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Les palombes de la Saint-Luc
"Saint Luc lou gran truc" disait-on autrefois dans les Landes, mais aussi en Béarn. Le 18 octobre, c'est le jour du pic de passage des palombes.
Le Mémorial des Pyrénées du 25 octobre 1895 en parlait :
"La campagne se poursuit pour nos chasseurs, comme toujours, avec des chances diverses, mais un écart considérable existe pour tous entre les prises actuellement faites et celles de période correspondante de l’an dernier. Cependant, le passage semble devoir bientôt prendre fin ; les froids sont arrivés. les grues ont commencé leur migration et les meilleures chasses n’ont pas encore la moitié de leur contingent habituel de palombes. La semaine dernière la majeure partie des vols sont passés avec les vents du nord, à perte de vue et en rangs serrés. Jeudi et vendredi jour de la Saint-Luc, ils se sont succédé sans interruption, mais sauf pour quelques chasses exceptionnellement situées, ces palombes passaient sans paraître voir les appeaux.
« Mauvaise campagne ; les palombes ne veulent pas poser » ; tel est le langage que tiennent tous les chasseurs de la contrée. Est-ce l’abondance des glands qui rend la chasse difficile? Il est certain que la faim est un des éléments qui manquent cette année au succès de la chasse au filet. D’un autre côté, la plupart des chasseurs ont débuté sans avoir pu remplacer les appeaux que la maladie leur avait enlevés, et c’est là, croyons-nous, la cause la plus commune de l’insuccès relatif de la campagne.
Le roi palombe, à l’occasion du grand truc, est, dit-on, passé hier sur nos chasses, au milieu de ses bataillons; mais il n’a certainement pas entraîné à sa suite toute son armée; espérons que la réserve, une réserve sérieuse, reste encore à venir, et qu’en dépit d’un mauvais début, il y aura des palombes pour tous."
Même constat 17 ans plus tard, le 28 octobre 1912 : " Les petits oiseaux ont terminé leur passage le long de I’Adour : les alouettes leur ont succédé. Il y a eu d'assez bonnes prises. Quant aux palombes, on les voit passer, c’est tout : elles dédaignent ou négligent de s’arrêter. "
"La palombe vaut la peine qu'on la tire, lisait-on dans L'Avenir d'Arcachon 1906, c'est un mets succulent que certains amateurs mangent comme la bécasse avec une rôtie au rhum. En la préparant, on trouve parfois des glands dans son gésier, comme on rencontre des grains de genièvre dans les grives de l'Aveyron ; et le gland est un fruit salutaire puisqu'on en fait un certain café. "
Pour ma part je la dégustais dans une sauce au vin au restaurant dans mon enfance, avec des cèpes à la persillade.
Il y avait autrefois des foire de la Saint-Luc de Brionne en Normandie jusqu'à Lourdes en Bigorre. On y mangeait peut-être aussi des palombes. C'était du temps où elles n'envahissaient pas nos jardins urbains...
A propos de chasse au pigeon ramier, je tombe sur cet amusant article du Mémorial des Pyrénées du 14 février 1845, compte-rendu d'un procès aux Assises de Pau :
" Si la chasse a ses douceurs', elle à bien aussi ses dangers, surtout depuis cette malencontreuse loi du 12 mai 1844, qui est destinée à éterniser la querelle des braconniers et des gendarmes. Le dimanche, 20 octobre dernier, était jour de loisir pour les gens de Làas, canton de Navarrenx , et le beau bois de Làas devait foisonner de palombes ce jour-là. Une partie de chasse était convenue entre Larrieu père, Larrieu fils, Jean Bartholou fils, François Crampe! et François Hounloun ; et dès l'aube du jour ces cinq paysans de Làas étaient postés à la palombière, sorte de cabane aérienne, au- dessus de' laquelle s’agite une palombe-appeau, qui attire, les palombes voyageuses. Nos chasseurs attendaient les palombes; ce furent; les gendarmes qui arrivèrent. Roussel, l’un d’eux, demanda aux délinquans le permis de chasse ; ils répondirent qu’ils n’en avaient pas. Ceci était croyable. Roussel demanda leur nom ; ils répondirent qu'ils n’en avaient pas. Ceci paraissait peu vraisemblable. Et comme les chasseurs étaient perchés sur l’arbre de la palombière, Roussel grimpe au haut de l’arbre. Ils se dispersent comme des oiseaux et disparaissent dans les branches ; l’un d’eux , cependant, Larrieu père, plus intrépide que ses compagnons, s’élance comme un écureuil , saisit le gendarme à la jambe, disant : « Veux-in tomber sur les pieds ou sur la tête ? — Ce serait « une lâcheté indigne de vous, » répondit le gendarme avec sang-froid et sans s’effrayer du terrible dilemme.— Ce mot presqu’héroïque désarma Larrieu père. Le gendarme , descend ; tous les chasseurs le suivent; une fois au bas de l’arbre, les gendarmes somment les délinquans de dire leur nom ou de se rendre devant le maire de leur commune. Les chasseurs s’y refusent. Une mêlée s’engage , et le gendarme Roussel reçoit à la tête plusieurs blessures qui l'ont retenu au lit 17 jours. Ces faits n’ont pas paru au jury réunir les caractères du crime de rébellion. Les cinq accusés ont été acquittés."
Le réel ne passera pas
Dimanche 17 septembre 2023, à la Fête de l'Humanité, Ritchy Thibault, gilet jaune, co-fondateur du collectif Peuple révolté s'est invité au débat organisé entre le député PCF du Nord, Fabien Roussel, et Edouard Philippe ex-premier ministre candidat, actuel favori de l'oligarchie pour la prochaine présidentielle, afin de souligner que ce dernier avait "du sang sur les mains" et était un "éborgneur" (cf vidéo du Média ci-dessous). Ce jeune militant a été immédiatement et brutalement exfiltré par le service d'ordre pour que les politiciens professionnels puissent débattre "entre gens de bonne compagnie".
Il ne faisait pourtant que dire la vérité, et il aurait pu ajouter aussi que le maire du Havre était co-responsable avec Macron et les oligarques internationaux du premier confinement criminel pendant la psy-op du Covid 19. Mais il ne faut pas trop souligner tout cela, même dans les milieux de gauche (qui avaient été si timidement pro-gilets jaunes, et si absents pour s'opposer au confinement), et conserver l'image d'un gentil "Doudou" avec qui on peut sagement discuter et qui aurait juste le tort d'être un peu trop "centriste" (tu parles, un vrai Adolphe Thiers oui !).
Comme je l'avais raconté dans l'Ingérence de l'OTAN en Serbie, la publiciste parisienne Elisabeth Lévy, du temps où elle m'invitait à dîner chez elle, avait pondu un article intitulé "Le réel ne passera pas" (alors d'ailleurs que ses propres amis faisaient le nécessaire pour couler la part de réel que j'avais moi-même à faire "passer" sur les Balkans en me faisait miroiter la publication d'un bouquin chez Albin Michel pour ensuite flinguer cette possibilité). Un journaliste du Monde Diplo qui m'écrivait hier pour chercher des contacts à Belgrade afin d'y enquêter sur les événements de 1999 me faisait repenser à tout cela.
En réalité, le fait que le réel ne puisse "pas passer" est une constante depuis 25 ans. Et aujourd'hui comme hier, on a le choix entre un journalisme mainstream aux ordres, et un théâtre de marionnettes de faux opposants embourgeoisés, dans les meetings soi-disant "communistes", ou, pire, dans les vidéos ridicules de YouTube (j'englobe dans cette liste les youtubeurs nombrilistes demi-habiles façon Rougeyron, Asselineau, Collon etc). Tous sont là pour normaliser, simplifier, caricaturer le réel, pas pour le faire passer. Et les gens sincères qui auront des choses désagréables à rappeler, après avoir été éborgnés, placés dans des gardes à vues arbitraires, avoir perdu leur job etc, pourront éventuellement être instrumentalisés par ces talking heads pour un ou deux coups d'éclats médiatiques. Mais, soyons en certains : le réel, lui, avec toute sa profondeur, ne passera pas.
Crimes ancestraux
Peu après mon passage à Cienfuegos fin avril, je parlais, avec un guide cubain dont voici la photo à droite.
Je lui disais que mon arrière-grand père espagnol (à gauche ici) en 1898 s'était engagé pour aller faire la guerre à Cuba contre les Américains, dont il a d'ailleurs été ensuite prisonnier pendant plusieurs années.
"Ah ! s’il est venu à Cuba, me répondit le guide, tu dois avoir des tas de petits cousins inconnus sur cette île, vu les mœurs de l’époque", façon élégante de dire qu’il avait probablement engrossé de gré ou de force pas mal de filles créoles, noires ou mulâtres… Je lui ai raconté aussi que, de retour à son village en Aragon, il dansait la rumba d'une manière telle que les paysans pensaient qu'il était possédé. Alors le guide lâcha une bombe qui ne figurait pas dans le Guide du Routard : la rumba est au départ une danse religieuse de la santeria, en l’honneur de la déesse aquatique Yemayá. Y aurait-il donc eu de la réelle possession ou un pacte inconscient avec une mauvaise entité dans tout cela ?
En tout cas, sur le volet tout simplement de la mémoire familiale des traumatisme et des crimes, certes le bisaïeul est rentré en Espagne anti-militariste et professait des idées de gauche (si bien que toute sa famille fut républicaine en 1936-1939 et contrainte à l'exil), mais cela ne le blanchit pas pour autant de tout ce qu'il a pu faire sur la grande île. Ai-je à effectuer un tiqqun, une réparation sur ce plan là ?
J'ai repensé à cela en regardant cette émission sur une Alsacienne qui porte la culpabilité d'un oncle criminel de guerre.
Angélique et le Roy
Je regardais tantôt, en déjeunant, sur Paramount TV, un morceau d' "Angélique et le Roy", charmant petit film des années 1960 qui rappelle le temps où la France avait encore une culture sûre d'elle, qu'elle mettait même en scène dans ses bleuettes pour caissières de Prisunic.
On ne se torturait point l'esprit, en ce temps là, avec le "wokisme"(une idéologie qui n'a cependant pas que des défauts, même si elle en a beaucoup). On mettait en avant un féminisme de pacotille, qui servait plus à jouer avec le mâle qu'à le haïr. Et bien sûr il y avait alors un dedans et un dehors : dehors se trouvait le barbare - cet ambassadeur de Perse qui n'est bon qu'à violer. Les frontière entre les deux comme entre le haut et le bas étaient très claires, et, de ce fait, on pouvait s'amuser à tenter (mais tenter seulement) de les transgresser parfois.
L'ouvrier devait rêver (mais rêver seulement , en salle obscure) de marquisat. "Vous me trouverez à la cour, dont je suis" lance la marquise à l'ambassadeur après qu'il eût tenté de jouer avec elle. Dont je suis, dont vous n'êtes pas... et dont le téléspectateur n'est pas non plus.
Le film ne dit rien de la France de Louis XIV, et tout du regard que la bourgeoisie parisienne (ou parisianisée) des années 1960 portait sur elle, ou ce qu'il pouvait en rester à son époque... dans cette France qui se voulait encore un peu au dessus du monde...
Cette bourgeoisie qui commandait encore au pays en 1980 et 1990 n'était bien sûr pas disposée à m'intégrer en son sein. J'ai eu beau avoir ses diplômes, je n'ai jamais maîtrisé ses codes (ses manières, son accent), ni sa tournure d'esprit.
Il n'y a par exemple jamais eu la moindre familiarité entre moi et les lieux de la noblesse du bassin parisien comme Reims, Versailles ou Senlis, lieux dans lesquels nos bons bourgeois projetaient leur imaginaire (je suis un homme des périphéries, voyez ce livre, comme l'amusant et chaotique Juan Branco qui disait il y a cinq jours avoir défendu face à Mélenchon la grandeur de Louis XIV, mais lui a grandi à Paris et dans les jupons occultistes de Catherine Deneuve... pas moi).
Qu'aujourd'hui cette bourgeoisie en ait enfanté une autre qui a vendu l'âme de la France à l'empire américain et à son élite sataniste et globaliste est son problème plus que le mien. Asselineau a beau agiter les grigris eurasiatiques pour rompre cet envoûtement, ce n'est pas par cette voie qu'il arrachera sa terre au purgatoire.
La bourgeoisie des années 1960 avait préparé le chemin, non seulement en s'apprêtant à voter pour Giscard et Mitterrand dix ans plus tard, mais déjà en méprisant le christianisme et les racines spirituelles profondes de l'hexagone. Dans Angélique on vénère les richesses matérielles, les belles robes, le sexe de la femme que les nobles se disputent... et l'on cherche des substances alchimiques pour acquérir des pouvoirs magiques.
Comme dans Pif Gadget (alors communiste), Dieu est absent.
Aujourd'hui Pif Gadget interviewe Macron. Si la Marquise des Anges reprenait vie, elle aurait maintenant les traits d'un "transgenre" amoureux de notre président, dans un monde sans frontière (plus de haut, plus de bas, plus de nous et plus d'eux, plus de mâles ni de femelles, plus de bien plus de mal), et sans l'artifice de l'élégance versaillaise, même une élégance kitsch, pour dissimuler la chute du pays.
Nos Frangins de Rachid Bouchareb
Sur les conseils d'un ami béarnais avec lequel je manifestais dans les rues de Pau en 1986 contre la loi Devaquet, je suis allé voir le film "Nos frangins" de Rachid Bouchareb sur les affaires Oussekine et Benyahia qui ont éclaté au milieu de notre mouvement.
Je n'ai pas regretté d'être allé le regarder. C'est un bon film documentaire même si, comme le relèvent les critiques, cela manque un peu de ressort dramatique. J'ai été de ceux qui ont manifesté en hommage à Malik Oussekine, et pourtant il y a des choses que je ne connaissais pas à son sujet, notamment sa conversion au christianisme. Je n'avais pas non plus entendu parler de l'affaire Benyahia. En tout cas, elle ne m'a pas marqué. Je ne savais pas non plus que les voltigeurs des la police ont été réintroduits en 2018 au moment de la crise des Gilets Jaunes. L'ex-patron du Raid devenu Macronien en mai 2019 avait lui même télescopé les deux époques d'une manière sensationnelle... Il y avait un gros problème de racisme dans les forces de l'ordre en 1986... et il a perduré...
Le dimanche 7 décembre 1986, 254 114ème jour de ma vie (j'avais fait le décompte), j'écrivais : "La tournure que prennent les événements est préoccupante... Avec une incroyable intransigeance , nos dirigeants ont attendu que le mouvement s'essouffle de lui-même.
Hélas jeudi soir les manifestants pacifiques des universités ont été débordés par des éléments extrémistes qui ont enclenché un cycle de violence dans le cadre des grèves ; les forces de l'ordre ont adopté une attitude totalement indigne, à la limite de la barbarie. Les seules victimes de la répression furent évidemment les étudiants non-violents, tandis que les marginaux se sont appliqués à entretenir durant tout le weekend un climat insurrectionnel dans la capitale.
Pendant ce temps, les grévistes modérés qui portent le deuil d'un des leurs tué par un policier dans la nuit de vendredi à samedi radicalisent leurs positions tandis que le gouvernement se refuse toujours à retirer le projet de loi qui a suscité l'apparition du mouvement contestataire il y a plus de dix jours.
En jouant la politique de l'attente sereine, le gouvernement prenait le risque de voir les jeunes grévistes politiser leur action ou même rejoindre l'état d'esprit de mai 68." Je noircissais ensuite quelques pages dans un style un peu convenu sur la jeunesse qui ne veut plus des sacrifices ni du désengagement de l'Etat.
En novembre 86 j'avais aussi tenu la chronique de ma participation aux grèves et aux manifestations dans mon lycée. L'adolescent que j'étais n'avait visiblement bien écouté les informations, puisque je prenais Malik Oussékine pour un gréviste alors qu'il ne périt que comme un passant qui s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Les réalités parisiennes, à ce moment-là, étaient à 900 km de mon quotidien...
Mylène Demongeot (1935-2022)
L'actrice Mylène Demongeot est décédée il y a 6 jours d'un cancer du péritoine. Tous les Français de ma génération la connaissaient pour son rôle dans Fantomas. Ses autres films passaient peu à la télé. J'avais été étonné d'apprendre que l'inventeur de Goldorak s'était mis à dessiner des filles nues en manga après l'avoir vue sortir nue de la mer dans une salle de cinéma. Il faut dire qu'elle avait débuté sa carrière comme cover girl. On oublie un peu trop le rapport entre la nudité féminine et certaines influences néfastes dans le monde invisible, que nous rappelle opportunément l'affiche du dernier film "VVitch"...
Dans l'émission La Vie De Château sur FR3 le 15/06/1985 interviewée par l'acteur Jean-Claude Brialy, Mylène Demongeot expliquait avoir eu une chouette et un serpent (comme Romain Gary) chez elle...Nous savons bien à quoi la chouette renvoie, y compris sur le T-shirt de notre président et sur les albums de Pat Benatar, ou dans l'imagerie de Stevie Nicks, chanteuse du groupe Fleetwood Mac auteure d'une chanson sur la sorcière Rhiannon...
Mylène Demongeot à 21 ans avait joué un rôle sulfureux dans le film Les Sorcières de Salem. Elle n'avait peut-être pas complètement conscience des ombres qui la suivaient.
En 2020, elle avait dû sa guérison du coronavirus au protocole Raoult, puis avait fait savoir qu'elle refuserait le vaccin, et s'opposait à la dictature sanitaire.
En parlant du coronavirus, l'autre chanteuse de Fleetwood Mac, Christine McVie est décédée la veille du trépas de l'actrice française. Emma Winters de Music Times a fait état d'informations selon lesquelles ce décès pourrait être une conséquence de l'injection ARN anti-Covid, l'explication officielle par des "problèmes de dos" étant peu plausible.
Lasseube, Bourdieu, Latour et Heinich
Ce soir, je relis "Pourquoi Bourdieu" de Nathalie Heinich. Le prix Nobel d'Annie Ernaux est un peu pour quelque chose dans ce besoin de retour à ma jeunesse de sociologue. Mais pas seulement. Vendredi au marché de mon village, je discutais avec un marchand de produits à base de laine, citoyen de Lasseube, et je n'ai pu m'empêcher de lui parler de Bourdieu que j'y avais rencontré en 1990...
Heinich quand elle a publié son livre en 2007 savait qu'elle racontait déjà une histoire ancienne, que déjà une bonne partie du boudieusisme avait beaucoup vieilli (et Bourdieu était mort depuis six ans, quoique - j'y fais allusion dans mon roman "La Révolution des Montagnes" - son bureau à l'EHESS n'avait toujours pas été vidé). Latour (dont les étudiants détestaient les bourdieusiens) était passé par là, et d'autres. Beaucoup de problématiques de Bourdieu s'étaient usé (et elles ont encore plus vieilli aujourd'hui dans l'ambiance d'effondrement de la France et de dictature satanique globaliste façon 1984 dans laquelle nous entrons), mais pas la plus centrale, celle des habitus de classe, ni non plus celle de la défense de l'Etat (voyez cette vidéo de l'université Toursky). Et malgré ma nouvelle orientation spirituelle, je crois qu'il est légitime de continuer à s'intéresser rationnellement aux contraintes (et aux pièges) du langage, à leur effet performatif, de même que je continue à penser qu'il faut continuer à poser la question d'un certain communisme autogestionnaire, aux antipodes du communisme "chinois" que le Forum économique mondial et ses sbires dans nos gouvernements veulent nous imposer.
J'ai envie de revenir un peu sur tout cela dans les livres sur la Lettonie et sur le stoïcisme que je prépare. Je ne sais pas si j'arriverai à expliquer vraiment des choses ou si je resterai allusif. Nous verrons bien.
A propos de Latour, j'ai appris son décès le 8 octobre dernier. Je n'étais pas fan. C'était de la sociologie postmoderne assez superficielle. Je n'ai jamais compris par exemple l'intérêt de prêter un statut social aux objets. Cela n'a de sens qu'en littérature.
Cet été, une ancienne conseillère municipale de Brosseville me disait qu'elle assistait à des séminaires de la fille de ce sociologue inspirés de ses ouvrages... Plutôt des sortes de stages de développement personnel à vrai dire. Je ne suis pas très étonné de voir la sociologie latourienne, comme la philosophie, atterrir dans ce genre de marécage. Les gens maintenant veulent des recettes pour apprendre à vivre. Bientôt ils accepteront la puce informatique qui déploiera dans leur tête un programme en lieu et place de leur libre-arbitre...
La Latgalie, un peu d'Histoire
Ayant en ce moment quelques velléités de retour en Lettonie où je m'étais déjà rendu en 2003 et que mon éditeur connaît fort bien, je me penche un peu sur la Latgalie, région d'origine d'une mienne amie, et seul district catholique dans une Lettonie protestante.
Le journal des débats politiques et littéraires du 19 février 1922, sous la plume de Léonce Juge, s'était penché sur cette région en disant qu'elle servait de "terrain d'infiltration à la fois aux influences russo-nationalistes, russo-communistes et polonaises". Il précise qu'en octobre 1921 l'assemblée constituante fut saisie d'un projet d'indépendance de la région et le premier ministre Miérovitch s'y est rendu. Les "bolchéviks, explique l'article, possèdent en Lettonie une réserve beaucoup plus considérable qu'ailleurs d'éléments communistes - groupés pour la plupart dans les villes et les bourgs de Latgalie". L'ex-représentant de Lénine à Riga, Ganetsky aurait utilisé la Latgalie pour contrecarrer le projet d'Entente baltique avec Varsovie lancé par les Lettons.
La Croix du 1er août 1922 allait aussi reprendre ces éléments d'analyse juste après la signature du concordat entre la Lettonie (qui comptait 1,5 millions d'habitants) et le Vatican.
"Ce qui favorise le communisme en Latgalie, note le journal, c'est d'abord le fait que les propriétés paysannes sont de peu d'étendue, et ensuite que la population de cette province est très hétérogène et de culture fort diverse. En outre, les habitants des campagnes latgaliennes gagnent difficilement leur vie 50 % de la population masculine de la région de Dvinsk travaillait autrefois dans les usines des grands centres industriels russes, principalement à Petrograd et- à Moscou. Faute d'une industrie active dans le pays même ou de relations faciles avec les provinces soumises aux Soviets, tous ces éléments sont maintenant inoccupés et, par conséquent, misérables. Or ils sont revenus de Russie déjà plus ou moins contaminés par le bolchévisme et, n'ayant trouvé à leur retour qu'un morceau de terre insuffisant à les faire vivre, ils constituent pour l'infiltration communiste une ayant-garde toute disposée à servir les buts révolutionnaires de l'Internationale rouge. A ces éléments s'ajoutent encore ceux qui proviennent de l'armée rouge et que celle-ci, depuis la; démobilisation commencée au, début de l'été dernier renvoie chaque jour dans leurs foyers. Ceux-là ont subi pendant trois ans l'influence de la déformation morale qui est au premier plan de l'éducation politique des masses en Sovdépie ils ont appris à renier tout sentiment patriotique et à persécuter chez les autres les moindres manifestations de ce sentiment; en un mot, ce sont des candidats tout prêts à l'anarchie et au brigandage."
Et puis il y a les Russes blancs. "La secte des «vieux-croyants» qui fut autrefois l'un des meilleurs soutiens de l'autocratie et du nationalisme russes forme aujourd'hui le noyau de ce nouveau bloc contre-révolutionnaire en formation, qui ne rêve rien de moins que de rétablir la Russie dans ses limites de 1914, hormis la Pologne et la Finlande. Or les « vieux-croyants » sont très nombreux en Latgalie; ils y luttent à la fois contre l'influence communiste et contre l'infiltration polonaise, contre les efforts du gouvernement letton pour assimiler cette province hétérogène et contre les menées lithuano-allemandes qui voudraient, en la rendant autonome, en faire une sorte de seconde Lithuanie germanophile sinon même germanisée"
Tandis que beaucoup de nobles agraires polonais qui possédaient la plupart des grandes propriétés latgales sont rentrés en Pologne, mais ceux qui restent gardent une emprise sur les paysans catholiques latgaliens peu instruits. Beaucoup qui n'ont pas les idées claires quand on leur demandent leur nationalité disent "catholique" et leur religion "polonais".
La Réforme des Charentes en 1928 allait se pencher sur la lèpre en Latgalie où les conditions d'hygiène étaient déplorables.
En 1931 le Dr Grinberg, un des économistes lettons les plus connus, pour résorber le déficit budgétaire propose de vendre la Latgalie à la Pologne pour 50 millions de dollars (Express de l'Est des Vosges 1931)
L’écrivain Eriks Adamsons, dans l'entre-deux-guerres, situait en Latgalie la nouvelle "Une infinie pureté" (texte publié en France par les Eds Omnia Mea 2000). Près du cimetière des "Vieux croyants" enfant sombre dans une mare immonde. Le sergent Beitans hanté par la pureté évite de le secourir et c'est un vieux-croyant russe barbu qui le sauve. Aux descriptions on reconnait la ville de Daugavpils (ex-Dvinsk), capitale de la Latgalie. La nouvelle a une portée universelle et en même temps elle doit dire quelque chose de profond sur cette "Galilée des Nations" qu'était la Latgalie.
Cette ville (Dunabourg en Allemand) avait été fortifiée par les Russes pendant 5 ans et prise par les Français en 1812. Elle était une fondation des chevaliers de l'Ordre du Glaive, ordre livonien autonome de l'Ordre teutonique en 1205. Son magistre Ernst Ratsenbourg y construisit un château pour la protéger des raids lituaniens. Ses ruines furent exploitées comme une carrière, puis elle fut reconstruite. Cédée aux Livoniens par le roi de Pologne, en 1559, elle fut la principale vive Livonienne de l'union livono-lituanienne, puis elle fut encore polonaise, puis suédoise, et russe, les Russes la récupérèrent au premier partage de la Pologne de 1772.
L'occupation russe fut lourde. Dans le Courrier du Gard du 26 août 1863 on lisait :
On écrit de la Livonie polonaise au Czas du 20 :
"Les moyens les plus odieux et les plus tyranniques sont employés contre les prisonniers politiques renfermés dans les cachots des forteresses de Dunabourg et de Vitepsk pour le obliger de signer une adresse de loyauté au czar.
Vous savez qu’en vertu d’un ordre de Mourawieff, chaque chef militaire de district peut aujourd'hui, sur la simple dénonciation de deux témoins, prononcer un arrêt de mort contre un Polonais.
Hier, un ecclésiastique malade, l’abbé Diszo, a été assassiné par un soldat dans l’hôpital militaire, parce qu’il était sorti sur le corridor. Nous voyons tous les jours ici des ecclésiastiques traînés à pied dans la forteresse pour l’instruction cl reconduits de la même manière sous une escorte de soldats.
Le conseil de guerre qui siège à Dunabourg a déclaré innocents l'ancien maréchal delà noblesse du district du Dunabourg, M. le comte Louis Piater , et Mme Sigismond Blynicka. Celte dernière avait été mise en prison parce que son mari avait échappé à une sentence de mort en se réfugiant à l’étranger. Malgré la déclaration du conseil de guerre, Mourawieff a ordonné la déportation du comte Piater et de Mme Brynicka à Orenbourg. Le général Dlotowski, gouverneur de Vitepsk, s’est empressé de faire partir Mme Brynicka pourOreubourg.dans la crainte que, vu son état de grossesse avancée, elle ne (ut mise en liberté aussitôt arrivée à Saint-Pétersbourg.
Le nombre de personnes déportées en Sibérie s’élève à plusieurs milliers. Des trains entiers de prisonniers arrivent jusqu’à Pskow, d’où les proscrits sont dirigés sur Orenbourg et la Sibérie.A Dunabourg, un vieillard, nommé Onaculeniez a été saisi, garrotté et envoyé à Orenbourg pour avoir reproché à un vieux croyant (raskolnik) de s’occuper de pillage et de rapines. Une masse de ces bandits n’attend qu’au signal pour recommencer les tristes scènes qui ont indigné le monde entier.
Dans le palatinat de Vitepsk et de Mohilew, comme dans la Livonie polonaise, les sbires de Mourawieff poursuivent l'extermination de l’élément polonais et catholique sur une vaste échelle. La plupart des domaines polonais ont été confisqués. Les agents moscovites menacent constamment d’extermination la population rurale si elle ne détruit pas elle-même les grands propriétaires. Si cela continue , toutes les classes éclairées de ce pays auront bientôt complètement disparu.
Bon nombre de propriétaires de Livonie se trouvent hors d’état de payer l’impôt de 10 ou 20 % que leur a imposé Mourawieff. On en profite pour les obliger à signer les adresses de loyauté au czar. S'ils persistent à refuser, on les dépouille de tout et on vend tous leurs meubles et immeubles, même les robes de leurs femmes.
Nous avons vu, la semaine dernière, à Dunabourg, les plus beaux sujets de race bovine vendus aux enchères publiques à 12 F. par tête. Les Israélites eux-mêmes ne se présentent pas à ces adjudications, ce qui laisse aux raskolniks et autres vagabonds toute latitude pour s'emparer à vil prix des dépouilles polonaises."
Dans la Lettonie indépendante de 1920, la ville était principalement juive, si l'on en croit "L'univers israélite" du 2 avril 1920 :
"La ville de Dvinsk se trouve sous deux autorités : polonaise et lettone. Les rapports entre les soldats polonais et la population juive ne font que s'envenimer. On arrête des Juifs dans la rue pour les employer aux corvées, on fouille dans les meubles pour voir s'il ne s'y cache pas de bolchévique; le rabbin de la ville, qui a poussé l'audace jusqu'à supplier qu'on ne lui retire pas un manteau de son armoire, a été maltraité.
Les rapports avec les Lettons sont meilleurs ; cependant toutes les barrières ne sont pas enlevées. Bien que les Juifs soient 60 % des habitants de la ville, contre 20 % de Polonais et la même proportion d'autres nationaités, la municipalité est constituée par 10 Lettons, 10 Polonais, 8 Russes et 3 Juifs.".