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Le blog de Frédéric Delorca

Anthropologie de nos séries d'enfance

31 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Souvenirs d'enfance et de jeunesse

026- 1992 (29.8.92-24.11.92) 206J'aurais pu vous parler de bien des dessins animés et de bien des films de la fin des années 1980. J'en choisis un au hasard tout simplement parce que je le regardais cet après-midi.

 

Des tas de gens sont morts au cours du premier semestre 1980 : Jean-Paul Sartre, Roland Barthes, Alfred Hitchcock. Mais pour moi et mes petits camarades de classe qui avions neuf ans, le premier semestre 1980 est surtout marqué par la mort de Volcor et celle de Furia dans la série San Ku Kaï que diffusait Antenne 2.

 

Ils ont bien raison sur Wikipédia de dire que c'était une série à la gomme faite de bric et de broc : "La réalisation bénéficiait, manifestement, d'un petit budget : lunettes de ski et vêtements en filet, casques de mobylettes ; récupération de scènes d'un épisode à l'autre ; scènes d'action tournées dans la même carrière", écrivent-ils. Un plagiat de Star Wars avec des références à l'imaginaire japonais (les arts martiaux notamment). Rien de plus.

 

Oui, mais pour nous qui avions neuf ans, et pour qui ni Star wars, ni même le Japon n'existaenit vraiment, il s'agissait de tout autre chose. Un film initiatique qui nous sensibilisait aux valeurs héroïques, comme Goldorak, Albator, Capitaine Flam, que sais-je encore... Je m'étonne aujourd'hui de voir que ma génération qui a gobé tant d'histoires de super héros se soit montrée si peu héroïque, si peu digne au final, si lâche, si immature, dans ses choix collectifs. C'est un mystère.

 

Je me souviens très bien de cet épisode 26 où les numéros 2 et 3 de l'armée des "stressos" (quel nom débile quand on y songe) meurent. On s'était attachés à eux au fil des semaines. Furia me faisait carrément fantasmer. Ce côté femme combattante, comme les déesses guerrières d'antan, était tout à fait insolite pour nous. Et un tantinet sexy. Mais sa fin est minable. Normale en un sens puisqu'elle a toujours incarné la lâcheté et la perfidie. Wikipedia explique qu'elle était " assez douée dans l'art des retraites rapides et précipitées, fourbe et ambitieuse"... Pas terrible pour l'image de la femme - les femmes du camp "du bien" n'étaient pas mieux traitées, et, à tout prendre, celle du mal m'intéressait plus.

 

Je me souviens parfaitement bien de la mort de Volcor et même du commentaire que nous en fîmes dans la cour de récréation. Je ne sais plus qui le dit le premier, mais nous tombâmes tous d'accord pour exprimer notre admiration pour sa loyauté car il fut le seul à périr dans la bataille sans trahir ses supérieurs hiérarchiques. Un vrai soldat idéaliste en quelque sorte...

 

La série dut beaucoup à sa musique entraînante qui venait dynamiser les scènes de combat que nous attendions toujours avec impatience. C'était plein d'adrénaline.

 

Je ne sais pas si les petits garçons aujourd'hui peuvent encore communier au jour le jour dans l'évocation d'épisodes de téléfilms vus la veille comme nous le faisions. Je suppose qu'Internet et la TV à la carte interdisent cela désormais. Et nourrit-on leur testostérone aux films de combat comme le faisaient les japonais à l'époque (sous la critique générale des conservateurs et des associations de parents d'élèves il est vrai), dans un monde où, désormais la violence reste représentée (dans les jeux vidéos notamment) mais seulement pour les plus de dix ans ?

 

Je m'interroge...

 


 


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Revue des cours littéraires de la France et de l'étranger 1867-1868

29 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XIXe siècle - Auteurs et personnalités

Comment voyait-on le monde en 1867 ? La revue des cours sur laquelle je suis tombé par hasard aujourd'hui en donne une petite idée.

 

Le XIXe siècle en matière de compréhension sociologique et psychologique de l'histoire est souvent le siècle de la simplicité, ce qui a l'avantage de permettre d'entrer dans trop d'efforts dans des sujets compliqués sans trop se fatiguer, mais cela suppose bien sûr qu'on ne se contente pas des clichés produits.

 

J'aime bien celui-ci par exemple, dans le numéro du 2 mai 1868, sous la plume de Jean Zeller à propos de la Renaissance : "La France, on le sait, se trouvait alors entre l'Italie, qui retournait au paganisme par l'étude des chefs d'oeuvre profanes des Grecs et des Latins, et l'Allemagne, qui tournait à une révolution religieuse en s'attachant aux livres saints et aux premiers Pères. (...) François Ier et Marguerite s'intéressaient, dans leur mesure et selon leurs directions différentes, à ce renouvellement de l'esprit ; François se faisait traduire et lire les historiens latins et grecs, Tite-Live ou Thucydide ; Marguerite ouvrait les Epîtres de saint Paul ou la Cité de Dieu, de l'évêque d'Hippone" (Soirée littéraire de la Sorbonne).

 

Plutôt amusant, avouons le. Cette formule élégante avec sa passion pour les "caractères nationaux" ferait presque de François Ier un italien et de la Marguerite des Marguerite une allemande, ce qui, du coup, permet aussi de figer la femme dans le stéréotype de la dévotion comme on l'aimait alors ("Marguerite était avant tout bonne soeur" écrit-il plus loin, on verra ailleurs sur mon blog ce que je pense de cela), oubliant Marguerite lectrice de Boccace...

 

Par Léon Feer de l'Ecole des lettres orientales (miracle ! il a sa fiche dans Wikipédia) dans la revue du 29 juillet 1868 on apprend que la France fut pionnière dans la philologie des  textes tibétains grâce à l'envoi par Pierre le Grand de liasses de textes de ce pays à l'Académie des inscriptions de Paris, mais qu'il en fut fait un mauvais usage. Il note à propos de la colonisation occidentale en Asie : "L'invasion européenne (car elle mérite ce nom) secoue les peuples de leur torpeur (...). Le développement de l'activité nationale par une meilleure administration des ressources de chaque contrée, l'accroissement de la richesse publique, peuvent seuls faire pardonner l'immixtion, peut-être nécessaire, en tout cas inévitable, mais assurément trop pressante, et non exempte de violence et d'usurpation, des Européens dans des contrées qui ne sont pas les leurs". Sans doute est-ce là le reflet de l'opinion majoritaire de l'époque.

 

Dans le numéro du 7 mars, Emille Beaussire (qui sera un des fondateurs de Sciences Po) s'inquiète du contenu dogmatique du spiritualisme académique et défend un essai de François Magy (réimprimé aux USA il y a peu semble-t-il voir ici) qui concilie matérialisme et spiritualisme autour de Leibnitz. J'aperçois aussi des considérations de Paul Janet sur les âmes des animaux, des conférences sur la littérature américaine, sur la Prusse, sur les premières colonies françaises (au XVe siècle), sur l'Antiquité. Il faudra que je vous reparle de tout ça un autre jour.

 

 

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Une mauvaise pente

28 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Je regrette que certains, à gauche de la gauche, aillent mêler leur signature à celle de mouvements peu recommandables dans des pétitions sur le Proche-Orient - voyez ici. Je m'étais opposé à ce genre de "liaisons dangereuses"en 2000 à propos de l'opposition à la politique de l'OTAN dans les Balkans, je regrette que 12 ans plus tard les catégories se brouillent à nouveau. En outre le texte en cause a le tort de sousentendre que la Syrie n'est pas une dictature et que les forces d'opposition armée sont uniquement islamistes (ce dont personne n'apporte la preuve).

 

Je comprends que le jeu des pétro-monarchies, celui des Frères musulmans turcs, et la montée du salafisme comme en Libye suscitent des inquiétudes. Mais ce serait un tort que d'employer cette grille de lecture à titre exclusif. Il faut avoir l'honnêteté de dire qu'en Libye hier comme en Syrie aujourd'hui il a existé et il existe une pluralité d'oppositions au régime héritier du panarabisme socialiste. C'est mentir aux gens que de leur faire croire qu'il n'y a que des islamistes. Bien sûr la rébellion armée syrienne comprend des éléments particulièrement extrémistes et barbares, mais il semble fort que les groupes gouvernementaux en comptent aussi, et nous ne devons pas tomber dans un simplisme outrancier qui inverserait celui des grands médias sans ajouter de nuances.

 

Une grande partie de mon désengagement actuel des questions géopolitiques tient au fait que, sous l'influence de la culture Internet, les grilles de la contestation de l'ingérence occidentale deviennent  partout outrancières. Ce nouveau style de la dissidence ne me plait pas du tout et je préfère de loin le silence de Lucrèce sur les rivages de la guerre civile au concours du plus gros mangeur de champignons hallucinogène que devient depuis deux ou trois ans le débat dans certains milieux "alternatifs".

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Pythagore

26 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Antiquité - Auteurs et personnalités

Diogène Laërce, avec ses biographies de philosophes antiques, reste mon principal compagnon de solitude. Je découvre toujours des choses amusantes et instructives dans ces histoires, au milieu du fatras de racontards qu'il véhicule. Je trouve tel scholarque de l'Académie amoureux du luxe et des courtisanes (un "nouvel Aristippe" nous dit Diogène Laërce), j'apprends que Démocrite était un fanatique de Pythagore (alors que ces auteurs me paraissaient incompatibles entre eux).

 

La figure de Pythagore m'intrigue de plus en plus. Une certaine tradition issue sans doute de l'école républicaine française qui m'a formé m'a poussé à le mépriser au même titre que ceux qu'on nommait autrefois du terme péjoratif de "présocratiques", c'est-à-dire ceux qui ont eu le malheur de naître avant les lumières rationalistes de Socrate. Une fois qu'on est conditionné dans le mauvais sens, il est difficile de faire le chemin à l'envers. J'ai eu beau savoir que Platon lui devait beaucoup, et qu'il y avait du pythagorisme dans les Evangiles (il faut penser toutes les similitudes entre Pythagore et tous les grands fondateurs de religion, le Christ, Bouddha et les autres, car c'est bien ce qu'il fut), je n'ai vraiment commencé à songer à lui que récemment, quand j'ai appris qu'il fut peut être à l'origine du druidisme, et qu'il influença beaucoup les systèmes politiques de l'Italie du Sud.

 

Comme toujours j'aime à rentrer dans les grandes pensées par les petites choses (un peu comme Derrida en un sens, c'est mon côté "pensée 68"), et je trouve chez Diogène Laërce des considérations stupéfiantes sur le rapport de Pythagore aux fèves, qui éclairent à mes yeux toutes les ambiguïtés des spiritualités antiques, si, par exemple, on les compare aux thèses du premier stoïcisme sur certaines pratiques sexuelles. Je n'en dirai pas plus ici mais il y aurait beaucoup à en dire. Les interdits alimentaires du pythagorisme sont impressionnants et profondément surprenants quand on sait que les règles diététiques n'étaient pas très répandues dans le monde grec en ce temps là. Avoir pensé les interdits est aussi considérable à l'époque, que d'avoir envisagé que la Terre pût être ronde (ce que Pythagore devina avant tous les autres). Je pense que Pythagore risque de jouer dorénavant un certain rôle d'arrière-plan dans mes associations d'idées sur les Grecs, le matérialisme, la rationalité, les réformes politico-religieuses.   

 

ps : une émission qui en parle ici

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Pussy Riot, les valeurs affectives, la narrativité

22 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Je ne l'aurais pas cru (vu ma méfiance actuelle à l'égard de la "pensée 68"), mais le rapport à la sexualité (qui est en réalité un rapport à l'individualité, puisque, décidément, la sexualité reste un facteur de construction de soi face au groupe) demeure très influent dans la définition des positionnements politiques. Tous les articles que je lis en ce moment pour défendre la Russie de Poutine dans l'affaire de Pussy Riot sont marqués par une haine sous-jacente de la culture punk (très gentiment louée dans la comédie "Le Grand Soir" signalons le au passage). Un ami anti-impérialiste qui se dit pourtant de gauche, qualifie dans un message privé les filles de ce groupe de "petites putes".

 

Franchement je trouve cela nul. La mobilisation internationale pour ce groupe ne m'enthousiasme pas parce qu'elle sera sans doute récupérée, une fois de plus, par le Big Business d'USAID, de la fondation Soros, et des multinationales, mais je ne suis pas non plus d'accord avec l'hostilité que les réacs déploient en ce moment. La contestation de l'ordre par l'exhibition sexuelle est une valeur prisée par les anarchistes, c'est une valeur qui a acquis sa légitimité au fil de dernières décennies. Bien sûr elle ne peut pas être généralisée car elle perd alors de son sens. Mais tant qu'elle s'affirme par des voies artistiques (et nul ne peut douter des ambitions artistiques des Pussy Riots) elle reste respectable en soi. On ne peut pas dire "c'est une valeur de bobo, tout juste bonne pour les lecteurs de Libé ou du Nouvel Obs", parce qu'alors cela signifie qu'on entretiendra éternellement les classes populaires dans la haine de ce genre. Au nom de quoi ? D'un sacro-saint Ordre moral ? La récupération marchande de la subversion ne doit pas renvoyer aux conservatismes d'antan.

 

P1000086-copie-1.JPGSi vous n'avez qu'un seul texte à lire sur le sujet, voyez l'interview de Joël Bastenaire ancien attaché culturel à Moscou et spécialiste du rock russe. Il a notamment le mérite de comparer le régime de Poutine au Second Empire français sur le plan du pluralisme politique (vous vous souvenez peut-être que je m'étais demandé pourquoi une communiste comme George Sand avait pu garder sa liberté sous Louis Napoléon Bonaparte, et comment un autre communiste, Anatole France, pouvait avoir la nostalgie de la liberté de pensée sous le Second Empire, les remarques de Joël Bastenaire sont utiles pour comprendre la version "soft" du césarisme, la version "hard" étant le fascisme).

 

Et laissez de côté toute la littérature sur les "complots de la CIA" et autres qui intoxiquent ceux-là même qui s'en font les chantres.

 

Au milieu de tout cela je tombe ce matin sur une intéressante étude sociologique (dont à l'instant je ne trouve hélas plus l'adresse URL) sur les moeurs affectives des Français. Les jeunes ne rêvent pas de libération sexuelle comme les soixante-huitards, ils veulent de la stabilité des affects, mais tout autour d'eux va dans le sens de la précarité, non seulement leurs jobs, mais ils voient aussi que le taux de séparation des couples n'a jamais été aussi élevé qu'aujourd'hui. Contradiction patente qui, nous disent les enquêtes, voue les gens à fétichiser leur progéniture (pour le meilleur et pour le pire de ce qui en résultera pour celle-ci), comme seul facteur de stabilité. Les causes de cette évolution sont connues : récupération mercantile et hygiéniste du corps, coupure de la sexualité de tout schème narratif (du story telling si on veut). N'en doutons pas, c'est la crise du schème narratif qui est en cause ici ! On ne peut plus rien créer autour du corps, sauf des happenings nihilistes à la Pussy Riot, parce que le "sens de l'histoire" fait défaut (non pas celui de la grande Histoire, mais des histoires au quotidien, dans le quotidien). Moralité : il est grand temps de réhabiliter la fiction ainsi l'affect de chacun trouvera des voies de créativité et de libération quand même plus intéressantes qu'un "vivement Noël avec mes enfants"...

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