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Le blog de Frédéric Delorca

Petit retour sur la question des laboratoires bactériologiques en Ukraine

5 Mars 2022 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Peuples d'Europe et UE, #Le monde autour de nous, #Colonialisme-impérialisme, #Débats chez les "résistants"

Comme je le disais ici il y a 8 jours, seuls les historiens pourront déterminer si V. Poutine a eu des raisons objectives de pas limiter son intervention en Ukraine à la simple défense du Donbass.

Les gens qui tombaient sur mon blog en cherchant des informations sur les laboratoires américains d'armes bio-chimiques en Ukraine, m'ont semblé faire fausse route s'ils tentaient d'y voir la cause stratégique de l'invasion vu la source de cette rumeur, l'ex-député Alexey Zhuravko (Alexeï Jouravko).

Et puis voilà qu'un auteur anonyme, Julien G (est-ce si dangereux d'écrire sous son vrai nom en ce moment en matière géostratégique ?), sur le site du Courrier des stratèges, hier, a publié un article tentant de creuser cette hypothèse sous le titre "Pourquoi les États-Unis financent-ils des bio-laboratoires militaires en Ukraine?"

Il y explique que « L’opération militaire russe en Ukraine a "coïncidé" avec le lancement prévu de bio-laboratoires militaires américains à Kiev et à Odessa.» Tout en ajoutant que « L’ambassade des États-Unis en Ukraine a depuis supprimé de son site Internet les documents relatifs aux 11 laboratoires biologiques financés par le Pentagone en Ukraine. » Pas de chance...

Alors que reste-t-il comme élément de preuve si l'ambassade a tout supprimé d'un clic de souris ? Un accord  sur la « lutte contre les agents pathogènes hautement dangereux » en Ukraine figurant sur un site officiel américain. En fait ce contrat est un amendement à un contrat antérieur, signé dans le cadre de la Réduction coopérative des menaces (en anglais Cooperative Threat Reduction  - CTR).

Quand on regarde un peu l'historique on se rend compte que cette affaire de coopération pour la réduction des menaces remonte à au moins 2005 (juste après la Révolution orange) date à laquelle l'Arms Control Association écrivait :

"La coopération américaine avec l'Ukraine dans le cadre du programme Nunn-Lugar Cooperative Threat Reduction (CTR) a été élargie le 29 août avec un accord d'utilisation des fonds américains du CTR pour améliorer la sécurité des agents pathogènes stockés dans les établissements de recherche biologique et de santé de l'ancienne république soviétique.

En vertu de l'accord, les fonds du CTR iront pour la première fois directement à des projets visant à sécuriser les souches pathogènes et les connaissances biologiques sensibles en Ukraine. Les États-Unis s'efforceront également d'améliorer les capacités ukrainiennes à détecter, diagnostiquer et traiter les épidémies de maladies infectieuses, ainsi qu'à déterminer si les épidémies sont naturelles ou le résultat du bioterrorisme.

L'accord a été signé lors de la visite à Kiev d'une délégation américaine de haut niveau conduite par le président de la commission sénatoriale des relations étrangères Richard Lugar (R-Ind.) et le sénateur Barack Obama (D-Ill.).

Parmi les installations en Ukraine destinées à recevoir des mises à niveau de sécurité figurent celles autrefois liées au réseau anti-peste de l'ère soviétique, qui continuent de stocker des bibliothèques d'agents pathogènes naturels à des fins de recherche et de santé publique. Andy Fisher, porte-parole de Lugar, a déclaré à Arms Control Today le 15 septembre que les installations anti-peste "étaient des menaces et ce sont des menaces", étant donné le risque qu'une mauvaise sécurité puisse permettre aux terroristes d'accéder à des agents pathogènes. Fisher a également évoqué la possibilité que des procédures d'exploitation et des équipements obsolètes puissent entraîner la fuite involontaire d'agents pathogènes de ces installations, mettant en danger la santé publique de la région.

La coopération dans le cadre du nouvel accord ne se limitera pas à la sécurité physique vis-à-vis des agents pathogènes. Des fonds seront également disponibles pour l'emploi pacifique de scientifiques dont les compétences et l'insécurité financière pourraient en faire des cibles potentielles pour les États ou les groupes indépendants cherchant à acquérir des capacités d'armes biologiques. En outre, l'accord comprend des dispositions pour la coopération entre les laboratoires épidémiologiques américains et ukrainiens dans le diagnostic des épidémies. À cette fin, les agents pathogènes des établissements de santé et de recherche ukrainiens seront partagés avec des laboratoires partenaires américains. Dans le cadre d'un accord CTR avec l'Azerbaïdjan, les États-Unis ont également reçu le mois dernier un transfert d'agents pathogènes provenant d'installations similaires dans cette ancienne république soviétique."

A première vue tout cela était censé être purement pacifique. Mais revenons à l'article de Julien G. Il explique précisément que dans le cadre de cet accord, en juin 2010, a été ouvert à l’Institut de recherche Mechnikov Anti-Peste à Odessa en présence de l’ambassadeur américain John Tefft, le premier centre biologique d’Ukraine.

Il cite ensuite les propos du secrétaire du Conseil de sécurité russe, Nikolai Patrushev dans l’hebdomadaire Argumenty I Fakty en septembre 2021 repris par l'agence Tass, "Les laboratoires biologiques que Washington met en place à travers le monde mettent en péril la santé de dizaines de millions de personnes, violant ainsi leurs droits".

Puis Julien G nous oriente vers les propos du  directeur américain du programme Cooperative Threat Reduction Program, Robert Pope, le 26 février dernier qui estime que l'offensive russe met en péril la sécurité des installations ukrainiennes (11 laboratoires) aménagées dans le cadre des programmes CTR notamment en cas de coupure d'électricité en ce qui concerne les virus stockés dans les réfrigérateurs. Cela dit Robert Pope se sentait obligé de préciser que des experts extérieurs ont reconnu que ses investissements dans les laboratoires ex-soviétiques n'étaient pas des "opérations camouflées pour créer des armes biologiques" (not a covert bioweapons operation). Qui croire ?

Tout cela était en tout cas d'autant plus inquiétant pour les Russes, nous dit Julien G, que la « Defense Threat Reduction Agency » (DTRA), du Département de la Défense, qui finance les 11 laboratoires entretient la confusions en externalisant son activité auprès d'organismes privés dont les employés jouissent par ailleurs de l'immunité diplomatique.

Propagande contre propagande. On sent bien qu'il sera aussi difficile de savoir ce qu'il se passe dans ces 11 laboratoires qu'il le sera de deviner ce qui s'est passé en 2019 dans le laboratoire P4 de Wuhan supposé être à l'origine de la diffusion du SRAS-Cov-2. Mais c'est quand même un élément de réflexion utile à apporter au débat sur l'invasion russe de l'Ukraine.

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