Les individus...
Les hommes, les hasards de leur vie individuelle, l'impact sur le collectif. Chavez avec ses complications respiratoires, suite à une opération longue à Cuba, Chavez entre la vie et la mort. La révolution vénézuélienne peut-elle survivre à ça ?
Dans l'histoire de notre République, nos "grands hommes" vus par l'écrivain de droite que je lis en ce moment (un écrivain monarchiste, qui croit en son ieu en son roi), pour qui ceux-ci ne sont que de cyniques aventuriers : Gambetta (le "pirate"), Clemenceau (le "carabin provincial", "dandy nihiliste aux paumettes de Mongol") etc. Sous un certain angle la IIIe République etait un régime héroïque, seule république d'Europe, qui éduquait ses masses etc, sous un autre un ramassis de corrompus prêts à tous. Le sort de tout régime, de toute aventure humaine, individuelle ou collective. Sous un certain angle méritant, sous un autre fautif et dérisoire.
La vie privée des gens
Une fille m'écrit ceci :
"J'ai une vie très bizarre depuis deux ans. Après 17 ans de mariage j'ai un matin de juillet 2011 - mes filles étaient en vacances en bretagne - quitté le domicile conjugal, selon l'expression consacrée. Parce que ma vie marchait sur la tête... Je souffrais et mes filles souffraient et c'était la seule solution intelligente que je pouvais prendre. Je ne suis jamais revenue et ne le regrette pas. J'ai refait ma vie, mes filles sont heureuses et moi aussi. Mais... Hé oui, toujours un mais sinon la vie serait trop facile. Je vivrai jusqu'à la fin de mes jours avec la culpabilité d'avoir brisé un homme qui n'a toujours pas compris. Qui pleure encore chaque fois qu'il m'a au téléphone. Qui a réussi à faire de mon bonheur nouveau un chagrin continuel qu'il ne puisse exister sans faire le malheur d'un autre."
Le propos est banal. Des milliers de gens peuvent raconter ce genre de truc. En même temps, pas besoin d'être grand clerc pour se rendre compte que ces phrases sont parfaitement cinglées. "Je suis heureuse mais je ressens une culpabilité" : ah bon on peut être heureux dans la culpabilité ? Comment peut-on aligner "heureuse" "heureuses" sur trois lignes, et parler de "chagrin continuel" à la sixième ? Le mot bonheur sent la satisfaction animale dont on s'enivre pour ne surtout pas avoir à se poser de question (mais dans ce cas mieux vaudrait prohiber ce mot débile, qui est l'alcool idéologique de trois quarts de nos concitoyens).
Non décidément ces phrases ne tiennent pas debout. Cela sent la démence affective des paumés. Et pourtant cette fille est des plus "socialement" normales - une juriste d'entreprise, qui mène une bonne petite vie bourgeoise après avoir réussi ses études - et, je le répète, même ses phrases parfaitement incohérentes sont en soi, archi-banales et pourraient être signées par des millions de personnes dans le monde.
Et il y aurait sans doute autant à dire de la folie du bonhomme qui depuis deux ans accable son ex-compagne de sa dépression d'après-rupture. Tout cela sent à plein nez - chez elle comme chez lui - une dépendance immodérée à l'égard des affects les plus impulsifs et les plus contradictoires, sans guère aucun horizon intellectuel supérieur (une vision plus haute de soi-même et du monde, de soi-même dans le monde) capable de mieux structurer les choses. C'est du désordre à l'état pur.
Alors quoi, que faut-il penser de cette démence affective ? Seulement qu'elle est le lot des trois quarts de l'humanité. Oui, l'humanité est faite comme cela, d'une sorte de folie douce des pulsions, quelque chose qui ne tient absolument pas debout, par quelque côté qu'on le prenne, et sur la base de quoi malgré tout les gens fondent leur vie.
Les philosophes antiques, avec leur franc parler et leur art d'aller au but sans détour, en avaient pour la plupart conclu qu'il fallait tout simplement mépriser les sentiments humains, ou au mieux - dans le Banquet de Platon - utiliser leur pouvoir de fascination pour stimuler des fonctions plus nobles en nous comme la recherche du Beau, du Bon et du Vrai... Nos fausses pudeurs modernes nous empêchent de sauter à des conclusions aussi radicales, tout comme elles nous empêchent de considérer, ainsi que le remarquait jadis Nietzsche, l'ensemble de l'humanité comme des esclaves au sens premier du terme, ce qui était pourtant, là aussi, l'opinion la plus répandue chez les philosophes antiques. Pourtant il faut bien se rendre à cette évidence : oui, la plupart des gens dans leur façon de vivre leurs affects sont parfaitement cinglés, ils sont esclaves, enfants (là encore un terme qu'utilisaient les penseurs antiques à l'endroit de leurs contemporains), incohérents et égarés (et qui plus est capables de professer et proclamer cette folie comme si elle était parfaitement raisonnable). Comment peut-on après cela prendre qui que ce soit et quoi que ce soit au sérieux ?
Le pénultième jour
Ceux dont je parlais hier vont-ils tenir le choc de la célébrité si, comme c'est annoncé, TF1 leur consacre un reportage de 30 mn, ou finiront-ils mangés tout crus comme José Bové ? Difficile de marcher sur les fils de la renommée.
Les Femen ouvrent une succursale en Egypte (mais un islamiste, Mahmoud Abderrhamane, a demandé que leur tête de proue soit déchue de sa nationalité et soit interdite d'accès au territoire), les Indiens se passionnent pour un viol. Il semble que l'avenir du monde tienne de plus en plus à l'émotion que suscite la condition féminine. Les mornes fondés de pouvoir qui font office de chefs de l'Exécutif français, encaissent une rebuffade du Conseil constitutionnel sur la question fiscale et font toujours aussi peu rêvé le "peuple de gauche", qui l'oubliera en ce jetant sur les tables de réveillon demain (du moins ceux qui ont assez de pouvoir d'achat).
Pour ma part j'observe que beaucoup de lecteurs ces derniers temps me lisent de Sotchi, ville à laquelle sont rattachés les serveurs Intenet abkhazes. Le résultat sans doute de la publication de mon interview dans la Chegemskaya Pravda. Je regrette de ne pouvoir offrir grand chose à ces lecteurs zélés. Je ne peux donner aucune "visibilité", comme on le dit aujourd'hui, à leur riante contrée, étant esseulé à l'extrême dans la petite sphère "alternative".
Peut-être se passera-t-il quand même quelque chose en 2013. Pas seulement la publication de mon interview dans la revue Jineps. J'ai par exemple repéré une vilaine foire prévue dans quelques mois. Il faudrait faire quelque chose. On en reparlera peut-être.
Visite du village d'Emmaüs Pau-Lescar
J'étais hier de passage chez Emmaüs Pau-Lescar, des "compagnons" très engagés dans les luttes sociales qui refusent la "gestion de la pauvreté" et ont transformé, à l'occasion de leurs 30 ans d'existence, leur communauté en un village écologique et égalitaire. A l'entrée la fresque qui alignant Sankara, Che Guevara, Gandhi et Mandela sous le titre "Oser, risquer l'utopie avec et pour l'homme" - fresque autrefois dessinée sur le mur de la mairie de Billère en solidarité avec les sans-papier - en dit long sur l'ampleur du projet. Ici on se donne les armes pour construire une société alternative.
J'ai été accueilli par la chargée de communication Cécile Van Espen et par le directeur Germain Sarhy, 58 ans, qui se considère comme le "préfet" du village (lequel élit par ailleurs un maire et un "conseil municipal"), et nous avons déjeuné ensemble. Il m'a ainsi longuement expliqué le fonctionnement de sa communauté et les principes qui la régissent -formulés dans le journal local le 9 janvier 2012 : "Le compagnon qui vient dans la communauté est nourri, logé, blanchi et il participe à l'activité de la communauté qui est à la base la récupération, en fonction de ses capacités physiques et intellectuelles. Nous ne sommes pas dans une logique de production mais dans une politique participative.Ils perçoivent un "pécule" autour des 450 euros par mois d'argent de poche. Faites le calcul par rapport au smic. On cotise aussi à l'Urssaf et chaque compagnon a droit à la couverture sociale et à la retraite." Le statut est régi par la loi sur l'accueil en organismes communautaires et d'activités solidaires.
Germain Sarhy insiste sur le fait que sa structure ne perçoit aucune subvention et ne vit que des ressources de la récupération. Il se sent ainsi libre à l'égard des pouvoirs locaux dont nous parlons en détail (leur attitude en période électorale, en dehors des élections etc, Emmaüs).
A notre table un jeune Malien compagnon pour un temps de la communauté : l'occasion d'un échange intéressant avec un homme attaché à d'autres valeurs (l'islam, les hiérarchies aristocratiques du Mali) et qui au nom de ça à quelques problèmes avec certains aspects de la vie du village comme le calendrier de nus et le tutoiement immédiat de tous (mais néanmoins le cadre égalitaire et l'esprit d'accueil du lieu permet de gérer la différence de valeurs sans conflit).
Après le repas je visite avec Germain le village. Il me montre les constructions de pavillons pour les personnes présentes depuis deux mois qui pourront bientôt accueillir environ 80 personnes au total (ce qui fera environ 200 pensionnaires avec la partie réservée aux jeunes visiteurs) . Ces pavillons suivent les normes de l'habitat écologique (écohabitat), autosuffisants en énergie, d'une grande élégance esthétique (car Emmaüs est attaché à ce que la pauvreté n'empêche pas la qualité de vie, l'attachement au beau, alors que le village donne sur la chaîne de montagnes).
Emmaüs veut s'ouvrir sur l'extérieur avec une ferme qui met en valeur les espèces locales, l'épicerie qui devrait ouvrir au printemps. il veut aussi se doter d'une école sur le modèle du Colibri. On me montre aussi le champ de blé bio dont le village tire sa farine fabriquée dans un moulin basque de 1885.
La culture ici n'est pas considérée comme un luxe, et on l'a place au centre du devenir des compagnons. Déjà le site accueille en juillet le principal festival musical de la région (10 000 personnes chaque année). En marge du festival l'an dernier ils organisaient des conférences dans le cadre du forum mondial de la pauvreté, en partenariat avec Paul Ariès et le journal « Le Sarkophage ». Cette année ce sera sur le "buen vivir" (good living/bien vivre). Je parviens sans peine à convaincre Germain de lancer un salon du livre des éditeurs indépendants comme cela existe à Paris où il n'y aurait pas à engager des sommes pour louer les stands. Il envisage aussi la mise en place d'une librairie permanente.
Sensible à la solidarité internationale, Emmaüs Lescar est en contact avec la Bolivie, et le Burkina Faso (via l'association AIDIMIR) sur des projets de reboisement. De ce côté là aussi il y aurait des choses intéressantes à envisager.
Evidemment ce genre de visite vous redonne de confiance dans l'aventure humaine. A Emmaüs-Lescar vie au grand air, liberté anti-conformiste et sens de la solidarité et de la justice se conjuguent à un point d'harmonie qu'on n'aurait plus cru guère possible sous la dictature des banques, des multinationales, et de la bêtise lâche et égoïste de nos contemporains. Un autre quotidien est possible !
A la niche !
Ah mes chers lecteurs comme elle est douce et tendre cette fin de mois de décembre, vous ne trouvez pas ? Les plans de licenciements se multiplient, mais la France bourgeoise persiste dans son ronronnement paisible (une fausse paix, bien sûr hantée par mille culpabilités et mille découragements mais qu'importe). 640 euros le budget moyen des cadeaux de Noël, qui dit mieux ? Donc ne nous étonnons pas s'ils ne se passe rien, strictement rien. Les Indignés, les Anonymous, et autres jeunes exaltés fumeurs de teuch sont rentrés gentiment chez papa-maman. Les complotistes s'exaltent entre eux, au fond de leur chambre, contre les "sionistes", les "francs-maçons" etc pour surtout n'avoir pas à organiser des luttes sociales. Il n'y a pas d'action politique, nulle part. Et le gouvernement peut à loisir tancer le PCF pour une vidéo trop incive contre notre président adoré, avec des menaces à peines dissimulées pour les prochaines municipales. "A la niche le PC". A la niche les contestataires !
J'ai ri en lisant Le Monde cet après-midi, quand j'ai vu qu'un collectif de profs de Sciences Po (surtout des profs américains, dont l'ineffable Fukuyama, l'ex-prophète de la "fin de l'Histoire"), tancent la Cour des comptes, et lui reprochent de n'être point assez sensible au charme de la "fluidité" ! Ah, la fluidité de M. Descoings ! Laissez nous donc être fluides, et cessez d'embêter le très fluide M. Casanova. En 1981 on se demandait s'il fallait absorber Sciences Po dans l'université, aujourd'hui on soumet l'université à la loi des grandes entreprises, et l'on blâme l'Etat actionnaire de l'IEP d'oser reprocher à M. Descoings son salaire, encore bien inférieur à celui de directeurs de grandes écoles américaines (sic). L'Humanité rappelle aujourd'hui dans son édito que Mme Bettencourt est assise sur un capital égal au PNB de la Tanzanie ou de la Côte d'Ivoire. But who cares ? Who cares ?
"Nous nous battrons jusqu'à ce que plus aucun d'entre vous n'ait le sens de la dignité politique". Voilà la devise de notre grande presse et de nos responsables politiques. Et l'entreprise marche assez bien. Tout le monde s'accommode assez bien de l'abjection. Quand je dis "tout le monde", je dis aussi toute notre planète. La raison du plus fort et du plus riche n'y a jamais été aussi populaire.
Bali
Vijay Prashad le rappelle dans son livre "Les nations obscures" : 8 % de la population de Bali ont été tués au cours de la grande répression anti-communiste de 1964 (avec les armes et la bénédiction occidentales), tout autour des hôtels de luxe. Si j'étais un écrivain reconnu, payé pour voyager et armé de réseaux relationnels qui relaieraient ce que je fais, je prendrais un caméraman avec moi (puisque "la vidéosphère a remplacé la graphosphère"), et j'irais enquêter auprès de la population de Bali, pour en connaître tous les aspects et en éclairer les diverses strates. Je ferais parler les vieux à propos de la répression de 64, et les jeunes à propos de l'exploitation capitaliste actuelle (de l'islamisme aussi car l'île est une des rares d'Indonésie à ne pas être majoritairement musulmane, je crois, ce qui lui vaut quelques problèmes).
Elections régionales au Venezuela
Sur la situation au Venezuela, je vous recommande la lecture (en français) de ce petit billet, non pas tellement pour son thème principal (les scores du tout petit Parti communiste vénézuélien qui, en soi, n'ont guère d'importance) que pour ce qu'il révèle de la complexité de la situation de ce pays : on y apprend que certains gouverneurs pro-Chavez mènent des politiques anti-sociales et anti-communistes. Les choses ne sont décidément pas simples dans ce pays. A part ça intéressant aussi le score du PSUV.
Fourberies républicaines, terrorisme de droite, Torreton/Depardieu, libertarisme des Femen
Bon, je continue de visiter les règlements de compte de Bernanos avec la droite "bien-pensante" de 1870 à 1937 (car j'ai aussi acheté son "Les grands cimetières sous la lune"). Je laisse le côté de l'anti-sémitisme qui, un jour, méritera un commentaire spécifique. Ces livres soulèvent d'importante questions : qu'eût été le monde si une sorte d'ultra-monarchisme "intègre" dont rêvait Bernanos avait réussi sa restauration ? Je me suis posé des questions similaires dans l'autre sens en 2009 quand je me demandais ce qu'aurait donné une république communiste en France. Il faut toujours se demander ces choses-là, car ces questions vous guérissent de l'impression de "Weltgeschichte ist Weltgeright" qui s'impose à nous à travers les catégories scolaires. Quand Bernanos dit que la bourgeoisie à partir de la Révolution a privatisé les droits et socialisé les devoirs (en faisant peser sur l'Etat l'obligation d'éduquer le peuple par exemple), je trouve que c'est une parole forte, mais, en même temps, je ne vois pas bien comment le ultra, eux, avec leurs écoles catholiques, auraient réussi une aussi complète élévation de la paysannerie à la culture que ne le fit Jules ferry (et ce quoi que l'on pense de cette culture républicaine qui était loin d'être totalement honnête...)
Il y a toujours du bon à lire ses adversaires. J'apprécie de trouver sous la plume de Bernanos le portait d'un Jaurès en universitaire démagogue qui rallia la classe populaire au dreyfusisme (identifié par la droite à la trahison des clercs), comme j'aimais lire sous la plume de Romain Rolland une présentation d'un Jaurès faible, trop jovial, trop enclin au compromis. Il faut connaître toutes les facettes des icônes historiques, toutes les façons dont elles ont pu être considérées en leur temps, sans pour autant adhérer à aucun des points de vue. Et je vais même vous dire : alors que ma famille fut victime du franquisme espagnol (puisque mon grande père, qui fit partie des gardes civils républicains lui fit la guerre et s'exila, sans quoi je serais né aragonais), j'aime à lire ce jugement de Bernanos selon lequel les républicains ne sont pas fondés à se plaindre de ce que des généraux fêlons fussent instrumentalisés par la réaction, puisqu'eux-mêmes n'avaient pas hésité à utiliser la trahison d'autres généraux pour renverser la monarchie en 1931. Et j'aime d'autant mieux cela que le propos émane d'un écrivain ultra qui a le courage de dénoncer l'essence terroriste du franquisme (avec d'ailleurs des lignes lumineuses aussi sur le terrorisme catholique espagnol en Flandre au XVIe siècle) et le risque (avéré en 1940) que la droite française capitule complètement devant ce terrorisme-là. Oui, il faut entendre quand on nous dit certaines vérités désagréables sur les partis de gauche, républicains ou autres. La politique n'est jamais menée par des enfants de coeur, et la question est de savoir jusqu'où un intellectuel doit valider la Realpolitik, surtout celle de son camp. Bernanos a un argument fort : la peur ne peut pas légitimer une politique, et ce aussi bien lorsqu'elle est le moteur de compromis iniques que celui du terrorisme.
Ce voyage dans le passé bien sûr éclaire le temps présent : cette triste aventure de notre gouvernement Ayrault-Hollande, frêle esquif embarqué sur les eaux d'une société où l'égoïsme, la lâcheté conformisme, la bêtise en un mot (grand thème de Bernanos) gouverne aussi sûrement les coeurs que les grandes banques le porte-feuille. L'affaire Depardieu cristallise l'ultime volonté d'un peuple de croire qu'il pourrait vouloir être solidaire. L'ultime "volonté de volonté". L'appel de Torreton dans Libé et les morsures que lui infligent en retour les vedettes du show-biz (Lucchini, Gad Elmaleh, Deneuve) en disent aussi long sur la difficulté de dire encore quelque chose "de gauche" dans ce pays, que les grands moulinets dans le vide du camarade Montebourg.
Alors ont-ils raison de vouloir déplacer le combat sur le terrain "sociétal" nos camarades socialistes ? Oui et non. Cette dictature grossière des "théories du genre" qui veulent interdire aux petites filles de jouer à la poupée et aux petits garçons les jeux de guerre constitue, comme l'a noté à juste titre Pinker, une queue de comète du stalinisme dont on se serait bien passé... Queue de comète sur le mode de la répétition comique de tragédies anciennes, avec la nonne Clémentine Autain dans le rôle du nouveau Jdanov. Et cependant tout n'est pas à jeter dans cet effort pour réformer les moeurs. Prenez les Femen par exemple : en regardant la prose de ce mouvement, qui jusqu'ici se bornait à imposer la violence phallique de corps d'Amazones transformées (avec plus ou moins de succès) en Robocop, je vois émerger ça et là en leur sein (quoique souvent honteusement, et sans doute sous l'éteignoir des bonnes soeurs intégristes de leur club) d'intéressants appels à la liberté sexuelle, dont l'Egyptienne Alia Elmahdi, qui manifestait avec elles en Suède cette semaine, se fait l'avocate (maladroite certes, mais bon). On aurait tort de ne voir là que des manipulations de la Fondation Soros. Cette liberté là ne viendra peut-être pas complètement à bout du pouvoir des banques, mais elle en sera toujours un frein, car, même si Cohn-Bendit est trop sot pour le voir, elle reste incompatible avec le productivisme libéral. C'est pourquoi je reste proche à certains égards de la mouvance écologiste, plus que ne le furent les staliniens de la mouvance anti-impérialiste qui n'y voyaient que des alliés "verts de gris" de l'autoritarisme de l'OTAN. Le nouvel ordre écologique et le libertarisme sexuel restent des instruments très importants de la réforme sociale à venir.