Quand le peuple n'est plus qu'une masse de consommateurs...
Dans le même ordre d'idée 52 % des Américains soutiendraient le bombardement de l'Iran, au risque de précipiter le pays dans le chaos politique et social, après avoir anéanti la société irakienne, et plongé l'ensemble du Proche-Orient dans l'instabilité. 53 % d'entre eux d'ailleurs croient à un bombardement avant novembre 2008 (sondage Zogby International http://www.yomiuri.co.jp/dy/world/20071031TDY06308.htm).
Le marché de la consommation de clichés médiatiques et du lavage de cerveaux se porte bien dans les pays riches.
Honneur au Sri Lanka
J'avais signalé le 22 mai dernier sur le blog de l'Atlas alternatif les dignes manifestations contre l'ingérence occidentale et onusienne des mouvements de gauche au Sri Lanka (http://atlasalternatif.over-blog.com/article-6170794.html), et plus récemment encore, le 19 juin, la très belle tirade de l'ambassadeur du Sri Lanka à la commission des droits de l'homme de l'ONU sur le rôle de Cuba dans le renversement de l'apartheid en Afrique du Sud (http://atlasalternatif.over-blog.com/article-6819794.html).
Il y a deux semaines on lisait la nouvelle ci-dessous sur l'accueil glacial réservé par le gouvernement de Colombo à la Haut Commissaire aux droits de l’homme Louise Arbour, ex-procureure générale de l'infâme tribunal pénal internationale pour l'ex-Yougoslavie. J'ai appris aujourd'hui de source sûre que le président sri lankais a exigé d'elle qu'elle lise certains documents et articles avant de la recevoir, ce qu'elle n'a pas du tout apprécié. RFI précisait aussi pour sa part que le gouvernement sri-lankais a interdit à Arbour de se rendre dans les territoires contrôlés par les rebelles maoïstes des Tigres de l'Eelam tamoul (http://www.rfi.fr/actufr/articles/094/article_57590.asp). Ceci a d'ailleurs valu au Sri Lanka un avertissement du Département d'Etat américain, auquel le ministre des catastrophes naturelles et des droits de l'homme sri-lankais a répondu par une lettre publique (http://www.srilankahcottawa.org/SRI%20LANKA'S%20HUMAN%20RIGHTS%20MINISTER%20RESPONDS%20TO%20U.S.%20STATE%20DEPARTMENT%20STATEMENT.pdf).
Ce pourrait être prochainement au tour d'un autre vétéran du combat anti-serbe, Bernard Kouchner, de jouer la carte de l'ingérence au Sri Lanka. Après avoir manqué la présidence de l'OMS, et juste avant sa nomination comme ministre des affaires étrangères de N. Sarkozy, il avait été mandaté pour représenter l'Union européenne (UE) au sein du Groupe indépendant international d'éminentes personnes (Iigep) chargé d'assister la Commission des droits de l'homme créée par les autorités sri-lankaises - L'Iigep a été créé à l'automne 2006 à l'initiative des Pays-Bas, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, pour ne pas abandonner un processus de paix moribond depuis que le cessez-le-feu parrainé en 2002 par la Norvège a volé en éclats en 2006 (Le Monde 15 mars 2007 http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3216,36-882882,0.html?xtor=RSS-3210). Le site Tamilnet annonçait en effet le 16 septembre dernier que la visite du Dr Kouchner succèderait à celle de Mme Arbour (http://www.tamilnet.com/art.html?catid=13&artid=23283). Espérons que notre ministre y recevra le mauvais accueil qu'il mérite.
Car, sans prendre parti dans la guerre qui oppose les Trigres de l'Elan tamoul au gouvernement sri-lankais, ni dans les autres enjeux de politique intérieure (entre gouvernement opposition notamment), on peut et doit féliciter un Etat qui sait remettre l'interventionnisme occidental à sa place - sachant qu'ensuite le choix du meilleur ou du moins mauvais gouvernement possible, et le règlement des conflits armés, est l'affaire exclusive des populations locales, et doit le demeurer.
FD
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
"SRI LANKA : LOUISE ARBOUR DÉPLORE LA PRÉVALENCE DE L’IMPUNITÉ
mardi 16 octobre 2007
www.radinrue.com le 16-10-2007 01h04
http://www.radinrue.com/spip.php?breve3117
A son retour du Sri Lanka où elle avait été invitée par le président, la Haut Commissaire aux droits de l’homme Louise Arbour s’est dite alarmée par la faiblesse de l’Etat de droit et la prévalence de l’impunité, et a offert au gouvernement l’appui du Haut Commissariat pour que les droits de l’homme fassent l’objet d’une information fiable et officielle. « Le Sri Lanka possède la plupart des éléments nécessaires pour un système de protection national fort ; il a ratifié la plupart des traités internationaux sur les droits de l’homme », a déclaré Louise Arbour dans un communiqué publié à Colombo. « Pourtant, dans le contexte du conflit armé et des mesures d’urgence adoptées contre le terrorisme, la faiblesse de l’Etat de droit et la prévalence de l’immunité sont alarmantes », a-t-elle ajouté.
Elle a regretté l’absence d’enquêtes solides et de poursuites alors qu’ont été rapportés de nombreux assassinats, enlèvements et disparitions. Malgré une bonne infrastructure institutionnelle pour défendre les droits de l’homme, des éléments importants pour leur protection ont été compromis.
La Commission nationale pour les droits de l’homme gagnerait la confiance de la population si elle menait des audiences ouvertes au public, a recommandé Louise Arbour, qui a regretté que l’institution nationale continue de refuser de conduire des enquêtes publiques et de publier des rapports dans les délais. Avec la controverse sur la nomination des commissaires, la Commission s’est discréditée, tant au niveau national qu’international, a-t-elle ajouté. « Le vide existant dans la protection des droits de l’homme au Sri Lanka n’est pas qu’une question de capacité », a insisté la Haut Commissaire. « Un des défauts majeurs réside dans l’absence d’une information fiable et officielle sur les allégations plausibles de violations des droits de l’homme », a-t-elle expliqué.
Elle a rappelé au gouvernement la disposition du Haut Commissariat à l’aider et a jugé urgent, au vu des violations continues, que les deux institutions poursuivent leurs échanges sur de futures relations productives. Le conflit qui oppose le gouvernement sri-lankais et les rebelles indépendantistes tamouls dure depuis plus de 30 ans et a fait plus de 67.000 morts. Au mois d’août dernier, l’ONU rapportait que de nombreux Sri Lankais, déjà touchés par le tsunami il y a trois ans, devaient à nouveau se déplacer en raison de la reprise des combats."
Un article de David Graeber

Cristina K
Pour info je signale un clip machiste anti-Cristina sur http://fr.youtube.com/watch?v=6TwQuYO5XZw
John-Kenneth Galbraith : Economie hétérodoxe

Ce genre de livre est une occasion de réfléchir à l'apport de ces économistes qui, en rupture avec la tradition libérale, défendirent l'interventionnisme étatique dans l'intérêt même de la régularité de la croissance sur le long terme. Je n'ai pas pris la peine dans ce CR de compléter mon propos par des confrontations du keynésianisme avec d'autres courants économiques utiles pour la gauche comme les théories de la décroissance, ce que j'aurai peut-être l'occasion de faire ultérieurement.
Gauche de la gauche : les convictions pâlissent, et les égos se renforcent
Clémentine Autain annonce sa candidature pour les municipales à Montreuil... mais n'a pas la courtoisie d'en informer le maire communiste sortant (cf l'article ci-dessous publié sur le site Web du Monde)... Pour m'amuser cet après-midi j'ai signalé ce fait sur le blog d'Autain au milieu du concert de louanges des admirateurs de Clémentoche. Ma contribution a été supprimée par le "modérateur" (NB : comparativement le blog de Mélenchon est un peu plus pluraliste).
Evidemment toutes ces pratiques "cassent" un peu le mythe de la gentille "Clem" sauveuse de la "gauche de la gauche". J'avais déjà testé il y a un an l'impolitesse de l'impétrante à qui j'avais adressé personnellement l'Atlas alternatif en sa qualité de directrice de la revue Regards, et qui, non seulement n'a jamais laissé publier aucun article sur ce livre (on va quand même pas faire de Regards une revue anti-impérialiste, non mais ! même pas uen revue qui mentionne l'existence du courant anti-impérialiste !) mais je n'ai même pas reçu une carte de remerciement (ce qui autrefois se faisait).
Donc nous voilà en pleine lutte des potentats égocentriques et discourtois : maires contre patrons de revues, la galaxie PCF de plus en plus réduite à un chapelet de notabilités. Je plains les habitants de Montreuil. Une montreuilloise me disait il y a peu qu'un des responsables de la politique internationale de la municipalité était un ex-membre de Reporters sans frontières (mais si mais si : les gens qui ont tenté d'étouffer Chavez sous leur propagande quand il a refusé de renouveler la concession de RCTV). Montreuil la rouge a bien pâli.
Tout le PCF pâlit du reste. Avez-vous remarqué la polémique autour des propos du sénateur Ivan Renar (sénateur communiste du Pas de Calaisà propos de l'intervention israélienne au Liban, le 10 octobre dernier à la tribune du CRIF la guerre israëlienne menée au Liban l'an dernier ? Voyez l'article sur http://www.voltairenet.org/article152255.html, et la courageuse attaque d'un certain Marc Prunier http://www.alterinfo.net/Guerre-contre-le-Liban-Echanges-avec-Ivan-RENAR,-senateur-PCF-et-mises-au-point_a12595.html qui, semble-t-il, a abouti au retrait de l'article du site du CRIF (sur http://www.crif.org/?page=articles_display/detail&aid=9717&returnto=accueil/main&artyd=2 à l'heure où paraît le présent article, seule la version anglaise demeure http://www.crif.org/index.php?page=articles_display/detail&aid=9763&returnto=articles_display/list&tg_id=7&artyd=2).
On lui prêtait notamment la phrase "l’action militaire israélienne durant l’été 2006, justifiée, pour faire cesser les bombardements du Hezbollah sur les villes et les villages d’Israël". Quand on sait l'ampleur des dévastations causées par l'intervention israëlienne au Liban l'an dernier, Cela faisait froid dans le dos. Il ne l'aurait donc finalement pas dit. Dont acte. Mais par delà la polémique sur les mots, on peut se demander si la place des élus du PC est vraiment dans les repas du Crif, compte tenu de l'orientation politique de cette organisation depuis plusieurs années ? Les militants du PC se sont déjà indignés de la présence de Mme Borvo à ces meetings (http://www.europalestine.com/article.php3?id_article=2523).
Je lisais tantôt justement l'intervention de Mme Borvo à la réunion du Crif du 28 février dernier (http://www.crif.org/index.php?page=articles_display/detail&aid=8420&returnto=search/search&artyd=56). "Les dirigeants iraniens, disait-elle, sont suspectés aujourd’hui de travailler à la maîtrise de l’arme nucléaire. Les soupçons pèsent d’autant plus qu’il y a eu des dissimulations antérieures et on voit bien les ambitions de puissance régionale de l’Iran. Il faut bien mesurer la nature et la dimension de l’enjeu. Il s’agit rien moins de la sécurité de l’ensemble du Moyen-Orient dans un contexte où celle-ci est déjà bien mise à mal par la guerre américaine en Irak avec le chaos meurtrier qui s’y développe jours après jours, les tensions qui se diffusent dans toute la région. "
Ainsi Mme Borvo non seulement reprenait les accusations des Etats-Unis contre Téhéran quant à ses préparatifs nucléaires à des fins militaires (accusations non confirmées par l'AIEA...), mais encore elle mettait ce danger (hypothétique, et qui plus est orienté vers l'autodéfense) sur le même plan pour la sécurité du Proche-Orient, sur un pied d'égalité avec celui que provoque la "guerre américaine" en Irak (bien réelle, et tournée vers l'agression extérieure) ! La réprésentante du PCF avait beau ensuite conclure son propos par un appel bien pensant au respect du Traité de non prolifération par tous les pays y compris l'Inde et Israël, la concession aux mensonges dominants est déjà énorme. Je préférais encore les déclarations de Jacques Chirac qui, il y a huit mois, faisait scandale en estimant que l'Iran même avec une ou deux bombes nucléaires ne serait "pas très dangereux" (http://www.bismi.net/articlelecture.php?id=1080).
Et Bové, et Besancenot ? que pensent-ils de la guerre américaine qui se prépare contre l'Iran ? Leur silence est étrange.
Concessions à l'impérialisme, guerre des petits chefs. La gauche de la gauche, après avoir plombé la victoire du "non" au référendum de 2006 par une campagne présidentielle lamentable, ne semble pas être très consciente de son rôle historique. Il lui manque peut-être un Chavez...
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
L'article du Monde sur Autain à Montreuil:
Le maire de Montreuil se désolidarise de Clémentine Autain
(Lemonde.fr avec AFP | 22.10.07 | 15h37 • Mis à jour le 22.10.07 | 15h43 )
Jean-Pierre Brard, député-maire (PCF) de Montreuil, s'est démarqué de Clémentine Autain, qui a émis le souhait d'être candidate sur sa liste à Montreuil. Dans un communique diffusé lundi 22 octobre, M. Brard a affirmé que l'ajointe au maire de Paris "ne peut faire partie du conseil municipal" car "elle n'est pas montreuilloise".
"J'apprends avec stupéfaction, par la presse du week-end, que je remettrais la mairie de Montreuil à Clémentine Autain, en 2011", s'est-il étonné, lundi. Dans son édition daté du 21 octobre, Le Monde rapportait que le maire de Montreuil avait rencontré Melle Autain le 17 octobre. "Se familiariser avec une ville, ça prend du temps", avait alors affirmé M. Brard, avertissant que "le parachutage n'est pas un sport pratiqué localement".
Jean-Pierre Brard en a également profité pour mettre en garde deux responsables communistes locaux, dont le secrétaire de la section, Olivier Madaule, qu'il accuse de "consacrer leur temps et leur énergie à des manipulations de cette nature (...) au nom de querelles de factions". M. Madaule, qui chercherait à obtenir de M. Brard qu'il lui cède la place à mi-mandat, a reconnu que l'arrivée de Clémentine Autain pourrait "apporter 3 % à 4 % de voix et aider à gagner l'élection".
- http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-969889,0.html -
Le dernier livre d'Henri de Grossouvre

CR du dernier livre de Jean-François Mattei

Douce France
Expulsion cinema
envoyé par jeudinoir
Védrine
Sondages
Une fois de plus, il s'agit de faire dire aux gens ce que le commanditaire veut entendre... Inutile donc de perdre son temps à lire les résultats de ce genre d'enquête...
La Mongolie chinoise

Ce film d'une force extraordinaire n'est visiblement pas compris par les critiques occidentaux - par exemple Paris Match qui parle de "comédie de moeurs", Le Monde qui parle de "fin douce amère". Toutes ces expressions toutes faites reflètent la nullité existentielle de critiques bourgeois qui s'offrent des weekends thalasso en Tunisie et ne comprennent rien à ce monde.
Je n'ai trouvé nulle part d'article qui explique comment Wang Qan'an a fait ce film, ni surtout où il a trouvé cette inspiration qui crée une empathie si profonde avec les bergers mongols qu'il filme.
Un des aspects importants du film est la confrontation de cette pauvreté rurale à la richesse moderne des villes, avec toutes les tentations (et toutes les destructurations) qu'elle occasionne. C'est en ce sens que je le compare au Bal des célibataires. La Chine y apparait avec ses contradictions (notamment la montée du capitalisme en son sein), mais tout de même avec un hommage appuyé aux structures communistes : le drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau, très visible au moment où Tuya divorce de son mari, est là pour rappeler aussi que la législation communiste n'est pas pour rien dans la liberté de choix qui est donné aux femmes là-bas (une liberté que certaines chiliennes, polonaises ou irlandaises pourraient envier). Certes cette force d'affirmation des femmes, remonte peut-être plus loins chez les populations mongoles, mais la contribution juridique de la modernité communiste dans ce contexte n'est pas à négliger.
Le libéralisme
Il n'a pas tort. Je plaide moi même dans ce sens. Le geste libéral, en économie, en politique, en philosophie, fut d'abord un geste contestataire, et qui libérait l'humain contre les pouvoirs conservateurs. Ce qui ne signifie pas qu'il fut parfait. Il eut ses monstruosité. Karl Polanyi a en partie raison par exemple de décrire le XIX ème anglais dans les termes d'une monstruosité anthropologique digne du stalinisme (en même temps, ne le traiter que comme une monstruosité n'ext-ce point partir d'un préjugé conservateur qui idéalise les communautés rurales ?). Mais le libéralisme porta une dynamique extraordinaire. Il fut un facteur de déconstruction des vieux dogmes et des pires illusions humaines. Je pense à l'empirisme et à l'utilitarisme anglais qui furent les alliés naturels du libéralisme, et qui fécondèrent même la pensée de Kant (dont de Quincey rappelle à juste titre qu'il avait des ancêtres écossais et qu'il fut un lecteur assidu de Hume).
Il faut assumer le libéralisme, y compris dans ses dimensions les plus protestantes (Walzer avec sa Révolution des Saints nous y aide). Deleuze n'avait pas tort de mettre la Révolution américaine sur le même plan que la Révolution soviétique (je pense que Chomsky dirait la même chose, et que tous les deux s'entendraient pour y voir des révolutions qui ont en partie mal tourné).
Mais assumer l'héritage libéral, ne signifie pas s'en tenir à lui. Et c'est précisément ce que voudraient faire les conservateurs. Figer les révolutions : statufier la révolution française dans une forme périmée de la République, utiliser les pères fondateurs des Etats-Unis pour attaquer l'Iran, rester sur le discours d'Adam Smith pour légitimer les oligopoles capitalistes (je dirai bientôt un mot du dernier livre de Galbraith à ce sujet). La gauche ne doit pas attaquer le libéralisme, elle doit combattre sa rigidification conservatrice à l'oeuvre dans le néo-libéralisme, doctrine réactionnaire apparue à la fin du XIX ème siècle pour contrer le socialisme, et que l'Ecole de Chicago dans les années 1970 instrumentalisa à son tour pour liquider le keynésianisme. Ne nous trompons pas d'ennemi.
Quand les citoyens américains posent les bonnes questions
Les bonnes questions se reconnaissent au fait qu'elles fâchent. Mrs Clinton a perdu son sang froid, en accusant Rolph de lire une question "que manifestement quelqu'un lui a envoyé". Rolph a correctement répliqué à cette attaque très basse, qui laissait entendre que Rolph était manipulé (comme Connie Mack avait accusé Charles Barron d'être acheté par Chavez - cf http://delorca.over-blog.com/article-6779493.html)
Les sénateurs démocrates Joe Biden et Christopher Dodd challengers de Mme Clinton à l'investiture ont voté contre l'amendement Kyl-Lieberman.
Pour une déclaration de Mme Clinton à la tribune du lobby pro-israëlien (AIPAC) qui n'exclut "aucune option" contre l'Iran ("No option can be taken off the table"), cliquer sur la vidéo ci-dessous. La sénatrice Clinton apparaît de plus en plus comme la candidate du parti belliciste aux Etats-Unis, pour prendre la relève de Bush.
L'Ouzbékistan sur l’échiquier eurasiatique : un pays stable mais convoité
L’existence de structures étatiques stables dans certaines régions du monde est trop souvent prise pour argent comptant. Il semble aller de soi aux yeux des citoyens de vieux pays comme le Royaume Uni ou la France qu’un Etat se maintienne, perdure et prospère, et l’on a tendance, à tort, vu d’Europe, à reprocher aux Etats ce qu’ils ne font pas avant de reconnaître ce qu’ils sont parvenus à mener à bien.
Tel est le cas de la République d’Ouzbékistan. Placé entre le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Kazakhstan et le Turkménistan, ce pays, qui est le plus peuplé d’Asie centrale (27 millions d’habitants), a fêté, le 31 août dernier, le seizième anniversaire de son indépendance.
A en croire ses autorités, le pari n’était pas gagné d’avance car le pays, ancienne République de l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS), n’avait jamais auparavant connu d’indépendance, du moins dans un cadre moderne. Selon un discours récent du président ouzbek Islam Karimov, au moment de l’éclatement de l’Union soviétique, l’Ouzbékistan n’avait plus de réserves de blé et de farine que pour 10 à 15 jours : la république se trouvait pratiquement au bord de la famine. D’une certaine façon, l’Ouzbékistan partait de zéro.
L’originalité de l’expérience ouzbèke tient avant tout au choix de la modération. Alors que beaucoup de pays de l’ex-URSS se sont lancés dans des opérations de privatisation tous azimuts, souvent peu transparentes, l’Ouzbékistan paraît n’avoir pas sacrifié le contrôle public. De même le souci de la protection sociale figure parmi les cinq priorités affichées, ce qui se concrétise par la mise en œuvre de nombreux dispositifs d’aide (allocations chômage, allocations familiales etc)
Le prix du maintien des pouvoirs publics, et de leur capacité d’action, fut parfois des entraves au pluralisme, dénoncées par des officines occidentales comme Amnesty International. Le procès fait en la matière à l’Ouzbékistan par les Occidentaux a atteint son paroxysme, lors de l’assaut donné, les 12 et 13 mai 2005 par les forces de l’ordre contre des Islamistes qui occupaient illégalement des bâtiments administratifs à Andijan. Certains partis d’opposition ont parlé de 750 morts y compris des civils. Le gouvernement en a reconnu 187. Le nombre exact des victimes n’a pu être fixé par une enquête internationale. Le gouvernement ouzbeks a cependant plaidé la légitime défense : dans cette région pauvre le Hezb-i islami du Turkestan, dont l’objectif proclamé est d’établir le califat sur l’ensemble de l’Asie centrale et du Sin Kiang chinois, et le MIO (Mouvement islamique d’Ouzbékistan) étaient bien implantés dans la population à force d’actions caritatives. Leur pouvoir de déstabilisation ne pouvait être sous-estimé.
Le caractère excessif du reproche adressé à Tachkent dans cette affaire s’illustre en grande partie dans les incohérences dont les Euro-américains ont pu faire preuve sur ce dossier. Les Etats-Unis (qui ont obtenu en 2001 le droit d’installer une base militaire en Ouzbékistan dans le cadre de leur propre guerre contre l’islamisme) après avoir incité les Européens à prendre des sanctions économiques contre Tachkent se sont gardés de faire de même, et l’Allemagne a préféré laisser monter la France au créneau seule, tout en protégeant ses propres intérêts sur le territoire ouzbek.
Certes l’Ouzbékistan ne peut prétendre remplir complètement tous les critères « démocratiques » posés par des textes comme la Convention européenne des droits de l’Homme dont la Cour européenne de Strasbourg garantit la sauvegarde (une Convention qui, elle-même, présente des aspects critiquables). Mais rien n’indique que les institutions ouzbèkes soient plus néfastes en la manière que leurs voisines kirghizes, tadjikes ou kazakhes.
En outre tout observateur de la vie politique ouzbèke ne peut manquer de constater les efforts consentis pour la libéralisation du pouvoir politique (ce que les Ouzbeks, pour emprunter le vocabulaire occidental, nomment « l’établissement et le développement des bases de la société civile ») : introduction du bicaméralisme au parlement, instauration d’une consultation des partis politiques et du droit de voter des motions de censure, limitation des modalités de la garde à vue des personnes arrêtées par la police, et surtout abolition de la peine de mort, à compter du 1er janvier prochain (après qu’un rapport d’Amnesty International en 2003 ait critiqué les erreurs judiciaires en ce domaine). C’est là un pas que très peu d’anciennes républiques soviétiques se sont aventurées à franchir.
La construction de l’Etat ouzbek et de son identité a supposé la mobilisation de ressources matérielles, humaines et symboliques.
Sur le plan matériel, le pays a pu, avec succès se remettre de l’effondrement de l’URSS, puisque son produit national brut est égal à 1,3 fois celui de 1990. Il affichait en 2006 une croissance de 7,3 % en 2006 (comparable à la plupart de ses voisins, sauf le Kazakhstan plus dynamique encore), et qui s’annonce encore supérieure en 2007, pour un niveau de PNB par habitant (2 000 dollars selon le CIA Factbook) lui aussi semblable à ceux d’autres pays de la zone comme le Kirghizistan ou le Tadjikistan (certes bien moindre, il est vrai, que ceux du Turkménistan, du Kazakhstan, mais ceux-ci sont plus riches en hydrocarbures). Les exportations augmentent régulièrement, et comprennent une part croissante de produits finis – plutôt que des matières premières – ce qui peut être interprété comme un signe d’industrialisation du pays. Cet effort s’illustre dans l’industrie du coton (dont l’Ouzbékistan est le sixième producteur mondial), mais aussi, d’une façon spectaculaire, dans l’automobile avec l’implantation d’une fabrique de voitures Daewoo à Asaka (province d’Andijan), une usine de pointe qui collectionne les certificats de qualité internationaux. La base agricole n’est pas sacrifiée et progresse même puisque le pays est récemment devenu autosuffisant en matière de céréales, malgré une démographie galopante (la moitié de la population a moins de 23 ans) qui menace sans cesse l’équilibre alimentaire.
Sur le plan humain, le pays a dû fournir un effort considérable de formation pour se doter de cadres (particulièrement d’ailleurs dans l’armée, car l’Ouzbékistan devait auparavant sa défense à l’Armée rouge). L’Ouzbékistan se targue aujourd’hui de consacrer 12 % de son PNB à l’éducation, avec notamment un grand effort pour l’enseignement en langue ouzbèke. Comme la plupart des pays d’Asie centrale ex-soviétique (et à la différence des pays du Proche-Orient) toute la population a été scolarisée à l’école primaire. En outre il existe trois universités dans ce pays.
Sur le plan symbolique, c’est toute une construction culturelle qui est à l’œuvre et qui passe par la commémoration d’un passé glorieux. Ainsi les anniversaires des villes antiques ont-ils été largement mis à profit. Le gouvernement ouzbek a successivement célébré le 2500 ème anniversaire des villes de Boukhara et Khiva, le 2700 ème anniversaire de la ville de Karshi, le 2750 ème anniversaire de Samarkand (Samarcande), et le 2000 ème de Marghilan. Cet égrenage commémoratif peut sembler fastidieux au regard extérieur. Il constitue pourtant une étape cruciale de la construction de l’identité d’un pays à la fois ancien et à bien des égards neuf.
Ce travail sur l’identité ouzbèke ne peut faire l’économie d’une réflexion sur son appartenance au monde islamique, ainsi que sur son positionnement au cœur de l’Eurasie.
Sur le volet islamique, le gouvernement ouzbek a organisé le 17 août 2007 une conférence internationale sur le thème : « La contribution de l'Ouzbékistan au développement de la civilisation islamique». Plus d’une centaine grands oulémas, scientifiques, théologiens, représentants d’autorités religieuses et civiles venues de plus de 30 pays du monde ainsi que des représentants d’organisations internationales y participèrent. L'organisation internationale islamique sur les questions de la formation, la science et la culture (ISESCO), une des structures de l'Organisation de la conférence islamique, a déclaré Tachkent comme la capitale du monde de la culture islamique en 2007, en récompense des efforts du gouvernement pour la préservation du patrimoine architectural et culturel musulman, et sa promotion, dans le cadre universitaire notamment. Le pays compte 88 % d’adeptes de l’Islam qui pratiquent leur religion sur un mode ouvert et tolérant. L’attention que son gouvernement accorde à valoriser son passé de centre de la culture islamique vise aussi à couper l’herbe sous le pied des islamistes, en évitant notamment la contagion de l’Afghanistan voisin. Cette politique culturelle s’accompagne du reste d’un volet social original, le président Karimov soutenant les structures d'entraides sociales (notamment les institutions locales traditionnelles – les Mahallah) qui tirent leurs origines de l'époque pré-soviétique, musulmane, mais qui se sont assez bien insérées dans l'environnement soviétique et constituent d’utiles remparts contre l’atomisation individualiste, les inégalités, et donc contre les tentations extrémistes.
En ce qui concerne l’Eurasie, Tachkent, qui est membre de l’Organisation de coopération de Shanghaï, déploie une diplomatie intensive à l’égard de la Russie et de la Chine. Tirant profit de sa position stratégique, l’Ouzbékistan serait en passe de devenir le lieu de transit de 50 % de la production gazière de l’Asie centrale et s’apprêterait pour ce faire à construire un gazoduc du Kirghizistan jusqu’à la Chine, si toutefois un projet rival du Turkménistan n’y fait pas échec.
Du fait de cette position clé de l’Ouzbékistan, celui-ci reste la cible de groupes d’intérêts étrangers – et de pouvoirs politiques qui peuvent avancer leurs pions derrière eux -. Non seulement des intérêts économiques comme les multinationales britanniques et américaines qui exploitent certains gisements pétroliers ouzbeks, mais aussi des groupes culturels aux liens obscurs avec les sphères dirigeantes occidentales. Ainsi Pierre Lévy rapporte dans Bastille-République-Nation du 27 juin 2007 qu’une ONG américaine officiellement préoccupée de promouvoir l’autosuffisance de certaines populations ouzbèkes persuadait les paysans de se lancer dans l’élevage de volailles, puis finalement conditionnait l’approvisionnement en graines et aliments à la conversion des paysans à l’évangélisme… Des pratiques qui persuadèrent le gouvernement de durcir le régime des accréditations. Ce durcissement à son tour a nourri en Occident une campagne de diffamation à l’encontre du gouvernement ouzbek, à grand renfort d’exagérations et de caricatures. Ainsi dans un article d’octobre 2006, la revue évangéliste américaine Today's Christian dans son numéro de septembre-octobre 2006 (http://www.christianitytoday.com/tc/2006/005/9.61.html)
accusait le président Karimov de « ne pas tolérer les dissidences religieuses » et l’Ouzbékistan d’être « à 99 % » musulman (passant notamment par pertes et profits les 6 % de Russes orthodoxes présents sur son territoire). L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans des recommandations de 2003 et le gouvernement américain dans ses divers Rapports annuels sur la liberté religieuse internationale (pour le International Religious Freedom Report 2007, voir http://www.state.gov/g/drl/rls/irf/2007/90237.htm) se sont largement faits l’écho de ce lobbying communautaire en condamnant les restrictions au prosélytisme posées par le gouvernement de Tachkent, mais sans rappeler combien l’action des évangélistes, vu les dissymétries économiques mondiales, peuvent s’assimiler à des conversions forcées.
La politique de souveraineté nationale, d’autosuffisance énergétique et alimentaire, et d’indépendance à l’égard de toutes les grandes puissances que poursuit l’Ouzbékistan avec succès n’étant pas au goût des Etats-Unis, qui ont dû en retirer leurs troupes en 2005, il n’est pas exclu que ceux-ci continuent de tenter d’utiliser la « société civile » ouzbèke, par le biais religieux, comme ils l’ont fait récemment en Birmanie, pour faire basculer ce pays dans leur orbite.
Frédéric Delorca
Post scriptum :
Diverses sources ont attiré mon attention aujourd’hui 24 octobre 2007 sur le fait que l’article ci-dessus publié sur les deux blogs http://delorca.over-blog.com/ et http://atlasaltern.over-blog.com/ faisait l’objet de comptes-rendus dans la presse ouzbèke qui en reprenaient des « morceaux choisis ».
Je tiens à préciser que la finalité de cet article n’est ni de soutenir ni de dénigrer le gouvernement ouzbek, et encore moins de prendre partie entre les pouvoirs gouvernementaux et les forces d’opposition existant dans ce pays. Il ne s’agit nullement d’une prise de position sur la politique intérieure ouzbèke, ce qui serait tout à fait hors de propos. Cet article, qui est destiné au public français, vise uniquement à faire réfléchir aux difficultés de la construction d’un Etat stable et souverain dans une zone où la défense du pluralisme n’est pas ancrée dans les traditions locales, et où les ingérences extérieures, liées à des intérêts économiques et stratégiques, sont nombreuses. Si des points positifs de l’évolution ouzbèke sont soulignés pour contrebalancer la tonalité de certains rapports influents auprès des pouvoirs publics européens (notamment des rapports de certaines ONG occidentales), il ne s’agit pas pour autant d’en conclure que toutes les critiques figurant dans ces rapports sont infondées.
Frédéric Delorca