/Ouest (Emmanuel Berl)

13 Octobre 2022 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Peuples d'Europe et UE, #1910 à 1935 - Auteurs et personnalités, #Divers histoire

"La dépréciation scandaleuse de Byzance (dans l'historiographie) est sans doute pour quelque chose, et même pour beaucoup, dans les difficultés de l'Europe occidentale à comprendre la Russie et à se faire comprendre d'elle. Ce défaut défaut de communication, les Russes l'imputent au capitalisme, les Occidentaux au léninisme. Mais il existait avant que la Russie devienne bolchévique et Dostoïevski n'est pas moins dur - et injuste - envers le 'bourgeois de Paris' que n'est, aujourd'hui, la Pravda"

Emmanuel Berl, Les Impostures de l'Histoire, 1959 (réédition Grasset 2014, p. 32).

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La Latgalie, un peu d'Histoire

3 Octobre 2022 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Souvenirs d'enfance et de jeunesse, #Peuples d'Europe et UE, #Divers histoire

Ayant en ce moment quelques velléités de retour en Lettonie où je m'étais déjà rendu en 2003 et que mon éditeur connaît fort bien, je me penche un peu sur la Latgalie, région d'origine d'une mienne amie, et seul district catholique dans une Lettonie protestante.

Le journal des débats politiques et littéraires du 19 février 1922, sous la plume de Léonce Juge, s'était penché sur cette région en disant qu'elle servait de "terrain d'infiltration à la fois aux influences russo-nationalistes, russo-communistes et polonaises". Il précise qu'en octobre 1921 l'assemblée constituante fut saisie d'un projet d'indépendance de la région et le premier ministre Miérovitch s'y est rendu. Les "bolchéviks, explique l'article, possèdent en Lettonie une réserve beaucoup plus considérable qu'ailleurs d'éléments communistes - groupés pour la plupart dans les villes et les bourgs de Latgalie". L'ex-représentant de Lénine à Riga, Ganetsky aurait utilisé la Latgalie pour contrecarrer le projet d'Entente baltique avec Varsovie lancé par les Lettons.

La Croix du 1er août 1922 allait aussi reprendre ces éléments d'analyse juste après la signature du concordat entre la Lettonie (qui comptait 1,5 millions d'habitants) et le Vatican.

"Ce qui favorise le communisme en Latgalie, note le journal, c'est d'abord le fait que les propriétés paysannes sont de peu d'étendue, et ensuite que la population de cette province est très hétérogène et de culture fort diverse. En outre, les habitants des campagnes latgaliennes gagnent difficilement leur vie 50 % de la population masculine de la région de Dvinsk travaillait autrefois dans les usines des grands centres industriels russes, principalement à Petrograd et- à Moscou. Faute d'une industrie active dans le pays même ou de relations faciles avec les provinces soumises aux Soviets, tous ces éléments sont maintenant inoccupés et, par conséquent, misérables. Or ils sont revenus de Russie déjà plus ou moins contaminés par le bolchévisme et, n'ayant trouvé à leur retour qu'un morceau de terre insuffisant à les faire vivre, ils constituent pour l'infiltration communiste une ayant-garde toute disposée à servir les buts révolutionnaires de l'Internationale rouge. A ces éléments s'ajoutent encore ceux qui proviennent de l'armée rouge et que celle-ci, depuis la; démobilisation commencée au, début de l'été dernier renvoie chaque jour dans leurs foyers. Ceux-là ont subi pendant trois ans l'influence de la déformation morale qui est au premier plan de l'éducation politique des masses en Sovdépie ils ont appris à renier tout sentiment patriotique et à persécuter chez les autres les moindres manifestations de ce sentiment; en un mot, ce sont des candidats tout prêts à l'anarchie et au brigandage."

Et puis il y a les Russes blancs. "La secte des «vieux-croyants» qui fut autrefois l'un des meilleurs soutiens de l'autocratie et du nationalisme russes forme aujourd'hui le noyau de ce nouveau bloc contre-révolutionnaire en formation, qui ne rêve rien de moins que de rétablir la Russie dans ses limites de 1914, hormis la Pologne et la Finlande. Or les « vieux-croyants » sont très nombreux en Latgalie; ils y luttent à la fois contre l'influence communiste et contre l'infiltration polonaise, contre les efforts du gouvernement letton pour assimiler cette province hétérogène et contre les menées lithuano-allemandes qui voudraient, en la rendant autonome, en faire une sorte de seconde Lithuanie germanophile sinon même germanisée"

Tandis que beaucoup de nobles agraires polonais qui possédaient la plupart des grandes propriétés latgales sont rentrés en Pologne, mais ceux qui restent gardent une emprise sur les paysans catholiques latgaliens peu instruits. Beaucoup qui n'ont pas les idées claires quand on leur demandent leur nationalité disent "catholique" et leur religion "polonais".

La Réforme des Charentes en 1928 allait se pencher sur la lèpre en Latgalie où les conditions d'hygiène étaient déplorables. 

En 1931 le Dr Grinberg, un des économistes lettons les plus connus, pour résorber le déficit budgétaire propose de vendre la Latgalie à la Pologne pour 50 millions de dollars (Express de l'Est des Vosges 1931)

L’écrivain Eriks Adamsons, dans l'entre-deux-guerres, situait en Latgalie la nouvelle "Une infinie pureté" (texte publié en France par les Eds Omnia Mea 2000).  Près du cimetière des "Vieux croyants" enfant sombre dans une mare immonde. Le sergent Beitans hanté par la pureté évite de le secourir et c'est un vieux-croyant russe barbu qui le sauve. Aux descriptions on reconnait la ville de Daugavpils (ex-Dvinsk), capitale de la Latgalie. La nouvelle a une portée universelle et en même temps elle doit dire quelque chose de profond sur cette "Galilée des Nations" qu'était la Latgalie.

Cette ville (Dunabourg en Allemand) avait été fortifiée par les Russes pendant 5 ans et prise par les Français en 1812. Elle était une fondation des chevaliers de l'Ordre du Glaive, ordre livonien autonome de l'Ordre teutonique en 1205. Son magistre Ernst Ratsenbourg y construisit un château pour la protéger des raids lituaniens. Ses ruines furent exploitées comme une carrière, puis elle fut reconstruite. Cédée aux Livoniens par le roi de Pologne, en 1559, elle fut la principale vive Livonienne de l'union livono-lituanienne, puis elle fut encore polonaise, puis suédoise, et russe, les Russes la récupérèrent au premier partage de la Pologne de 1772.

L'occupation russe fut lourde. Dans le Courrier du Gard du 26 août 1863 on lisait :

On écrit de la Livonie polonaise au Czas du 20 :

"Les moyens les plus odieux et les plus tyranniques sont employés contre les prisonniers politiques renfermés dans les cachots des forteresses de Dunabourg et de Vitepsk pour le obliger de signer une adresse de loyauté au czar.

Vous savez qu’en vertu d’un ordre de Mourawieff, chaque chef militaire de district peut aujourd'hui, sur la simple dénonciation de deux témoins, prononcer un arrêt de mort contre un Polonais.

Hier, un ecclésiastique malade, l’abbé Diszo, a été assassiné par un soldat dans l’hôpital militaire, parce qu’il était sorti sur le corridor. Nous voyons tous les jours ici des ecclésiastiques traînés à pied dans la forteresse pour l’instruction cl reconduits de la même manière sous une escorte de soldats.

Le conseil de guerre qui siège à Dunabourg a déclaré innocents l'ancien maréchal delà noblesse du district du Dunabourg, M. le comte Louis Piater , et Mme Sigismond Blynicka. Celte dernière avait été mise en prison parce que son mari avait échappé à une sentence de mort en se réfugiant à l’étranger. Malgré la déclaration du conseil de guerre, Mourawieff a ordonné la déportation du comte Piater et de Mme Brynicka à Orenbourg. Le général Dlotowski, gouverneur de Vitepsk, s’est empressé de faire partir Mme Brynicka pourOreubourg.dans la crainte que, vu son état de grossesse avancée, elle ne (ut mise en liberté aussitôt arrivée à Saint-Pétersbourg.

Le nombre de personnes déportées en Sibérie s’élève à plusieurs milliers. Des trains entiers de prisonniers arrivent jusqu’à Pskow, d’où les proscrits sont dirigés sur Orenbourg et la Sibérie.A Dunabourg, un vieillard, nommé Onaculeniez a été saisi, garrotté et envoyé à Orenbourg pour avoir reproché à un vieux croyant (raskolnik) de s’occuper de pillage et de rapines. Une masse de ces bandits n’attend qu’au signal pour recommencer les tristes scènes qui ont indigné le monde entier.

Dans le palatinat de Vitepsk et de Mohilew, comme dans la Livonie polonaise, les sbires de Mourawieff poursuivent l'extermination de l’élément polonais et catholique sur une vaste échelle. La plupart des domaines polonais ont été confisqués. Les agents moscovites menacent constamment d’extermination la population rurale si elle ne détruit pas elle-même les grands propriétaires. Si cela continue , toutes les classes éclairées de ce pays auront bientôt complètement disparu.

Bon nombre de propriétaires de Livonie se trouvent hors d’état de payer l’impôt de 10 ou 20 % que leur a imposé Mourawieff. On en profite pour les obliger à signer les adresses de loyauté au czar. S'ils persistent à refuser, on les dépouille de tout et on vend tous leurs meubles et immeubles, même les robes de leurs femmes.

Nous avons vu, la semaine dernière, à Dunabourg, les plus beaux sujets de race bovine vendus aux enchères publiques à 12 F. par tête. Les Israélites eux-mêmes ne se présentent pas à ces adjudications, ce qui laisse aux raskolniks et autres vagabonds toute latitude pour s'emparer à vil prix des dépouilles polonaises."

Dans la Lettonie indépendante de 1920, la ville était principalement juive, si l'on en croit "L'univers israélite" du 2 avril 1920 :

"La ville de Dvinsk se trouve sous deux autorités : polonaise et lettone. Les rapports entre les soldats polonais et la population juive ne font que s'envenimer. On arrête des Juifs dans la rue pour les employer aux corvées, on fouille dans les meubles pour voir s'il ne s'y cache pas de bolchévique; le rabbin de la ville, qui a poussé l'audace jusqu'à supplier qu'on ne lui retire pas un manteau de son armoire, a été maltraité.

Les rapports avec les Lettons sont meilleurs ; cependant toutes les barrières ne sont pas enlevées. Bien que les Juifs soient 60 % des habitants de la ville, contre 20 % de Polonais et la même proportion d'autres nationaités, la municipalité est constituée par 10 Lettons, 10 Polonais, 8 Russes et 3 Juifs.".

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