Quand le peuple n'est plus qu'une masse de consommateurs...
Dans le même ordre d'idée 52 % des Américains soutiendraient le bombardement de l'Iran, au risque de précipiter le pays dans le chaos politique et social, après avoir anéanti la société irakienne, et plongé l'ensemble du Proche-Orient dans l'instabilité. 53 % d'entre eux d'ailleurs croient à un bombardement avant novembre 2008 (sondage Zogby International http://www.yomiuri.co.jp/dy/world/20071031TDY06308.htm).
Le marché de la consommation de clichés médiatiques et du lavage de cerveaux se porte bien dans les pays riches.
Honneur au Sri Lanka
J'avais signalé le 22 mai dernier sur le blog de l'Atlas alternatif les dignes manifestations contre l'ingérence occidentale et onusienne des mouvements de gauche au Sri Lanka (http://atlasalternatif.over-blog.com/article-6170794.html), et plus récemment encore, le 19 juin, la très belle tirade de l'ambassadeur du Sri Lanka à la commission des droits de l'homme de l'ONU sur le rôle de Cuba dans le renversement de l'apartheid en Afrique du Sud (http://atlasalternatif.over-blog.com/article-6819794.html).
Il y a deux semaines on lisait la nouvelle ci-dessous sur l'accueil glacial réservé par le gouvernement de Colombo à la Haut Commissaire aux droits de l’homme Louise Arbour, ex-procureure générale de l'infâme tribunal pénal internationale pour l'ex-Yougoslavie. J'ai appris aujourd'hui de source sûre que le président sri lankais a exigé d'elle qu'elle lise certains documents et articles avant de la recevoir, ce qu'elle n'a pas du tout apprécié. RFI précisait aussi pour sa part que le gouvernement sri-lankais a interdit à Arbour de se rendre dans les territoires contrôlés par les rebelles maoïstes des Tigres de l'Eelam tamoul (http://www.rfi.fr/actufr/articles/094/article_57590.asp). Ceci a d'ailleurs valu au Sri Lanka un avertissement du Département d'Etat américain, auquel le ministre des catastrophes naturelles et des droits de l'homme sri-lankais a répondu par une lettre publique (http://www.srilankahcottawa.org/SRI%20LANKA'S%20HUMAN%20RIGHTS%20MINISTER%20RESPONDS%20TO%20U.S.%20STATE%20DEPARTMENT%20STATEMENT.pdf).
Ce pourrait être prochainement au tour d'un autre vétéran du combat anti-serbe, Bernard Kouchner, de jouer la carte de l'ingérence au Sri Lanka. Après avoir manqué la présidence de l'OMS, et juste avant sa nomination comme ministre des affaires étrangères de N. Sarkozy, il avait été mandaté pour représenter l'Union européenne (UE) au sein du Groupe indépendant international d'éminentes personnes (Iigep) chargé d'assister la Commission des droits de l'homme créée par les autorités sri-lankaises - L'Iigep a été créé à l'automne 2006 à l'initiative des Pays-Bas, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, pour ne pas abandonner un processus de paix moribond depuis que le cessez-le-feu parrainé en 2002 par la Norvège a volé en éclats en 2006 (Le Monde 15 mars 2007 http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3216,36-882882,0.html?xtor=RSS-3210). Le site Tamilnet annonçait en effet le 16 septembre dernier que la visite du Dr Kouchner succèderait à celle de Mme Arbour (http://www.tamilnet.com/art.html?catid=13&artid=23283). Espérons que notre ministre y recevra le mauvais accueil qu'il mérite.
Car, sans prendre parti dans la guerre qui oppose les Trigres de l'Elan tamoul au gouvernement sri-lankais, ni dans les autres enjeux de politique intérieure (entre gouvernement opposition notamment), on peut et doit féliciter un Etat qui sait remettre l'interventionnisme occidental à sa place - sachant qu'ensuite le choix du meilleur ou du moins mauvais gouvernement possible, et le règlement des conflits armés, est l'affaire exclusive des populations locales, et doit le demeurer.
FD
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"SRI LANKA : LOUISE ARBOUR DÉPLORE LA PRÉVALENCE DE L’IMPUNITÉ
mardi 16 octobre 2007
www.radinrue.com le 16-10-2007 01h04
http://www.radinrue.com/spip.php?breve3117
A son retour du Sri Lanka où elle avait été invitée par le président, la Haut Commissaire aux droits de l’homme Louise Arbour s’est dite alarmée par la faiblesse de l’Etat de droit et la prévalence de l’impunité, et a offert au gouvernement l’appui du Haut Commissariat pour que les droits de l’homme fassent l’objet d’une information fiable et officielle. « Le Sri Lanka possède la plupart des éléments nécessaires pour un système de protection national fort ; il a ratifié la plupart des traités internationaux sur les droits de l’homme », a déclaré Louise Arbour dans un communiqué publié à Colombo. « Pourtant, dans le contexte du conflit armé et des mesures d’urgence adoptées contre le terrorisme, la faiblesse de l’Etat de droit et la prévalence de l’immunité sont alarmantes », a-t-elle ajouté.
Elle a regretté l’absence d’enquêtes solides et de poursuites alors qu’ont été rapportés de nombreux assassinats, enlèvements et disparitions. Malgré une bonne infrastructure institutionnelle pour défendre les droits de l’homme, des éléments importants pour leur protection ont été compromis.
La Commission nationale pour les droits de l’homme gagnerait la confiance de la population si elle menait des audiences ouvertes au public, a recommandé Louise Arbour, qui a regretté que l’institution nationale continue de refuser de conduire des enquêtes publiques et de publier des rapports dans les délais. Avec la controverse sur la nomination des commissaires, la Commission s’est discréditée, tant au niveau national qu’international, a-t-elle ajouté. « Le vide existant dans la protection des droits de l’homme au Sri Lanka n’est pas qu’une question de capacité », a insisté la Haut Commissaire. « Un des défauts majeurs réside dans l’absence d’une information fiable et officielle sur les allégations plausibles de violations des droits de l’homme », a-t-elle expliqué.
Elle a rappelé au gouvernement la disposition du Haut Commissariat à l’aider et a jugé urgent, au vu des violations continues, que les deux institutions poursuivent leurs échanges sur de futures relations productives. Le conflit qui oppose le gouvernement sri-lankais et les rebelles indépendantistes tamouls dure depuis plus de 30 ans et a fait plus de 67.000 morts. Au mois d’août dernier, l’ONU rapportait que de nombreux Sri Lankais, déjà touchés par le tsunami il y a trois ans, devaient à nouveau se déplacer en raison de la reprise des combats."
Un article de David Graeber
Cristina K
Pour info je signale un clip machiste anti-Cristina sur http://fr.youtube.com/watch?v=6TwQuYO5XZw
John-Kenneth Galbraith : Economie hétérodoxe
Je viens de publier sur parutions.com un compte-rendu d'un recueil d'essais de John-Kenneth Galbraith, économiste américain né au Canada qui fut un des grands pontes du keynésianisme d'après-guerre : cf http://parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=94&ida=8592.
Ce genre de livre est une occasion de réfléchir à l'apport de ces économistes qui, en rupture avec la tradition libérale, défendirent l'interventionnisme étatique dans l'intérêt même de la régularité de la croissance sur le long terme. Je n'ai pas pris la peine dans ce CR de compléter mon propos par des confrontations du keynésianisme avec d'autres courants économiques utiles pour la gauche comme les théories de la décroissance, ce que j'aurai peut-être l'occasion de faire ultérieurement.
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John Kenneth Galbraith, Economie hétérodoxe
L'auteur du compte rendu : Juriste, essayiste, docteur en sociologie, Frédéric Delorca a dirigé, aux Editions Le Temps des Cerises, Atlas alternatif : le monde à l'heure de la globalisation impériale (2006).
Sous le titre Economie hétérodoxe, les éditions du Seuil publient cet automne le dernier recueil d’essais du très grand économiste américain (né canadien) John Kenneth Galbraith décédé l’an dernier à Cambridge (Massachussets).
Dans cette série de textes, l’auteur qui fut un pape du keynésianisme et de l’Etat providence (il commença sa carrière comme conseiller du New Deal de Roosevelt, et occupa, outre sa chaire à Harvard, des postes de responsabilité pendant les Trente glorieuses) confirme l’ampleur de l’érudition économique mais aussi historique et sociologique qui caractérisait déjà son œuvre des années 1960-1970.
Le lecteur trouvera notamment dans les chapitres de l’essai intitulé L’Economie en perspective (1987) un tableau magistral de l’histoire de la science économique occidentale d’Aristote au XX ème siècle, à la fois synthétique et pénétrant, et - ce qui ne gâche rien - agrémenté d’un solide sens de l’humour anglo-saxon.
Un des intérêts de ce travail est notamment de rappeler avec honnêteté au lecteur soucieux de comprendre les raisons du triomphe actuel du néo-libéralisme, les motifs du succès mais aussi de la fragilité du système keynésien que Galbraith contribua pourtant à mettre en pratique aux Etats-Unis. Comme le souligne Galbraith, Keynes eut le tort de laisser aux néo-classiques la suprématie dans le domaine de la théorie de la fixation des prix et des salaires (la « micro-économie ») tandis que lui ne s’intéressait qu’à la régulation macroéconomique. Ce faisant, quand son modèle se grippa avec les cycles d’inflation de la fin des années 60, le monétarisme de Milton Friedman (la restriction de la masse monétaire) devint le seul « outil de rechange » directement applicable, au service de la « révolution conservatrice », un outil d’ailleurs plus indolore que les hausses d’impôts pour les financeurs des campagnes électorales. On est ici assez éloigné de certaines théories de gauche qui tendent à imputer l’essor du monétarisme à une sorte de complot académique.
La curiosité de Galbraith pour la sociologie le conduit à esquisser – dans Anatomie du Pouvoir (1983) - une théorie du pouvoir à l’aide de catégories sur les formes de domination – la personnalité, la persuasion, la dissuasion et l’organisation – qui ressemblent beaucoup à des idéaux-types weberiens, même si le mot n’est jamais prononcé. A la lumière de ces concepts, Galbraith revisite toute l’histoire du monde, pour aboutir au phénomène majeur du XX ème siècle : le triomphe de l’organisation, dans tous les domaines (y compris dans l’armée et dans la religion, dont Galbraith ne cache pas le rôle central dans le système américain). Le lecteur pourra regretter certaines simplifications (sur l’Antiquité notamment), et la prégnance contestable d’un certain fonctionnalisme qui sépare artificiellement les individus des institutions. On peut en outre se demander si la clé d’interprétation de la modernité (et des impasses actuelles de la science économique) – le développement des organisations – n’est pas un peu trop systématique pour être intellectuellement satisfaisante. Mais force est en tout cas de reconnaître que Galbraith au moins s’y révèle comme un social-démocrate méritant, qui ne s’arrête pas à la défense des services publics, et sait aussi faire le procès de la bureaucratie, aussi bien dans le secteur privé que dans les administrations.
Les textes plus récents, qui remontent aux années 1990, s’avèrent encore utiles de nos jours, pour comprendre les années 2000.
Dans La République des satisfaits, écrit en 1992, Galbraith plaide pour une approche de la société en termes de classes sociales, et s’attache à montrer les ravages écologiques et sociaux que cause l’indifférence des classes supérieures (les « satisfaits ») à l’égard des classes populaires dont leur bien-être pourtant dépend en grande partie. Un aspect original de ces considérations concerne la politique étrangère dont Galbraith (en tant qu’ancien ambassadeur en Inde de John Kennedy) soutient qu’aux Etats-Unis elle repose principalement sur la routine et ne requiert jamais de grandes innovations intellectuelles. Il en résulte, selon lui, un conservatisme suranné dans les méthodes et dans les objectifs, notamment dans la valorisation de la force militaire même en l’absence d’ennemi de grande envergure. L’analyste démocrate qui dénonce l’envolée du budget militaire américain d’une décennie sur l’autre, n’est alors pas loin d’anticiper le phénomène Rumsfeld, et les utopies néo-conservatrices qui conduisent aujourd’hui son pays au désastre militaire.
Cet essai, ainsi que les suivants dont la tonalité ne varie guère, s’achèvent sur un constat pessimiste. « Les riches, y compris ceux qui parlent pour eux et ceux qui sont leurs alliés politiques, sont solidement installés aux commandes. Ils sont ce qu’on appelle la réalité politique et ils le seront encore dans les temps à venir », conclut l’économiste à la fin de l’ouvrage. Un diagnostic désabusé à peine tempéré par un appel à un sursaut démocratique… en forme de bouteille à la mer…
Frédéric Delorca
Gauche de la gauche : les convictions pâlissent, et les égos se renforcent
Clémentine Autain annonce sa candidature pour les municipales à Montreuil... mais n'a pas la courtoisie d'en informer le maire communiste sortant (cf l'article ci-dessous publié sur le site Web du Monde)... Pour m'amuser cet après-midi j'ai signalé ce fait sur le blog d'Autain au milieu du concert de louanges des admirateurs de Clémentoche. Ma contribution a été supprimée par le "modérateur" (NB : comparativement le blog de Mélenchon est un peu plus pluraliste).
Evidemment toutes ces pratiques "cassent" un peu le mythe de la gentille "Clem" sauveuse de la "gauche de la gauche". J'avais déjà testé il y a un an l'impolitesse de l'impétrante à qui j'avais adressé personnellement l'Atlas alternatif en sa qualité de directrice de la revue Regards, et qui, non seulement n'a jamais laissé publier aucun article sur ce livre (on va quand même pas faire de Regards une revue anti-impérialiste, non mais ! même pas uen revue qui mentionne l'existence du courant anti-impérialiste !) mais je n'ai même pas reçu une carte de remerciement (ce qui autrefois se faisait).
Donc nous voilà en pleine lutte des potentats égocentriques et discourtois : maires contre patrons de revues, la galaxie PCF de plus en plus réduite à un chapelet de notabilités. Je plains les habitants de Montreuil. Une montreuilloise me disait il y a peu qu'un des responsables de la politique internationale de la municipalité était un ex-membre de Reporters sans frontières (mais si mais si : les gens qui ont tenté d'étouffer Chavez sous leur propagande quand il a refusé de renouveler la concession de RCTV). Montreuil la rouge a bien pâli.
Tout le PCF pâlit du reste. Avez-vous remarqué la polémique autour des propos du sénateur Ivan Renar (sénateur communiste du Pas de Calaisà propos de l'intervention israélienne au Liban, le 10 octobre dernier à la tribune du CRIF la guerre israëlienne menée au Liban l'an dernier ? Voyez l'article sur http://www.voltairenet.org/article152255.html, et la courageuse attaque d'un certain Marc Prunier http://www.alterinfo.net/Guerre-contre-le-Liban-Echanges-avec-Ivan-RENAR,-senateur-PCF-et-mises-au-point_a12595.html qui, semble-t-il, a abouti au retrait de l'article du site du CRIF (sur http://www.crif.org/?page=articles_display/detail&aid=9717&returnto=accueil/main&artyd=2 à l'heure où paraît le présent article, seule la version anglaise demeure http://www.crif.org/index.php?page=articles_display/detail&aid=9763&returnto=articles_display/list&tg_id=7&artyd=2).
On lui prêtait notamment la phrase "l’action militaire israélienne durant l’été 2006, justifiée, pour faire cesser les bombardements du Hezbollah sur les villes et les villages d’Israël". Quand on sait l'ampleur des dévastations causées par l'intervention israëlienne au Liban l'an dernier, Cela faisait froid dans le dos. Il ne l'aurait donc finalement pas dit. Dont acte. Mais par delà la polémique sur les mots, on peut se demander si la place des élus du PC est vraiment dans les repas du Crif, compte tenu de l'orientation politique de cette organisation depuis plusieurs années ? Les militants du PC se sont déjà indignés de la présence de Mme Borvo à ces meetings (http://www.europalestine.com/article.php3?id_article=2523).
Je lisais tantôt justement l'intervention de Mme Borvo à la réunion du Crif du 28 février dernier (http://www.crif.org/index.php?page=articles_display/detail&aid=8420&returnto=search/search&artyd=56). "Les dirigeants iraniens, disait-elle, sont suspectés aujourd’hui de travailler à la maîtrise de l’arme nucléaire. Les soupçons pèsent d’autant plus qu’il y a eu des dissimulations antérieures et on voit bien les ambitions de puissance régionale de l’Iran. Il faut bien mesurer la nature et la dimension de l’enjeu. Il s’agit rien moins de la sécurité de l’ensemble du Moyen-Orient dans un contexte où celle-ci est déjà bien mise à mal par la guerre américaine en Irak avec le chaos meurtrier qui s’y développe jours après jours, les tensions qui se diffusent dans toute la région. "
Ainsi Mme Borvo non seulement reprenait les accusations des Etats-Unis contre Téhéran quant à ses préparatifs nucléaires à des fins militaires (accusations non confirmées par l'AIEA...), mais encore elle mettait ce danger (hypothétique, et qui plus est orienté vers l'autodéfense) sur le même plan pour la sécurité du Proche-Orient, sur un pied d'égalité avec celui que provoque la "guerre américaine" en Irak (bien réelle, et tournée vers l'agression extérieure) ! La réprésentante du PCF avait beau ensuite conclure son propos par un appel bien pensant au respect du Traité de non prolifération par tous les pays y compris l'Inde et Israël, la concession aux mensonges dominants est déjà énorme. Je préférais encore les déclarations de Jacques Chirac qui, il y a huit mois, faisait scandale en estimant que l'Iran même avec une ou deux bombes nucléaires ne serait "pas très dangereux" (http://www.bismi.net/articlelecture.php?id=1080).
Et Bové, et Besancenot ? que pensent-ils de la guerre américaine qui se prépare contre l'Iran ? Leur silence est étrange.
Concessions à l'impérialisme, guerre des petits chefs. La gauche de la gauche, après avoir plombé la victoire du "non" au référendum de 2006 par une campagne présidentielle lamentable, ne semble pas être très consciente de son rôle historique. Il lui manque peut-être un Chavez...
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L'article du Monde sur Autain à Montreuil:
Le maire de Montreuil se désolidarise de Clémentine Autain
(Lemonde.fr avec AFP | 22.10.07 | 15h37 • Mis à jour le 22.10.07 | 15h43 )
Jean-Pierre Brard, député-maire (PCF) de Montreuil, s'est démarqué de Clémentine Autain, qui a émis le souhait d'être candidate sur sa liste à Montreuil. Dans un communique diffusé lundi 22 octobre, M. Brard a affirmé que l'ajointe au maire de Paris "ne peut faire partie du conseil municipal" car "elle n'est pas montreuilloise".
"J'apprends avec stupéfaction, par la presse du week-end, que je remettrais la mairie de Montreuil à Clémentine Autain, en 2011", s'est-il étonné, lundi. Dans son édition daté du 21 octobre, Le Monde rapportait que le maire de Montreuil avait rencontré Melle Autain le 17 octobre. "Se familiariser avec une ville, ça prend du temps", avait alors affirmé M. Brard, avertissant que "le parachutage n'est pas un sport pratiqué localement".
Jean-Pierre Brard en a également profité pour mettre en garde deux responsables communistes locaux, dont le secrétaire de la section, Olivier Madaule, qu'il accuse de "consacrer leur temps et leur énergie à des manipulations de cette nature (...) au nom de querelles de factions". M. Madaule, qui chercherait à obtenir de M. Brard qu'il lui cède la place à mi-mandat, a reconnu que l'arrivée de Clémentine Autain pourrait "apporter 3 % à 4 % de voix et aider à gagner l'élection".
- http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-969889,0.html -
Le dernier livre d'Henri de Grossouvre
Le dernier livre d'Henri de Grossouvre constitue une perspective intéressante conciliant une forme de souverainisme avec un projet européen. Une façon en tout cas de réintroduire de la politique et du politique dans l'idée d'Europe. J'en ai publié le CR sur Parutions.com : http://parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=97&ida=8560.
Henri de Grossouvre (sous la direction de), Pour une Europe européenne : Une avant-garde pour sortir de l’impasse (France, Allemagne, Belgique, Luxembourg, Hongrie, Autriche)
Le retour de l’Europe dans l’Histoire ?
La « fin de l’Histoire » n’ayant finalement eu qu’un temps, les peuples de notre époque de plus en plus tentent de se réapproprier leur passé pour se construire un avenir. Telle est la tâche à laquelle s’atèle parmi d’autres, en Europe, le « Forum Carolus », un think tank basé à Strasbourg et dirigé par le publiciste Henri de Grossouvre.
Partant du double constat selon lequel l’Europe indéfiniment élargie risque de noyer tout projet politique dans une zone de libre-échange mou et que l’Empire américain, sur le déclin, ne peut plus rien proposer à l’Europe, l’ouvrage collectif que ce groupe publie chez Xenia sous le titre « Pour une Europe européenne » propose un option originale pour notre continent : une intégration politique dans les frontières de l’ancien empire carolingien (France-Allemagne-Belgique-Luxembourg-Autriche augmenté de la Hongrie, à l’exclusion des Pays-Bas, pour des raisons politiques qui auraient du reste gagné à être mieux explicitées).
L’idée ne sort pas du néant. Voilà quelques années que le projet de « noyau dur », ou d’ « Europe à plusieurs vitesse » circule dans les débats. La création de la zone euro et de l’Espace Schengen participe de cette logique. L’intérêt de la proposition du Forum Carolus est de formaliser concrètement cette « avant-garde » institutionnelle possible, dans les domaines de la défense, de l’énergie de la recherche scientifique.
Comme le fait remarquer Henri de Grossouvre dans sa propre contribution au livre, d’une certaine façon l’échec du Traité constitutionnel européen, rejeté par référendum par la France et les Pays-Bas en 2006, ouvre une chance à l’option « avant-gardiste », tandis que la dynamique économique de l’axe rhénan plaide fortement pour la viabilité du projet.
La volonté de repenser une Europe politique autour de l’héritage carolingien marque aujourd’hui une rupture avec l’utopie d’une Europe abstraite, dé-territorialisée, aux frontières évanescentes et atemporelle. Elle renoue avec les fondamentaux de la science politique qui articulent l’action publique aux Etats et aux territoires.
En rompant avec les Iles britanniques (exclues de cette « avant-garde » potentielle), le projet fait le choix clair d’une intégration continentale cohérente qui, en fermant la voie à l’hégémonisme états-unien, ouvre sur une collaboration avec la Russie et l’ensemble de l’Eurasie (H. de Grossouvre dirige par ailleurs l’association Paris-Berlin-Moscou).
On peut cependant s’interroger sur le modus operandi concret de la construction politique qui nous est ici proposée. S’agit-il dans un premier temps d’un simple programme expérimental interétatique sur le modèle du Corps européen par exemple, ou d’emblée d’un embryon d’Etat au sein de l’Union ? S’il s’agit d’un futur Etat, sa structure est-elle envisagée sur un mode centralisé ou fédéral (le livre fait beaucoup référence à des réseaux, ce qui semble faire pencher la balance plutôt vers la seconde option) ? Quelles seraient des relations de cette structure avec l’Union européenne et les autres organisations multinationales comme l’OTAN, le Conseil de l’Europe, l’OSCE ? Enfin on eût aimé aussi que cet ouvrage fournisse une piste sur les moyens de susciter l’adhésion populaire à pareil projet, et notamment de surmonter les obstacles culturels (en particulier linguistiques) persistants qui séparent l’ensemble germanique du bloc francophone.
En tout cas le présent ouvrage a au moins le mérite d’ouvrir une piste stimulante pour la réflexion et le débat, à l’heure où l’évolution institutionnelle de l’Europe se trouve à la croisée des chemins.
Frédéric Delorca
CR du dernier livre de Jean-François Mattei
Je viens de publier sur Parutions.com un CR sur le dernier livre de Jean-François Mattei : http://parutions.com/index.php?pid=1&rid=6&srid=63&ida=8559 .
Jean-François Mattei, Le regard vide : essai sur l’épuisement de la culture européenne
Le point aveugle de l’universalisme européen
Il est des questions lancinantes qui travaillent les lettrés européens dans leurs revues et leurs ouvrages depuis au moins deux décennies : qu’est-ce que la culture ? qu’est-ce que l’Europe ? qu’est-ce que notre continent apporte à l’humanité ?
Jean-François Mattei, après beaucoup d’autres, entreprend de leur apporter une réponse à partir d’un point de vue ouvertement conservateur : celui du restaurateur des valeurs classiques face aux crises et aux doutes inutiles. Plus qu’une démonstration, le livre est une mobilisation, de tout ce que l’Europe a compté de grands philosophes et de grands artistes, de valeurs académiques « incontournables », conviées au grand banquet de la réconciliation « européenne ». Kant, Nietzsche, Platon, Shakespeare, Patočka, Heidegger, Kundera, Saint-Paul, Benjamin, toutes les grandes références en vogue dans les dîners mondains, sont invoquées, dans un bric-à-brac incantatoire, vibrant éloge de la métaphysique, de l’Idéal, de la transcendance, du « regard sur l’âme », des étoiles.
Le fin mot de cette apologie est finalement assez simple. On pourrait le résumer ainsi : tout nous est donné mais nous ne savons pas quoi en faire. Le point de vue européen est spontanément lumineux, universel, entretenant un commerce particulier avec l’absolu et la transcendance, mais les esprits distraits la gâchent en se laissant fasciner tantôt par le mouvement, tantôt par une altérité mal comprise, tantôt par le narcissisme : enfants turbulents que l’autorité paternelle académique doit rappeler à l’ordre.
Le propos serait crédible, si justement le livre sortait une seconde de l’enthousiasme incantatoire pour s’astreindre à une argumentation rigoureuse, c’est-à-dire, précisément, à une confrontation avec l’altérité des faits et des thèses dissidentes. Car l’universalité européenne, si chère manifestement à l’auteur, ne se décrète pas : elle s’obtient, sans quoi on en reste à sa dimension la plus abstraite – dirait un hégélien – voire la plus arbitraire, la plus mensongère, la plus chimérique. Une universalité qui, dès la première page, commence par nier l’altérité des auteurs qu’elle embrigade pour la justifier, pour ensuite affirmer qu’elle est si pure, et si indépassable, que nulle altérité finalement ne lui résiste, prête a sourire. Il y a là quelque chose du songe néoplatonicien dont on ne se réveille jamais dans ce genre de démarche. La vida es un sueño.
Au moins le propos eût-il pu acquérir un peu de crédit s’il s’était efforcé de démontrer en quoi la prétention européenne à l’universalisme pouvait s’avérer plus fondée que les autres – et il n’en manqua point tout au long de l’histoire humaine, depuis ces chefs de tribus qui croyaient régner sur toutes les nations dès lors qu’ils avaient conquis leurs voisins, et relégué les insoumis au statut de l’animal, jusqu’à ces immenses entreprises universalistes, et pour l’essentiel non européennes, que furent la révolution bouddhiste surtout à l’époque de l’empire Maurya, la révolution islamique sous Mahomet, les socialismes russe et du tiers-monde par exemple. En confrontant l’universalité européenne à ces rivales JF Mattei eut au moins dû affronter le problème de la multiplicité des substances qui occupe les premières lignes de l’Ethique de Spinoza, ce qui l’eût au moins contraint à aligner, sur un mode dialogique, quelques raisons au fondements de sa thèse.
Personne ne sera surpris (et surtout pas un lecteur de Lévinas) que dans l’universalisme solipsiste de Jean-François Mattei, la première valeur sacrifiée soit l’éthique. L’auteur écrit en s’appuyant sur Cicéron : « La colonisation est, par essence, une entreprise de culture de la terre et des hommes, car c’est précisément en labourant sa culture que l’on peut habiter son sol. Mais rejeter, avec les crimes de la colonisation, les réussites de la culture… c’est s’abandonner à une haine insensée de soi » (p. 278). Il n’oublie alors qu’un petit détail : que coloniser (au temps de Cicéron comme aujourd’hui, même si les scribes du pouvoir passent ce fait sous silence) c’est surtout et en premier lieu voler la terre et la dignité des hommes – et accessoirement, s’ils se rebellent à l’excès, jeter du sel dessus pour que rien ne repousse comme sur les ruines de Carthage. Prétendre que la « réussite » économique ou autre efface le crime originel, c’est passer par pertes et profits le droit de l’autre (du colonisé spolié) à sa reconnaissance en tant que sujet distinct de soi-même, et dont la singularité n’est nullement monnayable. JF Mattei le fait d’ailleurs sans complexe encore quand il affirme que la « supériorité [de la culture européenne] est…manifeste du point de vue de l’éthique » (p. 272) parce que le jugement que Lévi-Strauss porte sur les victimes du colonialisme « ne provient pas des peuples exploités ou supprimés, qui ont pour la plupart disparu, et ne s’appuie à aucun moment sur leurs habitudes culturelles. Il s’agit là d’un jugement moral, qui relève de Kant aussi bien que de Las Casas. » (p. 272) Ce propos effrayant, pris à la lettre signifie que les Indiens d’Amérique, les Noirs d’Afrique, les peuples d’Asie et d’Océanie étaient en eux-mêmes si dépourvus de sens moral, que la condamnation du colonialisme ne peut procéder de leurs valeurs – si eux-mêmes ont dénoncé les crimes de l’homme blanc, ils n’ont pu le faire que « grâce » aux catégories éthiques enseignées par la culture européenne.
Ici, le rêve éveillé bascule dans le cauchemar, et la thèse confine à l’absurde, car précisément, elle revient à nier l’humanité (dont relève la capacité de discerner le bien du mal) à ce qui n’est pas soi-même. Elle rejoint ainsi le plus primitif des ethnocentrismes. Quant au postulat selon lequel la culpabilité du penseur européen atteste le sens éthique de la civilisation à laquelle il appartient et atténue à soi seul l’ampleur du crime, c’est au mieux une illusion intellectualiste.
La 13 ème décret du roi Asoka écrit en Inde en 256 av. Jésus-Christ proclame : “Le Roi Piyadasi aimé des dieux conquit les Kalingas huit années après son couronnement. Cent cinquante mille furent déportés, cent mille furent tués et bien plus moururent. ... Maintenant le Roi Piyadasi aimé des dieux ressent un remord profond d’avoir conquis les Kalingas. En effet, l’Aimé des dieux est profondément peiné par le meurtre, la mort et la déportation qui ont lieu quand un pays non-conquis est conquis. » Qu’en conclurait M. Mattei au creux de son solipsisme ? Que le roi Asoka était un européen « kantien » qui s’ignorait ? ou qu’il détenait lui aussi un rapport spécial aux universaux moraux qui l’aurait légitimé (s’il avait inventé la machine à vapeur) à conquérir le monde en lieu et place des Européens ?
Il serait aisé de montrer que les mêmes non-sens se retrouvent dans le regard que Jean-François Mattei porte sur la création, l’art, le désir, réduits à des fins propagandistes de domination. Dans tous les domaines qu’aborde l’auteur on tombe de ce fait dans une pathologie de l’enfermement : l’enfermement dans les idéaux posés a priori par l’auteur dans son soliloque, et face auquel toute tentative de fuite est disqualifiée comme entachée d’une contradiction intrinsèque et vouée à sa propre destruction. Il y a là quelque chose de l’obsession involutive du retour au point de départ, qui jette l’anathème sur les forces centrifuges (ce n’est pas un hasard si l’ultime vœu du livre est de « retrouver…’le chemin qui conduit chez nous’ »).
On est très loin ici de ce qui fait précisément la dynamique véritable de l’universalité, à savoir la somme du travail laborieux des anthropologues (qui ne se résume pas aux écrits de Lévi-Strauss), de philosophes scrupuleux (comme par exemple François Jullien dans son dialogue serré avec la culture chinoise classique, si méconnue en Occident), et, dans un ordre moins théorique, de militants engagés. Ces œuvres, toujours en tension avec la figure de l’autre (qu’il faut se garder d’absolutiser sous peine de retomber dans une métaphysique creuse), toujours sur le point de ramener, à tout instant, l’Europe à sa contingence et sa particularité, sont cela même qui « sauve » la prétention de notre continent à l’universalité. Cependant cela ne procède d’aucun Volksgeist substantiel auquel on viendrait communier en toute quiétude, mais au contraire d’une mise en péril de soi, que rend possible un facteur historique : l’hégémonie matérielle et culturelle des puissances occidentales issue des révolutions scientifiques de la Renaissance.
A l’inverse on peut craindre que l’aveuglement dogmatique du livre de Jean-François Mattei soit cela même qui « vide le regard » de notre époque. Car à trop fétichiser la culture comme un instrument de domination, on abandonne, nécessairement, pour solde de tout compte, à l’exploitation capitaliste et à l’anomie culturelle, des populations entières dont on a d’emblée refusé d’intégrer le point de vue.
Frédéric Delorca