Pour le centenaire de la mort de Jaurès
Je vous rappelle ce texte sur les socialistes de 1900, écrit par Romain Rolland, témoin oculaire, qui fait un portrait intéressant de Jaurès, et "sur le vif" - sans reconstitution a posteriori. Cliquez ici.
"Tu dors Brutus ?"
Aujourd'hui nous assassinons Jules César (puisque nous terminons le mois de Jules) demain César-Auguste (le mois d'Augustus) lui succèdera.
Ad augusta per angusta.
L'arrivée de César-Auguste fut vraiment une bonne chose à rome (et donc dans tout le monde occidental de Cadix à Zeugma), parce que tout était vraiment trop embrouillé à Rome avant lui. Plus rien ne tenait debout, trop d'options essayées, contradictoires, trop de jeux de séduction incohérents.
Il fallait laisser les étoiles redistribuer les cartes.
"Externi generi uenient qui sanguine nostrum nomen in astra ferrant"
Auguste avait un observatoire des étoiles. Il était fils symbolique d'Apollon comme Pythagore (toute l'Enéide parle le langage pythagoricien, y compris le "in astra ferrant" d'ailleurs). Tout cela les rattachait au nombil du monde : Delphes.
Comme ils l'ont bien compris dans la très pythagoricienne Massalia, ville sous la double protection d'Apollon et de l'Artèmis d'Ephèse (une Artémis qu'on peut assimiler à tout et son contraire y compris à Iphigénie, comme le notait Salomon Reinach jadis), Apollon et les déesses-mères sont liés. Dans mon village en ce moment toutes les affiches ne parlent que de la fête de la sainte patronne, qui aura lieu à la moitié de mois, et qui est aussi une déesse-mère.
On assassine César, et les fonds spéculatifs assassinent la très attachante Cristina Hernandez de Kirchner, présidente d'Argentine, la Donetsk ou la Gaza de l'hémisphère austral. Borée relève toi, ils sont devenus fous !
Partir pour le Donbass ?
Déjeuné arrrosé au Danton (Odéon) avec Pierre Piccinin hier.Il pouvait à peine s'asseoir étant tombé de cheval récemment. Il me propose de me rendre dans le Donbass ukrainien avec lui. Témoigner pour les sans-voix. S'exposer au feu des balles, des obus, des missiles avec lui et ceux qui souffrent en silence. C'est tentant. Je voulais déjà le faire quand Belgrade était bombardée il y a 15 ans. Mais Pierre Piccinin n'a pas d'enfant et j'en ai un.
Lui et moi avons les mêmes valeurs, le même imaginaire. Il est dommage qu'un certain manque de recul à l'égard des événements (très forts) qu'il vivait, ait parfois nui à sa réputation, comme je l'ai indiqué dans mes recensions de ses livres pour Parutions.com.
Une pensée pour Gaza. Les salauds sur Internet qui nous parlent des "combats à Gaza vus de l'espace" devraient savoir que ce qu'on voit de l'espace, ce ne sont pas "les combats" : car les tirs de kalachnikovs du Hamas ne se voient pas de l'espace. Ce qu'on voit de là haut, ce sont les bombes israéliennes qui pilonnent sans pitié. Ce ne sont pas "les combats". Et s'il vous plaît, que la TV française arrête d'inviter tous ces pseudos spécialistes (vous voulez que je cite leurs noms ?) qui n'ont à la bouche que cette phrase "le Hamas aussi commet des crimes de guerre". Ces gens, grassement payés, et qui ont pignon sur rue, sont des insultes permanentes au sens élémentaire de la justice que tous les êtres humains sont censés avoir en partage.
Problemito
Je suis invulnérable désormais. Etant mort à moi-même depuis quelques mois déjà. Alors, le sort s'en prend à mes proches. Il leur inflige souffrances sur souffrances, et même la mort (je crois bien par exemple que Marina, "l'héroïne" de mon livre "Eloge de la Liberté" est morte il y a quelques semaines, mais je ne peux hélas même pas le vérifier, voilà un décès qui restera dans le doute). Ce funeste "fatum" pourrait choisir de m'infliger à moi une maladie terrible, ou un sale coup psychologique comme cet hiver, ou liquider ce qu'il reste de "Dasein" physique dans ma présence au monde, mais il ne le fera pas, parce que je n'existe plus pour moi-même et qu'il le sait fort bien. Donc il frappe à côté, où il peut... Et je n'ai aucune parade contre cela car je ne peux pas conseiller à mes proches de mourir à la manière dont je suis mort pour se protéger...
Ukraine
Le site Esprit Cors@ire m'a commandé un article sur l'Ukraine, mais le temps me fait défaut pour trier les infos contradictoires sur la destruction de l'avion de Malaysia Airlines, comme sur le siège de Donetsk. Je vois que la coalition gouvernementale de Kiev explose. Rivalités entre le clan de Tymochenko et celui de Klitchko. Les néo-nazis de Sloboda retirent leurs billes. Comme lors de la première révolution orange, l'élan pro-occidental se brise sur les luttes de clans et sur la pénurie d'argent, car bien sûr, l'Union européenne ne met pas la main au porte-feuille. Porochenko se demande comment il va payer ses fonctionnaires et ses chars d'assauts. Décidément ce pays n'a pas fini d'osciller entre l'Est et l'Ouest. En attendant, les habitants de Donetsk meurent sous les missiles Grad selon Human Rights Watch (les missiles du gouvernement, il va sans dire)... alors que le parlement prépare une loi de décentralisation. L'absurde une fois de plus...
DH Lawrence
L'amour d'égal à égal ?
Léger
Interviewé par Grazia et Atlantico à 24 heures de distance sur le même sujet (un thème sociétal esthétique). A la bonne heure ! J'ai besoin de sujets légers à l'heure où Pierre Piccinin est encore en Palestine.
La société de spectacle n'est peut-être pas que "panem et circense"... "Dialectiquement" elle peut aider à préparer des valeurs humaines d'ouverture qui peuvent être utiles...
Tout dépend de ce que l'on veut. Si l'on veut "un grand soir", du coup de poing, du conflit à tout prix, le spectacle n'est qu' "opium du peuple". Si l'on est plus réformiste comme je le suis et réformateur (au sens religieux), ce qui ne veut pas dire moins radical, on notera que la société de spectacle évite que le peuple se perde en de vaines violence. Certes cela retarde certaines de ses prises de conscience sur le pouvoir politique, mais qui sait si cela ne participe pas d'une préparation des esprits qui pourrait avoir quelque utilité un jour.
J'ai casé le "chakra du coeur" dans mon interview...
Les chrétiens d'Irak, la vérité et le "crime contre l'humanité"
Le sort des chrétiens d'Irak m'a posé deux questions ces derniers temps.
1) Le premier problème est celui de la vérité factuelle.
Pierre Piccinin da Prata (Piccinin, ça sonne mieux que Péchiney-Ugine-Kulman) avec lequel je collabore sur Courrier du Maghreb et de l'Orient écrivait début juillet :
"Les Chrétiens eux-mêmes, qui avaient craint pour leur vie et s’étaient enfuis des régions annexées par le Califat, s’aperçoivent que, de manière générale, Daesh ne persécute pas leur communauté et les laissent libres d’exercer la plupart de leurs activités, sans porter atteinte à leurs propriétés, comme le commande le Coran (les Chrétiens étant considérés comme « impurs », certains métiers leur sont toutefois désormais interdits, comme les professions relatives aux soins de santé ou celles qui concerne la distribution de l’eau courante, par exemple). Les Chrétiens, dont beaucoup s’étaient réfugiés au Kurdistan, commencent dès lors à regagner leurs foyers ; il leur faut cependant payer l’impôt islamique prévu par le Coran à l’intention des Chrétiens et des Juifs."
Il était le seul Occidental dans la région. Aujourd'hui les chrétiens s'exilent en masse. S'est-il trompé ? Dans quelle mesure (de temps et d'espace) la vérité qu'il a constatée sur place était-elle juste ? En quoi et pourquoi a-t-elle changé depuis lors ?
Problème de la pénurie des informateurs. J'apprécie chez Pierre Piccinin ce que j'aimais chez Samuel Laurent en Libye : son regard nuancé sur les djihadistes.
2) Deuxième problème : les concepts
Le conseil de sécurité de l'ONU a adopté une résolution qui condamne "le plus fermement possible la persécution systématique par l'EI et des groupes qui lui sont affiliés d'individus issus de minorités et de personnes qui refusent l'idéologie extrémiste de l'EI" et qualifie cela de possible "crime contre l'humanité"...
Le conseil de sécurité est prudent, il emploie un conditionnel sans doute parce que seule la Cour pénale internationale pourraît qualifier le crime. Mais qu'est-ce qui est un "crime contre l'humanité" ? de tuer des gens parce qu'ils sont chrétiens ou de les soumettre à un impôt ou encore de leur dire "ne soyez plus chrétien" ?
Je comprends les chrétiens quand ils disent "nous sommes la religion la plus persécutée au monde". Ils ont peut-être statistiquement raison, quoiqu'ils doivent reconnaître aussi qu'ils sont la religion qui culturellement imprègne les nations les plus riches, les plus puissantes militairement, celles qui soumettent à leur loi l'avenir de la planète, et à ce titre ils restent la religion qui structure le plus l'imaginaire mondial, les livres d'histoire, la littérature etc.
La question que je me pose est de savoir en quoi serait une atteinte grave à l'ensemble de l'humanité le fait qu'il n'y ait plus de chrétiens en Irak ? Je veux dire, au début des années 80 ont disparu dans les Pyrénées les dernières personnes capables de parler une langue sifflée, comme ont disparu dans les années 60 les derniers "cagots" et disparaissent tous les ans dans le monde des tas de cultures et de langues que ne connaissent plus que quelques vieux. Processus ancien déjà dénoncé dans Tristes tropiques de Lévi-Strauss. Personne ne jugera que le médecin qui a laissé mourir le dernier vieillard qui parlait la dernière langue d'une nation anéantie a commis un "crime contre l'humanité". Est-ce un crime quand le dernier porteur de culture meurt ? En est-ce un quand on en tue cent ou mille ? A partir de quel seuil est ce un crime ? Est-ce un crime si on ne les tue pas mais simplement si on les empêche de parler leur langue et pratiquer leur religion ?
Et surtout, encore une fois, en quoi est-ce que cela atteint "toute l'humanité" (puisque c'est à partir de cette idée d'atteinte générale à l'espèce que le concept a été forgé par le tribunal de Nüremberg) ? Est-ce que l'espèce a besoin d'une diversité religieuse et de la conservation de toutes ses composantes religieuses en chacune des régions du globe ? Si oui, alors même la transformation interne d'une religion peut être un crime contre l'humanité. Vatican II est un crime qui a supprimé le latin des églises. Et si demain les églises se convertissent au New Age et dressent dans les églises des statues de Marie-Madeleine nue en prêtresse d'Isis, bracelet de serpent au bras comme le souhaitent beaucoup d'esprits inspirés, ce sera aussi un crime contre l'humanité puisqu'il liquidera le catholicisme traditionnel...
On voit bien que la notion pose mille problèmes, par delà toutes les réactions hystériques qu'elle favorise. Son problème majeur est qu'elle porte un regard d'entomologiste sur l'humain, espèce qu'il faudrait figer, dont il faudrait garder la physionomie et la "biodiversité" transformée en "culturodiversité" comme nous y exhorte en permanence la chaîne de TV Arte. Il est tentant bien sûr de braquer des missiles et de la condamnation morale (nous aimons tellement la morale imprécatrice, au détriment d'une éthique authentique) sur des barbus qui embêtent les chrétiens. Mais faut-il hausser leur brutalité au rang d'atteinte à ce que l'humanité a de plus fondamental ? Je n'en suis pas si sûr. D'ailleurs leur barbarie n'est-elle pas plus un "moteur de l'humanité" qu'une crime contre l'humanité ?
Une dame naïve que je ne connais pas du tout m'envoie un message sur le profil FB d'Atlas alternatif "C'est aberrant interdire un être humain, de l'être pleinement parce qu'il aime autrement ! Le Monde est en souffrance un peu partout, non à cause de l'amour, qu’elle que soit la façon dont il s’exprime! ce qui est en train de tuer le Monde de l'Humanité, c'est la HAINE! pas l'Amour!" Je ne sais pas trop ce que son mail veut dire, mais je sais moi que la haine n'a jamais "tué le monde". Elle a fait partie de ce qui le faisait tourner. Rien de nouveau sous le soleil.
La notion de "crime contre la civilisation" était au moins plus claire que "crime contre l'humanité" parce qu'on voyait mieux ce qu'elle désignait. Elle ne postulait pas une humanité par définition bonne contre laquelle un crime "extérieur" sévirait. Le "bon" à défendre c'était la civilisation. L'ennui est que la notion était raciste. Parce qu'il y avait le civilisé et celui qui ne l'était pas.
J'arrête à ce point ma réflexion, juste pour signaler que la revue Books parlait il y a peu d'un livre de Bryan Ward-Perkins qui s'est mis en tête de rétablir l'idée (refusée par les germanophiles et la chaîne Arte depuis des anénes, et par contagion l'establishment universitaire européen) selon laquelle les invasions germaniques sont vraiment à l'origine de la chute de l'empire romain et ne furent pas une simple balade touristique de familles gothes et franques pétries d'admiration pour Rome dans un empire déjà mal en point. Une thèse convaincante.